Rockrider Racing Team : Rockrider se lance en coupe du monde XC

Par Léo Kervran -

  • Sport

Rockrider Racing Team : Rockrider se lance en coupe du monde XC

Une équipe Rockrider en coupe du monde de XC ? Non, nous ne sommes pas le 1er avril et la marque est bien sérieuse. Avec Julie Bresset en co-team manager, Stéphane Tempier en chef de file et un effectif tourné vers l’avenir, Rockrider veut s’engager sur la durée et ne vise rien de moins que les prochaines échéances olympiques. Nous avons pu rencontrer les pilotes et le staff lors de leur tout premier rassemblement, en décembre dernier au CREPS de Boulouris. Suivez-nous dans les coulisses !

Un premier rassemblement en décembre, ce n’est pas commun même pour une grande équipe, mais le Rockrider Racing Team a voulu mettre toutes les chances de son côté pour sa première année d’existence. Même si les vélos ne sont pas encore en configuration finale et les tenues ne sont pas prêtes, cela permet de souder l’équipe plus facilement, d’avancer sur les tests de matériel, de commencer à travailler avec les partenaires…

« Le XC a été relancé en 2018 chez Rockrider. Avant cela, si on considère l’ensemble des pratiquants, Decathlon visait les « 80 % du bas ». Depuis, il y a eu un changement de stratégie, de politique dans le groupe qui souhaite accélérer sur la performance et le haut niveau.  Désormais, on a « autorisation » de viser le haut de gamme en VTT, route, trail et triathlon, donc pour Rockrider, Van Rysel, Evadict et Aptonia. » Quitte à casser un peu, ou sortir, de l’image habituelle d’accessibilité de Decathlon. Avec cette équipe, Rockrider veut faire rêver !

Les fameuses séries limitées de la marque lancées ces dernières années s’inscrivaient également dans cette logique. Des tests, d’une certaine façon, avant d’aller plus loin. Tests qui se sont montrés concluants : ces séries spéciales ont toutes été très bien accueillies, ce qui a ouvert la porte à la suite de l’aventure.

Suite de l’aventure qui prend donc la forme, pour le VTT, d’une équipe engagée en coupe du monde. Avoir de bons produits, c’est une chose, mais encore faut-il pouvoir le prouver et c’est visiblement ce qu’entendent faire Decathlon et Rockrider avec le Rockrider Racing Team. Sur route, Van Rysel prend la même direction puisque la marque équipe depuis quelques semaines en textile les équipes professionnelles Cofidis, masculine et féminine.

Toutefois, cette équipe ne sera pas reliée directement à Rockrider, ce n’est pas un factory team. Si la marque a joué un rôle important lors de la construction du projet, elle ne sera qu’un partenaire (de taille, certes) parmi d’autres une fois que la machine sera lancée. « Le contrat qui nous lie à l’équipe court jusqu’en 2024 avec l’option de poursuivre une année de plus », nous glisse Pierre Delcour, « mais Sam peut très bien décider de continuer sans nous après ça, on ne pourra pas s’y opposer », poursuit-il d’un air malicieux.

Sam, c’est Samuel Roces (au centre ci-dessus), le team manager du Rockrider Racing Team. Un homme de l’ombre inconnu du grand public mais certainement pas des athlètes, qui pour certains le côtoient depuis de nombreuses années. Ancien sportif de haut niveau en cyclisme sur route dans les catégories Juniors et Espoirs, il s’est ensuite reconverti en kinésithérapeute et a officié au sein de plusieurs équipes professionnelles sur route (dont Groupama-FDJ ces dernières années, au service de Thibault Pinot), a longtemps travaillé avec Julien Absalon puis Julie Bresset… Il est également kiné des équipes de France de cyclisme et gère à ce titre toute une équipe ainsi que différents partenariats (nutrition par exemple).

Cependant, ce n’est pas lui que Rockrider a approché en premier lieu mais… Julie Bresset. Ambassadrice Rockrider depuis peu, elle nous raconte qu’elle a été sollicitée « dès le mois de juin par Rockrider, juste après l’annonce de ma fin de carrière. Ils avaient déjà le projet d’équipe et voulaient me proposer d’être team manager mais c’était trop tôt pour moi, je ne me voyais pas repartir tout de suite. »

« J’en ai alors parlé à Sam, mon kiné depuis toujours, et ça l’a intéressé. On a construit ensemble l’équipe pendant l’été et défini un cahier des charges, qu’on a ensuite présenté à Rockrider. Ça a été validé fin septembre et tout s’est tout de suite bien passé avec le groupe de projet, ce sont tous des passionnés qui veulent une image saine. »

Enregistrée en tant qu’assistante team manager auprès de l’UCI, son rôle auprès de l’équipe sera d’être « le bras droit de Sam. Je serai investie, mais je pourrai gérer mon planning plus librement que si j’étais team manager. » Cela en parallèle de sa mission d’ambassadrice de la marque, à qui elle apportera son nom, son image ou encore son expertise technique.

On revient donc à Sam, qui nous explique avoir été attiré par  » fait qu’il y a tout à créer, on part de zéro, et on parle le même langage avec Decathlon. On souhaite amener la performance partout où c’est possible, je veux apporter dans le VTT cette notion de véritable structure qu’il y a en cyclisme sur route. » Les ambitions sont d’ailleurs élevées, puisque l’équipe ne vise rien de moins qu’un podium aux Jeux Olympiques 2024 à Paris, puis à ceux de Los Angeles en 2028.

Cela peut paraître prétentieux mais Julie nous en propose une autre interprétation : « Cet objectif, ça montre l’ambition et ça booste l’équipe et situe le niveau d’engagement, de nous comme de Rockrider. Ça nous donne de la crédibilité, on montre qu’on ne veut pas faire les choses à moitié. »

L’effectif

Le projet entériné, il fallait maintenant trouver les coureurs. Sam nous explique que « avec la validation fin septembre, on est arrivé tard sur le marché des transferts mais on souhaitait tout de même trouver un capitaine de route avec des valeurs, de la bonne humeur et de l’expérience. J’ai vite pensé à Stef (Stéphane Tempier) et il a dit oui en deux jours. »

« Tout est nouveau et c’est entre autres ce qui m’a attiré dans le projet, on part de zéro et il n’y a pas de préconçus. L’équipe Rockrider est jeune et dynamique, on sent qu’il ont envie. La marque en elle-même apporte une sécurité, une image de solidité. C’est un engagement fort, ils ne sont pas là pour un ou deux ans et en plus, ils se sont rarement trompés lorsqu’ils se sont lancés dans quelque chose de nouveau ces dernières années. Le fait que Sam soit à la tête de l’équipe a aussi joué, on se connaît depuis longtemps », nous confie Stéphane.

« Je ne pouvais pas rester sur une saison difficile (touché par le virus d’Epstein-Barr puis par le Covid en 2021, une 18e place comme meilleur résultat en coupe du monde), m’entraîner me plaît toujours et je suis motivé à retrouver mon niveau, à être à la bagarre devant », poursuit-il. « Les JO 2024 ? C’est un objectif à avoir en tête, c’est sûr ,mais il faut prendre les choses tranquillement, avec du recul et ne pas tout focaliser là-dessus car beaucoup de choses peuvent se passer entre-temps. »

Le capitaine de route trouvé, il fallait à l’équipe un jeune sur qui miser pour l’avenir. Le choix de Sam Roces s’est porté sur Joshua Dubau :« Joshua, c’est le jeune à faire progresser dans l’effectif. C’est aussi un Stef n°2, une très bonne surprise dans son comportement avec tout le monde », détaille-t-il.

« 2021 m’a remis en confiance, j’ai fait une grosse dernière saison U23 puis quelques soucis personnels ont rendu la transition en Elites difficile », nous explique le pilote aujourd’hui âgé de 25 ans, également champion de France de CX et 15e des derniers championnats du monde dans la discipline. « Le projet de Decathlon m’a plu, ils ont les capacités de faire les choses bien. Tout est nouveau donc ça peut faire peur au début mais ils m’ont vite mis en confiance. »

A l’image du projet de l’équipe, il se fixe des objectifs ambitieux à l’aube de cette nouvelle saison : « Cette année je vise le top 10 en Elites, j’ai déjà fait 16-17e donc je sais que c’est possible. Je préfère faire 10e une fois et 40e une fois que tout le temps 20-25e, la régularité c’est bien mais il faut savoir passer un cap. » Quid des JO de Paris ? « Ça m’inspire, même sans Decathlon. Aujourd’hui, parmi les pilotes qui sont devant je me battais avec certains chez les Espoirs. » On pense par exemple à Filippo Colombo, Milan Vader ou encore Alan Hatherly, tous âgés de 24 ou 25 ans aujourd’hui comme Joshua Dubau.

Le lancement du Rockrider Racing Team marque aussi le retour à la compétition VTT de Romain Seigle, champion d’Europe de XC et vainqueur d’une manche de coupe du monde chez les Juniors en 2012. Passé sur la route en 2016, chez Groupama-FDJ depuis 2018, il revient à ses premières amours grâce à Rockrider. « Avec Romain, c’est un pari mais je reste assez persuadé qu’il peut faire des trucs de fou. C’est aussi une belle histoire, un jeune bon en VTT qui passe sur la route parce qu’il n’y a plus rien pour lui dans le milieu et y revient finalement par passion », commente Sam.

La passion du vélo, c’est exactement ce qui a motivé le retour de Romain Seigle au VTT, comme nous l’explique le principal intéressé : « J’avais encore des opportunités de contrat mais j’avais envie de changer de milieu, j’ai compris ces dernières années que celui de la route ne me convient pas forcément. » Un retour d’expérience très diplomatique devant les micros mais lors de la même discussion en off, les mots sont moins choisis…

« J’avais envie d’un nouveau défi et de retrouver le côté plus familial, plus humain du VTT mais je ne savais si je pourrais retrouver une équipe. C’est là que j’ai eu un peu de chance et que Sam est venu me voir. Je sais que j’ai un gros boulot technique et physique à faire mais d’un autre côté, j’ai acquis avec la route un bagage physique et une capacité de travail qui vont beaucoup m’aider », continue-t-il. Pour lui comme pour Joshua, les JO sont un objectif assumé : « Les Jeux, c’est la raison pour laquelle je reviens, je n’ai pas envie de regretter quoi que ce soit. S’il n’y avait pas eu cet objectif, j’aurais peut-être fait encore un ou deux ans sur la route. »

Seule pilote étrangère de l’équipe au milieu de tous ces Français, Emeline Detilleux en est aussi la seule fille. Explications de Sam : « Pour Emeline, c’est un peu particulier. Au départ, avec Rockrider on cherchait une Française mais plus aucune n’était disponible. Elle est jeune, elle est championne de Belgique, on a donc décidé de lui donner sa chance. »

Encore Espoir l’année passée, ce changement d’équipe coïncide pour elle avec le passage en catégorie Elites : « C’est le bon moment pour changer de structure », développe Emeline, « je suis contente de ma saison 2021, j’ai réussi à confirmer mes bons résultats de fin 2020 où j’avais fait 7e aux championnats du monde mais j’ai passé 6 ans chez BH-Wallonie, comme Pierre [de Froidmont, qui a signé chez KMC-Orbea], et je pense que j’étais arrivée au maximum de mon potentiel dans l’équipe. »

Elle aborde la transition avec les Elites confiante : « Le titre de championne de Belgique scratch, avec 4 minutes d’avance sur Githa Michiels, m’a donné de la crédibilité et on a vu ces dernières années que le meilleur niveau en U23 correspond aux meilleures Elites. Mais ça va quand même faire bizarre de se retrouver sur la ligne de départ avec des filles dont j’ai un poster dans ma chambre ! (rires) »

Dans l’équipe, elle est aussi à l’heure actuelle celle qui a le plus de chance d’être au départ des JO de Paris dans 3 ans. Une pression ? Plutôt une revanche sur Tokyo 2020, où elle était remplaçante mais visait plus haut.

Enfin, reste Lucas Dubau, qui aura un statut un peu particulier et différent des autres membres de l’équipe. « Lucas est ambassadeur pour Rockrider depuis un an », nous explique Sam,« et l’inclure dans l’équipe est donc une passerelle logique mais pour lui, la priorité reste ses études de kiné. D’ailleurs, s’il est absent de ce rassemblement, c’est parce qu’il est en partiels. »

Pierre Delcour ajoute :« La présence en coupe de France est très importante pour nous, le Rockrider Racing Team est une équipe française donc on se doit d’y être. Lucas sera un peu notre « joker coupes de France » quand les autres seront en coupe du monde, mais encore une fois sans aucune obligation. »

Toutefois, Sam ne cache pas que « notre projet nécessite un recrutement qui nous amènera aux JO ». En d’autres termes, et sans rien retirer aux qualités des pilotes qui composent l’équipe aujourd’hui, il faudra attirer de grands noms dans les deux prochaines années si le Rockrider Racing Team veut vraiment atteindre son objectif de podium aux Jeux Olympiques.

Le vélo

Côté matériel, l’équipe roulera sur les nouveaux Race 900 et Race 900S FC, présentés en octobre dernier au Roc d’Azur. Mis à part la couleur spécifique au team (les vélos seront turquoise), le cadre est strictement identique aux modèles de série.

En revanche, les composants diffèrent des modèles que nous avions découverts et, il faut le dire, risquent de détonner un peu dans les paddocks. Rockrider a en effet choisi de s’appuyer sur ses partenaires habituels de la première monte : suspensions Manitou, poste de pilotage et tige de selle télescopique ProTaper, freins TRP.

Tout n’est cependant pas exotique et on retrouve aussi des marques plus courantes sur le vélo, comme Sram pour la transmission, Mavic pour les roues (et les chaussures) ou Hutchinson pour les pneus. Lors de ce premier rassemblement, l’équipe n’avait toutefois pas encore reçu toutes les pièces, ce qui explique les quelques différences entre cette liste et nos photos.

En revanche, des équipes de TRP et d’Hutchinson avait fait le déplacement, pour mieux cerner les besoins des coureurs et les aider à choisir quels produits ils utiliseront tout au long de l’année. On a ainsi vu Joël Balez, responsable R&D pour la marque française, passer du temps avec chaque athlète pour leur expliquer les subtilités entre les différentes carcasses, leurs avantages et inconvénients…

Enfin, le vélo de chaque coureur sera personnalisé avec une petite figure à son effigie et on note au passage que Emeline Detilleux profitera d’une décoration à part sur son vélo, pour faire honneur à son titre de championne de Belgique.

Cette version du vélo avec le triangle arrière en carbone a beau être toute neuve et plutôt agréable à rouler, comme nous avons pu le constater lors d’un tour du circuit (très moderne et exigeant) de XCO de Boulouris au guidon du vélo de Joshua Dubau, elle risque d’être remplacée assez rapidement. Il faut dire qu’elle n’a pas été développée pour la compétition comme peuvent l’être certaines machines d’autres marques, et qu’un compétiteur risque en conséquence d’en atteindre les limites.

Comme nous l’explique Pierre Delcour, Rockrider veut fournir à l’équipe « un vélo capable de gagner les JO de Paris » et le développement matériel sera donc un axe important au sein du Rockrider Racing Team durant cette première saison. Un futur vélo est déjà dans les cartons et il a été présenté aux coureurs lors de ce rassemblement, sur lequel la marque compte particulièrement. Avec leur expérience, Stéphane Tempier et Julie Bresset devraient être les plus sollicités et l’un comme l’autre nous ont confirmé que c’était un domaine qui les intéressait.

Sans trop en dévoiler, on peut d’ores et déjà vous dire qu’il est (très) très intéressant. Si les objectifs affichés sont tenus, il devrait se placer, sur le papier, en face des meilleurs tout-suspendus XC du marché. D’autres partenaires, Manitou et TRP notamment, devraient également arriver avec de nouveaux produits ou des évolutions en cours d’année.

Pierre Delcour : « Le projet était déjà là avant l’équipe mais il a été remanié dans un objectif de performance pure, on assume le fait qu’un mec moyen ne sera pas à l’aise dessus. L’équipe est une contrainte supplémentaire, ça nous oblige à aller vite. Là on parle d’avoir un vélo roulable en 8 ou 9 mois, contre 2 ans ou 2 ans et demi en temps normal. »

Bonne nouvelle, « pour nous c’est important de pouvoir s’associer à nos coureurs, qu’il y ait une fierté de rouler sur nos produits. Après sa sortie le vélo sera donc disponible en l’état en magasin, en version Team Replica. »

Pour la mécanique, le Rockrider Racing Team pourra compter sur un habitué des paddocks de coupe du monde en la personne de Théo Mougenel. Au service de Victor Koretzky chez KMC-Orbea ces dernières années, il n’a pas été conservé par l’équipe cet hiver avec le départ de ce dernier pour la route et l’équipe B&B Hôtels / KTM. Par ailleurs mécanicien de l’équipe de France et bien connu des coureurs, il sera basé à Lille au B’Twin Village et associé au développement produit, du nouveau vélo notamment.

On en profite au passage pour faire un petit tour dans sa caisse à outils juste pour le plaisir des yeux, même s’il nous confie que son organisation va évoluer d’ici les premières coupe du monde.

Comme les plus grands, l’équipe aura également droit à son camion tout équipé pour se déplacer sur les courses, avec douche, WC, salon, cuisine, chambre(s) pour le staff…

Si Rockrider a déjà fait quelques incursions en coupe du monde par le passé (avec Pierre-Geoffroy Plantet notamment), jamais la marque ne s’était autant impliquée sur le circuit. Le lancement de cette équipe est donc un véritable évènement dans le paysage assez stable des grandes équipes de XC mais également pour Decathlon. On a presque peine à croire que le groupe se lance avec autant de moyens et d’ambitions dans la compétition en VTT, même si un tel engagement s’est déjà vu par le passé dans d’autres disciplines (en cyclisme sur route par exemple, avec l’équipe AG2R – Decathlon). Quoi qu’il en soit, il faut bien admettre que voir le Rockrider Racing Team venir concurrencer les équipes « historiques » dans les années à venir aurait de l’allure et on suivra de près l’aventure !

ParLéo Kervran