Nouveauté | Ochain : adieu le kickback ?

Par Léo Kervran -

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Nouveauté | Ochain : adieu le kickback ?

Ochain, c’est un nouveau système lancée en début d’année par Fabrizio Dragoni, un ingénieur italien vice-champion du monde de DH Master 2017. Son idée permettrait de réduire le kickback d’une suspension en laissant un peu de liberté de mouvement aux manivelles par rapport au plateau. Comment ça marche ? Quel est l’intérêt ? Vojo s’est penché sur la question.

Si la suspension arrière prend un choc et que son point de pivot est placé au-dessus du brin supérieur de la chaîne, la distance entre la roue arrière et le pédalier va commencer par augmenter lors de la compression (elle peut diminuer en fin de course mais là n’est pas le propos). Problème : il n’y a aucune structure élastique pour absorber cette variation de longueur, la chaîne ne peut pas s’allonger pour suivre le mouvement.

En « reculant », la roue arrière va donc tirer sur la chaîne. Or, à cause son inertie, des résistances du terrain et d’un éventuel freinage, la roue ne peut pas tourner en arrière pour absorber cet allongement. La tension de la chaîne va donc tirer sur les manivelles, de façon à les faire tourner en arrière pour allonger la chaîne et ainsi absorber cette variation de longueur : c’est le kick-back, qu’on caractérise en mesurant l’angle sur lequel se déplacent les manivelles. Cet effet dépend beaucoup de la position du brin tendu de la chaîne et donc du rapport utilisé. On peut ainsi avoir très peu de kick-back en milieu de cassette et beaucoup plus sur les plus grands pignons, a fortiori si on utilise un petit plateau.

L’autre problème, c’est qu’avec un brin supérieur qui passe sous le point de pivot de la suspension, cette tension de chaîne a tendance à contrer la compression de la suspension. Lorsqu’on prend un choc, on aimerait que la suspension l’encaisse naturellement, mais la chaîne l’en empêche et essaye de la détendre : c’est ce qu’on appelle l’anti-squat. Même si la tension (ou la valeur d’anti-squat) est trop faible pour réellement étirer la suspension, cela participe à la raidir. C’est donc un élément dont les ingénieurs doivent tenir compte lorsqu’ils conçoivent une suspension arrière.

Cependant, malgré toutes les astuces mises en place pour isoler le fonctionnement de la suspension de la tension de la chaîne, cette dernière conserve une grande influence sur le comportement de la suspension. A tel point qu’une casse de chaîne dès les premiers mètres de la coupe du monde de Leogang en 2015 n’a pas empêché Aaron Gwin de remporter la course et ce malgré plusieurs relances au milieu du tracé. L’année d’avant, c’est Neko Mullaly qui terminait 4e des championnats du monde à Hafjell avec le même problème. Dans les deux cas, les américains reconnaissaient à l’arrivée qu’ils n’avaient jamais senti la suspension aussi bien fonctionner.

C’est en partant de ce constat que Fabrizio Dragoni a eu l’idée d’Ochain. Le principe est très simple : permettre à la chaîne de bouger plus ou moins naturellement pour suivre les mouvements de la suspension, sans toucher à la position des manivelles.

Le produit prend la forme d’une étoile de pédalier (disponible en version Race Face ou Ingrid) sur laquelle n’importe quel plateau au standard 104 BCD peut se fixer. Le système qui permet à l’extérieur de l’étoile de bouger par rapport à l’interface avec la manivelle n’est pas décrit, mais une demande de brevet est en court, on en saura donc plus dans quelques mois. On sait en revanche que le système est réglable sur 3 positions, avec 6°, 9° ou 12° de liberté pour le plateau, pour l’ajuster au terrain et à ses attentes.

Sur son site, Dragoni évoque logiquement des applications en DH mais aussi en enduro. Dans les deux cas, l’idée est de donner la sensation de rouler sans chaîne sur une partie du débattement, plus ou moins importante selon le réglage choisi. Sans chaîne, pas de kickback donc moins de fatigue, plus de confort et plus de fluidité.

Voilà pour la théorie. De notre côté, on vous avoue qu’on est un peu circonspect face à une telle invention. Une des premières remarques qui nous vient en tête, c’est que si la tension de chaîne était si gênante pour le fonctionnement de la suspension, une ou plusieurs grandes marques du secteur auraient déjà trouvé une solution. Le monde du VTT n’est pas avare en innovation sur les suspensions… Canyon avait bien développé il y a plusieurs années une roue libre débrayable sur son Sender de DH mais ce système est resté à l’état de prototype et aucun système similaire ne s’est imposé. On peut aussi penser au système HXR Easyshift qui, bien que n’étant pas conçu dans le même but, peu jouer un peu le même rôle avec sa roue-libre intégrée dans le pédalier.

Si l’effet a été jugé négligeable en DH, qu’en est-il en enduro ? Avec moins de débattement, le kickback est censé être plus faible, mais d’un autre côté, ces vélos ont souvent un peu plus d’anti-squat pour conserver un pédalage efficace. A ce propos, on se demande aussi quel peut être l’impact d’un tel système sur l’anti-squat. Il sera vraisemblablement réduit puisque la tension de chaîne sera moindre et on pourrait avoir une suspension au comportement légèrement différent de ce qui a été initialement prévu par ses concepteurs.

Sans données chiffrées, comment savoir s’il y a un réel apport ?

Une autre question concerne l’efficacité réelle du système. Nous avons déjà roulé sans chaîne pour tester et pour s’entraîner et on a effectivement senti une différence dans le comportement du vélo mais, sans données chiffrées et vérifiées, impossible d’être sûr de soi. Cette sensation de fonctionnement différent est-elle liée à des vrais changements ou est-ce simplement l’absence de bruits de la chaîne et de la roue libre, donc des feedbacks sensoriels différents, qui nous perturbe ? S’il y a une vraie différence de fonctionnement, peut-elle vraiment faire gagner du temps ?

Enfin, un dernier élément à prendre en compte concerne la diversité du marché. Il existe autant de valeurs de kickback que de cinématiques et autant de cinématiques que de vélo. On peut donc imaginer un vélo sur lequel Ochain a un réel effet bénéfique et un autre vélo sur lequel cela ne change absolument rien. Les tests et avis sur ce produit seront donc immédiatement à relier à une étude de la cinématique du vélo, sans quoi ils n’auront aucun sens.

Autant de questions auxquelles nous n’avons pas de réponses pour l’instant, mais comme on est curieux, on veut bien tester ce fameux Ochain pour en avoir le coeur net !

Plus d’informations : ochain.bike

Photos : Ochain / @alexluise

ParLéo Kervran