Test nouveauté | Pivot Mach 4 SL : plus léger mais plus polyvalent ?
Par Léo Kervran -
Pivot, on connaît bien dans nos contrées pour les gros vélos comme le Switchblade, le Firebird ou la famille des Shuttle en VAE, mais Pivot, c’est aussi du XC ! La marque installée à Tempe, dans l’Arizona, dispose en effet d’une gamme complète qui va jusqu’au semi-rigide de compétition et aujourd’hui, c’est au tour du tout-suspendu Mach 4 SL d’être renouvelé. Poids en baisse, débattement en (légère) hausse et géométrie retravaillée, voici tout ce qui change et nos premières impressions :
Quatre ans et pas un jour de plus, c’est la durée de vie de l’ancien Mach 4 SL, présenté le 23 mai 2019. Toutefois, son remplaçant ne devrait pas dérouter les connaisseurs du modèle : il arbore exactement les mêmes lignes et il faut un œil averti pour remarquer quelques différences. Ne vous faites pas avoir, ci-dessus vous avez bien le nouveau modèle à gauche comme à droite, avec les deux coloris proposés au catalogue.
Pour cette nouvelle génération, Pivot s’est avant tout attaché à perdre du poids. D’ailleurs, ça se voit quand on se penche de plus près sur le vélo : le triangle arrière, le basculeur ou encore le tube supérieur sont nettement plus fins que sur l’ancien Mach 4 SL. Au final, la marque annonce 300 à 400 g d’économie suivant la taille et un cadre pesé à 1930 g en taille L avec amortisseur Fox Float DPS. Ce n’est pas encore au niveau des meilleurs dans le domaine, qui descendent autour des 1700-1750 g, mais passer sous la barre des 2 kg est déjà très intéressant. On remarque au passage que la fixation d’amortisseur sur le triangle avant a été évidée afin de faciliter le nettoyage. Bon point !
D’autant plus que Pivot ne s’est pas lancé dans une quête du poids « à tout prix ». C’est connu, si vous voulez faire un tout-suspendu léger en XC la solution la plus facile est l’architecture monopivot + biellette ou basculeur. C’est celle des Specialized Epic, Orbea Oiz, Cannondale Scalpel, Canyon Lux, Trek SuperCaliber, Lapierre XR, Rockrider Race 940 S (encore à l’état de prototype) mais aussi des Scott Spark, Thömus Lightrider… On s’arrête là mais la liste pourrait durer encore longtemps.
Cependant, la marque n’a pas pris cette direction et a décidé de conserver sa suspension à point de pivot virtuel DW-Link, qu’on retrouve jusque sur les modèles à grand débattement du catalogue. Un choix peu courant en XC que Pivot justifie par la performance du système : des essais ont été menés avec des cadres en monopivot + biellette mais le comportement ne répondait pas aux standards de la marque, offrant moins de grip en descente et trop perturbé par les vibrations notamment.
On trouve une approche similaire chez BMC avec le Fourstroke, une de nos références à l’heure actuelle. De bon augure pour le Mach 4 SL ?
Cette suspension, Pivot la propose en deux versions : avec un amortisseur Fox Float DPS en 190×40 ou avec un Fox Float en 190×45. Rajoutez là-dessus un petit flipchip à deux positions et cela fait au total quatre débattements possibles : 95 ou 103 mm avec le Float DPS (avec fourche en 100 mm) et 106 ou 115 mm avec le Fox Float (et fourche en 120 mm). Tous les vélos seront vendus avec le flipchip en position « + », c’est-à-dire sur le plus grand débattement (103 ou 115 mm suivant le montage).
En revanche, le Live Valve disparaît du catalogue des options. Cette gestion électronique des suspensions, proposée par Fox depuis plusieurs années et que Pivot intégrait systématiquement sur ses XC les plus haut de gamme, a vraisemblablement été jugée inadaptée (ou obsolète ?) pour cette nouvelle génération de Mach 4 SL. Il faut dire que le comportement du système est exigeant et très typé compétition avec son blocage par défaut qui ne s’ouvre que lorsqu’il rencontre un choc, et que certaines rumeurs font état d’une nouvelle version pour plus tard dans l’année… A suivre !
Comme souvent chez les marques haut de gamme, la disposition du carbone est adaptée à chaque taille : entre un XS et un XL, il n’y a pas les mêmes besoins en matière de rigidité. C’est également le cas pour les réglages internes de l’amortisseur, avec une configuration pour S et XS et une autre pour M, L et XL.
Côté géométrie, pas de surprise, le vélo suit la tendance : si on établit la comparaison avec une fourche en 120 mm, l’angle de direction perd 0,9° (66,7° désormais), le tube de selle se redresse de 1,2° (74,7°) et le reach s’allonge de 5 à 15 mm suivant la taille (437 mm en taille M). Avec la fourche en 100 mm, on abaisse l’avant ce qui fait passer l’angle de direction à 68°, celui du tube de selle à 76,5° et le reach à 450 mm, toujours en taille M.
Côté standards, c’est du classique… à une exception près : patte de dérailleur Sram UDH, boîtier de pédalier PF92, dégagement pour un disque de 180 mm à l’arrière et format Boost pour les roues. Boost, et non SuperBoost comme on a l’habitude de le voir chez Pivot, ce qui facilitera sans aucun doute la vie de celles et ceux qui envisagent de changer les roues d’origine ou d’alterner entre plusieurs paires. On a aussi deux supports ISCG 05 pour installer un guide-chaîne, quelque chose de rare sur ce segment.
On notera que les passages de gaines se font en interne mais « à l’ancienne », avec des entrées par le cadre plutôt que par le jeu de direction et sans guidage à l’intérieur. On est très content du premier, un peu moins du second tant cela facilite la vie pour une pénalité de poids modique sur les cadres en carbone comme ici, mais Pivot a visiblement décidé de tout faire au plus simple.
De même, il n’y a pas de « boîte à gants » sur ce Mach 4 SL, et à écouter le discours de la marque, on n’est pas près d’en voir sur les autres modèles non plus. Faire un trou dans quelque chose d’aussi important que le tube diagonal, qui implique nécessairement de renforcer la structure ailleurs, est vu comme une aberration chez Pivot. Si vous n’avez pas envie de porter votre matériel sur vous, la marque préfère que vous utilisiez les inserts prévus à cet effet sous le tube supérieur. Des kits conçus en collaboration avec Topeak sont d’ailleurs proposés.
La gamme se divise en 4 niveaux, déclinés comme toujours en version Sram et Shimano pour la transmission. Les montages Ride, Pro et Team sont en 106/115 mm de débattement avec fourche en 120 mm et seuls les World Cup sont proposés en 95/103 mm avec fourche en 100 mm. Notez aussi que les Ride n’ont pas de blocage au cintre, qu’il est réservé à l’amortisseur pour les Pro et Team et qu’il n’y a que sur les World Cup qu’on a le double blocage au guidon :
- Mach 4 SL Ride (SLX/XT 7199 € / GX/X01 7699 €) : suspensions Fox Float Performance et 34 SC Performance, roues DT Swiss X1900, pneus Maxxis Ardent Race Exo 2.2, freins Shimano SLX ou Sram Level TL 4 pistons
- Mach 4 SL Pro (XT/XTR 8799 € / X0 AXS 9799 €) : suspensions Fox Float Factory et 34 SC Factory, roues DT Swiss XR 1700 (option Reynolds Blacklabel 309/289, + 1200 €), pneus Maxxis Ardent Race Exo 2.2 (ou Rekon Race Exo 2.4 sur les Reynolds), freins Shimano Deore XT ou Sram Level Silver Stealth
- Mach 4 SL Team (XTR 11 499 € / XX SL AXS 13 599 €) : suspensions Fox Float Factory et 34 SC Factory, roues Reynolds Blacklabel 309/289 (moyeux I9 Hydra), pneus Rekon Race Exo 2.4, freins Shimano XTR ou Sram Level Ultimate Stealth
- Mach 4 SL World Cup (XTR 11 499 € / XX SL AXS 12 999 €) : suspensions Fox Float DPS Factory et 32 SC Factory, roues Reynolds Blacklabel 309/289 (moyeux I9 Hydra), pneus Rekon Race Exo 2.4, freins Shimano XTR ou Sram Level Ultimate Stealth
Prise en main du Pivot Mach 4 SL 2023
Chez Vojo, on a eu l’occasion de monter sur différents Pivot au fil des ans mais jamais sur le Mach 4 SL. On était donc particulièrement curieux de voir quelle interprétation la marque faisait aujourd’hui du segment XC. A notre disposition pour cette prise en main, un montage Team XX SL AXS (donc 106/115 mm à l’arrière et 120 mm devant) en taille L.
Dans cette version avec fourche en 120 mm qui raccourcit le reach, la taille L semble centrée autour de 1m78-1m80 et du haut de mes 1m79, je suis parfaitement installé dessus. Ça tombe bien parce que dès les premiers tours de roue, le Mach 4 SL nous fait comprendre que son truc, c’est de pédaler longtemps.
Le vélo n’a pas l’explosivité ou la réactivité des tout-suspendus les plus orientés « compétition » mais au train il prend de la vitesse sans effort, on a presque l’impression qu’il ne demande que ça. Pour avoir un peu plus de nervosité, il n’est pas inutile de jouer avec le blocage de suspension. Ça ne transforme pas le vélo mais c’est un petit plus agréable, en particulier sur les chemins les plus roulants.
On notera par ailleurs que les roues ont certainement un rôle à jouer là-dedans. Pour les avoir déjà rencontrées sur d’autres vélos, les Reynolds Blacklabel 309/289 ne sont certainement pas les meilleurs roues carbone que nous connaissons. Plutôt raides et peu dynamiques au regard de leur poids, elles n’aident sûrement pas à mettre en valeur le comportement en relance du Mach 4 SL.
Quand on l’emmène dans des passages plus raides, le vélo affiche toutefois un point faible décevant à ce niveau : on est assis beaucoup trop en arrière. Avec un angle de tube de selle à 74,7° ce n’est pas vraiment une surprise, c’est une valeur de semi-rigide plus que de tout-suspendu. Sur le plat et les faux-plats cela n’a aucune incidence mais quand la pente se fait plus prononcée la position devient exigeante à tenir. Pas de problème sur nos terrains d’essai du jour dans le nord-ouest parisien, mais en montagne ou sur des reliefs un peu plus marqués, cela doit être beaucoup moins agréable. A nos yeux, 1,5° ou 2° de plus ne seraient pas de refus, sans que cela ne dégrade trop la position sur le plat.
En basculant dans les premières descentes on se dit que, finalement, il ne pédale pas si mal pour un all-mountain / enduro… Dans ce domaine, le Mach 4 SL s’inscrit dignement à la suite des autres vélos du catalogue : c’est un régal à piloter ! Avec le flipchip en position « -« , donc sur 106 mm de débattement, la suspension offre un vrai support qui permet d’engager sans crainte. On sait que l’arrière va tenir et on peut en jouer pour aller chercher des réceptions un peu lointaines, rentrer fort dans les virages ou survoler les pierriers. Un programme tout à fait normal pour un XC.
On retourne alors le flipchip pour tester le comportement avec 115 mm de débattement et… c’est encore mieux. On sent tout de suite qu’on a plus de sensibilité, donc plus de confort, donc cela met encore plus en confiance et on peut rouler encore plus fort ! Après quelques kilomètres, on a de plus en plus de mal à voir l’intérêt de la position « petit débattement » avec laquelle nous avions commencé la sortie. Sur cette prise en main, on ne lui a pas vu d’atout particulier au pédalage et dès qu’on arrive sur une descente ou un passage technique, la position « grand débattement » fait mieux.
Dans ce montage 115/120 mm, ça donne un vélo très « pousse-au-crime », qui donne plus envie de faire des bêtises sur les sentiers que de faire la course. Avec des pneus un peu plus polyvalents cela doit faire une belle machine à longues sorties et beaux raids pour qui a un bon niveau de pilotage et veut privilégier le poids.
En revanche, et comme en montée, on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il y aurait moyen de faire encore mieux avec d’autres composants. Ici, ce sont les freins qu’on trouve un peu incohérents. Dans ce montage, Pivot propose des Level Ultimate Stealth en 2 pistons mais les capacités de descendeur comptent parmi les points forts du vélo et la marque communique elle-même là-dessus. A cet égard, des freins un peu plus polyvalents comme des Level 4 pistons nous auraient paru bien plus en phase avec le programme, notamment pour ceux qui envisagent de faire du dénivelé avec ce vélo. Les Level 2 pistons sont vite limités alors qu’on avait pu constater par nous-mêmes que la version 4 pistons peut aller bien plus loin (lire Test nouveauté | Freins Sram Level et Code Stealth : changer sans changer).
Conclusion
« A fun way to the top of the podium » indique Pivot pour décrire ce nouveau Mach 4 SL. A l’issue de cette prise en main, on a quelques réserves sur le « top of the podium » mais on valide le « fun way » ! Clairement moins orienté compétition que par le passé avec une seule version en 100 mm, plus de Live Valve et moins de blocage au guidon, le petit tout-suspendu de Pivot se veut plus polyvalent et il a failli réussir son coup. Malheureusement, il tombe un peu entre deux eaux avec certains choix de géométrie (angle de tube de selle) ou d’équipement (roues, freins) pas vraiment en phase avec son programme et ses capacités. Cela reste un bon vélo, particulièrement ludique et agréable en descente, mais cela aurait pu être encore mieux et à ce prix on peut se montrer exigeant…
Plus d’informations : pivotcycles.com / mohawkscycles.fr (distributeur)
Photos d’action : Etienne Plouze / Mohawks