Jenny Rissveds n’ira pas aux championnats du Monde !

Par Olivier Béart -

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Jenny Rissveds n’ira pas aux championnats du Monde !

En conflit avec la fédération suédoise, Jenny Rissveds est privée de sélection pour les mondiaux. La cause : des soucis de contrat de sponsoring et un conflit aigu entre la championne olympique et un membre de la fédération. Thomas Frischknecht, le team manager du team Scott-Sram, a donné sa version de l’affaire à nos confrères de Pinkbike. Et nous avons également sollicité une réaction de POC, le sponsor de la fédération, qui nous a donné sa vision. 

Championne du Monde des moins de 23 ans, vainqueur de sa première Coupe du Monde et surtout championne olympique : Jenny Rissveds a connu une saison 2016 particulièrement faste. 2017 avait très bien commencé avec une victoire au Cape Epic dans la catégorie mixte en compagnie de son team manager et mentor Thomas Frischknecht. Mais par la suite, on n’avait plus vu la ravissante championne pendant de longs mois, avant sa reprise à Mont-Ste-Anne en août. En cause, le décès coup sur coup de ses deux grands-pères dont elle était visiblement très proche… mais aussi un conflit particulièrement violent avec la fédération suédoise, qui, à en croire son équipe, a été jusqu’à affecter profondément Jenny Rissveds. Au point d’expliquer aussi en grande partie sa longue absence des circuits de Coupe du Monde.

L’affaire trouve sa source dans un problème de sponsors, comme l’explique Thomas Frischknecht à nos confrères de Pinkbike : « La fédération suédoise a signé un contrat avec POC pour la fourniture d’un kit complet qui inclut non seulement le maillot et le cuissard (ce qui est très courant, NDLR) mais aussi le casque, les lunettes, les gants et les chaussettes (ce qui l’est beaucoup moins). Ils doivent porter ces équipements lorsqu’ils roulent pour l’équipe nationale. Or, Jenny est déjà sous contrat avec Scott/Sram pour l’équipement, ainsi qu’avec Oakley pour les lunettes. (…) L’an dernier nous avions trouvé un compromis et Jenny avait porté le kit Poc complet pour les championnats d’Europe en Suède, pays de POC, mais pour les championnats du Monde et les JO elle pourrait porter les équipements de ses sponsors. Mais cette année, la fédération est revenue à une position beaucoup plus ferme. C’est un souci car cela imposerait à Jenny Rissveds de violer des contrats qu’elle a signés. Nous lui avons recommandé de ne pas accepter, ce qu’elle a fait… avec pour conséquence que la fédération ne l’enverra pas à Cairns pour les championnats du Monde ! Ce qui est vraiment une honte. »

Le team Scott a informé l’UCI de cette situation et a demandé ce que les fédérations peuvent réellement exiger des athlètes (sans recevoir de réponse à ce stade) car les risques de conflits d’intérêt sont nombreux et le team veut rester ferme car il y a un risque que cela ouvre la porte à d’autres situations bien plus problématiques, comme l’explique le team manager : « En poussant la logique plus loin, on pourrait alors imaginer que la fédération conclue un accord avec Specialized et oblige tous ses coureurs à rouler sur les vélos de la marque lorsqu’ils roulent sous les couleurs de leur pays ! » poursuit Frischknecht, qui ajoute encore que « pour des équipements comme le maillot et le short, c’est une tradition que ce soit fourni par les fédérations et ils en tirent certains revenus avec des sponsors qui leur sont propres. C’est tout à fait normal et personne n’a rien contre cela. » Par contre, pour le reste des équipements, il y a un problème dans la mesure où il s’agit de la base de la visibilité que les teams souhaitent obtenir. Aller plus loin pose donc un réel souci et le casque ou encore les lunettes en cause ici sont perçus comme un cheval de Troie dangereux par le team Scott… et d’autres aussi.

« La fédération Suédoise a pris l’exemple des Britanniques… en oubliant que si certains de leurs coureurs (surtout U23) courent avec tous les équipements et même le vélo prévu par British Cycling, ils le font toute l’année, ils sont salariés pour cela et la fédération les emmène sur toutes les Coupes du Monde » ! Ils agissent donc clairement comme un vrai team… alors que dans le cas de la fédération Suédoise, Jenny Rissveds ne reçoit rien en échange et l’ensemble du support toute l’année ainsi que son salaire reposent entièrement sur les épaules de ses partenaires, Scott et Sram en tête. Qui souhaitent bien évidemment un certain retour en échange et qu’un minimum d’équilibre soit respecté car, comme le souligne Thomas Frischknecht dans son interview sur Pinkbike : « Il ne faut tout de même pas oublier que le VTT tel qu’il existe actuellement fonctionne car l’industrie met les moyens nécessaires pour qu’il fonctionne. C’est Scott, c’est Sram, Specialized, Trek et les autres. Ce sont eux, nous, qui mettons les budgets nécessaires à la participation des athlètes aux Coupes du Monde mais aussi aux Championnats du Monde et aux Jeux Olympiques. »

Enfin, cerise sur un gâteau au goût bien amer, un conflit personnel entre Jenny Rissveds et un membre de la fédération vient envenimer le tout. Et est carrément une des principales causes de l’absence de Jenny Rissveds sur les compétitions cette année : « Tout d’abord, ses deux grands-pères sont décédés coup sur coup, ce qui l’a déjà beaucoup affectée, mais Jenny a ensuite énormément souffert de cette situation et de devoir se battre contre sa fédération. (…) Ce n’est d’ailleurs pas correct de parler en mal de l’ensemble de la fédération car le souci repose sur un membre en particulier, le marketing manager de la fédération suédoise, qui terrorise littéralement Jenny depuis un an maintenant. » Dans ces circonstances, Jenny Rissveds ne souhaite pas non plus se rendre à Cairns avec une équipe nationale où l’ambiance est plombée par ce problème, ce qui ne pourrait de toute façon pas déboucher sur un bon résultat.

Nous n’avons certes ici qu’une version, celle donnée par Thomas Frischknecht à nos confrères de Pinkbike, mais elle semble digne de foi quand on connaît les membres de l’équipe Scott. Et voilà en tout cas une bien triste affaire qui nuit gravement à l’intérêt du VTT en général et qui nous prive d’une des principales actrices des épreuves féminines. On espère en tout cas la revoir bien vite sur les courses ! Peut-être le tollé créé autour de cette affaire aidera-t-il a trouver une issue favorable ?

EDIT 16/08 : POC réagit et fait preuve d’ouverture

Suite à cette affaire, nous avons sollicité la réaction de POC, qui vient de nous répondre par la voix de son CEO Jonas Sjögren : « POC est une société suédoise et nous sommes fiers d’avoir un contrat et de travailler étroitement avec la fédération nationale. (…) Comme tous les passionnés et les supporters, nous avons à coeur que les meilleurs athlètes nationaux puissent courir sur la scène mondiale et nous voulons faire le maximum pour les supporter ».

« Les contrats sont quelque chose de compliqué mais nécessaire. Cela fait partie du sport. Mais s’il y a bien une volonté de toutes les parties de discuter de ce problème précis, alors nous avons aussi pour notre part la volonté d’être aussi ouverts et flexibles que possible pour permettre à nos athlètes nationaux de courir au plus haut niveau. Nous avons déjà montré notre bonne volonté de trouver des solutions qui conviennent à tous, notamment en permettant à certains athlètes de courir aux JO avec les équipements de leurs propres sponsors plutôt que POC. Sans hésitation, nous sommes prêts à examiner toutes les options qui permettraient à Jenny Rissveds et aux autres athlètes dans le même cas de courir lors des championnats du Monde » !

Bref, on le voit, POC est prêt à reconduire le même type de « gentlemen agreement qu’en 2016, ce qui avait permis à Jenny Rissveds de courir avec ses propres sponsors lors des plus grands rendez-vous internationaux. Reste à espérer que toutes les parties parviennent à se remettre autour de la table et que la hache de guerre puisse être enterrée entre la fédération et sa championne ainsi que son team.

L’interview intégrale sur Pinkbike : www.pinkbike.com/news/jenny-rissveds-to-miss-world-champs-2017.html

ParOlivier Béart