Test | Scott Genius 740 : polyvalence absolue

Par Olivier Béart -

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Test | Scott Genius 740 : polyvalence absolue

Compatible à la fois 27,5 et 29 pouces, pensé pour jouer tant sur le tableau du all-mountain que pour performer en enduro (light), le Scott Genius est plus que jamais le monstre de polyvalence qu’il représente depuis ses débuts. Mais ne veut-il pas trop en faire ? Pour tenter de le savoir, nous avons testé le Scott Genius 740 de dernière génération, dans une de ses versions moyen de gamme en aluminium. Essai :

Dans la gamme Scott, le Spark, c’est le vélo de Nino Schurter dans sa version RC dédiée au XC compétition (et aussi aux longues distances, dans lesquelles il excelle), mais c’est aussi un petit 120/130 hyper polyvalent, que nous avions adoré lors de notre prise en main au moment de sa présentation. Au point que nous nous étions demandé s’il n’allait pas faire de l’ombre au Genius. Bon, à l’époque, il s’agissait encore de la version précédente, mais même depuis que la toute dernière génération est sortie, on se dit qu’il y a de la compétition en interne. Il sera intéressant, lors de ce test, de tenter de bien cerner les différences entre les deux modèles.

Au sein de la famille du Scott Genius, on peut choisir entre plusieurs cadres alu ou carbone et surtout entre deux tailles de roues : la série 700 avec du 27,5+, monté en 2.8, et la série 900 en 29″ monté en 2.6. Le premier prix en 700 est à 2599€ (750), alors qu’en 900, c’est l’équivalent de notre montage (940) qui ouvre le bal à 3399€. La gamme culmine avec l’Ultimate en 700 (9799€) et le Tuned orange et vert très reconnaissable en 900 (7499€). Petit moyen mnémotechnique pour s’y retrouver : les versions impaires (750, 730,…) sont en double plateau et les nombres pairs sont en mono.

Cadre

Sur notre Scott Genius 740, on se situe en entrée de gamme et on a donc un cadre entièrement en aluminium 6061 hydroformé, identique pour les 750/740/730. On dispose d’un cadre en carbone/alu à partir du 720 et seuls les Tuned et Ultimate ont un châssis full carbone. La principale différence va se situer au niveau du poids, Scott étant un champion en la matière sur ses modèles haut de gamme, alors qu’on va se situer ici plus dans la moyenne des gros cadres de trail (et donc assez généreusement au-dessus des 3kg).

De loin, difficile, voire presque impossible de dire que c’est un alu : merci l’hydroformage ! Le tube de selle et le tube supérieur aux formes très complexes sont là pour l’illustrer. Jamais il y a quelques années cela n’aurait été possible, et ça redonne de sérieuses lettres de noblesse au métal.

Les soudures sont bien visibles de près mais très propres et bien plates. Un gros travail a été fait au niveau du berceau de l’amortisseur, et cela se voit. Le passage des gaines se fait en interne, c’est propre et les arrêts sont bien pensés, mais le passage au niveau du boîtier de pédalier est plus complexe, ce qui nécessite souvent d’enlever les roulements. Et cela signifie la plupart du temps devoir les remplacer, à cause du PFBB92 qui n’aime pas trop qu’on y touche. On regrette aussi que la belle peinture mate, bien que facile à laver, se raye et s’écaille très facilement. Il y a des efforts à faire de ce côté, surtout sur l’alu car les versions carbone nous semblent plus solides à ce niveau !

Géométrie

Du côté de la géométrie, on peut parler de changement assez radical. La précédente version du Scott Genius commençait à accuser le poids des ans et à s’éloigner des dernières évolutions en la matière. A l’image du dernier Spark, le nouveau Genius se replace en tête de peloton avec des valeurs qui démontrent la volonté de faire un vrai vélo de montagne, avec de l’angle à l’avant (65/65,6° selon le réglage et les roues contre 67,5 ou 68° pour son prédécesseur), des bases courtes (436mm, soit quasi 1cm de moins) et un angle de tube de selle bien redressé pour favoriser le pédalage. Le refrain est connu et il faudra voir si la mélodie se joue bien sur le terrain, mais les chiffres sont encourageants.

Une observation tout de même : malgré une valeur de reach très élevée (472mm en taille L, utilisée pour cet essai), le Scott Genius ne semble pas du tout un vélo hyper long quand on en prend les commandes. C’est déjà un point que nous avons soulevé sur le Spark, choisi aussi en L pour des testeurs entre 178 et 182cm alors que, sur papier, le M et son reach autour de 450mm aurait pu convenir. Mais pas sur le terrain.

On remarque aussi que la biellette est équipée d’un petit excentrique afin de faire varier la géométrie. Ce n’est pas nouveau chez Scott et plusieurs générations de leurs vélos ont déjà été dotés de ce type de réglage, mais pour la première fois il prend ici tout son sens : adapter les angles (sur 0,4°) et la hauteur du boîtier (0,6cm) à la taille de roues choisie (sur l’ancien Genius, nous n’avons jamais compris à quoi servait réellement la position haute).

En 27,5 pouces, on peut descendre jusqu’à 2.5 de section sur les pneus, avec du 2.8 en monte standard ; et en 29, Scott recommande de jouer entre 2.4 et 2.6 maxi. Voici un petit récapitulatif des recommandations :

  • 27,5 x 2.5 : position haute quasi obligatoire. En « low », ça va taper au niveau des manivelles !
  • 27,5 x 2.8 : position haute recommandée, mais il est roulable en « low » et on peut envisager cette dernière pour les pilotes plus engagés.
  • 27,5 x 2.8 derrière et 29 x 2.4 devant : position haute ou basse, il y a le choix. En « high », le vélo est équilibré, mais pour un usage dans la grosse pente et si on accepte de toucher parfois les manivelles, la position basse est un must et donne un côté plus « gros enduro » au Genius.
  • 29 x 2.4 : Position basse recommandée, en « high », on est vraiment haut perché. On imagine qu’en 29×2.6 (que nous n’avons pas testé), c’est encore plus vrai.

Notons que le changement du flip ship est très facile, donc il ne faut pas se priver de faire des essais pour se forger sa propre opinion. D’autant qu’il n’influence pas réellement le fonctionnement de la suspension et qu’il ne nécessite pas de changer tout ses réglages, même si, au fil du temps, de petites adaptations pourront être réalisées en fonction des autres paramètres.

Cinématique et suspensions

Ici, autant dire que Scott est reparti d’une page blanche par rapport à la précédente génération. Non seulement cela n’a plus rien à voir visuellement, mais au niveau de la cinématique non plus, puisqu’on passe d’un système de type mono+link à un four bar linkage à pivot horst link sur les bases.

Quand on compare la courbe de ratio du dernier Scott Genius et de son prédécesseur, on se rend compte que si l’ancien était équipé d’une suspension très dégressive, typée XC, la nouvelle est nettement plus progressive. On n’est pas sur une courbe typique d’un gros enduro, mais sur une courbe de bon all-mountain.

Par contre, si l’ancien Genius avant une suspension dégressive, son anti-squat (anti-pompage) était limité. Ici, il est nettement plus présent et on a une suspension peu sensible au pédalage, avec un point de pivot principal placé pile au sommet des dents du plateau de 32 dents. La logique de conception de l’ancien et du nouveau Genius sont donc complètement opposées… mais la dernière mouture semble nettement plus cohérente. La valeur d’anti-rise montre aussi qu’on garde une suspension bien active au freinage et qui ne va pas « pousser » le pilote dans la pente au moindre effleurement du levier.

La fameuse commande Twin Lock permettant de jouer sur la compression de l’amortisseur depuis le guidon (3 positions : ouvert, pédalage et blocage quasi complet) est toujours présente, mais l’amortisseur n’est pas le Nude développé spécifiquement pour Scott. En effet, sur le Nude, le débattement est réduit à 110mm en plus d’avoir un freinage de compression en position intermédiaire, mais ici on a juste l’anti-pompage. Extérieurement, cela ne se remarque pas, mais nous verrons plus loin ce qu’il en est sur le terrain. A noter aussi que, si on peut faire évoluer son Genius 940 avec le Nude au cas où, on ne pourra par contre pas (ou très difficilement) placer un « gros » amortisseur à bonbonne sur aucun modèle de la gamme.

Equipements

En tant que version « d’accès », le Scott Genius 740 de cet essai ne laisse pas vraiment la place à des composants luxueux. Mais le montage apparaît comme cohérent pour le programme et si des concessions ont été faites sur le poids à certains niveaux, il ne semble pas y en avoir eu sur l’ergonomie ou la fonctionnalité.

Les suspensions viennent de chez Fox avec le niveau de gamme Performance devant comme derrière. On l’a évoqué au chapitre suspension, mais l’amortisseur est un classique 3 modes et pas la version Nude spécialement développée pour Scott. A l’avant, la Fox 34 a aussi 3 positions pour la compression, et l’ensemble fonctionne vraiment de concert, même si par moments la fourche semble un peu dépassée par les capacités du vélo. Nous y reviendrons.

Au niveau de la transmission, le Sram GX Eagle sonne comme une évidence à ce niveau de gamme. Il offre toute la polyvalence nécessaire pour ce type de vélo et son fonctionnement est bon même si on n’a pas la rapidité et la précision du haut de gamme. Seul bémol : ce modèle de manivelles large a un revêtement qui a tendance à s’user assez vite, alors que Sram nous a habitués à mieux. Le petit anti-déraillement Scott est quant à lui efficace et discret. Bien vu.

Les freins Shimano MT500 fonctionnent aussi bien que des XT, et les roues Syncros, pas vraiment dynamiques, ont au moins le mérite d’être robustes. Elles ont en tout cas très bien résisté à notre test. Enfin, du côté des pneus, ce sont les inévitables Maxxis Rekon en 2.8 qu’on retrouve. Un choix polyvalent et judicieux, même si à l’avant il perd vite les pédales dans la boue. Mais alors, c’est carrément sur une roue de 29 qu’on vous suggère de passer, plus que sur un autre pneu Plus…

Le poste de pilotage signé Syncros, avec cintre de 760mm de large et potence de 50mm, est esthétique et ergonomique, alors que la tige de selle télescopique de la même marque (appartenant à Scott) fonctionne très dignement même si un peu de jeu est apparu en fin de test. Elle est en 100mm de débattement sur la taille S, 125 en M et 150 en L et XL. La commande au cintre est basique mais fiable et il est aussi possible de la régler de sorte à pouvoir activer le Twinlock en même temps que cette dernière, afin d’ouvrir les suspensions en même temps qu’on abaisse la selle. Malin !

Au final, notre Scott Genius 740 en taille L pèse 14,18kg. Ce n’est pas léger, mais c’est dans la moyenne du segment. Côté prix aussi, il n’est pas loin d’un Specialized Stumpjumper Comp AL (3499€) et de vélos comparables de grandes marques. Pour trouver sensiblement moins cher, il faut aller voir du côté de marques de vente directe comme Rose avec le Root Miller (2915€) ou encore Canyon dont le tout nouveau Spectral est nettement moins cher à équipement comparable (Spectral 6.0 AL à 2699€).

Scott Genius 740 : le test terrain

Quand on regarde et qu’on enfourche ce Scott Genius 740, dur de se rendre compte qu’on se trouve sur une version d’accès. Alors, certes, son tarif est déjà coquet, mais il n’a rien d’inaccessible. Et son poids ne se sent vraiment pas, de sorte qu’il fait d’emblée honneur à la réputation de polyvalence qui colle à son nom depuis plusieurs générations.

Le Scott Genius 740 ne roule certainement pas comme un Spark RC. Ni même comme un Spark Plus (ou 700 dans la dénomination actuelle), qui reste quand même plus vif à la relance et adapté à ceux qui envisagent un usage sur des raids ou des longues distances techniques mais avec un objectif de performance. Ici, on est face à un vélo qui sait rouler, et qui se place parmi les meilleurs pédaleurs de son segment (un peu au-dessus d’un Specialized Stumpjumper d’ailleurs), mais qui invite plus à se reposer le nez au vent dans les portions roulantes. Surtout dans cette version alu aux roues peu dynamiques, qui ne se prête pas vraiment aux relances et au pilotage nerveux.

Par contre, pour reprendre l’expression d’un de nos testeurs, « c’est une vraie machine à enchaîner les côtes pour aller chercher les DH ». En effet, dans les ascensions, il est vraiment très efficace grâce à sa suspension assez peu sensible au pompage et aussi à son système Twinlock qui incite réellement à durcir la suspension dès que nécessaire. Sur l’ancien Genius, c’était une obligation de s’en servir pour compenser le caractère très creux de la suspension. Sur le nouveau, c’est un petit plus non indispensable mais agréable. On ne se sert d’ailleurs que rarement du pur blocage, sauf sur route, mais l’intermédiaire est agréable pour grimper. Seul bémol avec ce Twin Lock, cela donne un poste de pilotage très chargé avec des câbles un peu dans tous les sens. Et encore, on n’a pas de dérailleur avant !

En mode intermédiaire, la suspension reste active et le grip très présent, surtout avec le pneu arrière en 2.8, qui ne s’avoue vaincu que dans la boue collante. Mais dans la rocaille, c’est impossible de le prendre en défaut. Pour revenir à la suspension, l’absence du Fox Nude et de son débattement qui se réduit de 150 à 110mm en position intermédiaire n’est pas vraiment un handicap. On note juste que l’arrière a un peu plus tendance à s’affaisser sur notre version, mais en contrepartie, « notre » position intermédiaire est plus utilisable sur un singletrack plat et flow, où on apprécie d’avoir une compression un peu plus freinée.

En descente, pas de discussion possible, on ouvre tout. L’arrière se montre très efficace, ne donne jamais l’impression d’être dépassé et reste bien actif au freinage, de sorte qu’il est très sain dans la pente. On sent bien les 3cm de débattement en plus par rapport au Spark 700, déjà très capable, mais dont on verra plus les limites si on aime les sentiers où ça tabasse. Puis, il y a sa géométrie, vraiment moderne, avec des bases courtes qui permettent de virer serré, son reach généreux qui permet de se sentir en confiance et « dans le vélo » à l’approche des portions tendues. Un régal !

Pour autant, ce n’est pas un vélo d’expert ou de puriste, mais plutôt une monture facile à prendre et main et à appréhender. Les gros pneus en 2.8 y sont pour quelque chose, mais une fois encore, à l’avant, nous ne sommes pas vraiment convaincus. Dans la rocaille, pourquoi pas, mais dès qu’il y a de quoi mettre des appuis, ça manque clairement de précision. Donc on a fait ce qu’on adore (et tant pis si c’est interdit par l’UCI, on ne parle pas ici de compétition), on a mis une roue de 29″ devant !

On peut alors passer en position « low » au niveau de la biellette sans craindre de taper les manivelles régulièrement, avec un avant nettement plus précis et un arrière qui a du grip, du frein, qui pardonne beaucoup et qui n’empêche pas de drifter quand on donne un coup de frein. Ce n’est toujours pas un bike d’enduro pur et dur, mais c’est un vélo aussi redoutable qu’amusant. Nous n’avons pas eu l’occasion de le tester en 29 pouces devant/derrière par manque de roue adaptée au moment de l’essai, mais on ne doute pas que cette configuration soit aussi agréable et cohérente.

Dans ces circonstances, c’est alors la Fox 34 qui montre ses limites. Son amortissement n’est pas en cause car la roue est bien collée au sol, mais elle semble un peu souple et sous-dimensionnée par rapport aux capacités du vélo. Peu d’utilisateurs le sentiront et on ne dit pas qu’elle devrait être remplacée par une 36 sur toute la gamme, comme sur le Tuned, mais il pourrait y avoir une ou deux versions body-buildées de plus dans la gamme, histoire que ceux qui veulent envoyer du gros sur un Genius ne soient pas obligés de débourser les 7499€ demandés pour le Tuned. Justement, on se dit que pour éluder ce type de reproche, une vraie version LT serait intéressante, car il y a actuellement un gros gap entre ce Genius qui mise tout sur la polyvalence et le Gambler de DH…

Pistes d’évolutions

Dans ce nouveau chapitre que nous ajoutons à nos essais, nous donnons quelques pistes quant aux équipements qui peuvent être changés pour faire évoluer sa monture et mieux en profiter. Notre premier conseil : investir dans une roue avant en 29 pouces ! Ou une paire différenciée plus haut de gamme, qui va apporter plus de précision à l’avant et de « pep’s » à l’arrière. A défaut, un pneu avant plus accrocheur (comme un Maxxis Minion DHF 2.8) sera un plus.

Il y a beaucoup de marge d’allègement sur les composants, mais le cadre restera toujours assez lourd sur cette version. Pas sûr que le jeu en vaille la chandelle. Par contre, peut-être qu’un changement de fourche se fera sentir pour les pilotes au profil plus enduro et une Fox 36, comme sur le Tuned, aurait bien sa place ici. Mais c’est un investissement lourd et attention au choix de la version pour ne pas perdre les réglages Twin Lock. Ce serait dommage.

Verdict

Malgré son châssis alu, ce Scott Genius 740 n’a rien d’une version au rabais et il permet déjà de goûter à la plupart des charmes de la famille. Les modèles carbone permettent sans doute de gagner un peu en nervosité et au pédalage, mais on est déjà sur un package très convaincant ici. Les améliorations par rapport à la précédente génération sautent aux yeux et ce nouveau Genius, bluffant à pas mal d’égards, se place clairement parmi les références des vélos polyvalents. Il se différencie du Spark 700 en offrant des capacités assez nettement supérieures en montagne ou pour un usage typé enduro, mais à l’issue de ce test, on se dit qu’il y a de la place dans la gamme pour une version encore plus musclée et engagée.

Retrouvez aussi plus de détails et nos premières impressions sur le Scott Genius 700 Tuned dans cet article publié juste après la présentation : www.vojomag.com/prise-en-main-scott-genius-700-tuned-2018
Plus d’infos : www.scott-sports.com

ParOlivier Béart