Récit | La Forestière : la Classique d’automne
Par Rémi Groslambert -

Véritable rendez-vous incontournable du calendrier français de marathon, la Forestière a lancé l’automne comme à son habitude. Vojo y était présent de l’intérieur, avec notre marathonien maison Rémi Groslambert. Récit de cette belle journée sur le vélo entre l’Ain et le Jura :
La Forestière, c’est un événement incontournable du calendrier français toujours organisé au tout début de l’automne. Cette année avait lieu les 20 et 21 septembre la 34ème édition. Au programme, plusieurs courses XCM, des randos d’Or FFC, des courses de draisienne et même le Forest Duo, relais VTT et tir à la carabine. Le format XC marathon propose deux distances: le 70 km pour les femmes, les opens et les juniors, et le 100 km pour les élites et autres compétiteurs. Comme chaque année, La Forestière est support de la dernière manche de l’Alpine Cup, challenge réunissant quatre évènements majeurs du calendrier XCM français et suisse: le Jura Bike Marathon, la MB Race, le Grand Raid BCVS et la Forestière. Margot Moschetti et le belge Frans Claes sont les deux leaders du challenge avant cet ultime épisode. Rémi Groslambert, notre marathonien en chef, nous livre le récit de son périple de 100 km à travers le haut Jura.
“Pour moi aussi, La Forestière est devenue un événement à ne pas manquer en fin de saison. A seulement 1h15 de la maison, c’est un parcours que j’apprécie qui marque l’approche de la fin de saison. Hasard du calendrier (ou non…), une coupe du monde XCM est organisée à la même date à Gérone, en Espagne. On pourrait donc imaginer que le plateau sera un peu moins relevé que les autres années et qu’un bon classement final est envisageable. Mes espoirs furent de courte durée lorsque je suis arrivé sur la ligne de départ. Hormis Axel Roudil-Cortinat et Pierre Billaud, tous les meilleurs Français ont répondu présent. Ce n’est pas tout, bon nombre d’étrangers ont fait le déplacement : Suisses, Néerlandais, Belges, Allemands… le niveau est sacrément élevé. Deux des coureurs au départ étaient dans les sept premiers des championnats du monde il y a deux semaines. Le départ est donné à 8 heures du matin, comme chaque année. L’an dernier, il avait gelé et il faisait 3 ou 4 degrés au départ. Cette année, nous avons eu la clémence de la météo avec 14 degrés annoncés, du grand luxe, c’est inédit sur La Forestière!
Le départ est donné, je m’élance depuis la deuxième ligne mais j’ai de bonnes sensations. Je roule placé pour pouvoir amortir les différentes accélérations. Un rapide start-loop puis nous filons vers les Bouchoux pour attaquer la première descente de la journée. Le tracé a été largement remanié cette année et l’an passé nous prenions cette descente à contresens.
J’ai eu du mal à me placer en haut de la montée, je me retrouve derrière Alexandre Langlais, qui lui-même est derrière un ilôt central suisse. Je lui conseille de passer mais Alex est un peu trop tendre et passe au dernier moment. Me voilà bloqué dans la descente, le groupe s’envole.
Lorsque je peux passer quelques minutes plus tard, le trou est béant et j’ai 20-30 secondes à boucher. J’essaye de descendre fort mais ça n’est pas évident. Une alternance de portions techniques et rapides s’enchaînent. Les portions rapides sont cassantes, je ne les ai pas trop appréciées et pour cause, je subis une crevaison sur la fin de la descente. Le préventif fait son effet mais je suis très bas en pression. Je m’arrête rapidement mettre une cartouche. Ça ne marche qu’à moitié et je n’ai toujours pas assez de pression. Mon groupe est passé, ça commence à sentir le roussi. Au ravitaillement de Saint-Claude, je passe les consignes à mon staff : j’aurai besoin d’une cartouche et d’une roue arrière à la prochaine zone tech. Pour l’instant, ça roule, je n’en demande pas plus. Je repars avec Micha qui lui aussi a crevé, décidément, cette descente ne nous a pas épargnés !
Le passage à travers Saint-Claude est sacrément corsé avec de belles petites côtes bien raides. Vient ensuite le moment d’attaquer la longue montée vers le plateau. J’aperçois un bon petit groupe devant mais j’ai un moment un peu plus faible. J’essaye de faire la montée à mon rythme. L’objectif est de remettre du rythme une fois arrivé sur le haut du tracé qui s’annonce bien vallonné mais sans longues ascensions. Je reprends un Allemand puis deux Français, dont Marius, avec qui j’avais partagé l’Andalucia Bike Race en début d’année. Je comprends vite qu’il ne lâchera pas ma roue facilement. C’est une chance car cette portion est très roulante et rapide mais surtout exposée au vent de face. Nous nous relayons activement entre les ravitaillements des Moussières et de la Pesse. Dans ce sens, le tracé permet de mieux admirer la chaîne des montagnes du Haut-Jura, c’est magnifique. C’est décidé, je ne changerai pas de roue sauf en cas d’incident, j’ai peu d’air, mais ça roule et je ne veux pas perdre les groupes. Je récupère une cartouche au cas où pour assurer le coup.
Devant, un groupe de quatre s’est détaché avec les favoris : Tim Smeenge, Martin Fanger, Hansueli Stauffer et Frans Claes, le leader de l’Alpine Cup qui profite de l’absence d’Urs Huber, blessé à l’épaule. De notre côté nous rattrapons les féminines. Tout d’abord, la locale de l’étape, Tatiana Tournut, puis quelques hectomètres plus loin Noémie Médina, et enfin ce que je pense être le duo de tête, composé de Margot Moschetti et Samara Sheppard.
Après La Pesse, nous reprenons Alexandre Langlais et partageons un bout de chemin à trois. A partir de maintenant, je ne connais pas le tracé qui a changé par rapport aux années précédentes. J’essaye néanmoins d’imprimer un gros rythme, je sais qu’il n’y a pas de longues montées. Alexandre cède puis c’est au tour de Marius de prendre quelques mètres. Après de longs kilomètres assez frustré de n’entrevoir personne à l’horizon, j’aperçois enfin quelqu’un au loin. Fausse joie, c’était Anna Weinbeer, la première féminine qui roule à une allure assez bluffante.
Nous arrivons alors sur une portion descendante qui nous mène au ravito de Giron. Je fais le plein tandis que Marius rentre péniblement dans mon sillage, il est coriace ce jeune. Vient alors une partie ludique dans le bike park de Giron, tracé totalement inédit sur La Forestière. Nous nous amusons bien, mais le rythme est toujours soutenu. La portion suivante est une trace toute fraîche à travers la forêt et dans la pente. Je n’épargne pas ma jante qui reçoit de multiples impacts. Pas d’inquiétude, c’est du costaud. C’est très technique et diablement plaisant. Nous nous en donnons à coeur joie !
Comme pour chaque édition, je profite de la partie suivante pour temporiser. Je sais que la terrible montée d’Echallon approche et nous avons déjà 75 km dans les jambes. Je fais le plein de glucides et de caféine pour le final. Marius mène sur le pied de la montée mais je me sens plus à l’aise que lui. Et paaaaan ! Je place une attaque pour le laisser sur place, elle fonctionne. Maintenant, je sais ce qui me reste à faire, c’est all-in jusqu’à l’arrivée, je connais globalement la fin du tracé. Je roule fort, mais toujours personne à l’horizon, c’est surprenant.
J’arrive à m’engager dans la dernière descente en tête et impose un rythme suffisant pour distancer mes adversaires.
Enfin, après Echallon, je double Antonin Marecaille qui roule sur la bande d’arrêt d’urgence avec les warnings, il s’agît apparemment d’une panne moteur. Il m’indique qu’il y a un coureur devant mais il y aurait au moins une minute d’écart, ce qui me paraît énorme. Je ne relâche pas mon effort. J’arrive dans les 5 derniers kilomètres un peu désespéré quand soudain, dans la dernière montée de 500 mètres je reprends un coureur allemand. Je suis en bout de course, je ne peux pas monter le dernier raidard sur le vélo. Je m’assure que mon adversaire pose également pied à terre et trottine au maximum de mes capacités, c’est-à-dire lentement. Juste avant le sommet, j’aperçois un autre Allemand. Je fais l’effort pour remonter sur le vélo et jeter mes dernières forces dans la bataille. J’arrive à m’engager dans la dernière descente en tête et impose un rythme suffisant pour distancer mes adversaires. Fort heureusement, nos amis germaniques sont plus à l’aise sur le plat que dans les descentes techniques.
Je rejoins finalement Arbent et la ligne d’arrivée en 15ème position, un peu déçu de ne pas avoir pu accrocher le bon wagon en début de course mais satisfait des sensations. Je suis étonné par la densité de niveau cette année. Je suis seulement à 7 minutes du 4ème, sur 100 km, ça n’est pas tant que ça.
Devant, c’est le champion Néerlandais Tim Smeenge qui s’impose devant Martin Fanger et Stauffer. Frans Claes remporte l’Alpine Cup malgré une crevaison. Chez les dames Anna Weinbeer s’impose avec une supériorité impressionnante tandis que la Française Margot Moschetti s’empare du classement général final après avoir cédé la deuxième place à Samara Sheppard.
La Forestière est toujours une organisation très bien rodée et conviviale. Le site d’arrivée propose toutes les infrastructures nécessaires : douches, lavage vélo et un repas d’après course de qualité. Mention spéciale pour le balisage en nette progression par rapport aux années précédentes, c’était nécessaire et cela fut apprécié par tous les participants. Cerise sur le gâteau, la météo a été parfaite, enfin presque… Petite pensée pour les derniers finishers qui ont fini sous un sacré déluge, chapeau !
Pour plus d’informations : https://www.la-forestiere.com