Semoy : l’espace enduro labellisé, c’est pour bientôt !

Par Christophe Bortels -

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Semoy : l’espace enduro labellisé, c’est pour bientôt !

Après 11 éditions de son célèbre enduro (et une 12e annulée pour cause de crise sanitaire), la Semoy s’apprête à écrire une nouvelle page de son histoire – et pas des moindres ! – avec l’officialisation d’une bonne partie des spéciales du secteur. A cette occasion, nous avons pris la direction des Ardennes françaises pour rencontrer Matthias Avril, président du club local. Il revient pour nous sur les origines de l’enduro, sur son développement, et nous explique en quoi consiste exactement la labellisation des traces enduro de la Semoy.

Si l’Enduro de la Semoy prend chaque année en juin ses quartiers au centre sportif des Hautes Rivières, c’est un peu plus loin dans la vallée de la Semois, à Naux, que se trouve le point de rendez-vous habituel des enduristes le reste de l’année. Il faut dire que l’endroit, central, est parfait pour rayonner vers les différents secteurs : Naux bien sûr, mais aussi Nohan et Hautes Rivières à l’Est, ainsi que Tournavaux à l’Ouest, et d’autres secteurs encore. C’est donc sur la passerelle de Naux que nous avons retrouvé Matthias Avril, 47 ans, le président du Semoy VTT Club depuis 7 ans, pour une petite interview.

Salut Matthias ! Commençons par le commencement… Les premières spéciales du secteur, ici à la Semoy, ça remonte à quand ?

Ça remonte aux débuts de l’enduro, il y a une douzaine d’années maintenant, en 2009. Il y avait une centaine de participants et seulement trois spéciales, dont une à faire deux fois : la Croix d’Enfer. Les deux autres, c’était la Norgoutte et les Dévers de Nohan dans une version différente de l’actuelle.

Les spéciales n’existaient donc pas avant la première édition ?

Il y avait quelques chemins existants, comme la partie basse de la Croix d’Enfer, mais pas la partie haute. Enfin, partiellement quand même, parce quelques années auparavant on organisait un XC qui passait par là. Donc les spéciales ont à chaque fois été créées à l’occasion des courses !

Comment s’est fait le passage d’une course sur une seule journée à un week-end complet?

Au début, c’était donc sur une journée. Deux spéciales le matin, gros repas le midi, et deux spéciales l’après-midi, mais là après avoir mangé c’était un peu plus compliqué ! (rires) Et puis à l’occasion de la 4e ou de la 5e édition, on a fait un essai avec une spéciale découverte sur Hautes-Rivières la veille de la course, non chronométrée. Les gens pouvaient tourner sur la spéciale tout l’après-midi. L’année suivante, on est passé sur deux journées de course pour pouvoir mettre un maximum de chronos sur le week-end.

Organiser l’Enduro de la Semoy, ça mobilise combien de personnes sur le terrain ?

A peu près 70 personnes sur les deux jours. Rien qu’au niveau sécurité, c’est au moins une dizaine de personnes sur chaque spéciale, plus les pointeurs pour les chronos aux départs et aux arrivées. L’année passée, vu qu’on est passé à 6 spéciales par jour, il a fallu concentrer et réduire les liaisons. Il nous fallait donc trois équipes de sécurité en même temps, rien que ça c’est 30 à 40 personnes… Il faut ajouter à ça les deux ravitaillements et tout le reste, comme la restauration, etc. Ça monte vite ! Mais par rapport à d’autres organisations, ça reste petit, assez familial, avec des amis surtout. Ce sont toutes des personnes proches.

Avoir le statut d’EWS Qualifier en 2019, c’était dans quel but ? Ça a changé quelque chose ?

Le but, c’était de faire monter le niveau de l’épreuve et de faire connaître notre enduro. Bon, il est déjà connu, mais on a toujours du mal à avoir des plateaux relevés – même si les premiers roulent très fort – et à attirer les Vosgiens et les Alsaciens par exemple.
Je ne sais pas si c’était le statut de Qualifier ou parce qu’on était dans le Cannondale Enduro Tour, mais on a eu davantage de participants étrangers, beaucoup d’Allemands surtout, ce qu’on n’avait pas avant. Et puis ça a apporté pas mal de visibilité, ce que les collectivités locales ont apprécié. Après, au niveau de l’organisation ça ne changeait pas grand-chose, à part peut-être pour les catégories qu’il fallait arriver à combiner pour les différentes séries…

Comment s’est passée l’annulation de l’édition 2020 ?

Au début, on pensait éventuellement déplacer de juin à septembre. Mais ça posait notamment des soucis au niveau de la disponibilité des bénévoles. Il y avait aussi pas mal de courses qui s’étaient déjà décalées sur septembre. Là, ce n’est même pas certain qu’elles se tiendront… On a préféré annuler assez tôt, notamment pour ne pas trop engager de frais. Après coup, je pense qu’on a eu raison de prendre cette décision-là plutôt que de reporter puis devoir annuler après. Et puis là, ça nous donne du temps pour nous occuper de l’espace enduro.

Tu peux nous expliquer le processus de création d’une nouvelle trace, de l’idée à la réalisation, en passant par les autorisations ?

Déjà, quand on a commencé l’enduro, la zone Natura 2000 n’avait pas encore été officialisée. Le PNR (Parc Naturel Régional) existait mais n’était pas encore en place, l’ONF (Office national des forêts) était favorable, ça se passait pas trop mal. Mais on faisait les choses à l’envers à l’époque, on créait la trace, on la mettait en course, et voilà, elle existait ! Maintenant le protocole est un peu plus compliqué. Ce sont des demandes au PNR, à l’ONF, puis on commence par un traçage léger sur le terrain pour que les agents de l’ONF puissent voir sur place et donnent leur accord. Au niveau de la création pure, il y a parfois du repérage sur carte pour regarder les dénivelés, etc, ensuite balade à pied sur place pour voir ce qui est faisable ou pas, où passer, puis on appelle du monde, on fixe rendez-vous, on se retrouve à 10-15 pendant une ou deux journées et voilà !

On peut donc dire que les rapports sont bons avec l’ONF ?

Oui, absolument, ça se passe correctement. Après, il ne faut pas se braquer avec eux, il ne faut pas oublier que ce sont eux qui ont le pouvoir de décision finale. Ça ne sert à rien d’aller à la confrontation parce que si ils disent non, c’est terminé.

Et la cohabitation avec les autres utilisateurs de la forêt, comme les marcheurs ?

Globalement ça se passe bien. A moins de descendre les yeux fermés, on voit les marcheurs ou les trailers à temps et ça ne pose aucun problème. A ma connaissance, il n’y a d’ailleurs jamais eu de collision. Si tout le monde respecte tout le monde, ralentit ou se met sur le côté, tout va bien. Mais quand les traces seront officielles et qu’il y aura de la signalétique ce sera encore mieux, il y a quand même certains endroits où il vaut mieux éviter d’avoir des marcheurs.

Qu’en est-il des rapports avec les chasseurs ?

Au niveau de la chasse ça se passe pas trop mal, mais là aussi l’officialisation des traces permettra de mieux gérer la cohabitation. On a eu des soucis l’hiver dernier, avec des groupes de vététistes qui roulaient où ils ne pouvaient pas. Mais sur le secteur c’est vrai que c’est assez compliqué de s’y retrouver, il y a plein de petits territoires de chasse.

Et au niveau des exploitants forestiers ? On a vu cette année par exemple qu’une bonne partie de la Goulayante avait disparu suite à l’abattage d’arbres.

Oui, à cause des scolytes… On se doutait un peu que ça allait arriver. Mais vu que les traces ne sont pas encore officielles, ils débardent et on retrouve le terrain comme ça. A l’avenir, ils devront tenir compte de la trace, ne pas la remettre en état mais au moins y faire attention. Mais sur la Goulayante par exemple, ça a permis de la changer un petit peu, c’était une opportunité finalement. C’est d’ailleurs ce qu’on a expliqué à l’ONF : si il faut fermer une trace pendant 6 mois pour l’exploitation forestière, puis qu’on doit la refaire, aucun problème, ça permet de changer, de faire des variantes en restant dans la même zone.

Vous avez le soutien des autorités locales pour vos projets ?

Au niveau politique, le projet est bien accueilli dans son ensemble. Il y a un an, on a eu la chance d’avoir un nouveau directeur à l’office de tourisme de la communauté de communes, qui était en poste dans le Jura et qui connaît le potentiel touristique du vélo. Il a permis de faire avancer les choses plus vite au niveau de l’officialisation des traces. Parce qu’au bout de 3 ans de démarches, de réunion en réunion pour toujours répéter la même chose, et tout ça bénévolement, on commençait à tourner en rond…

Justement, tu peux nous en dire plus sur la procédure de labellisation des tracés qui a débuté tout récemment ?

Concrètement, c’est la mise en place d’un balisage des spéciales et d’un code couleur pour indiquer le degré de difficulté. Tout ça se fait en collaboration avec la FFC (Fédération Française de Cyclisme) qui labellise les traces. Il y aura une carte officielle, un site internet, les tracés GPS seront téléchargeables. En ce moment, on fait des relevés sur les spéciales pour repérer et pouvoir indiquer les zones de danger, les changements de direction, les croisements, voir où il faut faire des aménagements de sécurité, notamment au niveau des arrivées de spéciales sur la Trans-Semoysienne. En moyenne, on devrait être entre 10 et 15 repères par descente.

Qui déterminera le degré de difficulté d’une spéciale ?

Ce sera nous. Normalement il y a un code FFC, mais il tient compte de plusieurs paramètres comme le dénivelé et il est plus adapté à la montagne. Ici, avec 200m de dénivelé, les traces seraient bleues au mieux ! (rires) On tiendra donc uniquement compte du niveau de difficulté.

Ça représente combien de spéciales au total ?

On a soumis plus d’une trentaine de spéciales, 23 ont été validées, et une ou deux sont encore en suspens. Il y en a aussi 4 à créer, sur des secteurs différents pour un peu élargir la zone. A peu près un tiers des traces qu’on a soumises ont été refusées, essentiellement à cause d’espaces naturels. Dans celles retenues, il y a d’anciennes traces qui ont déjà été en course et qu’on va rouvrir. C’est surtout parce qu’elles sont décentrées qu’elles n’étaient plus vraiment utilisées.

Quelles sont les échéances pour la concrétisation de l’espace enduro ?

Evidemment, ça a été repoussé à cause du Covid-19, on a pris du retard puisqu’on ne pouvait pas aller dans les bois… Normalement, la version digitale sera bouclée pour fin 2020/début 2021, et les aménagements physiques à la mi-2021, pour l’enduro j’espère.

Qui finance le projet ?

C’est la communauté de communes qui finance le balisage, l’espace enduro leur appartiendra. Nous, le club, on sera là pour entretenir les traces.

Il y a d’autres projets importants dans les cartons ? Il me semble qu’il était même un moment question de remontées mécaniques dans le coin…

Il y a quelques années, j’avais en effet présenté un projet de bike park avec remontées mécaniques qui devaient arriver au Champ Bernard. Ça s’articulait aussi avec la Trans-Semoysienne qui, quand elle arrive à Nohan, monte à du 18 ou 19%. Les gens s’arrêtent là et prennent plutôt la route vers Les Hautes-Rivières. Les remontées mécaniques ne serviraient donc pas que pour le bike park, les touristes pourraient aussi accéder au plateau du Champ Bernard puis notamment basculer vers la Belgique. Mais il faut tenir compte du coût d’installation et du coût d’exploitation qui n’est pas négligeable, le projet est donc en pause pour l’instant. La communauté de communes n’est pas contre un bike park, mais des remontées mécaniques ça semble compliqué. Pour l’instant en tout cas, on se concentre sur l’espace enduro.

Tu imagines d’autres choses se greffer autour de l’espace enduro ? Des services par exemple…

Il va falloir que ça se développe, parce qu’on est un peu juste, notamment en matière de restauration. Il y aurait un petit bar dans cette maison-là par exemple (à Naux, près de la passerelle), ce serait pas mal… Je pense que ça va venir !

Quel regard portes-tu sur la situation actuelle en Belgique, qu’on pourrait qualifier de délicate même si les lignes semblent bouger doucement… ?

Si j’ai bien compris, faire une course ça passe, le souci c’est que les gens reviennent rouler le reste de l’année. Mais les grosses organisations comme Bouillon et l’Amblève vont arriver à faire quelque chose je pense. Il faut en tout cas un soutien local, sinon ça ne peut pas avancer. La solution c’est de toute façon la labellisation comme chez nous.

Une question difficile pour terminer : s’il ne devait rester qu’un seule spéciale à la Semoy, ta préférée ou simplement celle qui représente le mieux le secteur, tu choisirais laquelle ?…

Ah… On ne peut pas en garder plusieurs ?… (rires) Je pense que la préférée de la plupart des gens, celle qui revient souvent, c’est la Goulayante. Tout le monde la fait. Personnellement, je les aime toutes, mais je citerais aussi la Mad Max et la Dauphiné Black. En course elle était compliquée, mais si on y va tranquillement, ça passe !

Rendez-vous aux Hautes-Rivières les 12 et 13 juin 2021 pour la 12e édition de l’Enduro de la Semoy !

Infos : www.endurodelasemoy.fr

ParChristophe Bortels