Test nouveauté | Fourche, tige télescopique, poste de pilotage : la famille KS gravel à l’essai

Par Olivier Béart -

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Test nouveauté | Fourche, tige télescopique, poste de pilotage : la famille KS gravel à l’essai

Chez Kind Shock, vous connaissez certainement les tiges de selle télescopiques VTT, dont la marque taïwanaise est un des spécialistes les plus reconnus. Mais, comme son nom l’indique, KS est aussi à l’origine une marque de suspensions. Ce n’est donc pas si surprenant de les voir arriver dans le gravel avec non seulement une tige de selle qui est à la fois télescopique et suspendue, mais aussi une fourche ! Vojo a eu l’occasion de tester ces produits atypiques et dont la présence sur un gravel pourra choquer quelques âmes sensibles. Mais comme toujours, laissons les préjugés de côté et voyons exactement de quoi il en retourne !

Avant de se spécialiser dans les tiges de selle télescopiques et d’en devenir un des plus grands spécialistes mondiaux, KS produisait énormément de suspensions. L’arrivée du gravel et le succès de la pratique ont poussé la marque à s’y intéresser, en se demandant comment, avec leur savoir-faire, ils pouvaient y apporter de l’innovation et comment répondre à des demandes de certains pratiquants encore peu ou pas rencontrées jusqu’ici. La réponse, vous l’avez sous les yeux : une fourche suspendue baptisée GTC et une tige de selle qui est à la fois télescopique et suspendue, baptisée Rage IS.

On en entend déjà certains parmi vous qui poussent de grands cris… mais l’expérience nous a plus d’une fois montré qu’il fallait garder l’esprit ouvert et tester sur le terrain pour vraiment se rendre compte de l’intérêt (ou non) d’un produit. Pour nous aussi, habituellement, gravel rime avec simplicité et vélos épurés, mais on doit tout de même reconnaître que sur une série de terrains ou lors de certaines sorties, avoir les bras en compote à cause de l’avant qui fait marteau-piqueur et y ajouter une fatigue lombaire qu’on avait oubliée depuis longtemps à force de rouler en tout suspendu, ça nous a fait réfléchir. Et peut-être que les produits présentés ici peuvent apporter des solutions.

Alors, gardons l’esprit ouvert, voyons cela en détails puis partons sur le terrain essayer tout cela !

La fourche KS GTC : sur le papier

Pour sa première fourche de gravel, KS a visé directement un produit haut de gamme. Cela se remarque en jetant un coup d’œil attentif au châssis, très travaillé et fait d’un assemblage d’aluminium 6061 forgé puis usiné pour la partie basse de la fourche, et de carbone pour le haut et l’arceau rigidificateur.

Le té et le pivot (conique) restent quant à eux en aluminium. Les plongeurs font 30mm de diamètre (contre 32 à 35 mm pour les fourches de XC contemporaines).

Cette fourche KS GTC gravel offre 40 mm de débattement, comme sa principale concurrente, la RockShox Rudy qui était jusqu’ici une des seules fourches suspendues destinées au gravel réellement disponibles sur le marché (Fox a également présenté un modèle, mais nous ne l’avons encore jamais vu en vrai hors des salons).

A l’intérieur, KS n’a pas cherché à tout révolutionner, privilégiant des technologies éprouvées et efficaces. Le ressort est à air, avec une pression de chambre négative qui s’ajuste automatiquement en fonction de la chambre positive. Pour la partie hydraulique, on retrouve une cartouche fermée avec réglage du rebond (en bas de la fourche) accompagné d’un réglage de la compression jusqu’au blocage, accessible via une molette située au niveau du té.

Côté poids, KS annonce 1385 g, mais nous avons plutôt pesé la fourche à 1425 g sur notre fidèle balance. Quoi qu’il en soit, on tourne autour de 1 kg de pénalité par rapport à une fourche carbone légère qui équipe un gravel haut de gamme. Il sera important de voir si ce surpoids se sent sur le terrain. Enfin, pour être complet dans la fiche technique, on signalera que la KS GTC gravel accepte des pneus jusque 50mm de large, que la patte de disque est au standard Postmount et que sa hauteur est la même que celle d’une fourche carbone rigide une fois qu’on est au SAG (enfoncement statique d’une fourche suspendue sous le poids du pilote). Enfin, bon point pour le petit levier caché dans l’axe de roue, discret et efficace.

Sur le terrain : 40mm de pur bonheur

Une fourche suspendue sur un gravel ? L’idée peut sembler saugrenue… jusqu’au moment où on a essayé ! Attention, ne nous faites pas dire ce que nous n’avons pas dit : contrairement au VTT où la question ne fait même plus vraiment débat, nous pensons que les fourches rigides ont encore un très bel avenir en gravel et vont encore longtemps (voire même toujours) représenter la plus grosse part du marché et répondre aux besoins de la majorité des pratiquants. Par contre, ce n’est pas pour cela que pour certains pratiquants et certains types de terrains, une fourche suspendue ne peut pas représenter une réelle avancée.

Le premier point auquel nous avons été attentifs lors de notre essai, c’est la perception du surpoids que représente la KS GTC par rapport à la fourche carbone d’origine sur le Felt qui a servi de plateforme à cet essai. Contrairement au Lauf qui a servi de base au test de la RockShox Rudy, nous avions roulé le Felt dans sa configuration d’origine avant de lui monter la suspension KS. Eh bien, bonne surprise : la différence est minime. On perçoit bien un petit quelque chose, mais malgré un bon kilo en plus, la direction n’a rien de pataud et le plaisir de pilotage n’en pâtit pas.

A ce niveau, il faut louer la très bonne rigidité du châssis de la KS GTC, qui offre une excellente précision, et elle se situe clairement au-dessus de la RockShox Rudy. La KS GTC nous a d’ailleurs paru être d’un plus grand apport en descente que la Rudy. Est-ce le châssis ? Le débattement de 40mm contre 30 chez RockShox ? Ou la qualité de l’amortissement ? Probablement un peu des trois, mais cette KS nous a vraiment bluffés par son efficacité. En descente, on va clairement plus vite, et surtout avec plus de sérénité.

Nous avons fait l’épreuve gravel du Grand Raid Godefroy avec cette configuration et absolument personne n’arrivait à nous tenir en descente, alors que nous n’avions pas l’impression de prendre des risques inconsidérés. Le début de course filtre remarquablement les petites vibrations, le milieu de débattement est parfaitement géré, tout comme la fin de course qui permet de ne jamais avoir la sensation de « taper au fond » brutalement et qui donne l’impression d’avoir plus de débattement qu’on en a réellement. C’est plus inattendu, mais comme avec la Rudy, nous avons perçu un vrai apport de la suspension aussi en montée, pour choisir avec plus d’aisance les bonnes lignes.

Vous l’aurez compris, cette fourche KS GTC gravel est, selon nous, une vraie réussite et très clairement la meilleure des deux fourches gravel que nous avons eu l’occasion de tester jusqu’à présent. Si vous être en délicatesse avec l’avant de votre vélo de gravel ou si vous ressentez le besoin d’améliorer le confort de votre machine et que vous n’avez pas peur d’entendre quelques railleries (dont les précurseurs sont toujours victimes), voilà un upgrade qui mérite vraiment qu’on s’y intéresse. Et KS a réussi d’emblée une suspension de très grande qualité.

Bien sûr, on peut aussi envisager des pneus de plus forte section, mais les conséquences de ce choix sur le rendement et sur la manière de piloter le vélo ne sont pas non plus négligeables. Ici, la suspension permet aussi de conserver, comme sur notre vélo de test, des roues à jantes hautes et des pneus de section moyenne (42mm). Enfin, les pneus semblent moins sollicités et moins exposés aux crevaisons grâce à la fourche qui va aider à dissiper l’énergie des gros impacts.

La tige de selle KS Rage IS : sur le papier

La tige de selle KS Race IS est un autre produit important et original de la gamme gravel KS. Il s’agit d’une tige de selle télescopique, mais pas que ! En effet, elle est aussi… suspendue. Il faut noter que RockShox a aussi suivi cette voie pour sa Reverb XPLR gravel, mais il existe quelques différences entre les deux. Au-delà du fait que la Reverb est un modèle électronique sans fil, quand la KS fait appel à un câble et à une commande classique, la Rage IS n’est pas bloquée en position haute contrairement à la RockShox qui n’est suspendue que quand on ouvre la vanne pour la descendre de quelques millimètres. Nous verrons sur le terrain ce que cela peut avoir comme conséquences.

Nous avons testé la KS Rage IS en diamètre 27,2 mm, et on se réjouit que la marque propose ce diamètre, rare pour les tiges télescopiques mais encore très courant en gravel et même sur des semi-rigides de XC. Dans ce format, elle est disponible en 65 et 100 mm de débattement, parfaits pour le gravel, mais il existe aussi d’autres diamètres (30,9, 31,6 mm et même 34,9 mm) ainsi que des débattements plus importants allant jusque 150 mm.

Sur la balance, KS annonce 485 g pour le modèle en 65 mm de débattement, ce que nous avons pu vérifier sur notre balance. C’est environ 50 g de moins que la Reverb XPLR sans batterie. Mais il faut ajouter en plus à la KS le poids du câble (environ 30/40 g).

Pour ce qui est de la commande au guidon, KS a développé un modèle spécifique route/gravel qui se place jusque à côté de la cocotte de la commande gauche. Son installation demande un peu de minutie, mais au final il sait se montrer discret et nous verrons plus loin qu’il tombe bien sous la main.

Sur le terrain : intéressante, mais…

Avant de passer au ressenti sur le terrain, impossible de ne pas vous parler du montage qui est tout de même un peu complexe. Si la plupart des VTT sont aujourd’hui conçus pour recevoir une tige télescopique, nous nous sommes cassé les dents sur le montage sur deux autres vélos avant de tomber sur le Felt qui est mieux pensé que la moyenne pour recevoir ce genre d’accessoire. Reste que sur un gravel, vous devez vous attendre à une petite prise de tête pour passer le câble de la commande au guidon, et pour installer ladite commande (avec son câble qui nécessite de retirer la guidoline). Vivement une version électronique !

Allez, maintenant c’est monté, on respire un grand coup et on part rouler. Ah non, il faut encore ajuster le SAG (enfoncement en statique de la tige de selle sous le poids du pilote). KS recommande 15mm, soit la moitié du débattement de la tige de selle. Selon nous, c’est trop et nous nous sommes contentés de 10mm. Si la valve est bien accessible, trouver la bonne pression et vérifier le SAG est moins aisé. Soit.

Plus encore que pour la fourche, nous étions très, très sceptiques quand à l’intérêt d’une tige de selle suspendue, même en gravel. En VTT, l’idée a été abandonnée depuis bien longtemps. Et pourtant, nous avons très rapidement perçu un réel intérêt en matière de confort… et même d’efficacité au pédalage sur des sols chahutés. Même pas besoin que ce soit très cassant : la tige de selle suspendue aide à éviter d’avoir sans arrêt les fesses qui sautillent sur la selle, et c’est vraiment appréciable.

Par contre, il y a un un gros bémol : KS n’a pas prévu de blocage de cette suspension en position haute. Du coup, même sur route ou dans certaines montées où il est impératif de garder un bassin bien calé à une hauteur stable, la tige de selle continue d’osciller, ce qui fait varier la hauteur de selle. Certes, on ne parle que de 5 à 10mm, mais c’est bien perceptible, pas agréable et pas efficace. C’est vraiment dommage, car le fonctionnement de la suspension est agréable et vraiment utile dans beaucoup de circonstances.

Quant à la tige de selle télescopique, elle nous semble au moins aussi utile qu’à VTT. Même pas besoin d’avoir des descentes raides et limite VTT pour en profiter ! Sur route, on dispose d’un petit avantage aéro et de confort permettant de gagner en efficacité, et dans les descentes rapides, on sent clairement qu’on a à la fois plus de confiance grâce à un centre de gravité abaissé et à une mobilité plus importante sur la machine, et qu’en plus on récupère plus facilement de l’énergie au niveau des jambes grâce à une position plus relaxée.

Un dernier mot à propos de la commande de blocage au guidon, qui nous a causé un peu de souci au montage mais qui, une fois installée, se montre absolument parfaite niveau ergonomie. Elle peut aussi être activée tant avec les mains sur les cocottes qu’en bas du cintre. Bref, cette tige de selle télescopique serait aussi un petit coup de cœur s’il y avait la possibilité de la bloquer en position haute. En l’état, nous restons hélas sur notre faim et cette absence est vraiment dommageable à nos yeux.

Le poste de pilotage Ether : sur le papier

Pour compléter le tableau et son offre gravel, KS propose en parallèle un poste de pilotage complet avec potence en aluminium et cintre en carbone : c’est la famille Ether.

Les deux bénéficient d’une conception simple, sans artifices (notamment pour la potence) mais la finition est belle et le cintre dispose tout de même de trous pour faire passer les gaines et Durits en interne et proprement. Il n’y a pas de tube de guidage à l’intérieur du cintre et il faut un peu de dextérité pour récupérer les gaines, câbles électriques (dans le cas d’un montage en Shimano GRX Di2) ou Durits mais nous avons trouvé que cela se faisait assez bien, beaucoup plus facilement que sur certains cadres de vélo. Et la bonne nouvelle, c’est que ces trous sont juste assez grands pour faire passer la Durit avec son olive : il n’y a donc pas besoin de couper quoi que ce soit, juste de séparer puis de reconnecter.

Côté technique, KS est plutôt avare en informations et n’a pas répondu à nos sollicitations pour en savoir plus. On sait donc que la potence est disponible en 70, 90 ou 110 mm de long avec à chaque fois le choix entre un angle de 6° et un de 17° (91 g en 90 mm / 6°) tandis que le cintre est proposé en deux largeurs uniquement, 420 ou 440 mm (mesuré entre les cocottes), au standard 31,8 mm. Son poids officiel est de 270 g en 420 mm.

Cependant, le plus important avec les cintres de route et de gravel est leur forme. Profondeur (éloignement des cocottes par rapport à la potence), hauteur (entre la partie haute et la partie basse) et flare (angle vers l’extérieur de la partie basse) peuvent influencer largement la position au guidon du vélo, donc les sensations, l’aérodynamique et l’aisance en descente ou dans les sections techniques.

Sur le terrain : plus de confiance = plus de fun

Le cintre KS Ether se distingue par l’utilisation d’un rise, comme sur les cintres de VTT : la partie haute est surélevée par rapport au point de fixation avec la potence, de 18 mm dans ce cas. Comme en VTT, l’idée est de redresser le buste sans changer la position de la potence (ce qui affecte le reach) afin d’être plus à l’aise en pilotage. Nous étions plutôt dubitatifs au départ, ne serait-ce que pour le style, mais il faut admettre qu’on s’y est fait très facilement !

Même sans connaître toutes ses cotes, on remarque que l’Ether est plutôt du genre « compact », avec assez peu de profondeur et une hauteur modérée. Sans excès toutefois, on est loin des cintres gravel les plus extrêmes et ça ne devrait pas être trop déroutant pour quelqu’un qui viendrait de la route. C’est juste ce qu’il faut pour changer facilement de position (mains en haut / sur les cocottes / en bas) sans être déstabilisé à chaque fois.

Enfin, le flare de 18° est la petite touche qui fait toute la différence. Un cintre de route, c’est généralement 0° de flare et sur la plupart des gravel, on trouve plus souvent autour de 12°. Avec 18°, le KS Ether s’aventure un cran plus loin et la différence sur le terrain, pour un vététiste, est immédiatement perceptible.

En sprint, cela peut donner l’impression d’avoir les bras trop écartés et de ne pas pouvoir tirer assez fort sur le cintre mais, le reste du temps, c’est un régal. Avec ces appuis un peu plus écartés on contrôle mieux sa direction sur les sentiers et on est plus précis sur route dans les virages à haute vitesse.

Une personne avec beaucoup d’expérience en route ne sera sûrement pas conquise aussi facilement mais quand on vient du VTT, cela permet de retrouver des sensations proches de ce que l’on connaît sans perdre les avantages de ce genre de cintre (plus aérodynamique, plus d’appui sur la roue avant pour les passages sur route). En revanche, attention au choix de la taille : ces 18° de flare écartent les mains de façon sensible et si vous aimez rouler longtemps les mains en bas, ce qui est très facile sur ce cintre, la version 420 mm nous paraît plus polyvalente que la 440 mm qui sera trop large pour beaucoup. Une déclinaison en 400 mm serait également intéressante pour les plus petites carrures mais elle ne semble pas à l’ordre du jour.

Verdict

KS a pleinement réussi sa diversification et son arrivée dans le gravel avec des produits parfaitement mâtures dès leur première version. La fourche à suspension est vraiment un produit qui mérite qu’on s’y intéresse pour certains usages du gravel, notamment sur terrains cassants, soit pour avoir plus d’efficacité ou de confort. Le poste de pilotage KS est également très bien né. Reste la tige de selle télescopique et suspendue, intéressante elle aussi, mais à laquelle il manque un blocage en position haute pour être réellement convaincante. La morale globale de ce test : ne restez pas sur des aprioris, testez un nouveau concept avant de le juger ! Et non, une fourche suspendue et une tige de selle télescopique ne transforment pas un gravel en VTT. N’oubliez pas qu’un vélo adapté à une pratique, c’est avant tout une géométrie et un positionnement sur la machine bien plus que tel ou tel accessoire. 

Plus d’infos : https://kssuspension.com

(A l’heure de publier ce test, nous n’avions pas encore reçu les tarifs des différents composants mais nous ne manquerons pas de vous tenir informés)

ParOlivier Béart