Test nouveauté VTTAE | Moustache Clutch : le grand saut vers la boîte de vitesses

Par Adrien Protano -

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Test nouveauté VTTAE | Moustache Clutch : le grand saut vers la boîte de vitesses

Il y a des rêves qui prennent plus de temps que d’autres à se réaliser ! Depuis la naissance de la marque vosgienne Moustache, Manu et Greg, ses fondateurs, puis les chefs produit, nourrissaient un objectif ambitieux : concevoir un modèle à boîte de vitesses. Après une première approche avec Pinion, l’envie est devenue projet : Project Box 46. Et ce projet devient aujourd’hui réalité avec l’arrivée du Moustache Clutch, un vélo qui change radicalement la donne pour la marque. Coulisses du développement, prototype, et test terrain : 

Le test vidéo :

C’est sur le stand de Pinion, à l’occasion du salon Eurobike 2024, que l’on avait aperçu pour la première fois ce modèle, répondant au doux nom de code Project Box 46.

La marque l’expliquait à l’époque : le nom changera au moment de son lancement, prévu pour le printemps 2025. Nous y sommes, et nous pouvons enfin découvrir le premier VTTAE à boîte de vitesses de la marque française, qui est aussi un des premiers du genre.

C’est désormais officiel : le Project Box 46 est baptisé Clutch, « un terme anglais familier pour désigner quelque chose d’intense, d’excellent… Rien à voir avec un embrayage », plaisante la marque lors de la présentation du vélo à Freiburg en avril dernier.

On doit vous avouer un petit secret : on a déjà bien fait connaissance avec le modèle avant sa présentation officielle puisque c’est directement au sein des locaux de la marque que nous sommes allés à la rencontre des personnes qui se cachent derrière ce modèle.

On a également eu la chance de repartir de cette visite avec le prototype dans nos valises. De quoi rouler le modèle en avant-première sur nos sentiers habituels de test, on y revient plus bas !

Châssis :

On ne change pas une équipe qui gagne, Moustache reste fidèle à ce qu’il connaît en termes de construction de cadre, entièrement fabriqué en aluminium. C’est entièrement autour de cet ensemble moteur/boîte de vitesse de chez Pinion que Moustache a imaginé, conçu et développé son cadre. Ici, la fonction dicte la forme !

Le Clutch conserve toutefois la « gueule » d’un Moustache et ressemble sur plusieurs points à son cousin le Game, dont on vous a récemment proposé le test : Test nouveauté | Moustache Game 2025 : tout change, sauf l’ADN

Par contre, contrairement au Game, le Clutch bénéficie d’un montage de roues dit « mulet », à savoir une roue de 29″ à l’avant pour faciliter les franchissements et une roue de 27,5 pour maximiser l’agilité du vélo. « Si de plus en plus de marques adoptent le montage « mulet », cela fait dix ans qu’on en est convaincus de notre côté. On a remporté un prix au salon Eurobike en 2014, avec notre Samedi FS27/29 qui était le premier VTTAE mulet », n’hésite pas à rappeler la marque.

Avec le Clutch, Moustache a tenu à abaisser au maximum le centre de gravité du vélo et à centraliser les masses

Avec le Clutch, Moustache a tenu à abaisser au maximum le centre de gravité du vélo et à centraliser les masses. Un défi rendu possible notamment grâce à l’utilisation de la boîte de vitesses Pinion MGU 12 et son placement particulier, mais aussi grâce à la suppression du dérailleur et de la cassette au niveau de la roue arrière, ce qui diminue les masses non suspendues. Nous en reparlerons un peu plus tard.

Le passage de gaine se fait en interne, au niveau du haut du tube diagonal pour une question de praticité, à l’exception du petit câble de commande du moteur qui passe au travers du jeu de direction. Au sein du cadre, une rainure spécifique est prévue pour guider les câbles.

De série, le cadre est équipé d’un kit de protection en TPU protégeant les zones sensibles du cadre contre les impacts et frottements, ainsi qu’un support de bidon Fidlock.

Un feu arrière est directement intégré au collier de selle, de manière simple et discrète. La connectique pour une lampe avant est préinstallée, il ne reste plus qu’à connecter !

Enfin, Moustache propose également un multi-outils installé dans le pivot de fourche, ainsi qu’une petite sacoche placée à l’extrémité de la batterie. De quoi ranger du petit matériel d’urgence.

Assistance :

Coeur du sujet, le Moustache Clutch est mis en vie par le Pinion MGU, pour Motor Gearbox Unit. On remarque de suite la curieuse forme dans laquelle Moustache a placé son moteur, de manière à placer le centre de gravité le plus bas possible.

Au-delà d’une simple assistance, le MGU est un ensemble moteur et boîte de vitesse électronique, tous deux réunis dans un châssis qui reste assez compact et qui pèse environ 4 kg. Cette assistance délivre 85 Nm de couple et une puissance maximale de 600 W. Le châssis est similaire à certains des autres moteurs du marché (on est plus ou moins sur le volume d’un moteur Bosch d’il y a quelques années), mais avec ici une transmission intégrée en son sein. Voilà qui force le respect !

« Fondé par deux anciens ingénieurs de chez Porsche, notre objectif chez Pinion est de transférer le savoir-faire et les technologies du monde automobile à celui du VTTAE », explique le responsable de la marque.

On l’a dit, le Pinion MGU combine moteur et boîte de vitesses à 12 rapports… Au revoir donc la transmission traditionnelle et son dérailleur ! Elle intègre un passage électronique des rapports, qui se veut « ultra précis, fiable et instantané » selon la marque. À l’instar de ce que Shimano propose avec son Di2, un mode automatique est également de la partie : le moteur passe les rapports pour vous en analysant la vitesse, la cadence de pédalage, la puissance…

Compact, robuste, quasiment sans maintenance (seulement un changement d’huile toutes les 10 000 km pour le moteur, et un changement de courroie), et avec un rapport de 600% (contre 520% pour une transmission classique moderne), le système MGU de chez Pinion offre de belles promesses sur le papier.

Et si notre modèle est équipé d’une courroie, il est tout à fait possible d’opter le montage d’une chaîne. On conserve la même construction avec ses deux tendeurs (les ronds noirs que l’on peut apercevoir) mais avec une chaîne cette fois. Et comme c’est une « grosse » chaîne faite pour les vélos de piste, et qu’il n’y a pas de dérailleur, l’usure s’annonce aussi comme bien plus faible qu’avec une transmission classique, même si on opte pour la chaîne à défaut de la courroie (plus onéreuse).

« Avec l’élimination d’environ 750 g du dérailleur arrière et de la cassette, et l’intégration dans le moteur placé au niveau du pédalier, nous ouvrons de toutes nouvelles possibilités, notamment au niveau de la conception du châssis et des suspensions… », ajoute-t-on chez Pinion.

Et pour alimenter ce système, Moustache a développé une batterie sur mesure de 780 Wh, en partenariat avec le fournisseur habituel des batteries Shimano. Objectif : un tube diagonal plus fin, mieux intégré, sans compromis sur l’autonomie. Le port de charge est quant à lui situé à proximité directe du moteur.

Le Pinion MGU est doté d’un très joli écran coloré intégré dans le tube supérieur, et se commande à l’aide d’un anneau qui rappelle celui de chez Fazua. Le petit bouton estampillé « F » que vous pouvez apercevoir sur le bas de la commande peut être configuré sur l’application smartphone de la marque pour en choisir sa fonction (mode boost, changement d’affichage sur l’écran…). Le passage des rapports s’effectue quant à lui au moyen d’une commande assez classique placée sur le côté droit du cintre.

Suspensions :

Outre les promesses de solidité, de fiabilité et de maintenance de la transmission, ce choix de la boîte de vitesses implique d’autres avantages, principalement en termes de suspensions.

En supprimant le poids de la cassette et du dérailleur, qui sont des masses non suspendues, pour les déplacer au niveau du bloc moteur, Moustache est parvenu à abaisser au maximum le centre de gravité du vélo et à centraliser ces masses. Un point essentiel pour permettre au vélo d’offrir un caractère joueur et facile à piloter.

Se passer d’une transmission à dérailleur, c’est également se libérer de certains compromis nécessaires en termes de courbes de suspension. Moustache conserve sa cinématique baptisée « Magic » et qui est en fait un classique 4 Bar Linkage (voir notre lexique) revisité à la sauce vosgienne.

Le Clutch développe 160 mm de débattement à la roue arrière et est équipé d’une fourche de 170 mm, une jolie Rockshox ZEB Ultimate sur cette version prototype de test, et qu’on retrouvera aussi sur certains des modèles de série. Habituellement, Moustache travaille plutôt avec Fox, mais après plusieurs tests, il s’est avéré que l’amortisseur RockShox Vivid Air était le « perfect match » pour le Clutch. Et c’est assez logiquement que la marque a assorti la fourche à l’amortisseur.

Géométrie :

La géométrie du Moustache Clutch se caractérise, en taille M, par un reach de 460 mm, des bases de 450 mm, un angle de direction de 64,2° et un angle de tube de selle de 77°.

Versions et tarifs :

Trois versions sont au catalogue de la marque :

Modèle le plus accessible financièrement, le Moustache Clutch 160.7 (7999 €) est équipé comme suit :

  • Fourche Rockshox Domain R
  • Amortisseur Rockshox Super Deluxe Select
  • Freins Magura MT5
  • Roues maison Moustache

Juste au-dessus, le Clutch 160.8 (8999 €) voit son duo de suspensions monter en gamme :

  • Fourche Rockshox ZEB Select
  • Amortisseur Rockshox Vivid Select
  • Freins Magura MT5
  • Roues maison Moustache

Modèle le plus luxueux, le Moustache Clutch 160.9 pointe à 9999 €. Fiche technique :

  • Fourche RockShox ZEB Ultimate
  • Amortisseur RockShox Vivid Ultimate
  • Freins Magura Gustav Pro
  • Roues Mavic XM1030

Outre ce modèle estampillé « Clutch 160 », Moustache propose également à la vente le Clutch SUV, une version au débattement plus réduit (150 mm avant/arrière) et aux composants ajustés pour un programme plus randonnée et moins gravity.

Moustache Clutch : le test terrain

On vous l’a dit, c’est avant tout avec la version prototype que l’on a eu l’occasion de découvrir ce nouveau châssis, et ce sur nos terrains de jeu autour de la rédaction. Une véritable chance pour expérimenter cet ensemble moteur/boite dew vitesses pour la première fois, de quoi avoir de vrais points de comparaison sur des singletracks que l’on roule régulièrement avec d’autres vélos.

À la première prise en main, on est forcément curieux. Le changement de vitesse sans pédaler demande un petit temps d’adaptation : au début, l’habitude de l’ancienne transmission reste, on pédale pour changer de rapport, on prévoit nos changements de vitesse à l’avance, on ne force pas sur la transmission… Mais très vite, on découvre de nouvelles libertés : passer les vitesses dans un virage, préparer une relance avant une montée, changer de rapport à l’arrêt. On prend le réflexe, tout devient plus fluide et c’est assez agréable à l’usage.

La boîte de vitesses Pinion est en réalité séparée en trois parties, comprenant chacune 4 vitesses : un premier groupe avec les vitesses 1-2-3-4, un deuxième avec les vitesses 5-6-7-8 et un dernier avec 9-10-11 et 12. Au sein même d’un « groupe » de rapport, le passage se fait très naturellement. On ne sent quasiment pas le changement.

Par contre, entre les différents groupes de rapport, entre la vitesse 4 et 5 par exemple (ou 8 et 9), la différence est bien plus marquée. Le changement est légèrement plus lent et surtout ponctué d’un bruit mécanique caractéristique. Si certains finissent par s’y habituer, cela risque de déranger les pilotes les plus sensibles au bruit.

Rassurez-vous, ce bruit mécanique est tout à fait normal. Il s’explique par le contact entre les différentes pièces qui permettent de passer d’un « groupe » de rapports à un autre.

En parlant de bruit, c’est sans doute le principal point perfectible du moteur Pinion. Impossible de le passer sous silence : le MGU se montre plus bruyant que les systèmes concurrents, notamment sur les premiers rapports et/ou en mode d’assistance élevé. C’est d’ailleurs notre principal souhait d’évolution pour ce système : réduire le niveau sonore général. Car une fois cette parenthèse refermée, il faut bien avouer que le reste nous a bluffés.

Au-delà de l’innovation moteur-boîte de vitesses, c’est surtout ce que ce nouvel ensemble permet pour le châssis que l’on a expérimenté dans un second temps. En comparaison avec son cousin le Game, et même si l’on sent bien l’empreinte Moustache sur les deux modèles, la différence de caractère sur le terrain du Clutch est bien explicite.

Le Clutch est un vélo bien plus posé et confortable, avec un côté tapis volant sur les successions de chocs. Avec des airs de petit vélo de descente, le Clutch affiche une capacité à absorber les impacts assez grisante. Pourtant de l’autre côté du spectre, on a une sensibilité sur les petits chocs très appréciable. C’est un point à mettre en lumière avec la qualité des suspensions également !

Côté dynamique, le Clutch n’a pas la vivacité tonique d’un Game, c’est vrai. Plutôt lourd, moins explosif à la pédale… mais en contrepartie, quel grip ! La roue arrière semble rivée au sol, même avec son petit format en 27,5″. Le vélo tracte avec assurance, grimpe partout, et se montre particulièrement efficace en montée technique.

En descente, le poids du vélo semble disparaître. Le Moustache Clutch paraît beaucoup plus léger qu’il ne l’est. C’est un vélo qui se bouge facilement, qui vire très bien et qui aime les petites excentricités de pilotage malgré son poids qui dépasse les 25 kg.

Mention spéciale pour le grip que procure le vélo de manière assez déconcertante et bien au-dessus de ce que l’on attend de prime abord. Le Clutch invite à passer plus vite en virage et à revoir légèrement ses points de freinage. Voilà peut-être l’une des principales expressions du centre de gravité rabaissé du vélo, qui semble collé au sol, dans le bon sens du terme.

Après avoir roulé la version prototype à la maison pendant quelques sorties, nous avons eu la chance de rejoindre l’équipe Moustache à Freiburg pour grimper sur la version de série cette fois.

Pour cette rapide prise en main, c’est la version d’entrée de gamme que Moustache a mise à notre disposition. Si on a retrouvé des qualités identiques à celles perçues sur la version prototype mieux équipée, on a tout de même noté une légère perte de sensibilité, principalement au niveau de la fourche… Logique, compte tenu de la différence de gamme entre les deux !

Par contre, à l’inverse, on a eu l’impression que le bruit du moteur était un peu plus discret sur cette version de série que sur le prototype. La gestion de la puissance du moteur de ce modèle nous a également semblé un peu plus soignée encore, avec une façon de délivrer la puissance plus naturelle. Ce moteur Pinion MGU en a clairement sous le pied, et c’est principalement dans les modes intermédiaires Flow et Flex que l’on a préféré rouler. La raison ? Il s’agit là de modes adaptatifs, qui ajustent la puissance délivrée en fonction de l’effort du pilote.

Au niveau de l’autonomie, la grosse batterie de 780Wh permet de partir l’esprit tranquille. Le moteur Pinion semble consommer un tout petit peu plus que les moteurs concurrents, peut-être en raison de la courroie et des pignons de la boîte de vitesses qui offrent un rendement légèrement en retrait. Mais  pour un pilote de plus de 80 kg, une sortie d’au moins 1600 m de dénivelé est facilement envisageable.

Verdict :

Il y a des rêves qui prennent racine lentement, grandissent patiemment, et finissent par éclore avec éclat. Le Clutch en est l’illustration parfaite. Plus qu’un nouveau vélo, c’est une nouvelle voie que Moustache trace, fidèle à son ADN mais portée par un vent d’innovation. Certes, tout n’est pas parfait, notamment du côté du bruit de l’ensemble moteur/boîte de vitesses, mais l’expérience proposée est clairement différente et terriblement séduisante. En s’affranchissant du dérailleur traditionnel, Moustache ouvre de nouvelles perspectives en termes de comportement, de fiabilité et de sensations de pilotage. Une vraie réussite, et une promesse enthousiasmante pour l’avenir du VTTAE made in Vosges !

Pour plus d’informations : https://moustachebikes.com/fr/

Par  Adrien Protano