Test nouveauté | Mondraker F-Podium : un XC avec des gènes de descendeur

Par Léo Kervran -

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Test nouveauté | Mondraker F-Podium : un XC avec des gènes de descendeur

Le voilà enfin ! Après quatre ans de développement et de nombreux prototypes, Mondraker présente son nouveau tout-suspendu de XC, le F-Podium. Sur le papier, le choix peut paraître à contre-courant des dernières tendances (pas de tige de selle télescopique, débattement de 100 mm), mais ce Mondraker a plus d’un tour dans son sac. Découverte.

C’est dans un (splendide) ancien garage transformé en showroom que Mondraker nous accueille pour nous présenter ce nouveau F-Podium. Après une première partie nous rappelant l’historique et la philosophie de la marque, Israel Romero, responsable marketing produit et communication chez Mondraker, prend le micro pour nous raconter le développement de ce nouveau F-Podium.

 

La marque espagnole a pris son temps pour développer ce vélo : les premières esquisses remontent à 2015. A l’époque, on commençait tout juste à parler de Boost et les standards Metric et Trunnion n’existaient pas. Divers concepts très différents ont été envisagés, comme un monopivot + biellette avec amortisseur horizontal (comme le Canyon Lux ou le Specialized Epic), mais c’est finalement la suspension maison Zero qui a été retenue pour sa polyvalence.

Par ailleurs, les athlètes du team Primaflor-Mondraker ont été fortement intégrés au développement. Les bureaux de Mondraker à Alicante abritent également les bureaux du team, les échanges et retours ont donc été grandement facilités. La première phase s’est déroulée en interne mais dès début 2017, Carlos Coloma a commencé à tester le premier prototype et a ensuite mis à l’épreuve de très nombreuses versions. D’autres membres du team comme Raiza Goulao ou Ondrej Cink l’ont rejoint par la suite.

Pour le cadre, Mondraker s’est rapproché de Carbon Composites Company (3C), le deuxième fournisseur européen de fibres de carbone. Cette entreprise allemande, qui travaille habituellement pour Audi, BMW, Mercedes ou l’aéronautique n’avait jamais réalisé de cadre ou de pièce de vélo. Du propre aveu de Mondraker, les premiers pas furent donc difficiles mais le résultat est à la hauteur de leurs attentes. Cette collaboration a finalement donné naissance à un procédé à la pointe de la technologie appelé Stealth Air Carbon.

Le cadre, censé offrir le meilleur rapport poids/résistance du marché, passe juste sous la barre des 2 kg avec 1987g sans amortisseur. Le savoir-faire développé en Allemagne a ensuite été transféré au partenaire habituel de Mondraker à Taïwan. Tous les cadres seront fabriqués là-bas.

Sur le papier, la géométrie XCO Geo (évolution de la célèbre Forward Geometry chère à la marque) impressionne. Reach à 460 mm et empattement à 1153 mm en taille M, angle de direction à 68°, le vélo est plus long et plus couché que tous ses concurrents. A titre d’exemple, le Specialized Epic et le Scott Spark RC, références dans la catégorie, sont 30 mm plus courts.

Pour conserver une position très performante au pédalage (après tout, on parle quand même d’un vélo de XC), Mondraker utilise un angle de tube de selle de 76,5°, soit minimum 1,5° plus droit que les autres. Cela leur permet de conserver un tube supérieur tout à fait « normal » avec 600 mm en taille M.

Visuellement, pas de doute possible, ce F-Podium est bien un Mondraker. Lignes acérées, triangle avant long, tube supérieur aplati à l’extrême, ce nouveau vélo reprend tous les codes esthétiques de la marque. Il abandonne néanmoins la potence intégrée IST Evo du Podium semi-rigide et que nous avions entraperçue sur un prototype il y a deux ans sur la coupe du monde de Nove Mesto (voir notre news).

Cela permet à Mondraker de gagner environ 80 g sur le vélo car cette technologie nécessitait des renforts dans le cadre qui sont superflus avec une potence non-intégrée. Par ailleurs, cela augmente les possibilités de réglages, quelque peu limitées avec une potence intégrée.

A l’arrière, le F-Podium reprend la Zero Suspension qu’on retrouve sur tous les vélos de la marque. Sur ce système à point de pivot virtuel, l’amortisseur est monté flottant entre les deux biellettes. L’objectif de cette architecture est de réduire le pompage. Zero signifie d’ailleurs zéro pompage, zéro kick back et zéro verrouillage au freinage. De belles promesses à vérifier sur le terrain.

La cinématique développe 100 mm de débattement et utilise une biellette supérieure monobloc en carbone pour garantir la rigidité de l’ensemble, souvent un point faible sur les systèmes à point de pivot virtuel. Dans le même esprit, les axes sont surdimensionnés (15 mm contre 12 mm sur les autres modèles de la marque). La biellette inférieure est en aluminium.

Andres Climent, ingénieur chez Mondraker et l’un des pères de ce nouveau F-Podium, nous  explique pourquoi : « Une biellette inférieure en carbone, extrêmement légère, a été envisagée mais on n’a finalement pas retenu cette solution pour des raisons de fiabilité. Sur notre cinématique, cette pièce travaille en traction et c’est l’un des points faibles du carbone, par ailleurs très résistant en compression. L’aluminium offre donc bien plus de garanties pour l’utilisateur, même si la pièce est un peu plus lourde. »

L’amortisseur Fox Float DPS Evol est au standard Trunnion pour la fixation, avec une tête allégée au maximum.  Il adopte également des dimensions au format Metric, en 185×47,5 mm. Vu son emplacement, le plongeur est assez exposé aux projections de la roue arrière mais Mondraker a intégré un garde-boue dans le triangle arrière pour le protéger. A l’avant, on retrouve une Fox 32 StepCast en 100 mm de débattement. Niveau de gamme Performance Elite sur le F-Podium et Factory sur les modèles F-Podium R, RR et RR SL.

L’étrier arrière se monte sur les bases au standard Postmount 160. Malgré la présence d’un adaptateur spécifique à Mondraker pour décaler l’étrier, la rigidité est censée être suffisante pour garantir un freinage de qualité. D’après Andres Climent, un montage au standard Flatmount avait été envisagé pour ses performances mécaniques et la facilité qu’il apporte dans la conception du cadre, mais il n’y a que peu de freins à disque de VTT disponibles aujourd’hui dans ce standard. Cette raison les a donc poussés à revenir sur montage Postmount plus classique.

Côté transmission, il est impossible de monter un dérailleur avant, ce qui n’est pas surprenant vu le programme auquel le vélo se destine. La taille maximale pour le plateau est 36 dents (ou 34 dents pour un plateau ovale). Toute la gamme est montée en 1×12, Sram ou Shimano suivant les versions. Le boîtier de pédalier est fileté, au standard BSA73 pour une fiabilité optimale, sans les craquements courants sur les boîtiers pressfit.

La base est protégée des mouvements de la chaîne par une feuille de caoutchouc particulièrement travaillée. Cette forme, qu’on retrouve de plus en plus souvent sur les vélos de DH, est censée être plus efficace et surtout plus silencieuse.

Tous les câbles et Durit passent en interne du début à la fin et le cadre peut accueillir le Fox Live Valve pour ceux qui souhaiteraient upgrader leur suspension. La tige de selle est au diamètre 31,6 mm et si des modèles rigides seront montés d’origine, des passages de gaines en interne sont aussi prévus pour une tige de selle télescopique.

Une trappe est prévue sous le tube diagonal pour faciliter la maintenance et les changements de gaine ou de frein. En revanche, pour changer la gaine du dérailleur ou la Durit du frein arrière, il faut démonter l’amortisseur. Ces gaines passent sous la biellette inférieure et avec l’amortisseur en place, il est impossible de soulever cette dernière suffisamment pour y accéder.

Les roues sont au format Boost, en 25 mm de largeur interne. Tous les modèles seront fournis avec des pneus Maxxis Rekon Race Exo Tubeless Ready en 2.25. S’ils sont vite limités sur terrain gras, on salue néanmoins l’effort de Mondraker qui a choisi des vrais pneus tubeless et renforcés, quitte à rajouter quelques grammes sur la balance.

Le Mondraker F-Podium sera disponible en 4 tailles, de S à XL et 4 montages :

  • F-Podium (3 999 € / 11,49 kg) : transmission Sram GX/NX Eagle, freins Shimano MT501, roues Mavic Crossmax, périphériques Onoff
  • F-Podium R (5 999 € / 10,59 kg) : transmission Sram XO1/GX Eagle, freins Sram Level TLM, roues DT Swiss XR1501, périphériques Onoff
  • F-Podium RR (7 999 € / 10,21 kg) : transmission et freins Shimano XTR, pédalier Rotor Inpower, roues DT Swiss XRC1200, périphériques Onoff
  • F-Podium RR SL (13 499 € / 9,52 kg) : transmission Sram XX1 Eagle, freins Sram Level Ultimate, périphériques et roues Bike Ahead

Mondraker F-Podium, 1er essai par Léo à Stuttgart

Nous avons eu l’occasion de prendre en main le F-Podium en version RR durant une heure dans un bois de Stuttgart, là où Mondraker nous avait donné rendez-vous pour nous présenter le vélo.

Au premier abord, la position est déconcertante. Assis sur la selle et avec une tige de selle bien réglée, on a l’impression d’être très bas et ramassé sur le vélo. Cette sensation, probablement due au stack faible et à la potence de 50 mm, finit par disparaître après 10-15 min de roulage. Elle ne se représentera pas ensuite, même en changeant de taille de vélo ou en le reprenant le lendemain pour quelques photos.

Au pédalage au train, le vélo répond bien mais sans plus. On n’a pas la même impression de rendement qu’avec un Specialized Epic par exemple. En revanche, avec 25 % de SAG (valeur recommandée par Mondraker), la suspension Zero ne pompe absolument pas et filtre bien les irrégularités du terrain, les racines… On ne bute pas sur les obstacles.

En danseuse, le vélo est dans son élément. La suspension pompe un peu mais ce n’est pas rédhibitoire et on n’a jamais l’impression d’être freiné. Il n’y a pas d’effet « boulet de canon » lorsqu’on se dresse sur les pédales mais cela rend le F-Podium très confortable et pas trop exigeant lorsqu’on se dresse sur les pédales. Il est donc très agréable en danseuse, à tel point que la moindre petite pente est un prétexte pour adopter cette position et ce sont vos mollets qui finissent par vous rappeler à l’ordre après quelques dizaines de minutes de ce traitement.

De manière générale, les performances au pédalage sont cependant en-deçà de nos attentes, surtout pour un vélo de ce niveau de gamme. Malgré les roues DT Swiss XRC1200, les mêmes que celles du team Scott-Sram de Nino Schurter, Lars Forster et Kate Courtney, le F-Podium manque un peu de vie. Il roule bien mais ne vous pousse pas à remettre un coup de gaz en permanence.

Cependant, dès que l’on entame une descente, le vélo se révèle entièrement et fait pardonner ses petits défauts au pédalage. Vif quand le terrain s’y prête, il se montre également très stable lorsque la piste secoue un peu plus. La rigidité est très bien dosée et le cadre offre un soupçon de tolérance qui permet de rattraper le vélo lorsque les choses ne se déroulent pas vraiment comme prévu.

La géométrie est une vraie réussite et contrairement à la position assise qui a demandé un petit temps d’adaptation, on n’a jamais eu l’impression d’être mal placé sur le vélo en descente. Malgré la tige de selle haute, on ne se retrouve pas projeté sur l’avant sur les gros freinages ou lorsque la pente se fait un peu plus raide.

La suspension arrière donne l’impression d’offrir bien plus que 100 mm de débattement et c’est la fourche (excellente au demeurant) qui finit par nous rappeler que nous ne sommes que sur un petit vélo de XC. On se prend vite à imaginer ce que pourrait donner ce F-Podium avec une tige de selle télescopique et une fourche en 120 mm…

Côté taille, avec notre 1m79 on se retrouve un peu entre le M et L. Nous avons eu l’occasion d’essayer les deux et nous avons finalement préféré le M. Malgré le reach long, le L n’est pas démesurément grand et en descente, le comportement est similaire, mais au pédalage le M nous est apparu plus « vivant », un peu plus nerveux.

2e essai par Olivier à Liège, sur les traces test Vojo

Faisant suite à la première prise en main de Léo, raccourcie en raison d’une météo capricieuse, nous avons pu approfondir un peu les choses en compagnie du distributeur belge qui s’est arrangé pour que nous puissions rouler le vélo pendant quelques heures sur une de nos boucles test habituelles, à deux pas de la rédac belge de Vojo, à Liège.

Par rapport à Léo, j’ai eu un peu moins de mal avec la position assise sur le vélo, mais je suis un poil plus petit (178cm). Il reste que pour cette taille, on est vraiment entre le M et le L. Le M sur lequel j’ai roulé était bien mais quand même un peu court et le L aurait probablement été un peu plus adapté. Quoi qu’il en soit, malgré ce que dit la feuille de géométrie, il semble moins long que les autres vélos de la gamme Mondraker.

Comme Léo, je n’ai pas trouvé le vélo explosif quand on reste assis sur la selle. Les accélérations sont franches mais linéaires. Par contre, dès qu’on se met debout, c’est le feu d’artifice et le vélo part au quart de tour dans les sprints. Et si on bloque les suspensions, c’est plus pour la fourche que pour l’amortisseur arrière.

On se met d’autant plus facilement en danseuse que le grip en côte est assez phénoménal. En cela, on retrouve bien les avantages connus de cette cinématique venue des « gros vélos », qui colle parfaitement la roue au sol et qui fait du F-Podium un king des grimpettes techniques. Attention toutefois au boîtier de pédalier bas et aux manivelles qui ont tendance à taper sur les excroissances du sol.

Le vélo nous a semblé vif dans les changements de direction, joueur et facile à emmener. Il sait aussi se montrer assez confortable et pour un vélo typé racing, il n’est pas hyper exclusif. C’est aussi un descendeur hors pair. Même si on aurait sans doute été encore plus en confiance sur un taille L, déjà ici on parvient à aller très vite dans le cassant sans avoir l’impression de risquer sa peau.

Par contre, la tige de selle télescopique nous a vraiment manqué. L’arrière du vélo reste assez haut et si l’avant bas permet de bien charger l’avant pour avoir du grip, l’ensemble donne régulièrement l’impression qu’il n’est pas possible de se positionner de la manière la plus efficace et sécurisante pour aborder les passages les plus pentus. Il semble qu’une version avec fourche de 120mm et la fameuse tige de selle télescopique soit en préparation, et on a hâte de l’essayer car pour monsieur tout le monde qui veut un chouette vélo de XC mais qui n’a pas pour ambition de gagner une World Cup, c’est sans doute un choix à considérer. Et si vous vous laissez tenter par la version 100mm testée ici, on ne saurait trop vous conseiller de monter directement le fameux dropper post pour exploiter pleinement les qualités de descendeur du F-Podium !

Verdict

Malgré son apparence de dragster, ce nouveau Mondraker F-Podium n’est finalement pas si exclusif. Il distille assez peu de sensations au pédalage et il est difficile de savoir si l’on roule réellement vite ou pas mais le confort de sa suspension et la tolérance du cadre le rendent néanmoins très agréable à un rythme plus tranquille . En descente, les gènes Mondraker sont bien présents et selon votre niveau technique, il vous mettra en sécurité ou vous poussera à attaquer pour aller toujours plus vite. A ce titre, il s’inscrit très bien dans la nouvelle génération de tout-suspendus de XC et est parfaitement adapté aux circuits modernes. C’est donc un coup d’essai réussi pour Mondraker et on espère que la marque espagnole continuera à développer sa gamme de petits tout-suspendus…

Plus d’infos : https://www.mondraker.com/es/en/new-f-podium-2020

ParLéo Kervran