Test | Trek Checkpoint SL6 : confort et polyvalence (pas) pour tous
Par Léo Kervran -
Avec l’arrivée du Checkmate pour le gravel très sportif et la compétition, le Checkpoint n’a plus besoin de cocher toutes les cases dans la gamme gravel de Trek. La marque américaine en a profité pour le réorienter vers une pratique un peu plus aventure, plus polyvalente. Le gravel de Mr et Mme Tout-le-monde, en somme. En tout cas, c’est ce que la marque annonce car sur le terrain, les choses ne se vérifient pas si facilement…
Avant cet été, le Checkpoint était le gravel à tout faire de Trek. Né en 2018 puis revu en profondeur en septembre 2021, il se déclinait tour à tour en machine de course, en monture prête à l’aventure voire au voyage, en vélotaf ou encore en vélo simple et polyvalent, selon la marque américaine. Nous avions toutefois pu constater qu’il gardait des racines routières et sportives bien présentes, inspirées des Domane et Emonda de route (lire Prise en main | Trek Checkpoint SL 6 eTap : chassez le naturel…).
A l’époque, on regrettait une rigidité trop importante pour un vélo réellement polyvalent. La pseudo-suspension Isospeed apportait un peu de confort à l’arrière quand on était assis sur la selle mais cela n’allait guère plus loin. Pour cette troisième génération, Trek prétend en faire un véritable vélo d’aventure… sans changer grand-chose sur le papier. Toutefois, on sait que certain changements importants peuvent être invisibles, à commencer par tout ce qui touche à la gestion des fibres de carbone (qualité, disposition…). Alors, simple restylage ou véritable nouveauté ce nouveau Trek Checkpoint ?
Châssis
Un nouveau Checkpoint, vous avez dit ? S’il y a bien quelques évolutions d’ordre cosmétique, il faut tout de même un oeil un minimum exercé pour différencier cette nouvelle génération de la précédente tant elles affichent les mêmes caractéristiques.
De son prédécesseur, ce nouveau Checkpoint SL reprend ainsi le cadre en carbone OCLV 500 (le OCLV 800 plus léger est désormais réservé au Checkmate SLR), la pseudo-suspension Isospeed, la boîte à gants dans le tube diagonal, les nombreux inserts pour des sacoches, garde-boue et porte-bagage, les passages internes dans le jeu de direction… En d’autres termes, toutes les technologies « clés » de la plateforme sont conservées.
L’Isospeed, c’est ce tube de selle qui n’est pas directement fixé au tube supérieur et peut donc bouger légèrement d’avant en arrière par rapport à ce dernier (principalement lorsqu’on est assis sur la selle), pour mieux filtrer les vibrations et petits impacts. Un tampon en caoutchouc fait office d’amortisseur et permet de contrôler cette déformation. On la trouve également sur le Domane de route et elle a même équipé le Procaliber de VTT par le passé.
Si on parle de pseudo-suspension, c’est parce que l’assemblage n’a pas vocation à améliorer sensiblement la tenue de route et adoucir les gros chocs comme une fourche suspendue ou un véritable amortisseur. C’est plutôt une légère filtration des imperfections du terrain pour apporter un peu de confort, mais on reste bien sur un vélo tout rigide par essence.
Concernant la boîte à gants, Trek annonce qu’elle a été revue et offre désormais plus de volume ainsi qu’un meilleur accès. Cette affirmation est difficile à vérifier sans avoir l’ancien modèle sous la main mais elle est de taille satisfaisante pour un gravel. A l’intérieur, on trouve une sacoche de belle facture et suffisamment grande pour accueillir une chambre à air.
D’un point de vue esthétique, le Checkpoint SL adopte des lignes plus directes que par le passé, un peu plus carrées aussi, dans la lignée des dernières créations Trek (Procaliber, Top Fuel et même Slash). Le tube supérieur s’affine, la nervure qui plongeait sur la douille de direction disparaît, l’articulation de l’Isospeed n’est plus cachée et le tout paraît plus simple, moins agressif.
Côté standards, on a des gaines qui passent en interne via le jeu de direction et ne sont pas guidées dans le tube diagonal, des freins en Flatmount 160, un dégagement suffisant pour des pneus en 50 mm (réduit à 42 mm avec le montage de garde-boue), une patte de dérailleur UDH et un boîtier de pédalier T47. On notera aussi que même si le Checkpoint SL n’est vendu qu’en monoplateau, le tube de selle accueille un support pour un guide-chaîne… ou un dérailleur avant (pédalier 46-30 maximum).
Géométrie
Au niveau de la géométrie, les changements sont là aussi discrets. De manière générale, le vélo se veut un peu plus court et haut qu’auparavant, ce qui devrait offrir plus de répondant et de maniabilité au détriment de la stabilité. Drôle de choix pour un vélo « aventure », encore plus si on envisage de le charger avec des sacoches mais il faudra voir dans quelle mesure cela affecte son comportement sur le terrain.
Les bases se raccourcissent ainsi de 5 mm (430 mm), le stack augmente d’environ 1 cm par taille (579 mm en taille M/54) tandis que le reach perd la même chose (391 mm en taille M/54) et au total, l’empattement perd un peu moins d’un centimètre également sur chaque taille. Les angles évoluent peu mais Trek ne communiquait pas l’angle de tube de selle effectif (ou réel) sur la précédente génération donc la comparaison est difficile. Retenez simplement que sur ce nouveau Checkpoint SL, ils sont dans la moyenne des gravel polyvalents avec une légère tendance « routière », orientant un peu plus le vélo vers les terrains roulants que d’autres modèles.
Trek indique par ailleurs que toutes les tailles sauf la XS sont compatibles avec l’utilisation d’une fourche suspendue jusqu’à 40 mm de débattement.
Equipements
On reste dans le même thème pour les composants avec, là encore, très peu de changement par rapport au modèle précédent. Le Checkpoint SL6 conserve le même groupe Sram Rival eTap AXS, avec un plateau de 40 dents et une cassette 12 vitesses 10-44 côté transmission et des disques de 160 mm pour les freins.
Si le monoplateau est la norme en VTT, il fait encore débat en gravel et on comprend pourquoi : sa simplicité a beaucoup d’avantages mais en termes de développements, un 40/10-44 n’est pas ce qu’il y a de plus polyvalent. Il faut un minimum d’entraînement et de force pour passer les côtes les plus raides sur le vélo et encore plus si on est chargé. Si votre terrain de jeu comporte de jolis talus et que vous n’aimez pas « tirer gros », un changement sera à prévoir de ce côté.
Tous les autres composants sont signés Bontrager, la marque d’accessoires de Trek. Côté train roulant, les roues Paradigm Comp 25 en aluminium (25 mm de largeur interne, 1780 g annoncés) sont toujours de la partie mais elles sont désormais chaussées de pneus Girona Pro en 42 mm de section officielle (mesurés à 43 mm), Bontrager ayant entièrement revu sa gamme de pneus tout-terrain cette année.
Malgré leur dessin très roulant, ils nous ont déçus par leur rendement très moyen sur route. La faute à une carcasse plutôt rigide dans cette version Pro (60 tpi), et on imagine que la déclinaison RSL en 220 tpi ferait bien mieux dans ce domaine. En revanche, le grip sur les pistes et sentiers nous a agréablement surpris, même si on regrette que les crampons latéraux ne soient pas un peu plus prononcés. Avec leur beau ballon très rond, ces pneus ont une tendance à flotter dans les grandes courbes sur sol fuyant et on ne sait pas toujours très bien si la roue va tenir sa trajectoire ou se mettre à glisser.
Potence (de 60 à 100 mm selon la taille) et cintre (de 40 à 46 cm, 15° de flare) sont tout ce qu’il y a de plus classique. La guidoline est moyenne en revanche, sans être la pire qu’il nous ait été donné d’essayer on a déjà vu plus flatteur. La tige de selle (27,2 mm, déport de 8 mm) est en carbone et la selle Verse Short Comp est disponible en deux largeurs, 145 et 155 mm.
Notez enfin que Trek compte dans son catalogue une gamme de sacoches parfaitement adaptées au vélo : la famille Aventure. Compatibles avec un montage par vis ou par scratchs, elles sont d’excellente facture avec des matériaux et finitions de qualité ainsi qu’une organisation intéressante. Trois produits sont proposés, une sacoche de tube supérieur (42,99 €), une sacoche de triangle avant de taille moyenne (74,99 €) et une grande sacoche de triangle avant (119,99 €), qui laisse tout de même la place pour deux bidons.
Au final, nous avons pesé notre SL6 en taille 56 (ML) à 9,63 kg avec deux porte-bidons Bontrager. C’est 200 g de plus qu’annoncé par la marque (sans porte-bidons) et si les porte-bidons n’expliquent pas tout ce surpoids, on reste dans les limites acceptables.
Dans cette version, le Trek Checkpoint est aujourd’hui affiché à 4659 €, soit 550 € de plus qu’il y a deux ans. Trop cher ? A vous de juger. Le tarif est dans la moyenne des marques américaines pour ce niveau de gamme mais on trouve la même chose 800 à 1000 € moins cher chez de grandes marques européennes.
Versions et tarifs
La famille Checkpoint SL compte trois modèles : le SL 5 (4059 €), le SL 6 ici essayé (4659 €) et le SL 7 (6559 €). Tous reposent sur le même cadre en carbone et sont équipés d’une transmission sans fil Sram XPLR mais la différence se fait sur le niveau de gamme des équipements : groupe Sram Apex XPLR AXS et roues Bontrager Paradigm SL (2,08 kg) pour le Checkpoint SL 5, groupe Sram Force XPLR AXS et roues Bontrager Aeolus Elite 35V en carbone (1660 g) sur le SL 7.
Le test du Trek Checkpoint SL6
Difficile de parler de cette nouvelle génération de Checkpoint SL sans évoquer l’ancienne. Intéressante sous certains angles, elle n’était cependant pas exempte de défauts et on attendait ce renouvellement de pied ferme pour voir si Trek allait réussir à corriger le tir et offrir un modèle réellement adapté (abouti ?) à la pratique du gravel sur nos terrains.
L’un des principaux reproches qu’on faisait au modèle précédent concernait la rigidité. Si vous n’êtes pas familier ou familière de Trek, sachez que ce n’est pas une surprise : en VTT la marque est connue pour faire des vélos très rigide, parfois trop pour nos terrains européens et c’était un peu le cas du précédent Checkpoint SL. Si l’Isospeed offrait un confort intéressant à l’arrière tant qu’on restait assis sur la selle, il en était tout autrement lorsqu’on se mettait debout sur les pédales et à l’avant du vélo, au point que les pistes ou sentiers pas parfaitement lisses pouvaient vite se transformer en calvaire.
Sur le nouveau, c’est… différent. Commençons par les bases : la position sur le Checkpoint SL6 est naturellement équilibrée. On bénit Trek pour avoir choisi de conserver des entretoises de potence traditionnelles, qui passent aussi bien sous la potence qu’au-dessus sans avoir besoin de couper le pivot. Cela devient de plus en plus rare en gravel et c’est peut-être moins aérodynamique ou « intégré » mais, grâce à ça, on peut facilement modifier la position sans que les changements soient irréversibles. Plus sportive en descendant la potence, plus confortable en la remontant… Ici, on peut faire des essais ou adapter la position au programme sans penser à l’après.
En termes de dynamique, on sent clairement le mauvais rendement des pneus freiner le potentiel du vélo. Les roues Bontrager Paradigm Comp 25 ne permettent pas des accélérations foudroyantes mais sur la précédente génération, elles tenaient bien un rythme élevé une fois lancées. Désormais, il faut se battre en permanence si on souhaite aller vite et dans cette configuration, le vélo nous invite de façon insistante à rouler en mode « balade ». Dommage, car à côté de ça la rigidité latérale est flatteuse et on peut monter en danseuse ou mettre de la force sans problème.
Le Checkpoint SL6 ne veut pas de nos coups de pédale alors prenons notre temps et admirons le paysage. C’est bien aussi, après tout. Tant que le voyage est confortable… A ce sujet, que vaut donc ce nouveau Trek Checkpoint ? La rigidité verticale a-t-elle évolué ?
Selon la personne à qui vous posez la question, la réponse pourra être différente : dans notre équipe de testeurs, les poids légers (< 70 kg pour 1m78-79) l’ont trouvé raide, alors que les « dans la moyenne » (73-76 kg pour 1m83-84) l’ont trouvé tout à fait correct. Poids plumes s’abstenir ? Il faut croire.
En revanche, tout le monde s’accorde sur un certain équilibre trouvé par Trek. Là où l’ancien était confortable de l’arrière et extrêmement rigide de l’avant, le nouveau est sur le même plan des deux côtés. Simplement, il semble que ce plan convienne mieux à partir d’un certain poids. Pour les plus légers de nos testeurs, l’IsoSpeed n’apporte absolument rien à l’arrière et si l’avant est moins rigide que par le passé, il l’est encore trop. Ainsi, en descente, il oblige toujours à ralentir pour stabiliser l’image et garder le contrôle des opérations.
A l’inverse, les formats plus proches de la moyenne n’ont absolument rien à lui reprocher sur ce point, que ce soit devant ou derrière et l’un d’eux l’a même trouvé plutôt confortable pour des sorties au long cours. Dans la mesure où tout le confort du vélo repose dans la déformation des fibres de carbone, on peut tout à fait imaginer que des pilotes trop légers ou légères ne parviennent pas à exercer suffisamment de contraintes dessus pour obtenir le résultat prévu, mais il est tout de même étonnant de constater cette évolution.
Verdict
Ça nous arrive de parler du poids des vélos mais parler du poids de la personne sur le vélo, voilà qui est original. Intéressant sur le papier avec un cadre très bien pensé pour le programme aventure auquel il se destine (grand dégagement, nombreux inserts, compatible simple et double plateau…), le Trek Checkpoint SL6 offre deux visages sur le terrain. S’il peut se montrer à la hauteur des attentes pour les personnes au rapport poids/taille dans la moyenne, simplement ralenti par une monte pneumatique décevante, il peut aussi être très inconfortable pour celles et ceux qui sont plus légers. Trek a appris de la précédente génération et avance sur la bonne voie mais pour la perfection, pour le vélo qui parle à tout le monde sans discrimination, il faudra attendre encore un peu.
Trek Checkpoint SL6
4649 €
9,63 kg taille 56, avec deux portes-bidons
- Cadre polyvalent (inserts pour sacoches, garde-boue et porte-bagage, montage 1x ou 2x, boîte à gants)
- Dégagement de 50 mm
- Position sur le vélo équilibrée
- Entretoises de potence standard
- Confort qui dépend du poids de l'utilisateur/utilisatrice
- Ratio de transmission un peu exigeant
- Rapport équipement/prix moyen
- Rendement des pneus décevant malgré le profil roulant
Évaluation des testeurs
- Prix d'excellence
- Coup de coeur
- Rapport qualité / prix
Plus d’informations : trekbikes.com