Portrait : Titouan Carod, vendange tardive
Par Olivier Béart -
Titouan Carod a remporté la Coupe du Monde 2015 chez les U23. Une surprise ? Pas tant que cela ! Brillant chez les Juniors, il a ensuite disparu du haut des classements pendant deux longues années. En cause : un accident, suivi d’une lente reconstruction. Mais aujourd’hui, ce fils de vigneron récolte enfin les fruits de son dur labeur. Son histoire, ses récentes performances et surtout sa personnalité ont inspiré notre chroniqueur Frédéric Machabert. Portrait.
Début de la saison 2013, première étape de la Coupe de France à Saint – Raphaël. Titouan Carod, Champion champion de France Juniors et troisième des Mondiaux en 2012 débute dans le grand bain. L’épreuve varoise sera sa seule course de la saison. Deux ans plus tard, à Marseille, il prendra sa revanche en s’imposant sur l’ouverture de la Coupe de France 2015. Mais c’est une autre histoire dont nous reparlerons un peu plus loin.
J’ai encore en mémoire le mail d’un de ses potes reçu quelques jours plus tard : « En s’entraînant sur la piste de BMX d’Annecy avec son VTT, Titouan a loupé une réception et s’est fracturé le fémur. » Fin de saison. Et début d’un long combat. D’abord remarcher. Seul. Sans l’aide de béquilles. Puis rouler. Et se remettre à rêver. Fin 2014, le garçon est du voyage aux Mondiaux d’Hafjell (Norvège). Une première victoire. Mais la saison 2015 devait être celle de son véritable retour.
A 21 ans, Carod est un mec à part. Attachant. Fidèle. Quand Pauline Ferrand Prevot s’éclate à conjuguer le cyclisme au pluriel, lui ne jure que par le VTT. Francis Menut, son team manager depuis deux saisons en rigole : « C’est un vrai vététiste ! Il participe à la Drômoise, une cyclosportive mais la route, ce n’est pas trop son truc ! L’hiver, c’est un ou deux cyclo-cross mais avec son VTT… »
Convoité durant l’inter saison, il choisit de s’expatrier dans le Creuse, le pays du soleil éternel. La raison ?
La structure Creuse Oxygène Guéret gère désormais le team Scott. Et le garçon ne veut pas changer de monture : « Il est très attaché à la marque » confie Menut. Et du côté d’Annecy où est installée la branche française de la marque helvétique, on n’a pas franchement envie de le voir évoluer sous d’autres cieux.
Fin mars à Marseille, entre le béton, les tags de la cité phocéenne et les calanques, il mate tout le peloton français lors de l’ouverture nationale. Oui, Titouan Carod est bien de retour. A l’arrivée, on assiste à une image inhabituelle. Julien Absalon, bridé toute la course et seulement sixième à l’arrivée, traverse l’aire d’arrivée incognito au moment où Carod répond à la presse.
Mais les débuts en Coupe du Monde bégayent. Rien de grave, certes, mais l’homme n’est pas à sa véritable place à Nove Mesto et à Albstadt.
Mi-juillet, trois ans après les juniors, il enfile la tunique tricolore des Moins de 23 ans après un cavalier seul. A l’arrivée, le bonheur est pudique. Mais le bonhomme peut être fier. Au pied du podium, des grosses larmes roulent sur les joues de sa maman.
La suite ? Une impasse sur les Championnats d’Europe pour préparer la suite de la saison. Une victoire en Coupe du Monde dans le temple du Mont Sainte – Anne et une fin de saison parfaitement maîtrisée.
Un an après Jordan Sarrou, un autre tricolore soulève le Trophée de meilleur coureur de la saison en Moins de 23 ans. Sans jouer les vieux combattants, je me souviens d’une époque pas si lointaine où le meilleur coureur français dans cette tranche d’âge peinait à rentrer dans le top vingt mondial. Sarrou, Drechou, Carod, Koretzky incarnent une jeunesse dorée et décomplexée qui devra assumer le lourd héritage de Julien Absalon après la saison 2016.
Pour Carod, Vallnord restera comme l’unique regret de la saison. En tête dès les premiers hectomètres, il luttera contre des maux de ventre tenaces. Un temps proche de l’abandon, il finira dans un anecdotique top vingt : « Si encore j’avais été en travers. Mais j’avais des sensations de fou», fulmine t-il. Un titre mondial l’aurait fait basculer dans une nouvelle dimension.
La France attend un Champion du monde dans cette catégorie depuis 2002 et le dernier couronnement de Julien Absalon. Victor Koretzky, son « meilleur ennemi » français et autre grand animateur de la fin de saison, est aussi passé à deux doigts du titre cette année. Peut-être n’était-ce pas l’heure. Ou alors pas encore.
L’an prochain, Carod tentera à nouveau sa chance pour décrocher l’arc-en-ciel. Un ultime essai avant de rejoindre les élites. Avant de boucler définitivement l’exercice 2015, Titouan Carod a pris la direction de Guéret, bien loin de ses pénates, pour poser aux côtés de Théo Menant (Champion de France Juniors Route) et Benjamin Le Ny (Champion de France cadets VTT). Jamais le club limousin n’avait connu pareille moisson.
Mais du côté de Guéret, pas question de s’enflammer. Continuer à travailler pour préparer demain avec les mêmes recettes : humilité et passion. Pour Carod, l’épisode Vallnord fait désormais partie du passé. A 21 ans, l’histoire de ce fils de Vigneron débute à peine…