Mini-interview | Pierre de Froidmont : « Je n’étais pas préparé à ce que ça marche comme ça cette année »

Par Léo Kervran -

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Mini-interview | Pierre de Froidmont : « Je n’étais pas préparé à ce que ça marche comme ça cette année »

Pour sa troisième saison seulement en coupe du monde Elites, Pierre de Froidmont a crevé l’écran cette année : deux top 10 et même un podium, acquis de haute lutte face à Nino Schurter au Mont-Sainte-Anne il y a 3 semaines. Comment gère-t-il ce nouveau statut ? Nous lui avons posé la question, juste avant les championnats du monde des Gets ce week-end :

Pierre : De l’extérieur je trouve ça peut-être légitime, parce que la saison de coupe du monde a été extraordinaire pour moi, plusieurs fois dans le top 20, top 15, top 10 même et un podium au Mont-Sainte-Anne… Je t’avoue que j’ai pas encore vraiment digéré ça donc quand on me dit que je peux peut-être être outsider pour un championnat du monde Elites, ça me paraît être totalement en décalage par rapport à ce que je vis pour l’instant. J’ai l’impression que top 5, top 10 sur un championnat du monde ce n’est pas encore pour moi, même si c’est les mêmes mecs et que j’ai pu m’exprimer de belle façon cette année.

Ça reste un championnat, une course que des gens ont beaucoup plus préparée qu’une coupe du monde. C’est peut-être un objectif de l’année pour certains alors que pour moi ce n’est pas trop le cas, ça vient un peu en bout de course après déjà huit coupes du monde où ça a pris de l’énergie, où il a fallu être présent donc j’aborde pas non plus ces mondiaux comme un objectif suprême cette année.

C’est même parfois dur à gérer parce que bon, je n’ai rien en pression comparé à certains grands athlètes mais, ici pour les championnats d’Europe par exemple, on a parlé de podium, de médaille… Tu ne peux pas dire aux gens ce que tu penses dans le fond mais parfois t’as envie de leur dire « doucement ».

C’est quelque part valorisant de voir que des gens pensent et croient qu’on est capable de faire un beau truc mais dans ma position, ça met quand même un peu de pression et je vois ça un peu de l’extérieur en disant « pas trop vite ». Même si ça s’est bien passé cette année il y a des étapes à franchir avant. Je n’oublie pas non plus l’année passée, que je viens de 20, 25, 30, 35 en coupe du monde et j’ai pas l’impression qu’en un an je peux être prêt à me dire « là c’est les mondiaux et j’y vais pour faire 10 ».

Vojo : Ton dernier résultat en coupe du monde, c’est un podium après un dépassement en règle sur Nino Schurter. Ça met en confiance ?

Pierre : Oui, ça met en confiance déjà pendant la course parce que t’es dans une bulle. Des journées comme ça j’en ai connu deux cette année, au Brésil et au Mont-Sainte-Anne, c’est des choses que tu ne sais pas vraiment expliquer, que tu ne sais pas reproduire, c’est juste à un endroit, à ce moment-là, t’as les jambes et t’as tout ce qu’il faut dans ton corps et dans ta tête pour faire une belle performance. Tu le sens très tôt dans la course, tu le vis, maintenant que ce soit Nino ou un autre, t’es tellement concentré et tu fais les choses de façon tellement automatique et la mécanique est tellement bien huilée que tu le fais.

A l’arrivée, les jours d’après, évidemment que ça te met en confiance parce tu vis des émotions que tu n’avais jamais vécues avant. Et puis, dans mon cas, t’as une descente qui est assez vertigineuse parce que cette performance-là amène quand même beaucoup de questions internes : est-ce que je serais capable de refaire ça, maintenant que j’ai fais ça est-ce que les attentes ne vont pas être plus grandes, comment est-ce que j’ai réussi à faire ça, qu’est-ce qui a bien marché…

Tu vois, de la même façon qu’une performance négative, une performance très très positive comme j’ai vécu au Mont-Sainte-Anne t’amène aussi une foule de questions. Comme je te disais au début, c’est ce qui est peut-être beau mais c’est quelque chose que tu ne comprends pas. C’est assez fatigant mentalement parce que tu te repasses beaucoup la course, tu essayes de comprendre.

Ça m’a aussi amené un tout petit peu d’angoisse par rapport aux dernières courses de la saison où je me suis dit « ça va aussi entraîner d’autres attentes, ça va me placer dans une position où je ne suis pas super à l’aise ». C’est un peu tôt pour moi d’être dans cette position-là. Donc non, je n’ai pas retiré de la confiance de ça, j’ai retiré de la joie, du plaisir, ça a été des émotions incroyables mais vraiment de la confiance que ça se soit bien passé, non.

Quelque part c’est ma personnalité, c’est peut-être pour ça que ça fonctionne aussi parce que j’arrive, même après des trucs comme ça, à ne pas avoir trop de confiance en moi. Ça me pousse justement à chaque fois à repartir un peu de zéro et à devoir reconstruire un peu les choses, ça prend de l’énergie mais c’est comme ça que ça fonctionne. Au final, ce qui fonctionne bien sur les coupes du monde cette année, c’est que j’arrive à être sur la ligne de départ comme si c’était une course en Belgique, une course qui ne serait même pas UCI. J’arrive vraiment à prendre ça très à la légère et c’est ce que je vais essayer de faire aux mondiaux pour retrouver le même état d’esprit et le même physique.

Vojo : On a eu de la boue en 2021, de la poussière en 2019, qu’est-ce que tu préfères pour le circuit des Gets ?

Pierre : L’année passée avec la boue ça s’était très bien passé et c’est régulièrement le cas quand il y a des conditions difficiles, ça me convient bien parce qu’en fait ça ralentit un petit peu la course, ça la rend moins rapide. La technicité, le côté adresse, précision, sang-froid viennent un peu compenser le côté physique. Sur le sec, ce circuit c’est en grande partie du physique, le côté technique n’est pas trop présent tandis que quand il y a de la boue ça s’équilibrait un petit peu et moi ça me convient bien au final.

Quand le rythme n’est pas trop trop élevé j’arrive à bien piloter le vélo, je ne fais pas trop d’erreurs techniques, j’arrive à être assez souple dans ma façon de rouler donc ça aide aussi pour faire un bon résultat. Je t’avoue que je ne serais pas contre un peu de pluie et que ce soit glissant, que ça demande du pilotage, du sang-froid et qu’il y ait autre chose qui rentre en compte que purement l’aspect physique. Maintenant sur le sec c’est sympa aussi parce que tu te poses moins de questions, tu roules, t’appuies et ça passe.

Vojo : On peut te demander un petit pronostic ? Quel coureurs seront les plus dangereux ce week-end à ton avis ?

Pierre : Des coureurs qui sont capables de très très bien faire les choses il y en a énormément, je ne vais pas t’annoncer de grandes surprises je pense, ce sont les mecs qui sont devant en coupe du monde. On sait qu’ils seront là, ils sont toujours réguliers, ils ne font jamais d’erreurs. Des mecs comme Colombo, Dascalu, Schurter, Valero, Braidot, c’est les mecs qui ont été les plus réguliers cette année et au final, dans le top 10, ça n’a jamais énormément bougé.

Je pense qu’à la maison les Français vont être incroyables aussi, je crois que Sarrou va être impressionnant, Carod aussi vu ce qu’il a montré les dernières semaines. Il a fait l’impasse sur les championnats d’Europe pour se préparer et d’autant plus si les conditions climatiques venaient à tourner, on l’a vu au Mont-Sainte-Anne, quand c’était glissant il n’y a personne qui sait le suivre dans les descentes donc lui il pourrait vraiment être un grand favori. Koretzky aussi a l’air d’être en grande forme, il s’est à mon avis bien préparé pour la fin de saison et en France, il aura à cœur de bien faire. A mon avis, la France aura l’équipe la plus costaude j’ai l’impression et je vois bien un Français gagner.

Vojo : On a vu que tu étais à Munich pour les championnats d’Europe, quel était l’objectif ? Simple répétition en se cachant un peu ou tu y allais à fond ?

Pierre : En Belgique c’est une course qui nous tient à cœur, on y va chaque année et ça a quand même de la valeur, c’est un championnat d’Europe, il y avait une belle start-list… J’étais content d’y participer et j’avais de belles ambitions pour la course, j’aurais aimé pouvoir batailler devant et connaître une belle journée. Maintenant ça a été un peu un cauchemar, du début à la fin ça a été super compliqué.

C’est sûr que si j’avais fait un bon résultat je serais allé aux Gets peut-être un peu plus confiant, rassuré, en ayant encore pris des repères. Là j’ai connu ma pire journée sur le vélo de l’année mais bon rien n’est grave, c’est un jour sans…

Après aux Gets je vais retrouver une atmosphère qui me plaît beaucoup plus, être en montagne avec tous mes coéquipiers, je vais retrouver l’équipe, l’expertise de mon team manager… Ça va être une ambiance totalement différente. De toute façon c’est difficile d’arriver sur des évènements aussi gros et aussi importants en ayant vraiment de la confiance. C’est sûr que là ça n’a pas aidé, quand tu passes complètement à travers tu ne te dis pas directement « le week-end d’après ça va fonctionner » mais je sais aussi que d’un week-end à l‘autre tout peut changer très vite.

Ça n’a pas fonctionné ici mais je suis quand même confiant dans le fait de savoir inverser les choses et de savoir retomber dans ce qui a fait que ça avait bien fonctionné pour moi depuis le début de la saison. Après on arrive dans les dernières courses de la saison, il faut accepter que parfois tu passes un peu à travers, la saison a déjà été longue et éprouvante. Ça n’a pas été une super mise en route pour Les Gets, maintenant j’ai fait la course, c’était mon choix. C’est des exercices de faits, je n’ai pas abandonné, je vais continuer à me battre en espérant que ça me serve pour le week-end prochain.

ParLéo Kervran