Test nouveauté | Classified PowerShift : mettez un double plateau dans votre moyeu

Par Adrien Protano -

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Test nouveauté | Classified PowerShift : mettez un double plateau dans votre moyeu

Les avantages d’une transmission double tout en n’ayant qu’un seul plateau et pas de dérailleur avant, en voilà une belle promesse. C’est la direction qu’a prise Classified avec son système Powershift. Auparavant uniquement disponible pour route/gravel, le « moyeu magique » de la marque belge dévoile une version optimisée pour le VTT et dotée d’une commande spécifique. Nous avons eu l’occasion de rencontrer l’équipe derrière cet ingénieux moyeu à « double rapport » au sein des locaux de la marque situés à Anvers, et même de mettre le système Powershift à l’épreuve sur nos propres terrains de jeu. Découverte : 

Après Sram et son nouvel écosystème AXS T-Type, ainsi que TRP et sa réapparition dans la course à la transmission, c’est au tour d’un plus petit acteur de faire parler de lui : Classified ! Si ce nom ne vous est pas inconnu, c’est en raison de la présence de la marque au sein du peloton World Tour sur le bitume, équipant notamment les vélos de Victor Campenaerts, Jules de Cock ou encore des jeunes retraités de la compétition Philippe Gilbert, Tom Boonen et Anna Van der Breggen. Qui, en plus d’être des ambassadeurs de la marque, en sont aussi des investisseurs. 

Si c’est dès le départ dans une optique d’usage VTT que la marque à l’origine du système Powershift a été fondée en 2019 par Mathias Plouvier et Roëll van Druten, l’histoire a voulu que ce soit d’abord sur la route et pour le gravel que le produit a vu le jour. Classified a toutefois maintenu ses efforts afin de proposer aujourd’hui un produit adapté au VTT. Et cela n’a pas été simple car la version VTT a nécessité le développement de nombreuses pièces spécifiques pour répondre aux contraintes imposées par la discipline.

Pas d’amalgame, il ne s’agit pas ici d’une nouvelle transmission en elle-même, mais plutôt d’un ajout aux transmissions actuelles. Pour faire simple, vous gardez votre dérailleur actuel, le pédalier, le shifter et même la chaîne. Ce qui change avec le Powershift de chez Classified, c’est la cassette, plus compacte (11-40 en 12 vitesses), et surtout le fait qu’elle prend place sur un moyeu planétaire à deux rapports (d’un double engrenage si vous préférez) que vous pouvez activer grâce à une petite commande sans fil au guidon, qui communique avec le moyeu grâce à un axe traversant « intelligent » qui fait le relais.

Le Powershift permet de bénéficier d’une transmission double, mais sans dérailleur avant et avec un seul plateau…

Classified explique, de manière assez imagée, que le Powershift permet de bénéficier d’une transmission double, mais sans dérailleur avant et avec un seul plateau… C’est un peu comme si le dérailleur avant avait migré à l’intérieur même du moyeu. Curieux n’est-ce pas ?

Le système permet en réalité d’avoir une transmission « classique » (à savoir un ratio de 1/1) ou, en un coup de Ringshifter (à savoir la petite commande sans fil de la marque), d’obtenir une transmission au ratio de 0,7 qui donne la sensation d’avoir un deuxième plateau imaginaire, plus petit. Pour vous donner une idée, passer d’une position à l’autre sur le moyeu, de 0,7 à 1, équivaut au fait de passer 3 à 4 rapports d’un coup sur la cassette.

Si le principe d’une démultiplication intégrée au moyeu n’est pas neuf, pas plus que les moyeux à vitesses, la force de Classified a été de rendre cela très compact, léger, et aussi très efficace tant au niveau des frottements que de la rapidité des changements de rapports. Quelques chiffres parlants : Classified annonce un passage d’un mode à l’autre en 150 millisecondes dans son moyeu, le passage entre ces deux « engrenages » peut se faire en force (jusqu’à 1000 watts annoncés par la marque belge) et le shifter a une autonomie d’environ 10 000 utilisations. Voilà qui a attisé notre curiosité, et qui nous a poussés à nous rendre au QG de la marque, situé à Anvers.

Visite du QG de la marque et rencontre de l’équipe :

Anciennement basée à Turnhout, la marque a récemment déménagé dans des locaux modernes au style industriel, situés en plein centre d’Anvers, dans une ancienne chocolaterie. Une façon pour la petite startup d’assurer une certaine proximité avec ses clients et partenaires tout en maintenant son empreinte belge.

C’est dans l’industrie de la transmission automobile que tout démarre : Mathias Plouvier, CEO actuel et co-fondateur de Classified (en photo ici), y fait la rencontre de Roëll van Druten. « Nous avons tous deux travaillé dans le domaine de la transmission à double embrayage que l’on retrouve sur certains modèles de voitures, et des variateurs type CVT. Nous nous en sommes inspirés et nous voulions , en tant que passionné de deux roues, transférer ces connaissances vers le vélo. La transmission est un point très important, mais qui reste un domaine qui a finalement assez peu évolué au fil du temps » nous explique Mathias.

C’est en réalité avec le VTT en ligne de mire que nous avons développé notre système au départ. C’était il y a 9 ans, à la même époque que le lancement de la transmission monoplateau de Sram

« C’est en réalité avec le VTT en ligne de mire que nous avons développé notre système au départ. C’était il y a 9 ans, à la même époque que le lancement de la transmission monoplateau de Sram. Nous étions convaincus que cette évolution était positive et nécessaire, mais qu’elle n’était pas suffisante. Nous nous sommes mis à imaginer le Powershift, basé sur nos connaissances en matière de transmission automobile. Pourtant, c’est pour les vélos de route que notre produit s’est d’abord développé. Peut-être parce qu’on est basé au milieu de la Flandre et qu’il est plus facile de rouler en vélo de route par chez nous (rires). Plus sérieusement, c’est avant tout par pragmatisme, car le dérailleur avant est toujours présent en route même si beaucoup de concepteurs de vélos voudraient s’en passer, et parce que techniquement le modèle route a été plus vite abouti. Il faut aussi dire que nous avons rapidement réussi à intéresser quelques grandes stars du cyclisme sur route, qui ont rapidement aperçu le potentiel du système. Désormais, notre version VTT est prête et on peut concrétiser notre volonté d’être présents dans toutes les disciplines du cyclisme » répond le co-fondateur lorsqu’on l’interroge sur l’arrivée plus tardive du système pour le VTT.

Dans le même temps, Classified annonce clairement travailler sur un produit destiné au vélo urbain, où la simplicité du système pourrait séduire les utilisateurs au quotidien en combinaison, par exemple, avec une courroie, et en faisant disparaître complètement les deux dérailleurs tout en conservant plus de polyvalence qu’un singlespeed pur et dur. Nous avons aussi cru apercevoir dans un coin des vélos à assistance électrique, y compris des VTTAE, équipés d’une version spécifique du moyeu. Mais chuut !

On vous le mentionnait plus haut, Classified est belge et « fier de l’être » selon Mathias ! Si les locaux de recherche & développement de la marque sont basés à Eindhoven, aux Pays-Bas, Classified effectue le design et l’assemblage de ses moyeux directement à Anvers « avec près de 90% de pièces provenant de sous-traitants installés dans le Benelux », ajoute encore fièrement le CEO. Un rapide coup d’oeil, quelques photos et nous laissons les employés continuer leur travail dans cette partie des bureaux où la concentration règne en maître…

À quelques bureaux de là, Bruno de Naeyer, ingénieur mécanicien en chef, nous fait signe qu’on peut venir l’embêter avec nos multiples questions sur le système en lui-même.

Vojo : « Tu es passé par d’autres boîtes dans le monde du vélo, pas toujours en lien avec le VTT, avant d’arriver l’année dernière chez Classified, est-ce juste ? Avec ces différentes expériences, penses-tu que l’avantage qu’apporte le Powershift est le même pour l’ensemble des pratiques, en vélo de route comme en VTT ? »

Bruno : « Oui, j’ai bossé au sein du pôle « product & design development » de chez Ridley, et je suis également passé par chez Cow-Boy (NDLR. une marque de vélo urbain bruxelloise). Le principe du Powershift demeure le même qu’importe la pratique, mais je pense qu’il n’apporte pas le même avantage pour toutes les pratiques. En cyclisme de route ainsi qu’en gravel, le système permet de gagner en efficacité et de se passer du dérailleur avant, toujours très populaire, sans devoir faire d’importantes concessions sur l’étagement des rapports. En VTT, l’attrait se trouve plutôt du côté du confort d’utilisation, de la capacité à faire face à des changements de relief très marqués, et de la durabilité avec des contraintes moins importantes sur la chaîne et la transmission en général. »

Vojo : Plus de confort et de durabilité, est-ce que tu peux nous en dire plus à ce sujet ?

Bruno : « Si on prend une transmission classique en 1×12 vitesses, celle-ci offre un développement de 520% maximum, avec un écart moyen entre les vitesses de 16%. Sur une transmission équipée du système Powershift, le développement passe à 530% tandis que l’écart tombe à 10,5% . Plus de rapports (virtuellement 24 contre 12), moins d’écart entre eux et plus d’amplitude : voilà les atouts de notre système. 

En pratique, cela se traduit par un écart plus petit entre les vitesses, et donc par la possibilité d’avoir un développement mieux adapté à chaque situation, et donc une cadence plus efficace sur le terrain. L’alignement de la chaîne est également amélioré, ce qui est synonyme d’un meilleur transfert de puissance. Évidemment, c’est un confort à l’usage, mais c’est également un facteur de performance. Là où l’apport n’est que performance au niveau de la route, le VTT touche aux deux mondes : la performance et le confort. 

Finalement, les écarts réduits entre les vitesses et le meilleur alignement de la chaîne sont plus agréables à l’usage, mais également moins stressants pour la transmission, de quoi améliorer la durabilité. Le fait de pouvoir passer l’équivalent de 4 rapports d’un coup avec le Ringshifter permet également d’éviter les contraintes énormes sur la chaîne lors de changements de rapports en urgence, qui sont souvent source de problèmes, voire de casse. »

 Vojo : « La base matérielle du système Powershift destiné au VTT est la même que la version que l’on connaît déjà sur le bitume. Mais il y a aussi eu de nombreuses modifications. Lesquelles ? »

Bruno : « Oui, c’est tout à fait juste : la base est la même, mais nous avons effectué deux changements majeurs. Le premier est en rapport avec les contraintes que reçoit le système en VTT qui sont plus élevées que sur la version route/gravel, surtout au niveau du couple. Pour résoudre cela, nous avons redesigné la roue libre en doublant le nombre de cliquets et en modifiant leur forme. Nous avons également revu le dispositif de serrage. Le second point majeur de modification se trouve au niveau de la cassette, qui a été renforcée et ré-étudiée pour répondre aux spécificités de la pratique du VTT. En tout, cela représente plus de 47 changements de pièces par rapport à la version destinée à la route. »

Vojo : « Autre réelle nouveauté de cette version VTT, le Ringshifter ! Est-ce que cela a été votre premier choix ou vous avez testé d’autres options ? »

Bruno : « Pas du tout, on a passé les 8 premiers mois du développement sur une option totalement différente ! Il s’agissait d’une commande couplée à une unité de contrôle déportée, un peu dans l’idée de celle de chez Zirbel ou de la blip box de Sram. L’inspiration était bonne, mais on a fini par réaliser que cette option était trop compliquée d’un point de vue consommateur. Je pense ici à une éventuelle chute, un changement de cintre ou simplement une envie de changement de côté de la commande sur le cintre : dans tous ces cas, ce système manquait totalement de praticité.

On est repartis d’une page blanche, complètement à 0 et l’on s’est laissé l’opportunité d’imaginer quelque chose de totalement différent. Finalement, l’idée du Ringshifter a pris forme et je dois dire qu’on est très content et très fier du résultat final car cette petite bague intègre tout : la commande, le module de transmission et une batterie qui a une autonomie de plusieurs mois. »

Vojo : « Votre système cohabite avec les transmissions actuelles. Assurer la comptabilité avec des systèmes Shimano ou Sram assez fermés a dû être un sacré travail pour l’équipe d’ingénierie… Comment cela s’est déroulé ? »

Bruno : « Effectivement, ça a été un gros challenge pour nous. On a démarré en voulant que chaque groupe des différentes marques puisse fonctionner de manière parfaite avec notre système. Mais l’industrie du vélo est un vrai bazar pour cela et les grandes marques ne partagent pas facilement les infos… On a fait beaucoup de mesures, d’essais-erreurs et de modifications. C’est une partie du job qui prend beaucoup de temps, car il faut designer la cassette, la fabriquer, et finalement la tester avant de recommencer pour supprimer les défauts. Nous estimons que la cassette a une place importante dans l’expérience finale de l’utilisateur, c’est la raison pour laquelle si une comptabilité s’avère être juste « ok » dans nos tests internes, on recommence et l’on fait mieux. Actuellement, notre cassette Sram est validée, mais nous travaillons encore sur la version Shimano. »

Vojo : «Ne penses-tu pas qu’à l’avenir, vous aurez besoin de développer aussi votre propre dérailleur, ou du moins de vous rapprocher d’un fabricant de transmissions pour avoir un système complet parfaitement adapté ? »

Bruno : « En effet, vu que notre cassette est plus compacte, nous n’avons pas besoin d’un dérailleur aussi imposant que les modèles 12 vitesses habituels. C’est tout frais, mais je peux vous annoncer que nous avons développé une cassette et un dérailleur chape moyenne en collaboration avec TRP, qui offrira très prochainement une version « Classified » de son dernier groupe 12 vitesses (photo ci-dessus, NDLR). C’est un pas important pour nous, et aussi un vrai élément de différenciation pour TRP. »

Vojo : « L’idée est uniquement de travailler avec des magasins certifiés « Classified » ou l’envoi de kit à des particuliers est envisagé et possible d’un point de vue technique ? »

Bruno : « D’un point de vue technique, la situation actuelle des magasins certifiés est idéale. Même si l’installation en elle-même est relativement simple, ce n’est par contre pas évident de choisir et d’avoir à disposition les bons composants pour le montage au vu des nombreux standards et formes de cadres. Mais je suis persuadé que l’équipe des ventes ainsi que Jasper n’ont sûrement pas le même avis que moi ! (rires) »

Allons vérifier cela directement auprès de Hector Seghers, directeur du marketing et du commerce en ligne de la marque !

Vojo : « On vient de poser la question à Bruno, mais on voulait également avoir ton point de vue : est-ce que la vente en ligne directement à des particuliers est envisagée ou travailler avec des magasins certifiés « Classified » est la seule option ? »

Hector : « L’installation est plutôt facile, mais elle nécessite plusieurs petites pièces en raison des différents standards qui co-existent, c’est la raison pour laquelle nous travaillons avec des « vendeurs certifiés » en Belgique, en Allemagne ainsi qu’aux Pays-Bas. Un magasin est un « vendeur certifié » à partir du moment où il a reçu la formation relative à l’installation du Powershift ainsi que la boîte contenant les différents adaptateurs. La certification nécessite également la présence d’un vélo de démonstration dans le magasin, car nous pensons que le système doit être expérimenté par les clients. Pour la France, c’est un distributeur qui se charge de créer ce réseau de « magasins certifiés » pour nous, mais la logique est la même. Le système de magasins physiques est également préférable d’un point de vue du SAV. J’aimerais évidemment étendre à la vente en ligne, mais je pense que le système actuel est idéal pour l’instant. »

Vojo : « Selon toi, les différentes pratiques ont la même importance pour Classified ou le cyclisme sur route demeure toujours majoritaire ? »

Hector : « Actuellement le domaine de la route est toujours le plus important, cependant le gravel prend de plus en plus de place. Avec l’arrivée du VTT, je pense que le domaine « off-road » va devenir plus important que celui de la route. D’autant plus que les routiers ont tendance à être plus conservateurs, là où les pratiquants de gravel et de VTT sont plus ouverts aux changements. Cela influencera peut-être les routiers à réfléchir également à cette innovation, qui sait… ».

Vojo : « Ceux qui ont suivi un peu votre histoire ont pu remarquer que vous aviez une façon un peu originale de sponsoriser les athlètes. Votre sponsoring relève plus de l’intégration de l’athlète au sein de l’entreprise plutôt que d’un support classique. Tu peux nous en toucher un mot ? 

Hector : « Oui, notre approche est que nous voulions avoir des gens intéressants pour promouvoir Classified au grand public. Les athlètes qui nous ont rejoints ont investi dans l’entreprise et sont également ravis d’utiliser le système en course. Nous en sommes très fiers. 

Dans le même ordre d’idée, nous sommes à la recherche de magasins influents et spécifiquement dédiés au VTT afin de promouvoir notre nouveau système off-road. Nous voulons être fiers de voir notre produit dans ces magasins. L’appel est lancé et si des shops sont intéressés, notamment en France, qu’ils nous contactent. »

Vojo : « Peux-tu nous rappeler les différentes versions disponibles ainsi que leurs tarifs ? »

Hector : « L’option la plus complète, à 2 699€, comprend le système Classified, une cassette de son choix ainsi qu’une paire de roues en carbone. Si vous désirez monter le système Classified sur une paire de roues de votre choix, il est également possible d’acheter celui-ci avec le moyeu de la marque pour 1 549€ ou le système nu (NDLR : comprenez là, uniquement le mécanisme Classified sans jante, ni moyeu, à installer sur une paire de roues compatible équipée du moyeu Classified « vide »), au prix de 1 449€. Il est aussi possible d’acquérir un corps de moyeu seul ou une paire de roues compatibles mais « nues » et de n’avoir qu’un seul système Powershift qu’on fait passer d’un vélo à l’autre ou d’une paire de roues à l’autre. Le changement est très simple et ne prend que quelques minutes. »

Classified Powershift : place à l’installation !

Notre visite se clôture par la rencontre du responsable de l’atelier de la marque anversoise, qui va se charger de monter le système Powershift sur le Specialized Epic Evo S-Works qui nous sert régulièrement de base de test (et que vous connaissez bien : Dream Build | Specialized Epic Evo S-Works : l’heure du bilan).

Il nous faut faire nos adieux à notre paire de roues Roval et accueillir avec curiosité les roues maison de Classified, baptisées M25/30. Ces nouvelles roues destinées au cross-country/trail affichent un poids de 1365g, avec une largeur de jante de 30mm. Ne cherchez pas ici l’originalité, il s’agit de (bonnes) jantes génériques, bien dans l’air du temps mais sans fioriture.

Impossible de passer à côté de l’espace qui est laissé du coté de la cassette afin d’accueillir le système Powershift. Rappelons que ce système n’est pas uniquement limité aux roues en provenance de chez Classified, mais est compatible avec d’autres marques avec lesquelles la marque anversoise collabore telles que Hunt, Mavic, DT Swiss… Il conviendra toutefois de vérifier, en fonction de votre pratique et du standard de votre cadre, si la marque en question propose déjà bien une paire de roues compatible. D’autres montages son possibles, notamment par des monteurs de roues indépendants, mais la marque veut savoir sur quelle jante son moyeu sera monté au préalable afin de s’assurer que les perçages de la jante sont compatibles avec la géométrie un peu particulière de son moyeu.

L’équipe Classified nous en a parlé : l’installation n’est pas compliquée en elle-même, mais elle nécessite une série de petites pièces/adaptateurs/spacers en fonction des formes et dimensions de la partie arrière de votre cadre. En effet, si l’entraxe du moyeu est bien standard (148mm en VTT), les dimensions externes des cadres varient au niveau de l’axe arrière. Longueur d’axe, pas de vis, orientation du blocage : Classified a tout prévu, mais cela nécessite de prendre quelques mesures précises avant le montage et d’avoir une belle petite réserve de pièces pour trouver la bonne configuration initiale.

Cela est notamment vrai au niveau de l’axe traversant dit « intelligent » par la marque, et qui doit idéalement être orienté vers l’avant. Pourquoi ? Simplement car cet axe joue en réalité le rôle d’antenne qui permet de recevoir le signal en provenance du Ringshifter et de le transmettre ensuite au moyeu. Sur la photo la plus à droite, on remarque que notre mécanicien a rajouté une petite mousse noire au niveau du bas de notre basse arrière. Mais à quoi peut-elle bien servir ?

La réponse se trouve dans cette petite pièce aux allures de patte de dérailleur. Celle-ci a pour fonction de réguler la différence de vitesse de rotation entre la roue et la cassette que le système engendre dans sa position « basse » (comprenez en ratio de 0,7). Elle prend donc un léger appui sur le cadre, mais pas d’inquiétude : on ne parle que d’une faible pression, et les cadres sont tous très fortement renforcés à cet endroit critique.

Place à l’installation de la minimaliste commande sous forme d’anneau et simplement dénommée Ringshifter par la marque. On retire le socle de protection, on maintient le bouton de couplage, la petite LED clignote vert et… c’est tout :  notre commande est désormais couplée à notre axe « intelligent ». Celle-ci s’intègre parfaitement sur notre poste de pilotage, bien positionnée entre notre commande de tige de selle télescopique et notre levier de frein. Pourtant, ce dernier est un Shimano, réputé pour prendre pas mal de place sur le poste de pilotage ! Mais comme la commande Classified est minimaliste et bien pensée, aucun souci.

Au cas où ce point n’était pas encore bien clair pour vous, ces photos devraient vous éclairer : au départ, le moyeu monté sur la roue est « vide ». C’est en quelque sorte un berceau sur mesure destiné à accueillir le système Powershift lui-même. Le montage est très simple : il suffit de l’insérer dans le moyeu puis de le serrer avec une clé de type cassette du côté disque, et le tour est joué.

C’est ensuite au tour de la cassette d’être installée sur ce moyeu. Rien de bien sorcier, c’est comme une cassette classique, sauf que lorsque la roue n’est pas montée sur le vélo, la roue-libre n’est pas active et la cassette peut tourner dans les deux sens. Il faut donc la bloquer avec un fouet de chaîne, même pour la serrer, et pas seulement pour la desserrer.

On touche à la fin… La roue arrière est désormais sur le vélo et le chef d’atelier teste l’ensemble des vitesses ainsi que le Ringshifter afin de s’assurer que tout fonctionne comme il faut. « Opération terminée ! » plaisante-t-il en s’écartant du vélo.

Classified Powershift : le test terrain

Dans un premier temps, nous avons eu l’occasion de découvrir le système Classified en Italie, à l’occasion de l’événement média Bike Connection lors duquel la marque belge était présente. Cela nous a permis d’avoir un premier contact, mais celui-ci s’est effectué au guidon d’un semi-rigide peu adapté au terrain toscan. Puis, nous avons eu l’occasion d’approfondir les choses pendant trois semaines supplémentaires en Belgique, sur un vélo et des terrains que nous connaissons bien. A défaut de nous permettre de nous prononcer sur la fiabilité, ce que seul un test plus longue durée permettra, nous avons tout de même pu affiner nos premières impressions et réaliser un test assez complet.

Discrète et minimaliste, la commande en forme d’anneau de Classified se fait presque oublier sur le poste de pilotage de notre Specialized Epic Evo. Contrairement à l’aspect esthétique du système qui a su nous mettre d’accord dès le départ, les premières sensations à l’usage sont quant à elles un peu plus partagées. Il faut dire que l’on n’est pas (plus ?) habitué à utiliser notre main gauche pour gérer la transmission. D’autant plus que cela rajoute une commande à gérer, au milieu d’un poste de pilotage parfois déjà bien chargé (commande de dérailleur, leviers de freins, tige de selle télescopique, blocage de suspensions voire commande de différentes positions de suspensions).

Au-delà de ce rapide a priori, la commande Classified tombe parfaitement sous le pouce et l’on se prend rapidement au jeu du Powershift, switchant entre les deux positions qu’offre le système. Au fur et à mesure des différentes ascensions réalisées avec le système, on se rend compte que le Powershift nous permet d’attaquer les différentes ascensions qui se présentent à nous en position « haute » (à savoir le ratio 1/1) tout en sachant qu’en cas de surprise, la position « basse » (ratio de 0,7) nous permettra d’appréhender l’obstacle. Seul petit bémol, on manque d’un indicateur visuel pour savoir sur quel rapport on se trouve, car on a parfois tendance à l’oublier quand on roule et qu’on n’a plus utilisé le système depuis un moment. En effet, contrairement à l’époque du double plateau où on pouvait jeter un rapide coup d’œil sur le pédalier ou sentir/entendre un croisement de chaîne trop extrême, ici tout se passe en interne dans le moyeu et on ne voit rien/entend rien du tout.

Une « surprise », en voilà une : un franchissement net dans la dernière partie de l’ascension. La commande Classified sous le pouce, nous passons en position « basse » le temps de franchir l’obstacle. Au-delà de permettre d’aborder cette difficulté avec plus d’aisance, le Powershift dispense ainsi de passer 3 ou 4 rapports inférieurs le temps de l’obstacle, avant de les repasser dans le sens inverse dans la foulée ! Le système bascule entre les deux positions en un coup d’oeil et ne craint pas d’être passé en force. La transition est très souple et c’est à peine si un petit bruit est perceptible, même lorsqu’on « switche » de position durant de puissants coups de pédales.

Si c’est un sans-faute pour la transition entre les deux positions du moyeu, la cassette n’atteint quant à elle pas le même niveau de perfection. Pas de catastrophe : les vitesses passent plutôt bien dans l’ensemble, mais on ne retrouve toutefois pas la même précision caractéristique de la cassette XX1 qui équipait notre vélo auparavant, ni celle d’une transmission full Shimano. Cela se joue évidemment sur de petits détails mais comme on dit « ce sont les détails qui font la perfection ».

Arrivé sur les hauteurs du trail center du jour (en l’occurence celui de Spa, en Belgique), où nous étions parti rouler au milieu de notre période de test, la petite LED du dérailleur Sram AXS se met à clignoter rouge en raison de son faible état de batterie. Il ne faudra pas oublier de poser la batterie sur son socle de recharge une fois rentré…mais au passage, ce Ringshifter dispose également d’une batterie, allons-nous devoir la démonter afin de la recharger ?

La réponse est non. Tout d’abord parce que la marque belge prévoit une durée d’utilisation d’environ une année complète (soit aux alentours de 10 000 déclenchements), mais surtout car le Ringshifter est doté d’un port de charge accessible même lorsque la commande est installée sur le cintre. Idem pour le moyeu, alimenté par le blocage rapide/transmetteur : il ne faudra envisager une recharge qu’après plusieurs mois de fonctionnement.

Là où le Powershift s’est avéré être une révélation et un facteur de confort, c’est lors de petits tape-cul, comprenez là de petites remontées raides non prévues. Quel pied ! Dans ce type de situation, nous aurions habituellement passé plusieurs rapports de manière très rapide tout en forçant sur la chaine pour arriver au bout de cette ascension. Avec le système de chez Classified, un simple mouvement de pouce au niveau du Ringshifter suffit pour arriver en haut, sans aucunement avoir forcé sur notre transmission. Juste derrière ce passage raide, le retour en position haute (ratio 1/1) se fait en un instant et nous pouvons attaquer à tout allure le reste de la descente.

Cela nous fait drôlement penser à un intérêt pour une pratique en particulier, celle de l’enduro !

Cela nous fait drôlement penser à un intérêt dans une pratique en particulier, celle de l’enduro ! Grâce au Powershift et à sa cassette plus petite, il ne serait alors plus question de n’utiliser qu’une demi-cassette lors des liaisons et la seconde moitié inférieure lors les spéciales. On pourrait opter pour une cassette plus compacte (mais offrant une plage d’utilisation tout aussi large) et ainsi monter un dérailleur à chape moyenne pour minimiser les risques de casse.

D’autant plus qu’il est courant de faire face à de petites remontées surprises lors des spéciales d’enduro… Voilà qui permettrait d’en venir plus facilement/efficacement à bout, tout en préservant sa transmission des contraintes énormes que ce type de passage implique. À ce sujet, Classified préfère garder la surprise, mais il se pourrait qu’une équipe actuellement sur les coupes du monde d’enduro soit équipée du système.

Et quid des autres pratiques ? Pour du XC format olympique sur circuit, où on répète plusieurs fois le même tour, on ne se fait que rarement surprendre lors des changements de rapports et les transmissions 1X classiques nous semblent suffisantes. Pour un usage de randonnée loisir, si on est sensible à l’étagement et qu’on souhaite un peu plus d’amplitude encore qu’avec le 1X, ainsi que la possibilité de changer rapidement l’équivalent d’un grand nombre de rapports en cas d’imprévu, pourquoi pas, mais le système Classified ajoute une mannette et un peu de complexité qui pourrait ne pas convenir à des pratiquants moins aguerris. Par contre, pour un usage marathon, compétitif ou non, le fait de disposer de rapports plus rapprochés et plus nombreux peut-être un réel atout pour être toujours dans la bonne cadence de pédalage et les Watts parfaits pour gérer son effort. On retrouve aussi une similitude avec l’enduro : on retrouve des phases bien distinctes de montée et de descente sur les tracés marathon comme enduro et une transmission à « deux visages » comme le Classified peut-être un atout. Tout comme la possibilité d’avoir une solution rapide pour un gros changement de rapport en cas d’imprévu.

Enfin, un mot concernant les roues Classified, qui ne nous ont que partiellement convaincus. Comme pour la cassette, ce n’est pas un mauvais produit, très loin de là. Pas trop lourdes, plutôt rigides et précises, elles manquent toutefois de raffinement et « d’un petit quelque chose » pour aller concurrencer les meilleures roues du marché. Heureusement, si Classified met surtout l’accent pour le moment sur la vente de son système complet, le moyeu sera par la suite disponible seul et permettra d’autres montages avec d’autres modèles de jantes.

Verdict

Une révolution de la transmission ? Sans aller jusque-là, on peut dire qu’il s’agit d’une nouvelle voie réellement intéressante qui s’ouvre. Le sytème Powershift de chez Classified permet de se doter de la sécurité et de l’amplitude d’un double plateau tout en se passant des désavantages de celui-ci. Si la version disponible par le passé et destinée à la route permettait aux cyclistes de gagner en efficacité, cela est toujours vrai pour cette version VTT, mais selon nous les réels avantages sont ailleurs. On a vu jusqu’ici ce système présenté essentiellement sur des vélos à petit débattement, et s’il peut y avoir un intérêt en marathon, nous pensons qu’il peut apporter un vrai plus en enduro, avec une gamme de rapports optimisée pour les liaisons, une autre pour les spéciales en descente et la possibilité de faire face à des coups de cul imprévus en jouant du moyeu pour ne pas faire souffrir la transmission lors de changements dans l’urgence.

Sur le plan purement technique, le système est parfaitement abouti au niveau du moyeu lui-même, avec un passage entre les positions « haute » (ratio de 1/1) ou « basse » (ratio de 0,7, assimilable à un petit plateau) qui se fait sans un bruit et de manière très souple et rapide. Un régal ! Idem pour le Ringshifter, la petite commande au guidon sous forme d’anneau, qui s’est révélée très agréable à utiliser. Nous restons toutefois plus partagés quant à la cassette et aux roues en carbone, qui offrent de bonnes performances mais sans atteindre le niveau des meilleures du marché. Néanmoins, cela se travaille et le plus important c’est que la base du système, son cœur, est vraiment bien né.

Pour plus d’informations : https://www.classified-cycling.cc

La présentation complète en vidéo :

ParAdrien Protano