Non, tout ce qui est meilleur n’est pas (forcément) bon pour vous
Par Paul Humbert -
Le point de départ de ma réflexion est assez simple. Sur les sentiers, il n’est pas rare et même très fréquent de croiser des VTTistes juchés sur des vélos que ne leur correspondent absolument pas. Trop rigides, trop extrêmes, trop exigeants. Ce n’est pas des erreurs de choix de montures dont je parle car la plupart des acheteurs sont convaincus de la pertinence de leur sélection, mais plutôt des raisons qui les ont poussés à jeter leur dévolu sur ce VTT qui est trop souvent « trop bien » pour eux. Je m’explique…
Derrière nos écrans ou un bandeau de rubalise, nous bavons devant leurs exploits et nous suivons avec intérêt les avancées technologiques de notre sport. L’effet pervers apparaît ensuite. Les ingénieurs repoussent les limites du poids, affinent les compromis de rigidité, ouvrent les angles, allongent les « reach » et proposent des vélos toujours plus efficaces que le modèle précédent. Et qui n’a jamais rêvé de rouler sur le nec plus ultra de son sport ?
Auparavant plus proches de nos pratiques « traditionnelles », les disciplines sportives en compétition évoluent elles aussi. Sport-spectacle, montée en performance des athlètes et médiatisation, plusieurs facteurs poussent les disciplines d’excellence dans les extrêmes. Bonne ou mauvaise chose, la question n’est pas là mais le constat me semble assez indiscutable.
L’industrie s’adapte et avance aux côtés des meilleurs athlètes de la planète, soit. Ce qui m’embête un petit peu plus, c’est de croiser sur la rando du coin des « Monsieur et Madame tout le monde » visiblement mal à l’aise sur un vélo « coupe du Monde replica » archi-rigide et à la géométrie particulièrement extrême. Le constat est identique dans toutes les disciplines, du cross-country olympique à l’enduro moderne (la descente sort du cadre cette fois-ci) : de nombreuses personnes font l’erreur de se faire plaisir en achetant ce qui se rapproche le plus des vélos des champions.
Non, tout ce qui est meilleur n’est pas forcément bon pour vous…
À qui la faute? Nous sommes nombreux à partager une part de responsabilité. Le plus gros travers est probablement de considérer que la compétition est un but en soi, car c’est en suivant cette logique qu’on se retrouve face à des aberrations sur les sentiers. Au final, ceux qui trinquent, ce sont les acheteurs qui jettent leur dévolu sur un super vélo…qui ne leur correspond pas.
Du côté des marques, à force de considérer chaque cycliste comme un potentiel champion, elles orientent leur développement dans ce sens. Évidemment, tout le monde ne cherche pas à « gagner ». Attendre d’un vélo qu’il soit performant et « meilleur » que le précédent est fort logique, mais il s’agit là de faire preuve de mesure et de lucidité.
Du côté des médias (dont Vojo fait partie), les essais de vélos sont nombreux et les excellents vélos sont eux aussi présents en nombre. Ce qui est le plus important, et ce que nous tâchons de faire autant que possible chez Vojo, c’est de présenter pour qui ces fameux vélos seront parfaits. Parce qu’un excellent vélo pour votre voisin sera parfois totalement inadapté à vos besoins, et ce, peu importe les étiquettes et les « classifications marketing ». Enduro, All-Mountain ou XC, on se perd dans toutes ces appellations pour lesquelles personne ne s’accorde sur une définition commune.
Regarder la réalité en face n’est pas toujours agréable mais cette démarche devrait être encouragée. Non, nous ne sommes pas tous des athlètes de haut niveau, et non, nous n’avons pas les mêmes aptitudes techniques et physiques que ceux qui contribuent au développement des vélos. Non, si je prends part à une compétition dans l’année, je n’ai pas besoin de la toute dernière géométrie « race ». Accepter « moins » permet souvent de gagner beaucoup plus : du confort, de la facilité de pratique et, évidemment, du plaisir. Et d’après vous, au moment de la course du dimanche, qui va plus vite : celui ou celle qui est bien sur son vélo ou son adversaire d’un jour pas franchement en phase avec son arme de guerre ?
Évidemment, au moment d’acheter un vélo, tout le monde veut se faire plaisir et cette réflexion dépasse les considérations budgétaires. C’est à ce moment là qu’il est temps de se recentrer vraiment sur ce qu’on sait faire, ce qu’on aime faire et sur ses perspectives plausibles de progression.
Le conseil ne vaut pas en permanence mais : pensez à vous et oubliez les autres. La réplique du vélo de Julien Absalon sera-t-il vraiment l’outil le plus adapté pour votre boucle de promenade dominicale ? Et sur presque le même circuit, pensez-vous que votre gros enduro sera franchement nécessaire ? Oui, évidemment, un très bon pilote trouvera les pneus Plus flous et peu précis, mais êtes-vous vraiment certains d’arriver à ces limites qui viennent nuancer les superbes apports de ce format ? C’est un exemple parmi tant d’autre mais posez vous la question de savoir si compromettre votre confort au profit d’une supposée performance accrue est vraiment le choix le plus malin ?
S’il est encore temps de prendre de bonnes résolutions, essayez de jeter votre dévolu sur un vélo qui vous correspond plutôt que d’acheter un vélo pour la personne que vous rêvez d’être. Et surtout, n’oubliez pas de prendre du plaisir…