Test nouveauté | Schwalbe Tacky Chan : le chaînon manquant

Par Léo Kervran -

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Test nouveauté | Schwalbe Tacky Chan : le chaînon manquant

La gamme gravity de Schwalbe s’étoffe aujourd’hui avec l’arrivée d’un nouveau pneu, le Tacky Chan. Développé avec le concours des pilotes Commencal/Muc-Off Amaury Pierron, Myriam Nicole et Thibaut Dapréla, il se veut plus précis et meilleur au freinage que l’incontournable Magic Mary mais plus rapide et léger que le Big Betty. Nous avons pu le découvrir sur le terrain, voici nos premières impressions :

Pas facile, quand on s’appelle Schwalbe, de se renouveler dans le domaine des pneus enduro/DH. Avec son Magic Mary, la marque allemande a conquis de nombreux pratiquants et le pneu s’est rapidement installé parmi les références, portant à lui seul le nom de Schwalbe sur le segment face à des fabricants aux gammes bien plus diversifiées.

Malgré sa polyvalence et tous ses atouts, le Magic Mary n’est pas complètement exempt de défauts et Schwalbe en est bien conscient. Depuis plusieurs années, la marque allemande s’attache donc à développer son offre enduro/DH. C’est ainsi que le Big Betty a fait son retour en 2020, placé comme une alternative un peu plus agressive au célèbre Maxxis Minion DHR II, et c’est dans ce cadre qu’arrive désormais ce Tacky Chan.

Sur le papier, le cahier des charges pour ce nouveau venu est simple : de la vitesse, du contrôle, de la précision et du freinage. Plus facile à dire qu’à faire ? Pour concevoir son empreinte, les ingénieurs ont adopté une stratégie singulière : plutôt que de partir d’une feuille blanche, ils ont repris le dessin du Big Betty et lui ont retiré de la gomme au fur et à mesure, jusqu’à obtenir le résultat souhaité.

Ce résultat, vous l’avez en image ci-dessus. Sur la bande centrale, des crampons petits, bas (4,5 mm) et biseautés dans le sens du roulement. Sur les côtés, des pavés plus gros en forme de « L » (une nouveauté chez Schwalbe), plus hauts (7 mm) et réunis par séquences de 4.

Avec ces crampons centraux bas et biens soutenus, Schwalbe espère donner au Tacky Chan la précision qui fait défaut au Magic Mary sur lequel les pavés sont plus hauts et peuvent se déformer dans toutes les directions. Pour les arêtes de freinage, on voit bien l’inspiration du Big Betty (avec, à nouveau, plus de stabilité que sur le Magic Mary) malgré les crampons plus petits pour gagner du poids et du rendement.

Enfin, on remarque que tous les crampons sont entaillés pour faciliter, mais aussi contrôler leur déformation : perpendiculaire au sens du mouvement pour le freinage sur les pavés centraux et parallèle à celui-ci sur les pavés latéraux, pour tenir la roue dans les virages.

Au catalogue, le Tacky Chan se décline en six références : carcasse SuperTrail et gomme Addix Soft ou UltraSoft (1080 g), SuperGravity en UltraSoft (1240 g) ou Super DH en UltraSoft également (1320 g) pour le 29×2.4, carcasse SuperGravity et gomme Soft (1165 g) ou Super DH en UltraSoft (1265 g) pour le 27,5×2.4. Côté prix, il faut compter entre 68,90 € et 74,90 € le pneu selon la version.

Schwalbe Tacky Chan : le test terrain

Pour cette prise en main, nous avons reçu deux Tacky Chan Super DH 2,4″ qui ont vite trouvé leur place sur un Scott Gambler, le modèle de DH de la marque suisse. Le montage se passe sans difficulté et les pneus tiennent immédiatement la pression, comme souvent avec les carcasses DH ,mais une fois en place, première surprise : les Tacky Chan taillent petit, très petit.

Schwalbe annonce 62 mm de large selon la norme ETRTO (mesurée avec une jante en 25 mm de largeur interne) soit presque 2,45″ mais sur notre Gambler équipé de jantes en 30 mm, les pneus ne mesurent que 56 et 56,8 mm, soit autour de 2,2″. On ne sait pas comment la marque a obtenu ces 62 mm, la différence de largeur de jante ne suffit pas à tout expliquer, mais 6 mm de différence c’est énorme et ça risque de compter sur le terrain.

C’est d’autant plus surprenant que nous avons mesuré un Magic Mary 2,4″ à 61 mm sur des jantes en 30 mm, donc Schwalbe sait faire des pneus qui taillent juste normalement. Défaut de fabrication sur les premiers lots ou réelle erreur de conception ?

Quoi qu’il en soit, le terrain sera seul juge et on prend la direction des sentiers, ou plutôt des remontées mécaniques, pour aller tester tout ça. Notre prise en main s’est déroulée en deux temps, d’abord sur le bikepark des Orres dont Schwalbe est partenaire et qu’on découvrait à cette occasion, puis sur celui de Bourg-Saint-Maurice / Les Arcs, dont nous sommes un peu plus familiers. Sol légèrement humide à bien mouillé la première fois, parfaitement sec et poussiéreux la deuxième, c’était l’idéal pour se faire un bonne idée de ces Tacky Chan dans les différentes conditions.

En dehors de la déception sur la largeur du pneu, on s’aperçoit vite que les points forts qu’avance Schwalbe sont bel et bien là. Lorsqu’il faut pédaler quelques minutes, tout se passe bien et on n’a pas la sensation de gaspiller son énergie pour décrocher chaque crampon du sol. Il faudra bien sûr confirmer ça sur des vélos davantage faits pour l’exercice que le Gambler (même s’il se débrouille plutôt bien pour un DH) mais dans l’optique d’une pratique trail/enduro, c’est encourageant.

En descente, le Tacky Chan accélère très facilement, dès qu’on lâche un peu les freins c’est comme si on appuyait sur le bouton Nitro dans un jeu vidéo. On reprend de la vitesse sans effort et c’est vraiment agréable… voire surprenant quand on arrive dans le virage bien plus tôt et vite que prévu !

Heureusement, le freinage est au rendez-vous et c’est d’ailleurs dans ce domaine que le pneu nous a le plus impressionnés. La vitesse, on pouvait un peu s’y attendre avec le profil, et un pneu qui va vite fait toujours son petit effet, mais ce n’est pas brutal comme un freinage. Avec ses petits crampons, on ne savait pas si le Tacky Chan serait véritablement au rendez-vous mais il s’est vite chargé de nous rassurer. Sur les sols humides et un peu souples des Orres c’était déjà amusant mais à Bourg-Saint-Maurice, sur le sec et sur des traces qu’on connaît, cela frôlait le ridicule.

Le Tacky Chan freine court, très court et sans glisser ou dévier de sa ligne ce qui signifie qu’on reste toujours en contrôle. Lorsqu’on freine droit (à peu près), c’est rassurant parce que ça donne une marge de sécurité énorme, on sait qu’on pourra s’arrêter très vite si besoin. Attention par contre à l’utilisation du frein en virage, c’est déjà à utiliser avec parcimonie en temps normal mais avec cette faculté à ralentir très vite, si vous manquez votre dosage vous risquez de perdre toute la vitesse qui vous fait justement tenir sur le vélo.

Tant qu’on parle de comportement sur sol dur, on a aussi remarqué que Tacky Chan paraît plus précis que le Magic Mary comme annoncé par Schwalbe. C’est surtout sensible dans les gros appuis, type freinage ou virage relevé rapide, où le pneu n’a pas ce petit flou caractéristique du Magic Mary. En revanche, on a pu voir aux Orres qu’on touche assez vite à ses limites sur le mouillé là où le Magic Mary brille réellement. Les crampons latéraux tiennent bien une fois qu’on met de l’angle mais la bande centrale à plus de mal à tenir les lignes ou à trouver de l’adhérence pour ne pas bloquer les roues.

Au-delà de cette limite somme toute assez logique, on ne lui a trouvé qu’un seul défaut pour l’instant : un certain flou au passage sur l’angle dans les virages relevés les plus serrés, ceux pour lesquelles on se demande qui a bien pu les dessiner comme ça et qu’on ne sait pas comment passer proprement. Au moment de tourner, on a l’impression de perdre le pneu avant qu’il ne raccroche sur les pavés latéraux et c’est un peu déroutant.

On ne serait pas surpris que cela vienne en partie de la faible largeur de ces Tacky Chan, ou de nos modèles d’essai au moins. Une carcasse DH c’est déjà exigeant et celle de Schwalbe plus que d’autres, alors combinée à une largeur de 2,2″, bon courage pour la faire travailler à basse vitesse.

Bien que cette prise en main ait eu lieu exclusivement en DH, on ne peut s’empêcher de penser que le Tacky Chan serait intéressant en pneu trail. A l’avant si le terrain est plutôt sec ou à l’arrière, car il est plutôt rapide mais offre malgré ça un gros freinage, ce qui n’est pas si courant dans cette catégorie. La version SuperTrail / Addix Soft semble particulièrement indiquée pour cet usage. Aujourd’hui, après un peu moins de deux journées de bikepark sur des pistes typées DH plus que virages relevés et sauts, notre pneu arrière commence à présenter des marques d’usure. C’est normal pour une gomme « UltraSoft » qui vise la performance sans compromis mais ce n’est certainement pas adapté à une utilisation à l’année.

Pour terminer, un petit mot sur le bikepark des Orres qu’on découvrait à cette occasion et qui nous a séduits. Varié, il compte aussi bien des pistes typées enduro que de vraies lignes de DH à l’image de la Black Patrol, qui a accueilli les championnats de France l’année dernière et sur laquelle on aurait bien passé la journée. Pour autant, le site ne verse pas dans l’exclusif et offre aussi de belles traces relativement accessibles pour faire ses premiers pas en bikepark sans craintes comme la piste bleue Follow Me en image ci-dessus.

Au total, le bikepark propose 16 pistes dont un North Shore et une zone d’initiation amenée à s’étoffer. A l’heure actuelle, toutes ne sont pas encore accessibles pour cause de neige sur le haut du domaine mais ce sera le cas à partir du 1er juillet pour l’ouverture en continu. Une belle découverte et on y retournera certainement !

Après des années à se reposer exclusivement sur le Magic Mary, Schwalbe commence à avoir une vraie gamme gravity et on ne va pas s’en plaindre. Si le Big Betty était intéressant en montage arrière, on trouvait qu’il manquait encore d’un vrai pneu avant pour les terrains plutôt durs au catalogue du fabricant allemand. Le Tacky Chan répond parfaitement à ce besoin et avec ses performances au roulement, on l’imagine aussi très bien en montage arrière… au point, peut-être, de faire de l’ombre au Big Betty. Mais pour ça, il faudra régler ce rédhibitoire problème de largeur.

Plus d’informations : schwalbe.com

ParLéo Kervran