Présentation | Specialized Levo 3 : une évolution qui sent l’Amérique

Par Olivier Béart -

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Présentation | Specialized Levo 3 : une évolution qui sent l’Amérique

Il vous rappelle le tout dernier Stumpjumper Evo ? C’est normal ! Le nouveau Specialized Levo 3 change avant tout au niveau de sa géométrie, de ses suspensions et de son orientation, bien plus qu’au niveau de sa motorisation ou de sa batterie. De la sorte, il fait les yeux doux aux bikers du marché américain, où l’e-bike est en train de décoller à la vitesse grand V après une longue période de rejet. Réussira-t-il encore à séduire les amateurs des deux premières versions dans nos contrées ? Qu’apportent ces changements ? C’est ce que nous allons vous expliquer en détails, en théorie et en pratique, puisque nous avons eu l’occasion d’essayer en avant-première cette nouveauté très attendue !

Né en 2015, le Specialized Turbo Levo est rapidement devenu une référence parmi les VTT à assistance électrique grâce à son intégration très poussée dès le départ, son autonomie au-dessus de la moyenne pour l’époque, son équilibre global et les possibilités de customisation de la gestion moteur. En août 2018, la 2e génération de Levo avait marqué une avancée importante tant au niveau de l’esthétique que de l’intégration de la (grosse) batterie de 700Wh, ou encore de l’évolution de son châssis. Pour en posséder un nous-mêmes au sein du parc de vélos de la rédac, nous pouvons confirmer que ce Levo « génération 2 » est loin d’être dépassé après seulement 2 ans au catalogue.

Pour cette 3e génération, c’est donc assez logiquement que Specialized a conservé quelques fondamentaux, comme l’ensemble moteur/batterie (avec tout de même quelques évolutions que nous détaillerons plus loin), tout en reprenant une série d’évolutions introduites sur la dernière génération de Stumpjumper, et plus particulièrement de sa déclinaison « Evo » plus engagée.

Pour la première fois aussi, l’équipe de développement du Levo a été dirigée par un américain, alors que jusque-là les projets avaient toujours été pilotés par et pour l’Europe. La plupart des personnes impliquées dans le projet sont encore localisées dans le centre R&D e-bike de la marque, basée en Suisse, et on y retrouve toujours des têtes connues comme Vincent Patureau (dont vous pouvez écouter l’interview en podcast ici), mais cette direction américaine témoigne du fait que pour Specialized, le plus gros potentiel de développement du VTT à assistance électrique se situe désormais aux USA. Et, sans se fermer aux modes de pratique européens, ni aux très importants marchés français et allemands, on remarque tout de même une volonté de la marque de faire les yeux doux à l’Oncle Sam en dotant le vélo de quelques caractéristiques dont nos amis d’outre-Atlantique sont très friands.

Annoncé comme plus capable mais toujours aussi polyvalent, accessible et facile à rouler, nous avons eu l’occasion de découvrir et de rouler ce nouveau Specialized Levo 3 pendant deux journées, à l’occasion d’un lancement en petit comité en compagnie de l’équipe Specialized France, dans la magnifique région de Peyruis, sur quelques-uns des plus beaux singletracks du 04. Voyons cela en détails !

Un Levo 3 à géométrie variable, inspiré du Stumpjumper Evo

Tout en carbone FACT 11M sur les trois premiers modèles haut de gamme disponibles dès à présent pour le lancement, le cadre du nouveau Specialized Levo 3 s’inspire très clairement de celui du tout dernier Stumpjumper Evo, tant au niveau design que de sa géométrie variable. Oubliez les tailles S, M, L et autres ! Désormais, l’heure est au choix avec des dénominations basées sur un code de chiffres et pas moins de 6 tailles disponibles.

L’idée du « S Sizing », c’est de partir d’une recommandation de taille « de base », mais de laisser le futur propriétaire choisir entre deux ou trois « sizings » de vélo en fonction du terrain sur lequel il roule et de ses préférences.

Envie de plus de stabilité et de vitesse pour piloter de manière engagée dans une région à fort dénivelé ? Alors, on se dirige vers une taille au-dessus. Envie d’un vélo plus maniable, avec un côté « jouet » plus prononcé ? Mieux vaut alors s’orienter vers une taille plus bas. Sachant aussi que la hauteur de la douille de direction ainsi que du tube de selle changent assez peu, dans la mesure où on peut facilement jouer avec une tige de selle plus longue ou des cales sous la potence si on a besoin de plus de hauteur.

De manière générale, Specialized s’inscrit dans le mouvement actuel avec un reach augmenté, un tube de selle plus droit pour favoriser le pédalage en côte technique, des bases raccourcies (-8 à -14mm par rapport à la précédente version selon le réglage) et une volonté de basculer légèrement le pilote sur l’avant pour l’aider à charger la roue directrice.

Mais, cerise sur le gâteau, sur le Levo 3 comme sur le Stumpjumper Evo, la géométrie est variable ! On peut ainsi choisir en un tournemain entre des bases très courtes ou un peu plus longues (+/- 6mm) qui influent aussi sur la hauteur du boîtier de pédalier (+/- 6mm aussi), et ajuster son angle de direction entre une position neutre (64,5°) ou +1/-1° au moyen d’une petite coupelle déportée qui prend place au-dessus de la douille de direction. Dit comme cela, on comprend que cela peut paraître un peu compliqué, mais nous verrons plus loin que sur le terrain, les changements sont simples à effectuer et les choses s’éclairent assez vite. Nous y reviendrons dans la prise en main.

Plus de rigidité pour plus de précision… et de fun

Dire que le précédent Specialized Levo 2 manquait de rigidité serait mentir. Nous n’avons en tout cas pour notre part jamais eu de reproches à lui faire à ce niveau. Mais dans son travail de modernisation, Specialized a souhaité pousser les curseurs un poil plus loin sur ce Levo 3.

Le poids du châssis reste inchangé (autour de 9,5kg avec amortisseur, moteur et batterie) mais l’axe principal de la suspension, la biellette, ainsi que les points d’attache du moteur sont rigidifiés, de même que les triangles avant et arrière grâce à un travail plus poussé sur les fibres de carbone utilisées. Puis, il y a aussi le choix de taille des roues qui joue un rôle.

27,5/29″ : une petite coupe « mullet » pour le Levo 3

Sur ce point, Specialized n’en finit pas de nous surprendre. Alors que nous aurions parié sur un mix 27,5 arrière/29 devant pour le Levo 2 qui prenait la suite d’un Levo 1 équipé de roues 27,5+, Specialized avait décidé de le sortir en « full 29 ». Puis, aujourd’hui, paf, le voilà qui débarque en « mullet » avec une petite roue derrière.

Tout cela a une explication : Specialized voulait vraiment doter le nouveau Levo de bases très courtes pour obtenir un comportement joueur et fun. Afin de conserver un bon dégagement du pneu arrière, une roue au diamètre de 27,5″ s’est vite imposée. Cela permet aussi de rigidifier plus facilement le bras arrière et d’avoir moins d’inertie. Quant au grip, il est garanti par la monte d’un pneu en 2.6 de section. La roue avant, elle, reste en 29″, un choix qui ne fait guère plus vraiment débat aujourd’hui tant on sait que cette formule procure à la fois grip et précision au niveau de la direction. A noter aussi que, même si le Levo 3 n’est pas officiellement compatible avec une roue de 29″ à l’arrière, cela peut passer si on le souhaite vraiment, mais avec un pneu de section 2.3″ maximum.

Suspensions : on grossit sans toucher au débattement

Le Specialized Levo 3 conserve le même débattement que son prédécesseur, à savoir 150mm derrière et 160mm devant. Mais tout qui a l’occasion de tester un certain nombre de vélos sait que ces chiffres ne veulent pas tout dire et que la cinématique ainsi que le choix des systèmes d’amortissement jouent le rôle le plus important dans le ressenti.

Ici, on constate immédiatement que Specialized a fait grossir les suspensions, avec un amortisseur Fox X2 à l’arrière et une fourche Fox 38 à l’avant, contre un petit amortisseur plus typé XC et une fourche à plongeurs de 36, voire 34mm, sur le Levo 2. On sent donc le body-building à ce niveau.

Concernant l’évolution de la cinématique, les similitudes avec le Stumpjumper Evo sont aussi très évidentes. Le trajet de la roue arrière est similaire, l’axe de roue part beaucoup plus en arrière que sur la génération précédente et le ratio de la suspension est plus progressif. L’anti-squat a aussi été augmenté en vue de préserver de bonnes capacités au pédalage.

Et le couple moteur/batterie dans tout ça ?

Ici, on ne peut clairement pas parler de révolution. Specialized reste fidèle au bloc moteur développé avec Brose, mais en ayant pris en compte l’expérience de la précédente génération pour le fiabiliser. En fait, cela fait déjà près d’un an qu’une version 2.2 du moteur est sortie et est montée sur les Levo 2 sortis des chaînes en 2020, ainsi que sur tout échange moteur effectué dans le cadre d’un passage en SAV.

Si nous n’en avons pas été victimes sur notre Levo 2 de 2018 qui a pourtant beaucoup roulé, un nombre significatif de moteurs Brose de 2e génération ont été victimes de casse de leur courroie de transmission interne. Depuis un an, une version à courroie renforcée est sortie, et une mise à jour de la gestion moteur a aussi vu le jour pour éviter les phénomènes de pics de couple à la décélération lorsqu’on arrête de pédaler (jusque 150Nm contre 90Nm de couple maxi délivrables par le moteur en principe). Aujourd’hui, moyennant ces modifications, Specialized semble être assez sûr de son coup et garantit ses moteurs génération 2 équipés de la dernière mise à jour pour une durée de 4 ans, avec une procédure d’échange standard désormais bien rodée qui permet de ne pas rester sans vélo en cas de pépin. Pour ce Levo génération 3, la garantie moteur revient à 2 ans.

Du côté de la batterie, il y a du changement, mais dans la continuité. En fait, toute la longue partie qui contient les cellules reste identique, mais c’est l’interface moteur/batterie qui évolue. Le but est de s’adapter aux nouvelles formes du cadre mais aussi et surtout d’améliorer la connexion entre les deux et l’étanchéité du câble de liaison. Celui-ci est désormais protégé par un deuxième couvercle étanche et la prise elle-même est plus grosse. D’origine, les Levo 3 seront livrés avec une batterie de 700Wh. Bonne nouvelle pour les possesseurs de plusieurs batteries de Levo 2, une mise à jour de la partie basse (rockguard et connectique) sera disponible, et les batteries de 500Wh resteront aussi compatibles.

TCU Mastermind, une gestion modernisée

Au niveau de la gestion du moteur et du petit pupitre de commande, il y a un changement plus marqué. La nouveauté la plus visible, c’est l’apparition d’un petit écran couleur sur le tube supérieur. C’est la dernière version de l’unité de gestion, baptisée TCU Mastermind.

Cet afficheur plus complet permet toujours de voir le mode d’assistance choisi et le niveau de batterie, mais aussi toute une série d’informations comme sur un GPS/compteur. Estimation de l’autonomie, kilométrage, ratio de puissance pilote/assistance, affichage de l’heure : en tout il y a pas moins de 30 fonctions possibles et 16 pages personnalisables. Cette interface est personnalisable via l’app Mission Control et on navigue dans les menus via un nouveau petit bouton situé sur la commande au guidon (et qui remplace le bouton de passage instantané au mode Turbo).

L’autre grosse nouveauté, c’est l’apparition d’un nouveau mode « Micro Tune » en plus des modes Eco, Trail et Turbo déjà bien connus. Le Micro Tune, c’est en quelque sorte tout l’inverse de l’espèce de « boîte automatique » qu’est le mode e-MTB chez Bosch. Il s’agit ici d’une option qui va permettre d’ajuster manuellement et très finement le niveau d’assistance du moteur, de 10% en 10%. On peut déjà ajuster les trois modes classiques via l’app, mais là, cela ajoute la possibilité de le faire en temps réel, sur le terrain, pour s’adapter à une situation particulière.

Specialized voit ce mode Micro Tune comme un mode « social » qui va permettre d’ajuster parfaitement son assistance non seulement aux conditions mais aussi aux autres personnes avec qui on roule. Le mode Eco est un peu faible pour suivre votre copain, et le mode Trail est too much ? Pas grave, on ajuste avec le Micro Tune pour rouler ensemble sans prise de tête. Cela peut aussi aider à gérer finement sa batterie pour des sorties plus longues.

Dernier point intéressant : désormais il sera possible d’effectuer soi-même les mises à jour de son vélo sans devoir retourner chez un revendeur. Une connexion à l’app Mission Control sur son smartphone suffira. Et Specialized sous-entend déjà que de nombreuses autres fonctionnalités apparaîtront au fur et à mesure tout au long de la vie du modèle.

Quelques détails…

Ce sont des petits détails, mais ils méritent d’être mentionnés. Au niveau de l’hydratation, Specialized s’est assuré que son Levo 3 puisse accueillir de grands bidons de 750ml. Le routage du câble de la tige de selle télescopique a aussi été revu pour plus de facilité de réglage de la hauteur de selle et moins de prises de tête lors du remplacement. A l’arrière, on remarque aussi l’adoption de la patte de dérailleur Sram UDH universelle.

Sur notre vélo rouge, on remarque aisément la présence de nombreuses protections intégrées au cadre. Outre le désormais classique protège-base à « coussinets » pour éviter les bruits de chaîne, on note aussi une protection renforcée de la zone entre le moteur et le triangle arrière, ainsi qu’au niveau du passage de roue. Le carter moteur a aussi été renforcé. Enfin, à l’intérieur, une graisse à connecteur spéciale issue de la marine (Nyogel 760 pour les connaisseurs) a été utilisée entre toutes les parties électroniques pour garantir à la fois une connexion parfaite et une bonne étanchéité. Lors des entretiens, elle a la particularité de réagir à la lumière d’une lampe à UV. Si plus rien n’est visible, il convient de faire un re-graissage. Et cela permet de s’en rendre compte au premier coup d’œil.

Gamme, disponibilités et tarifs

Dans un premier temps, le Specialized Levo 3 sera uniquement disponible dans ses trois versions les plus haut de gamme équipées d’un cadre full carbone : Expert, Pro et S-Works. On imagine que d’autres modèles suivront plus tard dans l’année, et on espère aussi l’arrivée d’une version en aluminium. Heureusement, est-on tenté de dire, car les tarifs des trois premiers montages proposés actuellement sont très élitistes :

  • Turbo Levo S-works : 13 999€
  • Kit cadre Turbo Levo S-works : 6 999€
  • Turbo Levo Pro : 11 499€
  • Turbo Levo Expert : 9 299€

Eh oui, vous avez bien lu. On peut regretter un tel niveau de prix, et une énième augmentation des tarifs du Levo (même si le Levo Expert reste au même tarif), mais nous ne pouvons qu’être fatalistes : vu les niveaux historiques atteints par la demande mondiale sur le marché du vélo, et les pressions sur la chaîne logistique globale, les constructeurs sont face à deux options. Soit mettre les moyens pour augmenter leur capacités de production et sécuriser leurs approvisionnements pour pouvoir livrer rapidement, soit garder des tarifs plus bas mais attendre. Specialized semble avoir fait le choix de la première option, en pariant que même à ce tarif, ses nouveaux Levo trouveront acquéreur. Plusieurs modèles sont annoncés comme disponibles immédiatement dans les shops de la marque, même si la version Expert arrivera un peu plus tard.

Voici un aperçu des différents montages, et vous pouvez retrouver le détail des montages sur le site de la marque (lien en bas de l’article). Avant de passer au test terrain pour voir si le comportement du nouveau Levo 3 aide à oublier son tarif, vous trouverez ci-dessus les fiches produit pour avoir tous les détails des trois montages proposés à l’heure actuelle.

Specialized Levo 3 : le test terrain

Retrouvez notre premier test de ce nouveau Specialized Levo 3 sur les magnifiques singles de Peyruis, en cliquant sur le lien ci-dessous !

Test nouveauté | Specialized Levo 3 : plus gros, plus trail

Plus d’infos : https://www.specialized.com/fr/fr/turbo-levo

ParOlivier Béart