Récit | Transmaurienne Vanoise 2025 : cinq jours au cœur du marathon alpin

Par Rémi Groslambert -

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Récit | Transmaurienne Vanoise 2025 : cinq jours au cœur du marathon alpin

Chaque été, la Transmaurienne Vanoise marque une halte incontournable dans le calendrier VTT marathon. Avec ses paysages spectaculaires, son ambiance familiale et ses formats multiples, elle rassemble randonneurs, compétiteurs et amateurs de VTTAE au cœur de la vallée de la Haute Maurienne. Au programme de cette 37e édition, la désormais célèbre 9000 (et ses 9000 m de D+), le format open 6000, des parcours enfants, du gravel, et une grande variété de formats rando ou VTTAE. De quoi donner à chacun l’occasion de poser ses roues entre Aussois et Lanslevillard, en immersion dans l’un des plus beaux décors des Alpes. 

Pour cette édition 2025, nous avons glissé notre reporter-marathonien Rémi Groslambert, alias “la borne”, sur le format UCI S1 cinq jours. L’épreuve 9000, avec ses quelque 9000 m de dénivelé positif et ses parcours aussi techniques que magnifiques, attire chaque année les meilleurs marathoniens français ainsi que quelques solides références étrangères. Singles engagés, longues ascensions, ambiance montagnarde unique et densité de niveau impressionnante… la Transmaurienne Vanoise coche toutes les cases du bon gros rendez-vous de juillet. Voici le récit de Rémi :

“Le départ de la Transmau’ étant lundi matin, j’en profite pour arriver samedi soir à Termignon où je retrouve la quasi totalité du team La Forestière – Rosti venu en force sur cette épreuve. Ils m’accueillent dans leur hébergement pour cette course, une belle semaine de franche camaraderie s’annonce. Le dimanche est consacré à un léger déblocage sur route, au retrait des dossards et aux derniers ajustements. Quentin en profite pour se déboucher les tympans en faisant exploser un pneu sur sa roue de dépannage.

Quelle start list! Andreas Seewald, numéro 1 mondial, est apparemment venu faire sa récup’ après sa victoire sur la coupe du monde en Allemagne la veille. La plupart des meilleurs français sont présents, mais aussi bon nombre d’étrangers dont Micha Kloetzli, tenant du titre. Le niveau s’annonce super relevé. Kiki, mon meilleur ennemi, alias “le p’tit gros en rouge” est présent également, la pression monte ! De mon côté, j’arrive en fin de cycle. Le championnat de France XCM qui avait lieu la semaine passée était mon objectif principal. Avec l’enchaînement de l’Alps Epic et du championnat de France XCO, il ne me reste pas énormément de fraîcheur, il va falloir composer avec, mais je suis dans un état d’esprit conquérant sur la ligne de départ.

Jour 1 : du beau monde présent et un départ sur les chapeaux de roue

Le départ est donné, je m’élance depuis la première ligne grâce à mon classement UCI. Le rythme est super soutenu dès le début. Il faut faire les efforts avant les abords des singletracks pour être placé correctement et ne pas prendre d’écarts. Après un premier quart d’heure plutôt punchy, nous attaquons la longue montée d’une heure qui mène aux fameux barrages de Plan d’Amont et Plan d’Aval. Je paye un peu mon départ optimiste. Killian me dépasse mais je garde le contact visuel. Nous ne sommes pas très loin d’un groupe d’une dizaine d’unités. Dans le début de la descente, nous formons un trio avec Marius Gros du Team La Forestière. Ce dernier nous gratifiera d’un magnifique soleil suivi d’une crevaison de la roue avant.

Ne suit pas les trajectoires du semi-rigide qui veut !

Ne suit pas les trajectoires du semi-rigide qui veut ! Nous rentrons avec Killian sur le groupe dans la descente. Cette descente est plutôt cassante et est rendue technique par l’humidité bien présente sur cette première étape. Je fais l’effort pour passer en tête du groupe et prendre la descente à ma main lors du second passage dans Aussois. La fin de la descente est somptueuse au milieu des différents forts.

Nous traversons le pont du diable qui culmine à plus de 100 m au-dessus de l’Arc puis nous enchaînons avec la traversée du fort Marie Thérèse dans l’obscurité. La fin de la descente a fait une petite sélection, le groupe roule actuellement pour la 8ème place mais les coureurs rentrent de l’arrière. S’ensuit alors la longue deuxième montée, plus roulante cette fois. Les relais s’enchaînent et une fois n’est pas coutume, les italiens ne sont pas avares de leurs efforts, surprenant !

Le rythme est soutenu, je commence à souffrir. A chaque fois que je me retourne, c’est la même rengaine: “Je suis encore là, ne t’inquiète pas.” C’est évidemment Killian qui fanfaronne. Un passage abrupte fait la sélection, nous nous extirpons, Robin, deux italiens et moi-même mais je fais un peu l’élastique. Dans la descente, nous nous regroupons à nouveau et nous dépassons Loan Cheneval, en train de jouer avec une cartouche de CO2. Cette descente est gorgée d’eau, très technique et cassante, il faut préserver le matériel. Vient alors une partie étroite et vallonnée pendant laquelle nous devons slalomer entre les participants des autres parcours, la sélection s’opère… Nous voilà au pied de la dernière ascension de 4 km qui nous ramène à Aussois.

Je viens échouer à quelques secondes de Micha, à la 8ème place. Bilan plus que satisfaisant, la densité de niveau sur cette étape était ahurissante. Sans surprise, Andreas Seewald s’impose devant le français Pierre Billaud. Killian finit 16ème suite à sa désormais classique casse moteur de la dernière heure. Mes camarades du Team La Forestière ont connu diverses infortunes, mais à chaque étape leurs différents récits seront mémorables.

Jour 2 : tracé explosif pour quitter Aussois

Jour 2, c’est la dernière étape au départ d’Aussois. Aujourd’hui, l’étape s’annonce très rythmée avec des montées courtes et seulement 46 km, soit à peine plus de 2h30. J’ai un peu de retard à l’allumage ce matin et je me retrouve englué dans la masse, autour de la 50ème position. Je remonte petit à petit pour essayer d’accrocher le bon wagon mais je suis vite bouchonné en descente. Je double Luc Grosjean en train de démêler les 12 nœuds de sa chaîne puis me retrouve juste derrière un bon petit groupe tracté par Sébastien Carabin. J’ai moyennement récupéré de la veille et n’arrive pas à faire la jonction.

Le parcours est magnifique avec notamment le passage au monolithe de Sardière puis la somptueuse mais technique descente sur Termignon. Le retour en fond de vallée est rapide et roulant. Nous avons loupé le bon groupe. Je me retrouve avec Marius et un autre acolyte et profite de mon expérience de vieux roublard pour exploiter les jeunes sur les parties plates. Les écarts sont faits mais j’ai gardé un peu d’énergie pour la dernière bosse. Je parviens à grappiller quelques places en reprenant les derniers du groupe qui nous précédait. Je suis 16ème à seulement 3 minutes de la sixième place, les écarts sont infimes. Andreas Seewald confirme son leadership en venant croquer Loan Cheneval dans les derniers hectomètres.

Jour 3 : XCO en altitude

La troisième étape est celle redoutée par tous les purs marathoniens : le XCO ! En revanche, bon nombre de spécialistes du XCO sont présents, la bataille s’annonce rude. A partir de maintenant, toutes les étapes s’élancent depuis Lanslevillard, un peu plus haut dans la vallée de la Haute Maurienne. Le départ est donné à 16h, pas idéal pour préparer l’étape du lendemain, mais la règle est la même pour tout le monde. Je m’élance de la troisième ligne, ça n’est pas optimal, mais le circuit est assez exigeant pour remonter. Le coup de sifflet est donné, je clipse rapidement et m’engage dans une ouverture devant moi. Mon passé lointain de crosseux resurgit et je sors ma plus belle explosivité pour me replacer. Me voilà 5ème dans la partie étroite et sinueuse dans la roue des cadors, job done… ou presque… Le circuit fait moins de 4 km mais il comporte une montée de près de 10 minutes. Je gère donc mon effort.

Sur un replat au milieu de la montée, j’essaye de ratonner au mieux et demande un relais. Le coureur de derrière à l’air d’être un meilleur raton que moi et ne veut pas passer. Je me retourne, et surprise, c’est Andreas Seewald dans ma roue, l’actuel numéro mondial. “Bon OK Andreas, je vais essayer de boucher la cassure sehr shnell”. Quelques jeunes fougueux me dépassent mais le paieront progressivement dans la course. Eh oui, l’altitude fait des ravages et il ne faut pas trop jouer avec la zone rouge. Ma course est propre et régulière, j’essaye de faire les efforts au bon moment pour mettre du rythme sur la bascule et être placé dans la descente afin d’éviter les cassures. Au final je termine 14ème en moins d’une heure sur ce format pour le moins explosif, ça décrasse ! Je suis plutôt satisfait de la prestation et me suis régalé sur cette étape mêlant adversité et gestion de l’effort.

Jour 4 : l’étape reine vers le col du Mont-Cenis

Nous sommes jeudi et l’étape 4 est annoncée comme l’étape reine avec pas moins de 55 km et 2100m de dénivelé positif. Le plat de résistance est le terrible col de Sollières niché au-dessus du lac du Mont-Cenis. Le départ en montée fait directement la sélection. Un groupe d’une grosse dizaine d’unités s’extirpe. J’essaye de sauter de groupe en groupe pour me rapprocher au maximum. Je mène la danse dans un deuxième peloton encore plus fourni et nous bouclons la première section de l’étape non loin du groupe de tête. Au passage à Lanslevillard, nous attaquons une montée de 18 km et 1200 d+, j’active donc le mode “gestion”. Mes sensations sont fluctuantes, parfois très bien, parfois subissant le rythme. J’arrive à m’extirper légèrement avec les deux tracteurs néerlandais Wim De Bruin et Juul Van Loon mais me brûle un peu les ailes dans leur sillage. Je ferai donc la fin de l’ascension avec Marius et Théo Dupras. Je peine beaucoup avec l’altitude, la bascule se fait attendre. Au gré d’une descente appuyée le trio se reforme aux abords du somptueux lac du Mont-Cenis. Le rythme est infernal, Théo semble en pleine forme et Marius est, comme toujours, très généreux dans l’effort.

“Ça ne va pas se passer comme ça mon jeune, je vais aller te récupérer dans la descente”
Rémi Groslambert

Au passage au col du Mont-Cenis, je dois lâcher du lest et laisser partir mes deux compagnons du jour. La dernière montée de 4 km est parcourue à une allure pitoyable mais je m’accroche, ça rentre derrière ! La bascule, enfin ! J’aperçois Marius au loin qui jette toutes ses forces pour me distancer. “Ça ne va pas se passer comme ça mon jeune, je vais aller te récupérer dans la descente.” Nous doublons un allemand moins à l’aise en descente. Je prends quelques risques et ça y est, le gap est bouché. Nous reprenons également un italien. Me voici derrière ces deux-là et je n’ai pas la place de passer. Ça y est, une relance, une ouverture, me voici devant ! Il ne reste plus qu’à faire de belles relances jusqu’en bas et fermer les portes pour ne pas se faire doubler. Mission accomplie, me voilà 18ème de l’étape, classement légèrement décevant mais je n’ai pas de regrets, j’ai bien géré ma journée. C’est assez stupéfiant de voir à quel point une journée dans une forme juste correcte peut vous faire reculer au classement.

Jour 5 : Fast and Furious jusqu’à Bonneval

Dernière étape et celle-ci s’annonce “Fast and Furious”. 46 km pour 1200 m de dénivelé positif, voilà le menu du jour. Ce tracé est particulièrement dur à gérer avec une montée de seulement 15 minutes avant de retomber sur des portions très roulantes où il est important d’accrocher le bon groupe. Aujourd’hui, nous sommes groupés avec les autres parcours, le départ est particulièrement explosif. Tout le monde essaye de monter cette première difficulté le plus vite possible afin d’avoir un bon groupe au plat. Certains explosent après seulement 10 minutes de course, c’est une sacrée bataille. Je sors bien mon épingle du jeu mais je me suis mis dans le rouge. La partie vallonée avant d’attaquer le plat est une torture mais je garde les roues. Nous sommes une grosse dizaine avec quelques belles locomotives qui ne sont pas en reste pour tirer le groupe. Je me cale à l’arrière, histoire de faire les comptes et d’observer tout ça de loin.

Nous arrivons à Bonneval sur Arc, au pied du col de l’Iseran après une portion de route avalée à plus de 45 km/h. Je sais qu’il faut être placé à cet endroit car le sentier qui vient est plutôt trialisant. J’arrive à m’extirper du groupe et deux personnes me rejoignent en haut de la courte montée vers le village de l’Ecot, l’un des plus beaux villages de France. Nous voilà à trois pour entamer le retour extrêmement roulant et rapide en fond de vallée. Pas de chance, Corentin Cousteur qui me précède au classement général d’une petite minute est l’un de ces deux coureurs. J’essaye d’organiser ce groupe de trois afin que l’entente soit bonne pour éviter les retours par l’arrière. Corentin montre des signes de faiblesse et se contente de défendre sa place au général mais l’autre coureur est plutôt généreux dans l’effort. Nous voilà au pied de la dernière montée, j’arrive à prendre quelques longueurs d’avance mais Corentin recolle. La dernière ascension est escaladée à un train d’enfer mais rien à faire, il se bat comme un beau diable pour garder mon sillage. Nous reprenons quelques positions dans la montée. Nous voilà dans la dernière descente de cette Transmaurienne. Je vois complètement flou et suis tétanisé et totalement raide sur mon vélo, cette portion ne restera pas dans les annales. Grâce à quelques belles relances, je distance le petit groupe qui s’était formé dans la descente et coupe la ligne en 11ème position. La semaine se finit de bien belle manière, les sensations étaient bonnes aujourd’hui.

Merci la Transmaurienne, merci les bénévoles

Je termine donc cette Transmaurienne à la 13ème place au classement général à moins de 40 minutes du vainqueur Andreas Seewald qui devance Pierre Billaud et l’italien Lorenzo Trincheri. Il est temps de prendre du repos, la coupure est plus que bienvenue.

Cette édition de la Transmaurienne Vanoise était particulièrement belle. Les parcours y sont toujours époustouflants avec des paysages alpestres et sauvages et des tracés physiques qui font la part belle au pilotage. Il faut également souligner l’atmosphère décontractée et l’excellent état d’esprit qui règne au sein du peloton durant cette semaine de course. C’est toujours un plaisir d’échanger avec tous les pilotes dans les zones de départ et d’arrivée. L’organisation est rodée et aux petits oignons pour les participants. Il faut signaler également l’effort apporté au balisage des parcours en comparaison aux précédentes éditions.

Merci au Team La Forestière pour l’accueil pendant cette semaine et bravo à tous les participants pour ces 5 jours d’efforts intenses !

Pour plus d’informations sur l’épreuve : http://www.transmaurienne-vanoise.com

Par  Rémi Groslambert