Marathon | MB Race, « la course la plus dure au monde », dans la roue du team Origine-Vojo
Par Olivier Béart -
« La course de VTT la plus dure du monde », c’est ainsi que ses organisateurs l’appellent ! Chaque année à Megève a lieu cet évènement majeur du calendrier français. En 2024, une fois de plus, près de 2000 concurrents se sont élancés sur la MB Ultra. La distance phare de la course est le mythique 140 km, cumulant 7000 m de dénivelé positif, mais la coupe du Monde se déroulait sur le 100 km. Qu’importe : la MB Race reste une course hors normes, réputée pour sa difficulté et ses pentes abruptes, le tout face au mont Blanc. Le team Vojo-Origine Connection y a pris part. Nous avons suivi Basile Allard et Rémi Groslambert dans cette aventure.
Pour vous plonger dans l’ambiance, commençons par la vidéo !
Ça vous a plu ? Alors on poursuit le récit !
Cette année, la MB Race accueille une nouvelle particularité: elle est le support d’une manche de coupe du monde UCI VTT XC marathon. Au pied du mont Blanc et des Aravis, cette épreuve offre un décor de choix pour cette manche mondiale.
Ce circuit coupe du monde a vu le jour l’an dernier et se compose cette année de trois manches seulement: Nove Mesto (République Tchèque), la MB Race et Lake Placid (USA). Cette manche de coupe du Monde prend place sur le tracé de 100 km.
Basile Allard et Rémi Groslambert, nos deux marathoniens du team Origine Vojo Connection, ont pris le départ de cette course hors du commun!
La MB Race : un peu d’histoire
Pour Basile, notre rookie, c’est la première saison orientée VTT marathon, c’est donc bien évidemment sa première MB Race. Néanmoins, habitant Ugine, à une quinzaine de kilomètres de Megève, il aura à coeur de bien faire sur ses terres! C’est également une première sur un parcours si long et escarpé, il faudra adopter la bonne gestion pour aller au bout!
Concernant Rémi, la relation avec la MB Race est totalement différente. Il compte 4 participations à son actif : vainqueur du 35 km en 2019, vainqueur du 70 km en 2023, vainqueur du 140 km en 2022 et 4ème du championnat de France ayant lieu sur cette même course en 2021. “La MB Race fait partie de mes meilleurs souvenirs sur un vélo, c’est très probablement mon plus beau résultat depuis que je fais de la compétition. L’édition 2022 avait vraiment été un concentré d’émotions, l’aboutissement de beaucoup de travail à l’entraînement et une aventure partagée avec mon entraîneur qui me ravitaillait ce jour-là. »
« Cette course m’avait évidemment marqué par sa difficulté extrême et j’avais beaucoup souffert, notamment dans les 40 derniers kilomètres. Pour moi, la MB Race n’a pas toujours été une réussite. Je pense notamment à l’édition 2021, où je termine 4ème du championnat de France pour ma première participation au format 140 km. J’avais eu beaucoup de regrets avec une gestion de course perfectible et quelques erreurs qui me coûtent le podium pour seulement 3 petites minutes sur un total de 10 heures de course. Cette année, c’est ma première sur le format 100 km et pour être honnête, je ne suis pas mécontent d’échapper aux 140 km. La forme est bonne, je connais le parcours sur le bout des doigts, j’ai un lien particulier avec cet évènement alors j’ai vraiment envie de bien faire !”
C’est parti pour une course qui s’annonce matinale avec un départ à 6h du matin et donc un réveil… bien avant!
Un parcours bien particulier
Comme évoqué ci-dessus, le parcours de la MB Race est extrêmement escarpé. Pour la coupe du monde, ce n’est pas la distance reine qui sera parcourue, mais le parcours des 100 km. Mais ne vous y méprenez pas, ce sera déjà bien assez copieux !
Pour commencer, ce sont quelques kilomètres à plat (les seuls de la course d’ailleurs !!!) pour étirer le peloton qui attendent les concurrents puis trêve de plaisanterie, c’est parti pour 15 km de montée à 10 % de moyenne. Un petit coup d’œil au-dessus de l’épaule pour admirer le lever de soleil sur la chaîne du mont Blanc et aussitôt le regard se fixe sur le compteur pour gérer l’effort à l’aide du capteur de puissance.
En haut du col du Jaillet, même pour ceux qui ont su gérer leur effort, la bascule est tout de même bien appréciée ! S’ensuit une descente rendue technique par le terrain humide, qui a du mal à sécher malgré les quelques jours de beau temps en amont de l’événement.
Passage express à La Giettaz pour récupérer quelques glucides et c’est parti pour la partie “punchy” du parcours, dans la vallée pour rejoindre Praz-sur-Arly.
Quelques passages plus ou moins techniques à négocier et c’est déjà l’heure de retrouver le staff pour le ravitaillement suivant. Pointé à 45 km après le départ, voilà la moitié du parcours avalée.
Si vous en avez déjà plein les cuisses, prenez le temps de souffler, car la suite n’est pas donnée… Mais pour les leaders de la course, pas le temps de s’arrêter. On enchaîne directement avec une montée, et quelle montée ! 10 km pour 1500 mètres de D+. Pour la majorité des coureurs, c’est ici que les dégâts commencent sérieusement. Mais vous ne serez pas déçus : au sommet, une vue à couper le souffle… mais pas pour l’édition 2024, un énième épisode de “sable du Sahara” est venu jouer les trouble-fête. C’est donc dans une ambiance apocalyptique que l’on attaque une descente…
Malheureusement pour les amateurs de sensations fortes, pas de singletracks ou de bike park, on trace droit dans la pente en alternant pistes de ski et pistes 4x4… Dommage.
En bas, retour sur la ligne de départ avec l’heure du choix fatidique : prendre une bonne douche ou repartir pour un tour vers le 100km ? Pour les pilotes UCI, aucune question ne se pose : on prend deux gels et il faut repartir !
D’emblée, on attaque des côtes aux pourcentages mettant presque en défaut l’adhérence des pneus lisses montés pour privilégier le rendement. On enchaîne ces taquets jusqu’au plateau de Joux où l’ultime montée finale nous attend. C’est une montée mettant à mal aussi bien les jambes que le mental. En effet, le paysage relativement dégagé laisse entrevoir le bout de l’interminable ascension. Et si l’on se concentre un peu, on peut apercevoir les pilotes devant nous monter en zigzaguant !
Ouf ! La dernière difficulté est franchie, tout schuss vers l’arrivée ! Eh non, la fourberie du parcours vient briser notre élan avec deux kilomètres de montées à franchir, un calvaire mentalement où l’organisme est meurtri par les heures passées sur la selle… Mais promis, vous oublierez vite cet ultime effort. Une descente des plus plaisantes s’offre à vous jusqu’à l’arrivée. 100 % naturelle, alternant goulets, racines et quelques drops, on comprend mieux pourquoi le sourire s’invite en franchissant la ligne d’arrivée.
C’est (enfin) fini : 5h07 pour les premiers, 12h30 pour les derniers concurrents, un défi de toute une vie !
Mais attendez, certains ne s’arrêtent pas ! Oui, vous avez bien raison, ce n’est pas une erreur de trace GPS : les plus aventureux d’entre vous pourront continuer sur 40 kilomètres, et ceux qui ont déjà bouclé les 140 km le savent, ces kilomètres supplémentaires ne sont pas donnés ! Mais pour nous, 100 kilomètres furent amplement suffisants pour la journée.
Le vélo idéal pour la MB Race
Dans l’équipe, vous l’aurez compris, depuis le début de la saison, nos deux pilotes ont des styles de pilotage différents. Et cela se ressent directement dans les choix de matériel.
Côté châssis, pour Rémi, aucune question ne se pose. Adepte du semi-rigide, il serait prêt à rouler avec sur un tracé comme Nove Mesto.
Sur un parcours comme celui-ci, où les montées s’enchaînent à une allure effrénée, la légèreté est primordiale. Son arme a donc été le Théorème semi-rigide.
Pour Basile, le choix était moins évident. Sa priorité a finalement été de garder ses repères et sa position pour minimiser les risques de blessure et de douleurs. Pas de surprise, le Théorème FS était de sortie.
Pour le reste des composants, une seule vérité : le poids… tout en préservant le minimum vital de fiabilité. Carcasses light pour les pneumatiques, visserie optimisée, pas d’inserts en mousse sur le train roulant, et le minimum vital pour réparer attaché au vélo. Comme on dit, ça passe ou ça casse.
Au niveau du choix des développements, des dentures de deux à quatre dents inférieures ont été montées pour limiter les douleurs musculaires et anticiper la baisse de fraîcheur tout au long de l’épreuve
La course vue de l’intérieur
Pour Basile, l’instinct guide sa manière de courir. Et il n’est pas avare au moment de vous faire part de son ressenti de course : “Suivre mes sensations, essayer de prendre les bonnes roues dès le départ, quitte à en payer le prix plus tard, c’est ce que j’affectionne.
Et même si le profil de la course aurait pu me rendre plus prudent, les bonnes sensations du jour m’ont conduit à prendre une toute autre décision. Ainsi, pointé dans le groupe pour la dixième place au deuxième ravitaillement, l’euphorie du début a laissé place à des muscles bien raides et à des sensations préoccupantes pour la suite, notamment dans la longue montée suivante. Comment rallier l’arrivée alors que je n’en suis qu’à mi-course?
À partir de ce moment, le mode “gestion” (ou “survie”?) a été enclenché. Je vous l’accorde, si loin de l’arrivée, ça allait être long… et ça l’a été! Malgré quelques timides retours de jambes décentes, l’illusion a laissé place à une longue traversée du désert, surtout sur le plan mental.
Je me rassurais comme je pouvais. Visiblement, le matériel souffrait autant que moi. Il doit d’ailleurs rester quelques copeaux de métal Shimano en haut du Mont d’Arbois. (rires)
Les dernières forces de mon corps épuisé ont été utilisées pour me faire plaisir en descente. Tellement plaisir que le retard, jugé irrattrapable sur le pilote de devant, a été comblé en une seule descente!
Pour clôturer la course, et ne rien regretter, n’ayant pu le distancer directement après la jonction dans la descente, un sprint avec le Suisse Cassey South a servi de juge final. Déjà pas un fin sprinteur de base, après un parcours si éprouvant, j’ai dû m’incliner pour finir à la 22ème place.
Je peux vous le dire, je ne sais pas si c’est la course la plus dure au monde, mais c’est sans aucun doute la plus difficile que j’ai jamais faite. Je n’ose même pas imaginer ce que cela doit donner dans des conditions humides ou sous l’orage, comme l’ont vécu les concurrents des dernières vagues.
N’oublions pas que tout le monde est « à bloc ». Même si ce n’est pas à la même vitesse pour chacun, les premiers restent 5 heures dans la zone rouge, tandis que d’autres y passent plus de 12 heures…
Pour Rémi, le plan de course n’est pas le même que Basile: “J’ai mes petites habitudes sur cette course, j’aime appliquer ma gestion de diesel. C’est un mix entre l’écoute de mes sensations et la gestion de mes watts grâce à mon capteur de puissance. L’idée consiste à partir un petit peu plus doucement en limitant les dégradations musculaires afin de durer le plus longtemps possible à cette intensité. 6h du matin, le départ est donné ! Je prends un bon départ et je me cale au bon tempo dans la première montée, laissant filer progressivement les furieux du groupe de tête. J’ai des sensations correctes pendant la première heure, je commence progressivement à remonter sur le haut de la première montée puis dans la première descente. On m’annonce 40ème à la Giettaz après 20 km.
Dans la deuxième montée, c’est un peu plus poussif mais je ne m’affole pas, la course est encore longue, il y aura forcément des passages plus compliqués que d’autres. Dans la longue montée d’une heure à partir du km 45, j’ai un état de fatigue avancé, c’est très étrange, je suis certain de ne pas être parti trop vite. Je continue de rattraper des concurrents mais je ne me sens pas bien du tout et j’ai du mal à m’alimenter comme je l’aimerais. Je fais le dos rond, je reste dans ma bulle, ça va sûrement passer dans les prochains kilomètres. Je vois Loïc “Swiss Mullet” à moins d’une minute devant, ça me motive, je reste combatif.
Au km 70 à Megève, je suis mal en point. À partir de là, je suis vraiment en mode “survie”, je suis totalement en défaillance. Je m’alimente bien mais je suis au bout du rouleau, je suis incapable de maintenir mes watts.
Mon plan initial tombe à l’eau et la remontée prévue à partir de mi-course s’envole. Ma seule mission est de regagner l’arrivée sans abandonner, et vu l’état du bonhomme ça n’est pas gagné…
Je n’ai jamais été aussi mal aussi loin de l’arrivée. La dernière montée est interminable, je suis au supplice même dans un rythme très bas.
Je profite de la dernière descente pour reprendre trois places grâce à une meilleure aisance technique que mes adversaires et je franchis finalement la ligne en 31ème position, loin de mes espérances. Je suis complètement lessivé et très déçu…”
L’heure du bilan
Pour Basile, la course s’est donc plutôt bien passée ! Il a su prendre le bon wagon et a réussi à ne pas trop craquer en fin de course. C’est une solide performance pour une première sur ce genre de format. Pour Rémi, l’expérience n’a pas suffi à combler les jambes d’un mauvais jour, ça n’est que partie remise.
Du côté matériel, nous n’avons eu aucun souci, l’un comme l’autre ! Nous avions des pneus pour conditions sèches (Hutchinson Python Race et Skeleton) et ce choix s’est avéré judicieux. Il y avait quelques passages boueux et glissants mais le temps perdu est très faible comparé aux nombreuses secondes gagnées sur les longues pistes sèches en montée. Nous avions également pris quelques risques en choisissant les carcasses les plus légères mais finalement nous n’avons eu aucune crevaison à déclarer et les grammes économisés étaient un vrai atout en montée.
Basile était très à l’aise sur son tout-suspendu et était l’un des plus rapides du jour en descente avec de très beaux chronos et beaucoup de places de gagnées. Rémi ne regrette pas le choix du semi rigide qui lui a permis d’être très à l’aise dans les longues ascensions. C’était d’ailleurs le choix de bon nombre des premiers sur la ligne d’arrivée. Le plateau de 32 dents était optimal également, pour garder une bonne cadence dans les montées raides et se préserver musculairement sans être trop pénalisé sur les parties roulantes. Tous nos paris ont donc été payants !
Après près de 6 heures de vélo dans les montagnes autour du mont Blanc, nous ne pouvons pas vous dire que c’est la course la plus dure du monde mais ce qui est certain, c’est qu’elle nous en aura fait baver. Les longues ascensions répétées, la densité de niveau et les passages en altitude font de cette course un sacré défi, qu’on y participe avec un objectif de résultat ou simplement pour devenir finisher ! Du côté de nos deux compères du team Origine Vojo Connection, on se retrouve dès mercredi sur l’Andorra Epic, course par étapes de 4 jours ayant lieu comme son nom l’indique en Andorre.
Plus d’infos sur la course 2024 dans notre reportage général sur cette manche de coupe du monde marathon :
WC XCM #2 – Megève : Paez et Njemcevic au sommet
Plus d’infos sur la MB-Race : https://mb-race.com/
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