Projet Hyper Spark par Dangerholm : le VTT du futur ?

Par Léo Kervran -

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Projet Hyper Spark par Dangerholm : le VTT du futur ?

Dangerholm, vous connaissez ? De son vrai nom Gustav Gullholm, l’homme vit en Suède et s’est fait un nom dans le monde des amateurs de belles machines avec des montages incroyables, tant en terme de poids que de qualité de finition ou d’attention portée aux détails. Après plus de deux ans de travail, il présente aujourd’hui son dernier projet en date : l’Hyper Spark.

Un Scott Scale taille L à 6,22 kg (soit 600 g sous la limite de l’UCI pour les compétitions), plusieurs Spark sous les 8 kg, un Gambler à 13,42 kg… Les montages de Gustav ont souvent tourné autour de la quête du poids, mais l’homme se défend de faire des vélos de salon : toutes ses machines sont parfaitement roulables et montées avec de vrais pneus adaptés à la pratique, voire avec des inserts Cushcore pour le Gambler.

La genèse

Toutefois, le poids était un élément secondaire de ce nouveau projet. Comme nous l’explique Gustav, « dès le début, ce projet avait deux objectifs : essayer de construire le meilleur et le plus rapide vélo de montagne XC/XCM possible tout en le rendant le plus propre possible ». L’idée était donc de faire un vélo réduit à sa plus simple expression, en cachant tout ce qui dépasse habituellement : les gaines bien sûr, mais aussi les Durits de frein, les commande de dérailleur et de tige de selle télescopique, les blocages…

Parmi ses sources d’inspiration, le cyclisme sur route, en avance de plusieurs années sur le VTT en termes d’intégration, mais aussi le monde de l’automobile sportive et plus particulièrement des hypercars, avec leurs lignes fluides qui évoquent la vitesse. Rappelons que la Suède est la terre de Koenigsegg, un des constructeurs automobiles les plus extravagants de notre époque…

La base de l’Hyper Spark est donc un Scott Spark RC (100 mm de débattement), en taille L et entièrement repeint pour l’occasion. Cette couleur, nommée Oryx White, est déjà une référence au monde de l’automobile puisqu’elle est issue de la « palette » Volkswagen. Ce n’est cependant que la première modification faite sur ce cadre puisque plus on regarde de près, plus on remarque de nouveaux détails.

Le cadre

Ainsi en est-il des entrées de câbles au niveau de la douille de direction. Devenues inutiles, elles ont tout simplement été bouchées. Il a ensuite fallu retirer à la Dremel les inserts en aluminium qui tenaient les passe-câbles, de façon à laisser plus de place à l’intérieur du cadre pour les nouveaux passages internes (on en reparle un peu plus loin).

Sur le sommet du tube supérieur, on remarque une bosse qui n’existe pas sur le Spark « standard ». C’est en réalité une plaque d’aluminium, qui a été entièrement enveloppée de carbone pour la lier au cadre. Cette plaque est l’un des composants du système de butée de direction imaginé par Gustav, spécialement pour ce cadre (l’autre étant le cache / entretoise que l’on voit sous la potence).

Pourquoi ne pas avoir opté pour un modèle du commerce, comme un Acros Blocklock ? La raison est toute simple : la marque allemande ne propose pas (encore) de jeu de direction parfaitement adapté à la douille du Spark. Du point de vue des cotes, un des modèles aurait pu convenir, mais il a été principalement pensé pour des cadres en aluminium. Gustav a donc fait le choix de créer lui-même quelque chose de parfaitement adapté à son cadre, plutôt que de bricoler avec un produit pas idéal.

L’inconvénient de ce système, c’est qu’il rehausse de manière sensible la potence (17 mm de haut en tout). La prochaine version devrait être moins massive et haute de seulement 10 à 12 mm, mais en attendant, c’est le poste de pilotage qui permet de rattraper ce décalage et conserver une bonne position. L’ensemble cintre-potence en une seule pièce s’imposait, tant pour faciliter le passage des Durits que pour la simplicité et l’allure sportive que ce type de pièce confère à un vélo, et Gustav a finalement opté pour un Syncros Fraser IC SL « Nino Edition » en… – 25° !

Peint dans la même couleur que le cadre, il a lui aussi eu droit à son lot d’adaptations pour s’adapter au montage. Mais pour comprendre ces modifications, il faut d’abord parler freinage et transmission.

Le poste de pilotage

Comme pour la plupart de ses projets, c’est vers Trisckstuff que Gustav s’est tourné pour les freins de l’Hyper Spark. Ici, ce sont des Trickstuff Piccola Carbon, avec disques Trickstuff Dächle UL en 160 mm. Au-delà de la réputation de la marque en matière de performances et de finition, ces freins sont aussi annoncés comme les plus légers actuellement en vente sur le marché : seulement 158 g pour l’ensemble levier – Durit 70 cm – étrier.

Détail intéressant lorsqu’on recherche l’intégration, ces freins ont la particularité d’avoir des Durits qui sortent près du cintre, plutôt qu’à l’extrémité du maître-cylindre comme on le voit généralement. De plus, Trickstuff avait développé il y a quelques temps un banjo spécial qui changeait l’angle de sortie de la Durit, pour un autre projet avec Stoll autour de l’intégration. Gustav a donc tout simplement repris cette pièce et percé deux trous dans le cintre pour y faire rentrer les Durits. Elles rejoignent ensuite le pivot de fourche (celle du frein avant descend au milieu, celle du frein arrière le traverse) via un autre trou au niveau de la potence.

En ce qui concerne la transmission, c’était simple : le choix d’un ensemble Sram XX1 Eagle AXS s’est imposé, autant pour la performance de ces composants que pour réduire au maximum le nombre de câbles. Simplement, le shifter habituel du groupe AXS n’était pas du goût de Gustav : l’ergonomie est selon lui perfectible et surtout, il est particulièrement volumineux.

Heureusement, il existe une alternative, proposée par le fabricant suisse Zirbel. Née en 2013, la marque a pour objectif de « développer les composants les plus rapides pour une interaction parfaite entre le pilote et son vélo ». Elle s’est surtout spécialisée dans l’électronique et propose pour l’écosystème Sram AXS ces shifters particulièrement minimalistes, à mi-chemin entre une poignée tournante et une manette classique. On dispose d’un clic dans chaque direction (haut/bas) pour changer de rapport et tout le mécanisme est intégré dans l’anneau autour du cintre. Le retour en position d’origine se fait grâce à des aimants plutôt qu’un petit ressort, ce qui donne d’après Gustav « un retour étonnamment tactile et clair ».

En temps normal, le Zirbel Twister se connecte à une Blipbox Sram qui communique ensuite avec le dérailleur, mais Gustav a trouvé le moyen de simplifier encore les choses, en le reliant directement au circuit électronique d’un shifter AXS classique. Ce dernier prend place à l’intérieur du cintre, qui a dû être légèrement creusé de l’intérieur pour accueillir sans difficulté le circuit. Les câbles électroniques qui relient le circuit au Zirbel Twister courent quant à eux sous la poignée. On retrouve le même système de l’autre côté pour la commande la tige de selle RockShox Reverb AXS.

Des trous au milieu et vers la potence, des extrémités évidées… Inutile de le dire, ce sont des opérations qui pourrait affecter de manière significative la résistance de tout l’ensemble cintre-potence. Pour pouvoir rouler en toute sécurité, Gustav a donc fait renforcer toutes les zones où il est intervenu, en les enveloppant de carbone par l’extérieur.

Les suspensions

Le dernier composant a avoir été lourdement modifié pour ce montage est la fourche. Si le Scott Spark RC est habituellement monté avec un modèle en 100 mm de débattement (110 mm sur les modèles 2021), Gustav a ici opté pour une Fox 34 SC Factory en 120 mm, de façon à disposer d’un peu plus de marge et de confort. Comme l’amortisseur arrière, elle est pilotée par le système Fox LiveValve qui gère automatiquement les opérations de blocage/déblocage. En plus d’être très efficace et particulièrement intéressant sur un vélo de XC (une chose de moins à penser quand on est dans le rouge), il permet de supprimer une manette sur le cintre, ce qui simplifie encore le poste de pilotage.

C’est le pivot qui a fait l’objet du plus grand nombre de modifications, avec pas moins de 2 trous et une gorge percée dans le pivot : la gorge pour permettre aux Durits de rentrer dans le pivot depuis l’intérieur de la potence, un trou pour que la Durit du frein arrière puisse continuer son trajet dans le cadre et un autre trou pour les deux câbles du LiveValve, qui remontent depuis l’unité centrale pour rejoindre le capteur (déplacé de l’arceau de la fourche à l’étrier pour des raisons esthétiques) et le blocage sur le té. Radical, mais le Spark n’a pas été prévu pour ce type de passages à l’origine et il n’y a pas vraiment la place de contourner le pivot… Là aussi, du carbone vient renforcer par l’extérieur le pivot pour garantir sa solidité.

Devenu inutile, le guide-Durit d’origine placé sur le devant de l’arceau a été supprimé. Le nouveau, en carbone et moulé sur la fourche, se situe derrière le fourreau gauche de façon à guider proprement la Durit du frein avant et le câble du capteur de chocs du Live Valve. On notera enfin que le serrage du jeu de direction se fait maintenant grâce à un insert fileté, puisque la gorge créée en haut du pivot rend impossible l’utilisation d’une étoile.

Voilà pour les éléments qui ont demandé le plus de travail, mais l’attention aux détails a été la même sur tous les composants du vélo. A ce niveau, on pourrait même dire que cela confine à l’obsession…

Cercles et dentures

Côté transmission, le dérailleur arrière reçoit une chape CeramicSpeed OSPW X, réputée pour la qualité de ses roulements. Son design à grands galets (18 dents en bas) permet de réduire l’angle entre chaque maillon de la chaîne donc les frottements. Gains marginaux, vous avez dit ?

Le boîtier de pédalier et la chaîne viennent également de CeramicSpeed. Cette dernière est recouverte d’un traitement spécial, prévu uniquement pour des conditions sèches, qui permettrait d’économiser 2 à 5 W (pour un effort continu de 250 W à 95 rpm) pendant au moins 600 km.

La cassette et le plateau (en 40 dents !) sont fournis par Garbaruk, une petite marque basée en Pologne et spécialisée dans les pièces légères en aluminium, notamment pour la transmission. En 10-50, leur cassette ne pèse que 331 g ! Enfin, les manivelles sont des Tune Blackfoot en carbone (plus disponibles aujourd’hui), l’un des modèles les plus légers du marché avec seulement 334 g.

Retour sur du Syncros pour le train roulant, avec les exceptionnelles roues Silverton SL (voir notre essai). A seulement 1307 g sur la balance (sur ce montage, la paire de notre essai pesait 1290 g), elles sont entièrement en carbone et constituées de seulement deux pièces : un ensemble flasques du moyeux – rayons – jante d’un côté et le corps du moyeu de l’autre, qui est inséré dans le premier ensemble de façon à mettre en tension les rayons.

Les pneus sont des Maxxis Rekon Race en 2.35 de section et carcasse Exo, donc légèrement renforcés. Un bon compromis entre rendement, résistance au roulement et confort, que Gustav complète parfois avec une paire de Cushcore XC (150 g l’unité) pour les circuits les plus cassants.

Carbone et sur-mesure

Derniers éléments de ce montage, l’assise. Ou plutôt les assises, puisque Gustav dispose de trois ensembles selle-tige de selle, tous uniques. Sur le montage de base, on retrouve une RockShox Reverb AXS en 170 mm, parfaitement adaptée aux terrains techniques et au marathon. Elle est couplée à une selle Syncros Belcarra R SL qui a la particularité d’être faite d’une seule pièce. Sur une selle habituelle, on construit la coque puis on y attache les rails d’une façon ou d’une autre, mais ici, tout est moulé ensemble.

Les deux alternatives sont plus exclusives et sont le fruit d’une collaboration entre Berk Composites, en Slovénie et Schmolke Carbon, en Allemagne. Sur le combo blanc (183 g), les rails « traversent » la tige de selle mais l’ensemble est fixe et ne peut pas bouger. Ça peut faire peur à voir mais Gustav assure que grâce à la présence des rails, ce combo offre encore un certain confort.

Quelque chose qui n’est pas le cas du combo noir/brut, où la tige de selle et la selle sont tout simplement moulés en une seule pièce. C’est très léger (seulement 133 g) mais pour le confort, on repassera…

Au final, selon la configuration précise (Cushcore ou non et assise) et avec pédales X-Pedo MForce 8Ti, le poids de l’Hyper Spark varie entre 9,78 et 10,80 kg. Même si le poids n’était pas la priorité, cela reste un joli score pour un tout-suspendu avec une fourche en 120 mm, d’autant plus que le vélo est réellement prêt à rouler et à encaisser du dénivelé.

Ce concept, Gustav le voit comme « un premier aperçu de ce à quoi pourraient ressembler les vélos de montagne dans 5 ans ou plus ». Pour continuer dans les références à l’automobile, le parallèle avec un concept-car est facile : du souci du détail jusqu’à la part belle faite à l’électronique, tout rappelle ces maquettes ou prototypes censés préfigurer l’avenir des constructeurs. Verra-t-on un niveau d’intégration similaire sur nos VTT dans quelques années ? C’est presque certain. Seront-ils aussi compliqués que cet Hyper Spark ? Avec l’expérience acquise par les fabricant sur les vélos de route voire certains VTT récents, on peut espérer que non.

D’ailleurs, Gustav est « certain à 100% que ce style [tout intégré] ne deviendra pas une norme générale de sitôt, voire ne le sera jamais.Les fourches à grand débattement compliquent les choses, ce sera plus cher et de nombreux pratiquants voudront toujours que leur vélo soit aussi simple et facile à entretenir que possible« . Rendez-vous dans quelques années pour voir ce qu’il en est ! Et en attendant, peu importe ce que l’avenir nous réserve, on peut profiter de cet incroyable vélo qui est sans aucun doute l’une des plus belles machines que nous ayons vues ces dernières années… Au fait, la prochaine étape pour Gustav ? Faire la même chose sur un tout-rigide, de façon à cacher absolument tout. Pour suivre ce projet et tous les autres, c’est sur Instagram que ça se passe : Dangerholm

Photos : Andreas Timfält

Avertissement :
Gardez à l’esprit que toute modification telle que le décapage, la peinture, le ponçage ou toute autre modification des cadres, des composants ou des équipements de sécurité est potentiellement dangereuse et peut entraîner des accidents et des blessures. Elle annulera toujours toute garantie, et est fortement déconseillée par SCOTT Sports et tous les autres fabricants, qui n’assument aucune responsabilité. Si vous décidez de modifier votre vélo de toute façon, veillez toujours à le faire dans un souci de sécurité et rappelez-vous les points ci-dessus.

ParLéo Kervran