Prise en main : Intrigue+, l’ebike de Liv façon « sex à piles »

Par Elodie Lantelme -

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Prise en main : Intrigue+, l’ebike de Liv façon « sex à piles »

Dans le Sud-Tyrol, Liv, la marque féminine du groupe Giant, présentait deux nouvelles pièces de son échiquier électrique : l’Embolden+ et l’Intrigue+. Des ebikes aux comportements bien distincts que nous avons pu rouler dans les reliefs italo-germains. Focus sur l’enthousiasmant Intrigue+.

L’an dernier, Liv nous avait surpris par le lancement de son Vall-E+, déjà dans le Sud-Tyrol. Durant la présentation de ce hardtail à pneus larges, nous avions été nombreuses à nous interroger sur le choix – de celle qui se présente comme la première marque mondiale de vélos pour femmes – de se positionner sur le marché électrique avec un semi-rigide comme premier produit. Un sourire en coin, l’équipe Liv menée par Ludi Scholtz nous avait répondu que ce n’était que la première étape et que la suivante ne saurait tarder.

Moins d’un an plus tard, nous y voilà. Avec l’Embolden+, un tout-suspendu loisir équipé en 130 mm à l’avant et 120 à l’arrière, et l’Intrigue+, un vrai bon ebike de trail-enduro (vous sentez déjà notre préférence, là, non ?) en 150 et 140, Liv est désormais le seul constructeur à proposer toute une gamme électrique réellement femme, pour couvrir les usages de la rando légère au roulage (bien) plus agressif.

La marque femme au sein du groupe Giant, créée par la visionnaire Bonnie Tu voilà dix ans, aime à le rappeler : « Dedicated to women since day one » (« Dédié aux femmes depuis le premier jour »). C’est vrai. Rendons à César ce qui lui appartient, même si de nombreuses marques proposent aujourd’hui de belles gammes féminines.

Erin Lamb, chef produit global Liv

Depuis une décennie, sur la base d’études posturales et de R&D maison porté par des femmes ingénieurs qui roulent, Liv a conçu des vélos spécifiques pour les rideuses. Avec des cadres adaptés, et pas seulement des équipements (selle, poignées, guidon, le plus souvent) vaguement customisés – ambiance liserés roses ou violets et fleurs – et forcément, allez savoir pourquoi, moins bien équipés (oui, on serait moins lourdes, puis on roulerait moins fort, donc on aurait moins besoin de gros freins, d’une grosse fourche, d’un bon amortisseur, etc., etc. blablabla… ce qui oblitère complètement l’éventualité que des équipements de haute qualité permettent surtout aux femmes de se sentir plus en sécurité… donc de progresser).

Ce qui réjouit, dans cette présentation, c’est de voir qu’en dix ans, le discours et le positionnement de la marque ont changé. Suivant (autant que poussant) l’évolution de la façon de rouler au féminin. Flash-back : voilà un peu moins de 2 ans, Liv présentait son Hail, un enduro en 160 mm sexy en diable et dont la prise en main du modèle full carbon nous avait autant enthousiasmé que sa non-disponibilité en France (au profit de versions plus « accessibles », donc moins bien équipées, moins chères, certes, mais moins glamour aussi) nous avait désappointé. Puis était venu le lancement du Vall-E+, donc. Le premier électrique signé Liv. Un hardtail malin, destiné à mettre les femmes sur des ebikes faciles à emmener, avec un prix d’appel à moins de 2300 euros, pour toucher un plus large marché.

Avec la présentation de l’Embolden+ et de l’Intrigue+, Liv choisit donc… de ne pas choisir, et de se servir de la puissance de production de son grand frère Giant pour viser ces deux segments du marché : à la fois grand public (avec l’Embolden+) et averti (avec l’Intrigue+), en matière de VTTAE.

L’Intrigue+ en détail

Gardons le meilleur… pour le début, et commençons par l’ebike qui nous attire le plus sur le papier : l’Intrigue+. Peut-être qu’on est davantage sensible à son positionnement plus agressif, aux images de roulage plus engagé et de vélos sur des bike-parks diffusées pendant la présentation de ce nouveau-venu dans la gamme. Emmenée par l’ex-championne du monde de DH Leigh Donovan et la très adroite au guidon Ludi Scholtz, Liv sort peu à peu de cette image de marque « mass market » qui ne produirait « que » des vélos d’un très bon rapport qualité/prix, destinés à un public féminin débutant ou débrouillé, pour aller vers plus de performance, d’exclusivité et, à notre sens, de « sex-appeal ».

Et puisqu’on parle de sex-appeal, notons que déjà, dans l’esthétique et conformément aux standards dernier cri, Liv a travaillé l’intégration totale de la batterie. Une amélioration visuelle liée à un tube inférieur abritant la technologie EnergyPak, commune à Giant.

Celle-ci comprend ici une batterie de 500 Wh dernière génération plus compacte (à l’instar des derniers modèles Bosch et Shimano), avec une capacité de charge annoncée de 60% en une heure et demie et de 100% en 3h40. Nous n’avons pu le vérifier durant ce court roulage d’une journée, mais la promesse est intéressante… pour refaire un peu le plein le temps d’un déjeuner, par exemple.

D’autant que la batterie est amovible, démontable en tournant la clé puis actionnant un levier mais elle peut aussi être rechargée sur le vélo via un plug-in aisément accessible.

Le cadre garde les spécificités Liv, calées sur les études posturales menées voilà trois ans par la firme taïwanaise. Un reach bien dans l’air du temps (40 cm en tailles XS et S, 43 cm en M, 45 en L), un top-tube de 58,5 cm en taille M qui bénéficie d’une forme sloping rendant plus aisé le fait de descendre ou de monter en selle, un empattement de 1193 mm (en taille M), un angle de selle de 74,5° et un angle de fourche de 66,5° promettant de sentir en sécurité dans les sections descendantes.

Le cœur de ce cadre, c’est sa cinématique Maestro, commune à Giant et que, nous devons l’avouer, nous apprécions vraiment pour son efficacité sur le terrain. Articulée autour de 4 points de pivot qui en créent un cinquième flottant, celle-ci abrite un amortisseur Fox Float Evol avec fixation Trunnion, aux réglages personnalisés selon le cahier des charges de Liv, lissage des petits chocs en tête.

Pour emmener son Intrigue+, Liv, comme Giant, reste fidèle au motoriste Yamaha, plus guère visible encore chez nous que sur les Haibike également. Dans sa version SyncDrive Pro, le moteur japonais, doté d’un couple de 80 Nm, propose 5 modes : Eco, Basic, Active, Sport et Power, pour une assistance allant de 100 à 360% (Power – l’assistance la plus élevée –, quand vous appuyez sur la pédale, votre force de pédalage est multipliée par 3,6 lorsque votre cadence de pédalage atteint 120 rpm).

Le choix des modes se fait depuis la nouvelle commande au guidon RideControl One. Épurée, celle-ci n’affiche plus d’informations autres que des leds (difficilement visibles sous le soleil), témoins de charge de batterie et de la puissance sélectionnée. Pour les vitesses de pointe, moyenne, heure, cadence de pédalage, kilométrage, dénivelés, etc. de votre ride, il faudra recourir à l’appli Liv que la marque annonce pour septembre. Elle permettra aussi le paramétrage des modes de façon personnalisée.

La console se dote également d’un bouton marche ergonomique, placé dessous, qui lance l’assistance annoncée à 6 km/h (attention, une fois le bouton enclenché, les pédales tournent, ça peut être douloureux pour les tibias/mollets si on l’oublie !).

En matière de suspensions, dans cette version Pro 1, outre l’amortisseur déjà évoqué, l’Intrigue+ est pourvu, à l’avant, d’une Fox 36 Rhythm en 150 mm de débattement spécifique ebike.

Autre nouveauté : les Shimano MT520 en 200 mm qui arrêtent la bête. Nous avons donc pu découvrir les nouveaux 4 pistons du constructeur japonais lors de ce court galop d’essai dans la contrée germano-italienne.

Sur le papier, le choix de la section de pneus, en 2.6 (mais le montage en 2.8 est possible), nous semble vraiment optimal en termes de rapport sécurité/solidité/agilité pour le programme trail/enduro de cet ebike qu’il nous tarde désormais d’emmener jouer dans les trails du Sud-Tyrol.

Et nous ne sommes pas seule à taper du pied pour découvrir cet Intrigue+ qui sera proposé en 2 versions : Pro 1 (haut de gamme, en Fox et transmission 1×11 Shimano XT) à 4399 € et Pro 2 (3999 €, avec fourche Suntour Aion et transmission 1×10 Shimano SLX).

Sur le terrain

Devant l’impatience globale d’essayer son Intrigue+, Liv accepte d’organiser une séance de roulage supplémentaire et de commencer au petit matin.

Départ 7h30 dans la lumière dorée du jour naissant qui fait scintiller la peinture « Chameleon », qui oscille entre vert, bleu et violet selon la lumière.

Réglages des suspensions avec un SAG à 25%, une fourche à 80 PSI, les Maxxis Minion DHF à 1,1 à l’avant et Rekon à 1,2 à l’arrière et hue charrue ! Enfin, presque… Parce qu’on aurait bien baissé davantage le tube de tige de selle télescopique, qui conserve 3 à 4 cm de marge, mais impossible sur le taille M choisi pour mon mètre 70 : son tube de selle de 43 cm en taille M ne le permet pas, contrairement aux 48 cm du modèle en taille L. Bast’, qu’à cela ne tienne, dans les descentes, on passera derrière la selle si besoin, quitte à revenir avec quelques bleus sur l’intérieur des cuisses !

Une pression sur le bouton « On » du RideControl One, et les leds s’éclairent. On apprécie toujours autant le silence de Yamaha, tout comme son pédalage naturel lié à une transmission classique, qui évite cette sensation de tourner les jambes façon grenouille sur une boîte d’allumettes.

Au programme de cette journée, 8 km et 370 m de dénivelé positif pour la mise en jambes sur la rosée puis retour au camp de base.

Le moment de récupérer les moins matinaux et cap vers 50 km et 1200 m de D+ dans cette région anciennement autrichienne, rattachée à l’Italie à la fin de la Première Guerre mondiale, où trois cultures et trois langues – allemand, italien et ladin – cohabitent harmonieusement (fin de la minute culturelle, terminé bonsoir !).

Ce qui cohabite bien aussi ici, ce sont les montées et les descentes. Voire les descentes que, sous l’autorité de Matze et Tina, de Vinschgaubike, qui ont ouvert la plupart des trails de la région, on prend ensuite en sens inverse, conformément à l’adage qui voudrait qu’une montée ne soit jamais qu’une descente qui a mal tourné.

Sauf que, avec l’Intrigue+, que ce soit en montée ou en descente, tout nous a semblé tourner plutôt bien. Bien sûr, même en mode Power (le plus élevé), le SyncDrive Pro ne distille pas ce coup de pied aux fesses que l’on peut retrouver en mode Boost sur le Shimano ou Turbo sur le Bosch.

Mais c’est là son but: « Nous voulons que les femmes qui roulent avec cet ebike aient l’impression d’avoir des jambes olympiques », explique Erin Lamb, chef produit manager global. Pas qu’elles aient l’impression d’actionner un siège éjectable, qui rend délicate la mission de conserver la motricité.

Au final, dans les montées les plus raides et techniques, l’Intrigue+ nous a impressionné par sa capacité à rester collé au sol et à grimper (moyennant l’adoption d’une position « frog style » – selle assez basse, buste penché sur l’avant – aussi peu gracieuse qu’efficace) : on a la sensation qu’à son rythme, tranquille, calé sur le mode Sport et la pignonnerie tout à gauche, il monterait sur un toit.

Et ce qu’on a apprécié aussi, c’est l’assistance qui perdure un bref instant après l’arrêt du coup de pédale. On pourrait croire à un défaut mais ici, c’est subtil et idéal quand on cesse de pédaler pour éviter de taper les manivelles sur des racines ou des pierres mais parvenir à les franchir malgré tout.

Selon nous, c’est vraiment là que réside le plaisir de l’ebike : transformer les montées en un jeu auquel on se prend volontiers, rehaussant le challenge de poser le moins de pieds possible. Et ce plaisir-là, l’Intrigue+ nous a paru le distiller avec générosité. Une donne permise notamment par cette cinématique qui lisse le terrain et colle les roues au sol, avec l’amortisseur en position intermédiaire, et dont on profite également dans les descentes.

Même si le roulage était bref, il nous a permis de goûter à l’onctuosité et à l’efficacité des nouveaux Shimano 4 pistons, certes basiques mais jamais pris en défaut, pas plus que la Fox 36. Les angles de fourche 66,5°et de tube de selle de 74,5° placent confortablement dans les descentes, on se sent en confiance au guidon de ce cintre de 750 mm (690 en tailles XS et S).

D’autant que la géométrie Liv permet de profiter d’un vélo qui nous a régalés dans les épingles parfois bien serrées des contreforts des Alpes italiennes.

Verdict

Après ce roulage d’une petite soixantaine de kilomètres et de quelque 1500 m de D+, alors qu’un seul témoin de batterie s’allume encore (mais celle-ci a été changée après notre roulage du matin), on ne souhaitait qu’une chose : continuer, trouver d’autres singles descendants, d’autres raidillons en montée, pour profiter encore un peu de cet ebike qui nous a paru facile à vivre et performant. Et c’est sans doute là le signe d’un vélo bien né. Au final, l’Intrigue+ paraît pouvoir emmener son pilote loin dans la pratique… et on l’amènerait d’ailleurs volontiers sur nos sentiers des Alpes françaises à l’occasion d’un véritable essai, pour voir jusqu’où pousser le curseur enduro au guidon de ce vélo dont le seul concurrent, à ce jour, pourrait bien être le Canyon Spectral:On WMN, pour une gamme de prix similaire. Reste l’avance prise ici par Liv en matière d’intégration et d’esthétique. Alors pas qu’on soit superficielle, parce qu’on sait bien qu’il ne faut pas tout miser sur le physique… mais ça peut aider.

Plus d’infos : www.liv-cycling.com/fr

ParElodie Lantelme