Test nouveauté | Orbea Denna :ouvrir le champ des possibles

Par Adrien Protano -

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Test nouveauté | Orbea Denna :ouvrir le champ des possibles

Des modèles gravel dotés d’une assistance électrique, ce n’est pas véritablement nouveau, certaines marques ont investi le secteur ces dernières années… et Orbea aussi a décidé de se lancer dans l’aventure, mais avec une philosophie particulière : celle d’ouvrir le champ des possibles, notamment avec un costaud moteur Shimano EP801 RS. Nous avons eu la chance de découvrir ce nouveau modèle, baptisé Denna, en avant-première dans le pays-basque. Pour qui, dans quels usages et quelles sont les sensations sur le terrain ? Réponse :

Bienvenu au Denna, le premier châssis de gravel électrique estampillé Orbea… ou presque le premier en réalité !

Eh oui, car le catalogue d’Orbea compte déjà dans ses rangs le Gain, un modèle destiné à la route – qu’il est possible de graveliser – et doté d’un moteur au niveau du moyeu de la roue arrière. « Avec le lancement de ce Gain il y a un peu plus de 7 ans, Orbea était l’un des pionniers dans ce monde du eRoad. C’était une idée assez particulière à l’époque où on l’a développé, mais c’est devenu une vraie référence sur le marché », explique Joseba Arizaga, manager produit du segment route et gravel chez Orbea.

« Le Gain a beaucoup évolué durant ces dernières années, témoin que le marché est encore nouveau et se développe toujours. C’est un petit segment niche, mais qui a la chance (et une raison !) de grossir, c’est une vraie opportunité », ajoute Parker DeGray, Global Key Media Manager.

Le Gravel est une pratique inclusive, peut-être même la plus inclusive du monde du vélo. Il nous fallait un vélo capable de répondre à la demande de ces personnes 
Joseba Arizaga, manager produit route/gravel Orbea

« Le gravel est une pratique inclusive, peut-être même la plus inclusive du monde du vélo. Il nous fallait un vélo capable de répondre à la demande de ces personnes, et c’était l’occasion de développer un vélo davantage orienté gravel que le Gain », détaille Joseba.

Voilà la raison d’être de ce nouveau Denna : étendre l’expérience du plaisir de découvrir de nouveaux horizons à un plus grand nombre de personnes. Dans cette mission, Orbea a choisi de développer un vélo davantage capable que le Gain, mais aussi plus axé sur le confort, avec un moteur qui aide davantage le pilote, et des périphériques qui permettent d’explorer de plus lointains horizons. « On ne s’attend pas vraiment à ce que des experts choisissent ce vélo, il a plutôt été réfléchi pour répondre à la demande de toutes les personnes qui aiment rouler de longues distances, qui aiment le dénivelé, mais sans avoir le temps pour ; mais aussi pour les débutants qui trouveront ici une machine facile et confortable » conclut Joseba.

Châssis : confort comme maître-mot

Pour le cadre de ce Denna, Orbea a opté pour son carbone OMR, à savoir un layup de carbone davantage axé sur le confort (là où par exemple le carbone OMX de la marque, que l’on a récemment côtoyé sur le Oiz, est axé performance). De manière simplifiée, cela s’apparente à un tissage de fibres de carbone moins rigide, plus « vivant » et qui va donc davantage se déformer pour apporter du confort. Sur la balance, le Denna est annoncé à 13,3 kg pour sa version la plus légère.

Orbea a également travaillé sur la fourche pour parvenir au parfait équilibre entre précision et confort. Pour favoriser l’absorption des chocs et la dissipation des vibrations, la marque a choisi de doter ce Denna d’une plus longue fourche, entièrement construite en carbone. Celle-ci permet le montage de pneus 50c, laissant encore 5 mm de dégagement de chaque côté.

Et pourquoi pas des « micro-suspensions » comme on peut le voir sur certains modèles concurrents tels que le Cannondale TopStone ou le BMC Urs 01 LT ? « À ce stade, on n’a pas trouvé de solutions convaincantes. Il n’y a pas beaucoup de différence par rapport à ce que peuvent offrir les pneus, mais ces systèmes ajoutent du poids et de la maintenance », nous répond Joseba.

La marque explique avoir préféré dessiner son cadre de façon à permettre de la flexion verticale à des points spécifiques, de quoi absorber les aspérités du terrain, et avec une construction des tubes qui limite la flexion latérale, pour ne pas compromettre l’efficacité au pédalage ou l’agilité du vélo. Un point qu’il faudra vérifier sur le terrain.

Assistance : moteur costaud

Le moteur Shimano EP801 RS, vous en avez sûrement déjà entendu parler. La raison ? C’est le moteur qui équipe l’e-bike light de la marque, le Rise, depuis sa sortie en 2020, et de manière plus générale une série de VTTAE du marché. Un moteur de VTTAE sur un gravel… C’est presque ça effectivement, et à la fois pas du tout !

Si le moteur est matériellement le même que celui que l’on retrouve sur une série de VTTAE, Orbea a ici personnalisé le firmware pour que le moteur corresponde parfaitement au châssis et aux besoins de la pratique. Une démarche similaire à celle effectuée sur le Rise, qu’Orbea nomme ici Enough Power. « En gravel, comme en vélo de route, on n’a pas besoin de pics de puissance comme en VTT par exemple. Le pédalage est beaucoup plus linéaire. Le moteur doit donc être en phase avec la pratique. »

Avant d’en venir au moteur Shimano, la marque espagnole a comparé l’ensemble des assistances du marché. Un point indispensable pour la marque était cependant de pouvoir personnaliser ce moteur, chose que les géants (comme Bosch par exemple) ne permettent pas.

Deux profils d’assistance, Gravel et Gravel+, avec respectivement trois modes d’assistance (éco, trail et Turbo) sont prévus par Orbea. Pour rappel, un « profil » est un préréglage des modes d’assistance, c’est ici la manière dont Orbea considère que le moteur fonctionne le mieux pour son châssis. Le profil Gravel est destiné à un usage sur route et sur les chemins de gravel de manière traditionnelle, tandis que le mode Gravel+ se destine aux sorties comprenant de vilaines ascensions et pour les terrains difficiles, et/ou pour les personnes nécessitant une assistance plus soutenue. Entre ces deux profils, c’est en effet la puissance maximale et le caractère de l’assistance qui diffèrent.

On notera que le moteur n’est aucunement bridé, c’est uniquement une histoire de réglages et de personnalisation sur l’application smartphone de Shimano. Il est tout à fait possible de modifier ces profils sur l’application smartphone et d’ajuster les modes à ses préférences. On pourrait donc imaginer un Denna développant 85 Nm de couple, avec une réponse à l’accélération la plus rapide qu’il soit (là où de série le mode Boost, dans le plus puissant profil Gravel+, atteint environ 60 Nm et une réponse à l’accélération modérée).

Inspiration VTT, le Denna est équipé de la petite commande SW-EN600-L et de l’écran EP6 au niveau de son poste de pilotage.

Côté batterie, c’est une solution maison de la marque qui est intégrée au cadre, avec des cellules nouvelle génération plus efficientes en énergie pour un poids moindre, de quoi atteindre 420 Wh et un poids de 1,95 kg pour cette solution maison. Il est également possible d’ajouter le Range Extender de la marque, ajoutant 210 Wh et 1,05 kg.

Géométrie

De par le développement du Gain mais aussi du Terra (modèle Gravel sans assistance), Orbea a tiré des enseignements qu’elle explique avoir intégrés au sein de ce Denna : fourche adaptée à la taille du cadre, boîtier de pédalier bas et empattement long pour favoriser la stabilité, tube supérieur plus long associé à une potence plus courte pour un contrôle précis… Sur le papier, en taille M, cela se traduit par un reach de 395 mm, des bases de 425 mm, un angle de direction de 71° et un angle de tube de selle de 73,5°.

La marque explique également avoir adapté la géométrie pour intégrer la répartition des masses du moteur et de la batterie, comprenez là les placer le plus bas possible, et permettre au Denna de continuer à être facile et agréable à piloter, même lorsque le terrain et les conditions se corsent.

Équipements

Au niveau des équipements, notre modèle d’essai (M20) est équipé d’une transmission un peu particulière, avec un dérailleur Shimano XT Di2 (initialement destiné au VTT) et associé à des shifters gravel/route Ultegra Di2. « C’était un peu une frustration, le marché du e-gravel n’est pas encore très développé et on ne trouvait pas les composants que nous voulions. On a finalement trouvé la solution en adaptant les composants VTT à un cintre drop bar, en mixant XT et Ultegra Di2 », explique le product manager. Cette association entre les composants de familles différentes est possible grâce à la technologie Di2, à savoir l’électronique de Shimano. Là où cette solution prend tout son sens, c’est quelle permet d’associer le shifter gauche à la commande du moteur et donc de pouvoir switcher entre les modes sans passer par la commande placée au milieu du poste de pilotage.

Le train roulant est maison avec une paire de Oquo RC25 Team, associées à des pneus Vittoria Terreno Dry Gravel (en 700x45c).

Le poste de pilotage est composé d’un cintre Easton EC90 en carbone (flare de 16°) associé à une potence maison OC Road Performance RP10 (avec un angle de -8º).

Versions et tarifs

Cinq versions sont au catalogue de la marque, bénéficiant toutes du même cadre en carbone, mais avec des équipements différents en fonction du tarif. Le modèle le plus accessible financièrement est le M20 à 5499 €, tandis que la version la plus luxueuse culmine à 9999 €. Notre version d’essai est quant à elle affichée au tarif de 7599 €.

Il faut rappeler qu’il est possible de personnaliser son vélo au moyen du configurateur en ligne de la marque, en ce qui concerne les couleurs et détails du cadre, mais également le choix de certains composants.

Orbea Denna 2025 : le test terrain

C’est au milieu des collines du Pays basque qu’Orbea nous a conviés pour découvrir ce Denna, et plus précisément au sein du domaine viticole de Eguren Ugarte, à quelques encablures de la Guardia. Un lieu choisi pour ses nombreux itinéraires gravel environnant, mais également pour un petit clin d’œil symbolique : Vitorino Eguren, le fondateur du domaine, avait pour habitude de livrer le vin dans les années 1860 au guidon d’un vélo… Orbea !

Ici, impossible d’imaginer rouler plusieurs kilomètres à plat, le terrain est vallonné et les coups de cul sont nombreux et (souvent) assassins. Un terrain idéal pour découvrir tout le potentiel que peut offrir ce nouveau Denna.

Pour réellement mesurer l’apport de ce nouveau châssis et la différence de philosophie par rapport à d’autres modèles du marché, Orbea a également emporté dans ses valises le Gain, son modèle électrique destiné à la route et dont la dernière génération a été dévoilée la semaine précédant notre venue.

Pour les deux modèles, avec notre mètre 78, c’est sur une taille M que nous avons trouvé position. Hauteur de selle, pression des pneus et on est prêt à aller rouler. D’entrée de jeu, l’ergonomie de notre modèle de test – doté d’une transmission électronique (ce qui permet d’avoir le contrôle du moteur au niveau du shifter gauche) – est agréable : main gauche pour la gestion du moteur, main droite pour la transmission, facile !

C’est un point qui s’est renforcé lorsqu’on est montée sur le Gain, pour qui le contrôle du moteur se trouve au niveau du milieu du cintre, avec deux boutons placés respectivement à gauche et droite de la potence… Ce qui oblige à lâcher une main au moment de changer de mode d’assistance. Une solution qui peut être concevable sur la route, mais moins évidente en gravel.

Viennent les premières montées du parcours, et là c’est la surprise ! On a eu l’impression de retrouver la philosophie qui nous plaisait tant sur le Rise, l’e-bike léger de la marque. L’assistance peut offrir beaucoup de support, mais sans être dérangeante ou trop costaude. En mode éco, l’assistance est extrêmement discrète et on a juste l’impression de bien pédaler. Si la pente commence à s’intensifier (ou le vent de face), deux choix s’offrent à nous : développer davantage de puissance sur les pédales (ce qui est récompensé par la réponse du moteur qui va nous accompagner dans l’effort en intensifiant la puissance délivrée) ou passer sur un mode supérieur d’assistance.

En mode intermédiaire, on a les jambes des grands jours ; en mode turbo, celle d’un champion olympique ! Il nous faut toutefois ici dissocier les deux profils prévus par Orbea au sein du moteur, à savoir Gravel et Gravel Plus. Comme on vous l’expliquait plus haut, la différence entre les deux profils prend place dans la rapidité de réponse du moteur et la puissance délivrée. En mode Gravel, on a une réponse très naturelle, là où le mode Gravel + nous a un peu rappelé la manière de réagir des moteurs de VTTAE, en plus doux on vous rassure.

Un autre avantage de ce moteur central en comparaison à un moteur situé dans le moyeu arrière est le cas de figure de la basse cadence de pédalage. Pour délivrer sa puissance, le moteur « moyeu » nécessite une cadence de pédalage assez haute, là où le moteur central peut s’accommoder d’un rythme moins soutenu. De quoi permettre à l’assistance de nous sauver lors d’une montée non prévue par exemple.

Là où le moteur central perd des points, c’est au niveau des frictions une fois que l’on dépasse la limite de l’assistance (25 km/h) ou lorsque le moteur est coupé. Sur le plat, on a trouvé nos limites autour des 35 km/h, au-delà il devient difficile de garder le cap entre le poids du vélo et les frictions du moteur. On doit aussi noter que sans assistance, le surpoids du vélo se fait ressentir, et on finit généralement par basculer en mode éco si le terrain n’est pas un billard.

On se verrait bien retirer l’écran de contrôle pour bénéficier d’un poste de pilotage plus épuré encore. Revers de la médaille, il nous faudra alors nécessairement passer par l’application smartphone Shimano E-Tube pour switcher entre le profil Gravel et Gravel +.

En descente, et de manière générale sur les chemins plus accidentés, la géométrie moderne de ce Denna fait la différence. Le vélo est sécurisant et très confortable. Nous sommes persuadés que le choix des pneus en 50 mm de section n’y est pas étranger. À titre d’information, c’est entre 1,5 et 1,7 bar que nous avons trouvé le meilleur compromis entre confort et rendement pour un pilote de 63 kg (cf. Dégonflez vos pneus (de gravel), vous nous remercierez !)

Après avoir sauté du Denna au Gain et vice-versa à plusieurs reprises, et parcouru les mêmes circuits à bord des deux vélos, on parvient à comprendre la philosophie qui anime les deux modèles et le public respectif à qui ceux-ci vont bénéficier.

Le Denna n’est pas fait pour suivre les copains sur la route à 40km/h, mais plutôt pour s'aventurer sans crainte sur les parcours gravel de votre choix.

C’est un point sur lequel Orbea désire communiquer avec transparence : le Denna n’est pas fait pour suivre les copains sur la route à 40 km/h. Dans cette mission, celui-ci s’avérera rapidement pénible ! Par contre, selon nous, il sera tout indiqué pour s’aventurer sans crainte sur les parcours gravel de votre choix, ou pour suivre les copains plus en forme sur les parcours off-road où la vitesse moyenne est plus réduite que sur la route.

Un modèle idéal pour les débutants donc, qui pourront s’aventurer sans crainte et goûter rapidement aux joies de la pratique, mais aussi pour les cyclistes n’ayant pas suffisamment de temps que pour rouler régulièrement et qui désirent continuer à cumuler le dénivelé. Pour l’anecdote, on a même entendu dire que certains cyclistes professionnels (une championne olympique française dans le lot) utilisaient un vélo de route/gravel électrique pour les journées d’après courses, dans le but de faire des sorties récupération où il n’est pas question de développer de la puissance.

Difficile de se prononcer sur l’autonomie étant donné que nous avons beaucoup joué avec les différents modes et profils, et régulièrement changé de rythme et de cadence, afin de véritablement tester les différents cas de figure. Dans ces conditions, on peut toutefois avancer que l’on a effectué une sortie de 70 km et 1500 m de d+ et que nous n’avions pas encore dépassé la moitié de la batterie, pour un pilote de 63 kg et sur un terrain assez roulant.

Verdict

Avec une philosophie bien choisie, Orbea investit le secteur du gravel électrique avec brio ! Ici, tout est pensé pour offrir un modèle confortable, facile à prendre en main et vecteur de plaisir. Mis en mouvement par le costaud moteur Shimano EP801, l’Orbea Denna est un vrai compagnon pour s’aventurer sans trop de crainte : une ascension trop difficile, un terrain dans de mauvaises conditions ou encore des copains qui roulent trop vite ? On affronte les difficultés et imprévus de la sortie bien accompagné, en ayant le support nécessaire du moteur. Un modèle tout indiqué donc pour les néophytes qui peuvent goûter rapidement aux joies de la pratique, mais aussi pour les pilotes ayant peu de temps libre à disposition et qui veulent voir un maximum de paysage. Attention toutefois, il s’agit ici bien d’un modèle destiné à un usage gravel. Si votre version du gravel se traduit par de longues sorties sur route et quelques chemins, et que vous êtes à la recherche d’un modèle électrique pour vous permettre de suivre les copains, ce Denna ne sera pas tout à fait indiqué, et c’est plutôt vers le Gain qu’il vous faudra vous tourner. 

Pour plus d’informations : https://www.orbea.com/be-fr/

Par  Adrien Protano