Premier test | Shimano XTR M9100 : le nouveau groupe vedette à l’épreuve en Slovénie - Interview | Une discussion animée avec les concepteurs du nouveau groupe XTR

Par Jurgen Groenwals -

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Premier test | Shimano XTR M9100 : le nouveau groupe vedette à l’épreuve en Slovénie - Interview | Une discussion animée avec les concepteurs du nouveau groupe XTR

Interview | Une discussion animée avec les pères du Shimano XTR M9100

Outre l’essai des produits, nous avons profité de cette présentation du nouveau groupe Shimano XTR M9100 et de ses déclinaisons pour nous entretenir avec Takao Harada et Henry Bosch (ça ne s’invente pas), qui ne sont autres que les « pères » de ce nouvel XTR. Face au bus bleu Shimano, nous avons parlé vis, boulons, dents, choix de matériaux, concurrence avec Sram ou encore comment un Néerlandais et un Japonais travaillent ensemble sur un tel projet. Interview croisée :

Takao Harada, pouvez-vous vous présenter en quelques mots pour nos lecteurs ?

Takao Harada: “Je suis le chef produit Monde pour Shimano. J’ai d’abord travaillé au service qualité puis j’ai continué petit à petit mon cheminement dans l’entreprise. Au début je travaillais surtout sur les composants route, notamment le dernier groupe Dura-Ace et le Di2. Ensuite, je me suis occupé du XTR.”

Et vous-même, vous êtes plutôt passionné de route ou de VTT ?

Takao Harada:“Question difficile ! Les deux sont intéressants, mais je dois dire que mon cœur me porte plus vers le vélo de montagne. J’ai toujours roulé en VTT. Ce que j’aime, c’est monter au sommet d’une montagne, puis la descendre. Typiquement, au Japon, cela signifie grimper jusqu’à environ 2000m de haut – et il me faut parfois 6 à 7h pour le faire – puis s’offrir 30 minutes de belle descente. C’est typique du VTT old-school à la japonaise ! (rires)

Et vous, Henry ?

Henry Bosch:“J’ai vraiment grandi parmi les vélos. Mon père tenait un magasin de vélos et, après mes études, j’ai commencé à travailler dans l’industrie du vélo. Bricoler et vendre des deux-roues a toujours été une passion. J’ai commencé chez Shimano en tant que superviseur au service après-vente et garanties. J’ai ensuite été affecté 5 ans au contrôle qualité auprès des distributeurs d’Europe du Sud. Maintenant, je travaille sur le développement de nouveaux produits depuis bientôt 4 ans.”

Est-ce correct de dire que le nouveau groupe Shimano XTR M9100 a été co-développé par les Pays-Bas et le Japon ?

Henry Bosch:“C’est même plus que cela ! Nous avons encore un collègue chef produit aux USA. Nous nous réunissons régulièrement au Japon ou ailleurs dans le Monde pour discuter des nouveaux produits et concepts. Nick, notre collègue américain et moi-êmem, sommes les yeux et les oreilles de nos marchés. Nous transmettons ensuite tout cela au Japon afin de nourrir le développement des nouvelles pièces. Viennent ensuite d’importantes équipes en support, avec la R&D, les équipes d’ingénieurs, etc. »

Est-ce facile ou difficile de travailler sur trois continents comme vous le faites ?

Henry Bosch:“Eh bien maintenant je vais laisser mon cher Takao répondre !” (rires)

Takao Harada:Oui, c’est une question d’habitude. Maintenant, je suis rompu au travail avec les Néerlandais et les Européens. Je suis impliqué dans le cyclisme sur route depuis longtemps et les Néerlandais y sont très présents. Je les trouve très bons pour traduire et sentir les réels besoins des consommateurs. Cela facilité ensuite beaucoup la tâche des équipes de conception et d’ingénierie. »

A propos du dernier XTR, pourquoi avoir dû attendre si longtemps ? Face à l’évolution de la concurrence, Shimano ne pouvait-il pas briser son sacro-saint cycle de remplacement des produits (XTR puis XT, puis SLX, etc. et la boucle recommence) ?

Takao Harada (qui réfléchit un moment): “Après chaque sortie d’un groupe, nous recommençons directement à penser à la sortie de son successeur. Nous nous fixons donc des objectifs en termes de produit et de délai. Mais avant tout, chez Shimano, nous ne sortons un produit que quand nous sommes à 100% sûrs de nous. Nous aurions peut-être pu avancer, mais nous avons encore noté des détails qui pouvaient être améliorés et nous nous en sommes donc tenus à notre agenda habituel. »

Quels étaient les trois points centraux dans la conception du nouveau XTR ?

Henry Bosch:« Vitesse, contrôle et focus. Par vitesse, on entend non seulement un changement de vitesses plus rapide et efficace, mais aussi un abaissement du poids et une optimisation de tous les détails. Pour le contrôle, on travaille surtout sur les freins et sur la sensation de maîtrise du vélo qu’ils doivent procurer. Enfin, pour ce qui est du « focus », on parle de tout ce qui va permettre au pilote de se concentrer uniquement sur son pilotage. Je pense notamment à notre technologie Scylence qui va permettre de ne pas être distrait par des bruits parasites, comme ceux de la roue-libre ou de la transmission. Un autre objectif quand on conçoit un groupe, c’est que tout fonctionne parfaitement ensemble et qu’il y ait une véritable unité entre des composants parfois très différents, notamment au niveau du look.”

Passons à un sujet sensible. Sram et le groupe Eagle…

Henry Bosch:“On ne va pas tourner autour du pot, Sram est en forme en ce moment. Beaucoup de vélos sont équipés en Sram Eagle dans le haut de gamme. Mais pour nous, il ne s’agit pas seulement de parts de marché. Shimano a plus de 25 ans d’expérience dans le VTT. Au cours de cette période, nous avons introduit plus de nouvelles technologies que quiconque. Avec le nouveau XTR, nous avons pris le temps d’étudier le marché et de voir quelle est la demande réelle. Nous avions déjà une offre mono-plateau sur le précédent XTR, mais avant de développer un tout nouveau groupe, nous devions être sûrs que cette tendance n’était pas volatile ou juste localisée sur quelques marchés. Finalement, le nouveau groupe XTR est aussi basé sur le 1X, mais nous offrons en plus bien de nombreuses autres options. Je pense que nous avons là de quoi entrevoir l’avenir avec sérénité.

Imaginez : j’ai un magasin de vélos et un client vient me voir pour acheter un nouveau VTT haut de gamme. Comment le convaincriez-vous de se tourner vers un modèle en XTR plutôt qu’en Sram Eagle ?

Henry Bosch:“Pour nous, la question ne se pose pas, c’est évident (rires) !  Plus sérieusement, si quelqu’un est satisfait avec Sram, il y a de grandes chances qu’il poursuive avec la marque. Et je ne vais pas dire à quelqu’un ce qu’il doit faire ou qu’il doit absolument changer. Il est surtout important que le revendeur connaisse bien son client. C’est exactement ce que nous faisons avec Shimano, en mettant tout en place pour connaître au mieux nos clients et nos revendeurs. C’est aussi pour cela que nous n’avons pas une seule proposition, mais plusieurs versions du groupe XTR, afin que chacun trouve chaussure à son pied. Et si vous cherchez un groupe avec un changement de vitesses performant, silencieux, fiable et aussi, ce qui est très important, des freins puissants, il y a de grande chance que vous alliez vers le Shimano XTR. »

Êtes-vous vraiment convaincus qu’il y a encore une clientèle pour une configuration 2X ? Si vous n’arrivez pas à rouler avec un 32 devant et un 51 derrière, n’est-ce pas parce que c’est trop raide, que vous n’êtes pas assez en forme ou encore parce que vous avez fait un mauvais choix de taille de plateau ?

Henry Bosch:“Je suis d’accord… et pas d’accord ! Tout le monde ne roule pas les mêmes trails, ni de la même façon. C’est pour cela qu’il y a le double, pour encore élargir les possibilités de certains bikers et leur permettre de découvrir plus. »

Oui, mais si on roule à moins de 4 ou 5 km/h, n’est-ce pas mieux de marcher ? 

Henry Bosch:“Non, certains préfèrent toujours rouler, et j’en fais partie. Je suis un biker, pas un marcheur. Je roule parfois des marathons et pour ces longues distances, je préfère la sécurité d’un double. Je sais que le mono a de plus en plus de succès sur le marché, mais il y a encore une belle place pour le double. Beaucoup de bikers comme moi ont encore connu le triple, et ils n’ont aucun problème à gérer un dérailleur avant, que nous sommes fiers de faire évoluer encore. » 

La tradition veut que la technologie du XTR « descende » ensuite vers les autres groupes dans les années qui suivent. Le XT est bien prévu l’an prochain, et quelles technologies seront reprises ? Puis, directement une autre question : quid du Di2 ?

Takao Harada:“Le timing précis n’est pas encore fixé, mais cela reste bien notre stratégie. Je travaille également sur le Di2, mais je ne veux pas non plus encore parler de délai. Je pense aussi que le Di2 peut apporter quelque chose en matière de confort, pour aider le biker à se concentrer sur son pilotage.”

Henry Bosch:“Le changement de vitesses avec le nouveau groupe XTR M9100 à câble est si souple et rapide que nous devons nous demander si le Di2 a encore une réelle valeur ajoutée. Surtout en mono, où il n’y a plus qu’un seul dérailleur. Le Di2 est et restera plus cher, et il doit donc offrir un gros avantage pour être réellement intéressant. S’il ne sert qu’à changer les vitesses, il faut alors se poser la question. Pour l’avenir de l’électronique, on pense donc à plus d’intégration, plus de connectivité avec d’autres composants du vélo. Si on regarde l’évolution des vélos, elle est incroyable. On descend aujourd’hui à fond les descentes techniques d’hier. Les nouvelles technologies doivent-être au service de cette évolution et du pilote, pour lui permettre d’aborder de nouveaux sentiers, de découvrir de nouveaux horizons. C’est dans ce sens que je pense que le Di2 doit offrir plus qu’un simple changement de vitesses à l’avenir. ”

Et le sans fil ?

Henry Bosch:“Si le sans-fil est la meilleure option pour le changement des vitesses, nous allons bien sûr le développer. Mais s’il faut équiper chaque composant d’une batterie, est-ce vraiment une valeur ajoutée et une simplification ? Si, avec une bonne configuration des câbles, tout fonctionne parfaitement, faut-il vraiment aller dans cette voie ? Ce sera aussi coûteux. Mais s’il s’avère que c’est pertinent, en effet, c’est sans doute d’abord sur le XTR qu’elle verra le jour. »

Takao Harada:Nous aimons toujours laisser le choix. Nos équipes pro ont encore le choix entre l’ancien XTR Di2 ou le nouveau. Toutes ne sont pas encore passées sur le nouveau, mais on constate que quand un pilote l’a essayé, ensuite tous ses coéquipiers suivent ! Nous avons plus de teams partenaires cette année que lors des précédentes saisons, et donc plus d’athlètes. Ils pourront toujours choisir l’an prochain, mais je pense que tout le monde choisira le nouveau groupe. »

Photos : Irmo Keizer, Balz Weber & Jurgen Groenwals

Plus d’infos :  www.ridextr.com
Et en (re)lisant notre présentation du groupe lors de sa sortie : www.vojomag.com/presentation-shimano-xtr-m9100-12-vitesses-pour-le-xc-marathon-11-pour-lenduro/

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ParJurgen Groenwals

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