Test | Specialized Epic Expert : un classique revisité - Specialized Epic Expert : présentation statique et technique

Par Olivier Béart -

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Test | Specialized Epic Expert : un classique revisité - Specialized Epic Expert : présentation statique et technique

En statique : le cadre

Nous n’allons pas refaire ici toute la présentation détaillée du nouveau Specialized Epic en version 2018. Pour cela, nous vous renvoyons au long article que nous avons publié lors de sa présentation. Nous allons par contre nous attarder un peu sur cette version Expert et sur ces spécificités.

La différence se situe principalement au niveau du poids, quelque 10% plus élevé que sur le S-Works. On passe de 1870g à un peu plus de 2kg ici, ce qui reste malgré tout très léger. Plus léger notamment que l’Epic S-Works de la précédente génération, et ce score place l’Epic parmi les cadres les plus légers du marché, alors que cela n’a jamais vraiment été son fort par le passé. Côté rigidité et comportement par contre, Specialized annonce avoir voulu garder les mêmes paramètres sur toute la gamme. Quant au cadre Fact 11M, on le trouve autant sur le Pro que l’Expert et le Comp Carbon, qui disposent désormais tous d’un avant, mais aussi d’un arrière en carbone, alors que sur la précédente génération, les Expert et Comp restaient sur un arrière en alu.

Parmi les détails qui ont attiré notre attention, on notera le passage semi-interne des câbles, particulièrement bien pensé et qui facilite les opérations de montage/démontage ; la présence d’un boîtier de pédalier fileté, dont la fiabilité et le côté pratique ne sont plus à prouver ; et enfin la possibilité de monter deux porte-bidons, ce qui n’est pas très courant sur les fulls.

Géométrie

Si certaines marques ont initié des évolutions radicales dans la catégorie, comme Scott avec le Spark qui a évolué en profondeur sur ce point lors de la sortie du dernier millésime, Specialized a choisi des évolutions nettement plus douces. La profondeur du cadre (reach) n’a rien de démesuré (433mm en taille M, soit 1cm de plus qu’avant), mais elle s’allonge légèrement et la potence se raccourcit (75mm en M contre 90). Quant à l’angle de direction, il perd 1,5°, pour passer de 71 à 69,5°, et la douille de direction est plus basse qu’auparavant. C’est dans l’air du temps, et cela nous plaît. Par contre, les bases, déjà relativement courtes, ne bougent presque pas, avec 438mm.

Même si les changements n’ont rien d’extrême et ne déconcerteront pas ceux qui connaissaient la précédente génération de l’Epic, l’idée est néanmoins de rendre le nouvel Epic moins rétif dans les passages techniques de plus en plus engagés des tracés XC contemporains, et d’augmenter la confiance sans rien perdre à l’agilité du vélo. Pour cela, si le vélo s’allonge un peu et si l’angle de direction est un peu plus couché, Specialized a joué avec le déport de fourche (offset) pour le faire passer de 51 à 42mm. Une tendance qu’on va rencontrer de plus en plus souvent (voir l’Orbea Rallon R5 en enduro ou encore le Transition Sentinel) et qui mérite bien quelques mots d’explication.

C’est un peu technique et complexe à comprendre, mais nous allons nous efforcer de rendre cela le plus simple possible. En fait, en réduisant l’offset (déport), on augmente le « trail », ou « chasse au pneu » en français. Concrètement, cela donne plus de grip à la roue avant, et cela augmente le phénomène d’auto-centrage de la roue (ce qui permet, quand on roule à une certaine vitesse, de garder la roue droite et de la ramener vers son « point milieu » même quand on lâche les mains du guidon par exemple). C’est un peu comme un chien en laisse : plus elle est longue, plus l’animal a de liberté de mouvement. Et inversement.

Avec un angle de chasse réduit/plus couché, on augmente la stabilité, mais en réduisant le déport, on évite le sentiment d’effondrement de la roue en virage. On est donc plus stable en virage tout en étant moins sous-vireur, et donc sans perdre en maniabilité du vélo. On a par contre moins de micro-mouvements de la roue avant, sans pour autant avoir une direction lourde.

Aujourd’hui, avec l’évolution des façons de rouler et des géométries (cadres plus longs, angle avant plus couché), un déport de fourche réduit prend tout son sens

Tout cela a l’air miraculeux, au point qu’on se demande pourquoi on ne l’a pas fait plus tôt. La réponse est liée à l’expérience acquise avec les années sur le 29″ qui, depuis ses débuts, semblait condamné à avoir un angle de direction très droit et un grand déport de fourche pour compenser l’effet gyroscopique plus important des grandes roues par rapport à un 26″. Mais il s’agit en fait plus d’un leurre, donnant des vélos plus vifs et sensibles aux micro-mouvements pour rappeler les petites roues. Cela collait plus aux pratiques d’il y a quelques années, avec des angles de direction de 70 à 72° en 29″. Mais aujourd’hui, avec l’évolution des façons de rouler et des géométries (cadres plus longs, angle avant plus couché, douille plus courte), un déport réduit prend tout son sens. Et c’est pour cela qu’il est probable que cette tendance se répande à l’avenir. Attention toutefois : il s’agit d’un tout, et toucher au déport de fourche sur un vélo non prévu pour est toujours délicat.

Sans que ce soit directement lié à cette histoire d’offset, nous avons constaté que, contrairement à d’autres vélos (comme le Spark), où nous apprécions de surtailler un peu au moment du choix du cadre (quitte à raccourcir la potence), nous avons ici opté pour la taille M recommandée pour notre équipe de testeurs dont les tailles vont de 176 à 182 cm.

Cinématique et suspensions

En espérant ne pas vous avoir complètement perdus sur cette explication concernant le déport de fourche, on enchaîne avec un autre sujet bien technique à propos des suspensions ! Ne cachez pas votre joie, on sait que vous aimez ça. La principale modification au niveau de la suspension du Specialized Epic concerne l’abandon du fameux point de pivot Horst Link sur les haubans, et donc de la cinématique de type four bar linkage pourtant emblématique de la marque.

Les raisons sont simples : gain de poids (de l’ordre de 240g), mais aussi en fiabilité et en simplicité d’entretien avec la suppression d’un point de pivot. Techniquement, la nouvelle suspension de l’Epic est donc de type mono-pivot avec biellette, et la (légère) déformation du triangle arrière se fait désormais par la flexibilité du carbone au niveau des haubans et plus via un roulement sur les bases.

Pour se marier à cette nouvelle cinématique et contrer la légère perte de sensibilité ainsi que « l’effet de lame » caractéristique quand on compte sur la déformation d’un matériau pour faire pivot, le Specialized Epic version 2018 est doté d’un tout nouveau système Brain et d’un nouvel amortisseur, tous deux développés cette fois avec RockShox, alors que ce système avait toujours été produit en partenariat avec Fox jusqu’ici.

Désormais situé derrière l’axe de roue pour augmenter le bras de levier et donc la sensibilité au déclenchement de la petite masselotte, le Brain est réglable sur 5 positions, de plus souple (ouvert) à plus ferme. La Durit qui connecte l’amortisseur et le Brain a aussi été revue et se connecte désormais à même la biellette, dans laquelle le fluide circule, pour avoir le trajet le plus court possible et éviter les turbulences. Ce qui influence aussi la sensibilité. Enfin, on trouve toujours le très pratique système Autosag, permettant de régler très facilement l’amortisseur à la bonne pression.

 A l’analyse théorique de cette nouvelle suspension sur base des courbes et des différentes valeurs, on se rend compte que son efficacité au pédalage devrait être meilleure naturellement (hors action du Brain) dans la mesure où la valeur d’anti-squat est constante et proche de 100% avec un plateau de 32 dents, dont le sommet est parfaitement aligné avec le point de pivot principal. Une bonne base pour un XC. Par contre, la valeur d’anti-rise est deux fois plus importante par rapport au précédent Epic FSR, et la suspension va avoir nettement plus tendance à se verrouiller au freinage.
L’évolution du ratio, toujours très bas, reste par contre comparable d’une génération d’Epic à l’autre : un peu progressif en début de course donc assez sensible, puis assez linéaire voire régressif. La présence du Brain qui bloque la suspension en l’absence de choc permet de jouer sur le grip et la sensibilité en début de course au niveau de la suspension elle-même. A noter que la fourche RockShox SID adopte, elle aussi, le système Brain.

Equipements

On termine notre tour du propriétaire et nos explications statiques par les équipements. Le Specialized Epic Expert se rapproche très fort de son cousin l’Epic Hardtail, que nous avions testé début 2017. Par rapport à l’Epic Expert de la précédente génération, que nous avions également testé en 2017 dans le cadre d’un grand comparatif des meilleurs fulls XC du moment, les évolutions sont nombreuses et peuvent justifier l’augmentation du prix, de 4699€ à 4999€ pour le petit dernier.

Outre le cadre, dont on a déjà dit qu’il a maintenant aussi un bras arrière en carbone, les roues ont également droit à un passage à la fibre, avec des jantes Roval Control en 22mm de large, montées sur des moyeux Specialized maison. Ce ne sont pas les cercles les plus légers ni les plus modernes de la gamme Roval, puisqu’il s’agit d’anciennes jantes qui reprennent du service en étant montées avec des moyeux maison plutôt entrée de gamme, mais l’avantage en rapport poids/rigidité/solidité par rapport à des cercles alu équivalents est intéressant, même si cette paire de roues, qu’on ne retrouve pas dans la gamme Roval after-market, est au final assez lourde.

Ces roues sont montées avec les excellents pneus Specialized Fast Track en 2.3 devant et 2.1 derrière. Cette différenciation est très intéressante, dans le sens où on augmente le grip devant et où on joue le gain de poids derrière. La gomme Gripton de ces pneus est exceptionnelle et leur solidité en version Grid excellente.

Les accessoires, comme le poste de pilotage et la tige de selle, restent par contre en aluminium, et il y a moyen de réaliser d’importants gains de poids à ce niveau. Sur la selle aussi, on peut gagner quelques grammes, mais son confort et son ergonomie sont vraiment séduisants et on sent que Specialized est un expert en la matière. On réfléchira donc à deux fois avant de la changer !

Pour la transmission, le Specialized Epic Expert est équipé d’une transmission Sram GX Eagle 12 vitesses. Il s’agit d’un inévitable au niveau de la polyvalence avec sa cassette 10/50 dents, bien utile dans la mesure où le nouvel Epic ne peut recevoir de dérailleur avant. Mais qui roule encore en double en XC aujourd’hui ? Cependant, si nous apprécions ce groupe au niveau de sa philosophie, nous avons rencontré de nombreux soucis avec le dérailleur arrière lors du test : prise de jeu, blocage de la chaîne entre le galet et la chape, etc. Après un changement, le test a pu continuer. Mais nous tenons cela à l’œil !

Enfin, au niveau des freins, Specialized a sélectionné les Sram Level TL. Situés en entrée de gamme, ils mélangent un levier identique aux Level TLM plus haut de gamme, mais ils conservent des étriers de précédente génération. Leur puissance est un peu juste, surtout devant, où le disque de 160mm devrait céder la place à un 180 pour avoir des décélérations en rapport avec les capacités de la machine.

Au final, le poids sur la balance n’est pas vraiment impressionnant et ne marque pas réellement la différence par rapport à l’ancien Epic Expert, puisque nous avons pesé notre vélo de test à 10,920g contre 11,010 pour le précédent. Selon nous, le gain de poids sur le cadre est contrebalancé par le poids supérieur de la transmission Eagle et par celui des pneus renforcés ainsi que des roues, lourdes même si elles sont équipées de jantes en carbone.

Maintenant, place à l’essai, que nous vous proposons de découvrir en passant à la page suivante :

ParOlivier Béart

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