Test nouveauté | L’ABS Bosch sur les sentiers de Val d’Isère

Par Léo Kervran -

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Test nouveauté | L’ABS Bosch sur les sentiers de Val d’Isère

Un ABS sur un vélo ? Voilà qui pourrait paraître bien incongru tant la gestion du freinage fait partie intégrante du pilotage de nos machines, donc du plaisir qu’on prend à leur guidon. Pourtant les équipementiers y croient de plus en plus, à l’image de Bosch qui vient de dévoiler la deuxième génération de son système. Avec d’énormes progrès sur l’intégration, celle-ci vise aussi bien la ville que le VTT et nous avons pu l’essayer. Est-ce que ça fonctionne vraiment ? A qui cela s’adresse-t-il ? Voici notre avis :

Précurseur de l’ABS dans le domaine automobile il y a près de 100 ans, Bosch fut aussi l’un des premiers à proposer une déclinaison de ce système pour les e-bikes, en 2018. Aujourd’hui, la marque allemande a été rejointe par d’autres, telle Shimano qui s’est associée à la société milanaise Blubrake pour proposer un produit concurrent.

Cependant, Bosch a eu le temps de progresser en 4 ans. A l’Eurobike il y a quelques semaines, elle présentait ainsi un tout nouvel ABS, annoncé comme plus discret, plus léger et plus abouti que la précédente version (lire Bosch : Smart System étoffé, ABS et nouvelle commande).

Le marketing c’est bien joli mais avant de rentrer dans les chiffres, comment ça fonctionne concrètement ? A l’heure actuelle, on ne peut pas adjoindre un ABS sur un frein existant. Il faut tout repenser, ou presque et c’est ce qui explique pourquoi Bosch s’est associé à Magura pour ce développement.

La base du système, ce sont les capteurs. Ils sont au nombre de deux, placés au niveau de chaque étrier et « lisent » la vitesse de rotation de la roue grâce à une couronne fixée sur le disque.

Sur la fourche côté frein, on a ensuite le cerveau de l’ABS. Alimenté par la batterie du vélo, c’est ici que se trouve la valve qui régule le passage de l’huile, son réservoir additionnel ainsi que son système de commande, qui détermine s’il faut activer ou non l’ABS en fonction des paramètres décidés par le pilote (mode de fonctionnement de l’ABS) et des informations des capteurs.

Tout repose sur des différences de vitesse de rotation : si le frein est actif et que la roue avant tourne moins vite que l’arrière, c’est qu’elle se met à glisser ou que la roue arrière commence à décoller du sol. Pour retrouver l’adhérence ou reposer la roue arrière au sol, l’ABS décide donc de réguler la pression pour garder du contrôle, comme un ABS de voiture. Présenté ainsi, cela paraît simple mais on imagine qu’il a fallu des centaines heures, si ce n’est des milliers, de simulation et de tests pour trouver les bons réglages.

Vous l’aurez compris, l’ABS n’agit donc que sur le frein avant. Le capteur sur le frein arrière n’est là que pour donner des informations nécessaires au fonctionnement du système mais le comportement du frein en lui-même est identique à celui d’un modèle sans ABS.

Toutefois, ce ne sont pas les seuls composants spécifiques. Au niveau du levier de frein, le réservoir doit aussi être plus gros car un frein équipé d’un ABS « consomme » plus d’huile qu’un frein classique : lorsque le système régule le freinage, l’huile circule à travers la valve et avec les volumes habituellement utilisés, le risque de se retrouver sans frein sur un long freinage serait bien réel.

Enfin, comme tout le système est relié à l’assistance électrique du vélo, on peut le piloter directement depuis la commande au cintre. Bosch a imaginé 4 modes pour répondre à tous les usages : Cargo, Touring (ville), Allroad (gravel, VTT pour les débutants) et Trail. Sur les VTT AE, ce sont logiquement Allroad et Trail qui sont disponibles, avec la possibilité de passer de l’un à l’autre ou d’éteindre complètement le système si on souhaite s’en passer. Une diode sur la commande indique aussi si le système est allumé (éteinte) ou désactivé (allumée, couleur orange).

L’écran permet par ailleurs d’avoir un retour sur l’effet de l’ABS à chaque fois qu’il entre en jeu, avec un affichage qui renseigne sur la durée et la distance de freinage sur laquelle il est intervenu. Certes, ce n’est pas très utile et un peu gadget, mais comme nous l’avons constaté sur le terrain, c’est aussi très intéressant, au moins au début, pour se rendre compte du nombre de freinages sur lesquels le système s’active !

Côté chiffres, ça donne une vitesse de réaction de l’ordre de 2 à 3 millisecondes, soit 300 à 500 fois par seconde. Considérablement plus discret que son prédécesseur (77 % plus petit selon Bosch), le boîtier fixé sur la fourche pèserait environ 230 g. Sur notre monture de test équipée d’une Fox 38, il était fixé par des colliers assez simples mais il sera possible de le visser directement sur certaines fourches, chez SR Suntour notamment.

Enfin, pour le prix, c’est toujours difficile à estimer précisément car c’est un produit qui s’adresse aux marques de vélo mais Bosch estime que cela devrait ajouter autour de 400 € à un vélo complet.

L’ABS Bosch sur le terrain

Comme évoqué en introduction, nous avons eu il y a quelques jours l’occasion de découvrir cet ABS sur le terrain. C’est à Val d’Isère, dans le cadre du Tignes Val d’Isère E-Bike Festival, que Bosch nous avait donné rendez-vous pour l’occasion.

Pour sa deuxième édition en Haute-Tarentaise, l’évènement né à Verbier avait repris tous ses ingrédients habituels : du sport, à haut niveau avec une étape de l’E-Bike World Tour ou pour tous avec le Bosch-E-MTB Challenge, diverses animations, des boucles découvertes et surtout un salon, réparti sur les deux stations et qui offrait la possibilité de tester de nombreux vélos.

Cette année, on aura vu un peu plus de monde le samedi côté Tignes que côté Val d’Isère, un peu plus gâtée en animation, mais l’affluence est restée encore mesurée pour cette deuxième édition malgré une météo idéale. Le bon côté de la chose, c’est que ça fait moins de monde sur les chemins et plus de temps pour essayer des vélos !

Côté sportif, l’E-Tour de Haute Tarentaise inaugurait un nouveau format avec plusieurs spéciales séparées par des liaisons plutôt qu’un long parcours chronométré. Un essai qui a séduit les pilotes, même si certains auraient aimé des journées un peu plus longues sur le vélo. Pour l’année prochaine ? Après les deux jours et 85 km de course, c’est Hugo Pigeon qui s’est imposé chez les hommes devant Jérôme Gilloux et Kenny Muller, tandis que Laura Charles a dominé le classement femmes devant les Suissesses Nicole Göldi et Nathalie Schneitter.

Retour à nos moutons. Sur les conseils de Guillaume Heinrich, responsable marketing et communication pour Bosch, on commence par un gros freinage sur une zone de graviers pour avoir un aperçu du système (en mode Trail) avant de prendre la direction du bikepark. Le genre de chose à ne surtout pas faire en temps normal sous peine de finir au sol, surtout avec le poids de l’e-bike pour accentuer les choses, mais on décide de faire confiance au système et on arrive à pleine vitesse avec trois doigts sur le levier de frein.

Résultat… rien. La roue ne bloque pas, le vélo reste droit et si la distance de freinage a sûrement été un peu allongée, on a gardé le contrôle jusqu’à l’arrêt complet. Plutôt rassurant en cas de freinage d’urgence !

Premières sensations

Par la suite, sur de vrais sentiers variés, tantôt techniques, rapides ou piégeux, deux aspects du système vont nous bluffer. D’abord, sa discrétion : quand il s’active, on ne sent rien au niveau du levier de frein. Pas d’à-coups, pas de vibrations, rien qui pourrait déstabiliser.

Ensuite, sa sensibilité. Certes, nous avons été obligés de surgonfler nos pneus pour protéger un train roulant un peu fragile, ce qui réduit le grip et encourage donc le déclenchement de l’ABS, mais tout de même. Lorsqu’on hausse un peu le rythme, le système semble s’activer à chaque freinage ou presque si on en croit le petit écran qui affiche le temps et la distance de freinage. En se basant sur nos sensations et notre expérience, on arrive bien à identifier quelques zones où il s’est probablement activé mais jamais nous n’aurions imaginé qu’il était si présent.

A force d’enchaîner les descentes, on commence peu à peu à adapter notre pilotage aux spécificités du système. Pas évident de désapprendre 15 ans de vélo mais c’est presque obligatoire pour réellement tirer parti de l’ABS… ou se mettre dans la peau d’un novice, afin de voir ce que le système peut lui apporter.

Malgré l’ergonomie plus orientée loisir que performance du levier, dessiné pour deux doigts plutôt qu’un seul, on peut clairement retarder les freinages et mettre toute sa force dessus au dernier moment sans crainte de rater le virage. Comme la roue ne bloque jamais, on dirige toujours le vélo, même si la régulation continue pendant le virage. On peut ainsi avoir la sensation de faire de superbe freinages dégressifs ; on ne sait pas si c’est très efficace comme technique de pilotage mais c’est assurément très plaisant !

Pour celles et ceux qui roulent en montagne et s’inquiéteraient du comportement en nose-turn, pas de souci à se faire : en mode Trail, l’ABS est paramétré pour laisser une certaine marge de manœuvre et autoriser ce genre de figure, la preuve ci-dessus. En Allroad, ce sera plus compliqué mais c’est bien tout l’intérêt de ces différents modes de fonctionnement.

Et pour les débutants ?

Toutefois, vous vous en doutez, c’est à l’autre extrémité du spectre des pratiques qu’on voit le principal intérêt de l’ABS : pour les novices, les pilotes peu ou pas expérimentés, celles et ceux qui se (re)mettent au VTT par le biais de l’e-bike, qui vont louer un vélo quelques fois par an en station ou ailleurs pour découvrir la région…

En premier lieu, ce système est clairement un bond en termes de sécurité. Sur une piste 4×4 tapissée de gravillons par exemple, peut-être l’une des choses les plus piégeuses en VTT, on peut garder du frein tout au long d’un virage sans crainte de glisser, même dans une épingle. Certes, ce n’est pas académique mais quand il s’agit de rester sur ses roues avec 25 kg entre les jambes, cela facilite considérablement la tâche.

Plus intéressant encore, il peut permettre d’apprendre à bien piloter. En effet, plus de risque de faire des soleils avec ce genre d’aide. Avec un moniteur à côté pour éduquer et conseiller, le ou la novice pourra facilement comprendre qu’il ne faut pas hésiter à utiliser le frein avant, qu’on reste toujours centré sur le vélo sauf exception, voire qu’on peut appliquer du poids sur la roue avant pour faciliter les choses.

Ce dernier point est d’ailleurs primordial pour tirer parti de l’ABS, à tout niveau. Puisque la roue avant ne bloque plus et dans cette version, le frein est assez progressif, il n’y a plus de gros transferts de masse vers l’avant. Au lieu de contrer le mouvement comme on a l’habitude de le faire, il faut donc rester centré voire continuer de charger l’avant du vélo pour garder de l’adhérence, sous peine de voir les distances de freinage s’allonger dramatiquement.

Au passage, on profite d’une petite remontée pour refaire une photo pour tester la nouvelle fonctionnalité Hill Hold, qui retient le vélo lorsque l’assistance à la marche est active. On aura l’occasion de vous en reparler en détails plus tard mais c’est épatant : relâchez le bouton qui maintient l’assistance activée et pendant 10 secondes, le vélo ne reculera pas, quoi que vous fassiez (sauf si vous le lui demandez, d’une pression sur le bouton « + »).

Le Hill Hold s’adapte au poids du vélo et du pilote.

Le moteur « retient » la roue arrière et adapte même sa résistance à l’effort qui s’exerce sur la roue, de manière à fonctionner aussi bien avec un ensemble pilote + vélo de 80 kg qu’avec un autre de 105 kg. Le parallèle avec une assistance au démarrage en côte de voiture est frappant et c’est bien pratique lorsqu’il faut pousser son vélo dans une pente raide ou franchir un passage trop technique.

Verdict

On allait sur cet essai curieux et l’esprit ouvert, on en revient… encore plus curieux. D’abord, les faits : cet ABS est une réussite technique incontestable. Si on s’est senti limité durant cette prise en main, c’est plus par la conception du frein en lui-même, très progressif, que par cette aide électronique. Pour l’essentiel de la population, disons 85 % des pratiquants, c’est un progrès énorme qui apportera sécurité et confort et on ne voit aucune raison de le désactiver. Pour les plus pointus, nous n’avons pas encore d’avis définitif et il nous faudra passer plus de temps en sa compagnie pour répondre à la question. Ceci dit, Bosch ne nous a pas caché qu’il était tout à fait possible de créer un mode « Performance » qui pousserait les limites du système encore plus loin. Ce n’est pas dans l’esprit de l’ABS aujourd’hui et le frein en lui-même n’est pas optimisé pour cela, mais on serait très, très curieux d’essayer une telle version…

Plus d’informations : bosch-ebike.com

ParLéo Kervran