Test | Niner MCR 9 RDO : matière à réflexion

Par Jan Van Herck -

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Test | Niner MCR 9 RDO : matière à réflexion

Avec le gravel MCR 9 RDO, Niner sort des sentiers battus et explore de nouveaux horizons. Un rapide coup d’œil au vélo suffit à comprendre : il s’agit d’un gravel tout-suspendu ! Encore un gravel ou déjà un VTT ? Voilà de quoi réfléchir pendant ce test, réalisé par l’équipe néerlandophone de Vojo et agrémenté de quelques impressions de notre rédac’chef Olivier Béart, qui a aussi eu l’occasion d’essayer l’engin.

« Est-ce que c’est encore un gravel ? », « un guidon plat et c’est un VTT« … Ce ne sont là que quelques-unes des réactions rencontrées lors des premières sorties de cet insolite Niner. Quelles caractéristiques doit avoir un gravel ? Existe-t-il une « recette » pour ce genre de vélos ? Doit-on cantonner le gravel à certaines caractéristiques rigides et bien définies ou peut-on s’autoriser des variations plus spécifiques et parfois un peu folles ? A ces commentaires et interrogations, Niner apporte des réponses et un parti pris.

La suspension avant, la suspension arrière et la tige télescopique ne font a priori pas partie de l’équipement standard d’un gravel. Mais au moment d’entamer ce test, nous essayons de laisser ces préjugés derrière nous pour regarder ce Niner MCR, son concept et ses possibilités avec un esprit ouvert.

Suspension avant

La configuration standard d’un gravel ne comprend pas de suspension avant, bien qu’il existe quelques modèles sur le marché depuis un certain temps. Des marques bien connues comme Fox, RockShox et Cannondale en ont une dans leur gamme, tandis que Lauf, avec son système à lames de carbone, est l’acteur exotique du marché. Sur notre Niner, on a droit à une Fox Float 32 AX en 40 mm de débattement. Une fourche qui est en réalité une F32SC de VTT au débattement bridé, née au départ d’un projet personnel d’un employé de chez Fox, qui a ensuite été commercialisée vu la demande.

40 millimètres ? Seulement ? Face à une fourche en carbone avec 0 mm de débattement, elle vaut néanmoins la peine d’être considérée. Cela apporte beaucoup de confort, surtout lorsque les choses deviennent cahoteuses ou quand les vibrations sont telles qu’elles en arrivent à vous pourrir la sortie. Pensez à un enchaînement de racines, à des routes aux pavés disjoints et irréguliers, ou à de vieilles routes de campagne pleines de nids de poule et de bosses. La fourche Fox n’est pas l’élément le plus  » choquant  » de ce vélo, mais elle offre un énorme gain de confort et permet d’attaquer les sentiers plus techniques en toute confiance et de rouler plus longtemps avec plus de confort.

Suspension arrière

La chose la plus surprenante sur ce Niner MCR 9 RDO, c’est l’amortisseur arrière, dont la simple présence sur un vélo avec des pneus de gravel est déjà très inhabituelle. L’architecture vous rappelle celle du Jet9, le VTT marathon tout-suspendu de la marque ? C’est normal, il s’en rapproche effectivement très fort. L’architecture à point de pivot virtuel CVA, pour Constantly Varying Arc, avec la biellette basse placée sous le boîtier de pédalier plutôt qu’au-dessus ou en arrière, est bien présente. Mais comme nous le verrons plus loin, c’est bien plus qu’une pâle copie ou une adaptation faite à la va-vite.

L’amortisseur X-Fusion Microlite RL est spécifique à ce modèle, et s’éloigne fortement de ce qu’on peut retrouver sur un VTT. D’une part parce qu’il offre un débattement de 50 mm, et aussi parce que son setting hydraulique est pensé pour offrir un excellent amorti sur les petits impacts, puis plus de fermeté ensuite. Il est bien sûr doté d’un blocage au guidon et le cheminement interne des câbles est soigné et ordonné. Comme sur un VTT, il n’y a pas besoin de rouler très longtemps pour sentir l’apport de cet amortisseur. La roue suit mieux le sol, ce qui donne une meilleure sensation de stabilité et plus de contrôle. Et en plus de cela, on peut continuer à pédaler plus longtemps ou plus facilement sur les petites bosses. Sans oublier l’effet « tapis volant » qui permet de rouler vite et efficacement en oubliant les petites vibrations du terrain.

Tige de selle télescopique

Si vous êtes habitué au VTT, une tige de selle télescopique n’a probablement rien de nouveau pour vous. Pour attaquer les sentiers techniques, on abaisse la selle (100 mm de course ici) et on dispose ainsi de plus d’espace pour bouger. Sur un gravel, cependant, c’est une chose relativement nouvelle. Les itinéraires sont rarement extrêmement techniques et les mini-pentes occasionnelles ou les descentes plus rapides en dehors des routes passent également avec une tige rigide classique.

Une tige de selle télescopique a-t-elle un véritable intérêt en gravel ou s’agit-il d’un gadget technologique ? Sur ce point, les avis divergent. Notre testeur/rédacteur néerlandophone est arrivé à la conclusion qu’il utilisait assez fréquemment l’amortisseur arrière et son verrouillage, mais que la tige n’était pas réellement utilisée. Soit elle n’était pas nécessaire, soit la descente était déjà passée. De son côté, Olivier a un tout autre ressenti : habitué à cet accessoire sur quasi tous les VTT qu’il roule, il en « jouait » constamment pour tirer le meilleur parti des descentes techniques, et même tout simplement pour avoir plus d’aisance en abaissant le centre de gravité dans les descentes rapides… y compris sur route. Question de terrain de pratique, de pilote et d’habitude, donc.

Géométrie

En regardant le tableau des géométries, on constate que le MCR 9 RDO est disponible en trois tailles (53-56-59 cm) et que les cotes telles que la longueur du tube supérieur, la longueur du tube de selle, le stack et le reach ne diffèrent pas beaucoup par rapport à la version rigide en carbone (à peine 10 mm). Seule la hauteur du pédalier est un peu plus basse sur le tout-suspendu, ce qui doit offrir un peu plus de stabilité.

Le vélo est assez long pour un gravel, même s’il existe encore bien plus extrême, mais reste assez classique au niveau de son angle de direction. Dans ce domaine, ce n’est certainement pas un VTT déguisé, et c’est un des points où la différence avec le Jet9 de marathon se marque le plus. En le roulant, les appuis et le feeling se rapprochent bien plus du gravel tout rigide de Niner que de son VTT marathon.

Equipements

Niner propose le vélo en plusieurs niveaux de finition, de 2 à 5 étoiles, et c’est un montage « 4 étoiles » que nous avons testé, avec un prix un peu au-dessus des 6 000 €. Un tarif conséquent mais l’équipement est honnête : roues NoTubes Grail MK3, groupe Shimano GRX 800 monoplateau et composants Easton. En outre, on bénéficie de nombreux points de fixation supplémentaires pour des sacoches, d’autres porte-bidons…

Est-ce un gravel ou un VTT ?

La seule chose qui nous a un peu déçus est le choix du guidon de course classique Easton. Le drop, l’écart entre la partie haute et la partie basse du cintre, est important pour un gravel et la portée (la distance à laquelle les manettes sont positionnées) est longue par rapport à un guidon plus orienté gravel. Pour faire du tout-terrain et profiter comme il se doit des suspensions, on appréciera une potence plus courte.

Niner MCR 9 RDO : le test terrain

Nous avons mis ce Niner atypique à l’épreuve sur une grande variété de terrains, depuis les routes agricoles plates des Flandres jusqu’aux pentes raides et aux chemins cassants des Dolomites, en passant par des évènements belges tels que la Gravelride 13 ou la Polar Bear Gravel Ride, et quelques beaux singles que nous connaissons bien du côté de Liège, à deux pas de la rédac Vojo en Wallonie.

Un des premiers points dont on se rend compte, c’est qu’on apprend vite à jouer avec le blocage d’amortisseur. Dès qu’on touche l’asphalte ou qu’on attaque une montée, blocage. En revanche, quand aborde une descente ou du plat non goudronné, on débloque pour profiter de tout ce que peut apporter l’amortisseur. On bénéficie alors d’un grand confort, d’un meilleur grip et on peut s’amuser davantage, se diriger vers des terrains plus techniques aussi. Le boîtier de pédalier bas contribue également à la remarquable sensation de stabilité dans les descentes. Et si vous vous posez la question, le rendement sur route est excellent, surtout sur le plat où son embonpoint ne se fait absolument pas sentir. Sur une montée longue ou un col par contre, il ne pourra cacher ses kilos en plus par rapport à un bon gravel tout rigide et il se rapprochera plus des sensations qu’on peut éprouver au guidon d’un bon VTT marathon.

En montée off-road, on ne ressent pas beaucoup de perturbations grâce aux blocages (pour la fourche, il est placé sur le té) mais on ressent aussi le poids total du vélo, que l’on doit « traîner ». Avec les pédales et le porte-bidon, et malgré un cadre en carbone, ce vélo pèse un peu plus de 12 kg. C’est élevé et ça se fait particulièrement sentir dans les montées raides, mais même à vitesse plus élevée et sur terrain plus roulant, lorsqu’on accélère on sent que le poids travaille contre nous et qu’il faut mettre plus d’énergie.

C’est le seul véritable défaut du vélo, car son comportement en dehors de ça est très bon. Le format tout-suspendu amène du confort, possède une excellente tenue de route et est stable, même à des vitesses élevées. C’est particulièrement sensible dans les descentes, mais aussi sur les longues lignes droites de gravel ou les pistes forestières rapides.

C’est dans les Dolomites, sur des pistes où les gravillons font place à des petites pierres qui vous secouent en permanence, et où les cailloux plus gros sont monnaie courante, que ce Niner MCR nous a paru prendre tout son sens. Le contact avec le terrain est plus doux, le ride plus reposant alors qu’il serait sans aucun doute très rapidement usant et moins plaisant sans aucune suspension. On arrive là sur des types de terrains où mettre des gros pneus pas trop gonflés ne suffit plus, et où nous avons vraiment compris à quoi peut servir un gravel tout-suspendu.

Quelle est l’essence d’un vélo de gravel ?

La poussière retombe et il est temps de penser à la conclusion de ce test. Alors, ce Niner est-il un gravel ou un VTT ? Cette question renvoie à une autre : quelle est l’essence d’un vélo de gravel ? Ou peut-être encore mieux : quelle est ma propre définition d’un vélo de gravel, selon mes envies, ma manière de rouler et les terrains sur lesquels j’effectue la plupart de mes sorties ? Nous mettons l’accent sur le « mon », car nous sommes davantage dans le domaine du choix individuel que dans celui de la définition universelle.

De quoi ai-je besoin pour une sortie en gravel ? Pas évident de définir ses besoins de façon aussi claire. Prendre la question à l’envers est peut-être plus simple : compte tenu de ma pratique et de ma conception du gravel, de quoi n’ai-je pas besoin ? En ce qui me concerne, et c’est Jan qui parle, je pourrais me passer de l’amortisseur arrière et de la tige de selle télescopique, ne gardant que la fourche suspendue. Pour les sorties peu techniques, une tige de selle télescopique n’est pas indispensable et je ne pense pas qu’un amortisseur arrière et le confort correspondant sont nécessairement requis. Par conséquent, le RLT 9 RDO de Niner (la version rigide) conviendra probablement mieux à ce que je recherche, le MCR 9 RDO ici testé est « too much » dans la plupart des domaines.

Pour Olivier, qui a un background beaucoup plus orienté VTT et qui apprécie rouler en gravel sur des terrains plus techniques et cassants, la réponse est différente. Tout d’abord, la tige de selle télescopique lui semble être une vraie plus-value sur un gravel, quel qu’il soit, pour apporter plus d’aisance et de sécurité. Ensuite, concernant les suspensions, pour rouler en Wallonie, terre de belles collines et de descentes courtes mais raides, un VTT ou un gravel plus épuré lui paraissent être des solutions plus adaptées ; le premier pour prendre plus de plaisir quand c’est raide, cassant et engagé, et le second quand on a envie de faire des bornes off-road sur des chemins larges et peu techniques. Par contre, si un gravel tout-suspendu ne trouve pas vraiment d’utilité à ses yeux en Belgique ou dans des zones où le sol est plus un mix de terre et de cailloux arrondis, il en va autrement si on roule dans des contrées où même les chemins larges sont jonchés de pierres saillantes et où on profitera bien mieux des larges pistes sur un gravel tout-suspendu qu’en voulant se la jouer « à la dure ».

Verdict

Ce Niner MCR 9 RDO a sa place parmi les vélos de gravel, nous en sommes absolument convaincus. Ne serait-ce que pour l’excellente géométrie et le comportement agréable. Les amateurs de gravel qui apprécient le confort, le contrôle, la tenue de route et la stabilité sur les sentiers techniques, et pour qui le poids n’est pas si important, trouveront ici un vélo adapté. Tout comme ceux qui roulent dans des régions où même les pistes larges sont inévitablement cassantes et usantes. L’avenir du gravel est-il tout-suspendu ? Non, ce n’est pas la panacée. Mais on se réjouit que ce type de vélo existe car pour certains pratiquants, c’est vraiment une solution. Le vélo a un réel intérêt et on espère qu’il pourra trouver son public à l’avenir. Quand la poussière des préjugés sera retombée…

Niner MCR 9 RDO

6 000 €

12 kg

  • Comportement
  • Belle finition
  • Confort
  • Nombreux inserts pour le bikepacking
  • Passages internes des câbles
  • Equipement
  • Cintre très classique et typé route
  • Poids
  • Prix

Évaluation des testeurs

  • Prix d'excellence
  • Coup de coeur
  • Rapport qualité / prix

ParJan Van Herck