Les chemins des saveurs : le Canton de Fribourg, pays de cocagne

Par Pierre Pauquay -

  • Staff pick

  • Nature

Les chemins des saveurs : le Canton de Fribourg, pays de cocagne

Dans le Canton de Fribourg, la nature a bien fait les choses. Dans cette région des préalpes, la terre se montre généreuse : les prés et les herbes bien grasses offrent aux vaches bien dodues un pâturage de qualité. Il en ressort un lait qui apporte toute la saveur d’un fromage mondialement connu, le Gruyère AOP. La région se décline aussi en notes plus sucrées avec le chocolat Cailler, cet autre patrimoine gustatif du Canton de Fribourg. A VTT, Vojo est parti rouler sur ces chemins des saveurs !

Cet automne, notre gourmandise insatiable nous a conduits dans le Canton de Fribourg, plus particulièrement du côté de la Gruyère. En ce mois d’octobre, l’automne explose de mille couleurs. Après les longues journées et les lumières chaudes de l’été, la nature se décline en notes rousses et rouges. L’automne offre une profusion de couleurs à la montagne qui n’est jamais aussi belle que lors de cette période. Et quel plaisir de découvrir en cette fin de saison la région de la Gruyère, un territoire généreux de traditions culinaires.

L’image d’une Suisse éternelle

Notre fil d’Ariane pour la découverte du canton se basera sur la route VTT balisée « Panorama Bike » que nous allons emprunter peu après Plaffeien, à Zollhaus. Dès le départ, on se rend vite compte de la qualité du balisage : nous nous y fions et regardons le paysage au lieu d’être rivés sur le petit écran du gps afin de suivre notre progression.

Les cascades du torrent Muscherensense nous portent vers un des joyaux du Canton. Le romantique Lac Noir est lové dans les préalpes fribourgeoises et appartient au district germanophone de la­ Singine.­

 

Ses reflets bleu foncé ou noir de jais sont en perpétuels contrastes aves les couleurs vives des prairies que nous longeons. Au bout du lac, l’itinéraire rejoint les pentes sévères. Pour accéder aux alpages, les paysans ont recouvert le chemin de treillis en béton afin que les véhicules puissent s’accrocher sur ces pentes improbables. Et il est vraiment difficile de rester sur le vélo sans mettre pied à terre. Nous nous arc-boutons sur le cintre, le torse en avant et nous nous hissons avec peine, à faire exploser nos poumons jusqu’à la ferme-auberge de la Balisa. C’est par là que passe le charroi pour l’estive.

Dans le pays, le terme « poya » fait référence à la montée des troupeaux bovins et carpiens vers l’alpage. Ce jour-là, tous les villages sont en fête. Les façades des fermes s’ornent de peinture illustrant leur propre troupeau, fierté de l’éleveur. Les traditions vivantes du Canton de Fribourg sont encore largement ancrées dans la vie quotidienne de sa population.

A contrario, la désalpe est le voyage inverse des bêtes qui reviennent dans la vallée après quatre mois de vie aux alentours de l’armailli, le chalet de la famille situé en altitude. Nous longeons l’un d’eux avant de basculer sur l’autre versant.

Au pied des Alpes

Passé le col, le paysage se dévoile, plus tourmenté. D’un pays de colline, nous entrons dans un milieu plus montagnard. Peu après la bergerie de Grattavache Dessous, nous traversons un alpage : cette fois, nous sommes heureux d’avoir pris nos VTT et non nos gravel. A l’orée, le sentier n’est que caillasse et les suspensions tapent. La vallée s’élargit, nous voici au cœur d’une montagne humanisée où les hommes ont façonné un paysage doté de courbes harmonieuses. Grâce à l’agriculture qui se perpétue depuis des siècles, le val-de-Charmey offre une alternance d’alpages, de prairies de fauche, de pâturages.

Et La Chartreuse de la Valsainte n’est pas étrangère à ce paysage. L’histoire du val de Javroz et de sa forêt est liée à celle des moines du Moyen Âge qui la défrichèrent à la cognée. Des solitaires, des ermites trouvèrent dans cette région inhospitalière la source de leur recueillement, de leur recherche de l’absolu et de leur renonciation à tout bien matériel. La Chartreuse de La Valsainte fut au XIIIe siècle un îlot de pensées et de rayonnement au cœur de cette région sauvage.

Le pays du Gruyère

La palette de tonalités vertes étonne. Les yeux perdus dans ce décor apaisant, avec les sommets gruériens en point de mire, nous entrons dans le pays du Gruyère. L’itinéraire nous gratifie ici et là de sympas singletracks, lisses et aisés. Tout au long de la traversée de la vallée, des chalets d’alpage en toits de tavillons la parsèment. Depuis des générations, dans ces îlots de vie au cœur de la montagne, l’homme produit un savoir-faire ancestral, le Gruyère et le Vacherin, labellisés AOP.

Au milieu de l’étape, Fred de Fride nous a rejoints. Cet ambassadeur du VTT dans le Canton de Fribourg va nous accompagner, nous raconter l’histoire et le patrimoine de son pays.

Il nous explique qu’il n’existe pas de morte saison. La montagne est accessible bien au-delà de l’été et la pratique du VTT peut s’effectuer bien tard dans l’année. Si les bêtes vont bientôt redescendre, les activités au sein de la myriade de ferme ne vont pas s’arrêter pour la cause. Le Gruyère AOP et le Vacherin Fribourgeois AOP sont un lent processus de transformation. Si les outils de travail ont évolué, le métier n’a guère changé. Les affineurs portent à maturité ces délices. La production de fromage dans le Canton de Fribourg remonte à l’an 1115. Et il va conquérir l’Europe puis le monde via les ports de Gênes et de Marseille. De nos jours, il est entré dans le langage universel. Chaque année, plus de 190 tonnes de Gruyère AOP sont ainsi produites.

Quand VTT rime avec gourmandise

L’itinéraire est aisé : il nous mène le long de la Sarine et offre un peu de répit avant le long dénivelé qui nous attendra après Gruyères, vers les sommets du Moléson, soit près de 1.000 m d’ascension.

En découvrant les paysages si verts et les herbes bien grasses, on se doutait bien que les vaches allstein produisaient du bon lait. Ce qu’avait bien compris Alexandre-Louis Callier qui établit au XIXe siècle sa chocolaterie familiale, à Broc. Depuis le village charmant de Crésuz, le single nous mène au village où se situe cette plus ancienne chocolaterie de suisse qui a inventé la recette du chocolat… au lait. Depuis plus de deux siècles, la chocolaterie Callier confectionne, à partir de lait entier de la région certifié IP-suisse et de fèves de cacao équitable, du chocolat onctueux doté de cette texture unique, marque de fabrique de la maison Cailler.

Au cœur du Moyen Âge

Toutes ces odeurs titillent nos papilles gustatives. Un vrai bouquet de saveur que nous nous empressons de goûter à Gruyères, une petite cité mondialement connue. Après une rue en pavé rejoignant les murailles, nous atteignons la cité qui possède un charme incomparable.

En cette fin de mois de septembre, l’été rayonne toujours. Gruyères est une pépite au milieu d’une vallée. Située sur une butte, la petite cité attire nombre de visiteurs venus du monde entier.

Ses ruelles tortueuses en pavés évoquent une atmosphère médiévale et impossible de faire l’impasse sur le château-fort datant du XIIIe siècle. Il est l’inspiration idéale pour les illustrations des contes de fées. Et il nous invite à un voyage de huit siècles d’histoire.

La naissance de la ville daterait du Ve siècle quand le roi des Vandales, Gruerius, aurait fondé sa ville. Dans la ruelle commerçante, il nous est impossible de ne pas passer à côté : sur l’une des terrasses, nous goûtons à la fameuse fondue moitié-moitié, composée de fromage de Gruyère et du Vacherin de Fribourg, un must !

A Gruyères, l’an prochain, du 6 au 8 septembre 2024, se dérouleront les épreuves de X-country du challenge suisse ÖKK Bike Revolution, mis sur pied par Nico Schurter au coeur de la cité. « Au sein de l’événement, pour le grand public, deux courses seront organisées au coeur de la cité médiévale, la Gusto Ride et la Gusto Brunch… » nous rappelle Fred, organisateur de l’événement.

En quittant Gruyères, nous effectuons un tout petit détour vers Pringy, poursuivant ainsi l’aventure sur cette route des saveurs. Nous voilà face à la brasserie du Fou où nous accueille Marie Tunz : une douce folie que d’avoir pu lancer cette brasserie très sympa. Marie insiste sur son choix d’ingrédients 100% suisses et elle est fière de travailler avec ces producteurs locaux, telle la houblonnière de Payerne.

L’eau provient bien sûr de la montagne en arrière-plan, le massif de Moléson que nous rejoignons via une longue ascension. La côte s’effectue en grande partie sur route goudronnée.

 

Le parcours date de 2008 et Fred va lui donner un coup de jeune l’an prochain, brossant ici et là ces portions de routes. Il va privilégier les traces naturelles dans l’alpage.

Dans un pré, Fred se laisse griser par la vitesse en piquant droit dans la pente. Après la traversée de Moléson, une petit station de ski un peu désuette, la partie n’est pas close. Nous allons chercher le sommet du Plan-Francey. Ces « petits » sommets ronds restent redoutables : l’ascension nous use et aura eu raison de notre état de fatigue en fin de randonnée.

Dans les derniers kilomètres, nous rencontrons des paysages jurassiens où le calcaire émerge : cela secoue dans tous les sens. Peu après les Paccots, fin de l’étape, les préalpes se couchent vers l’ouest et se diluent dans le lac Léman. Une fin en douceur comme fut cette traversée d’une montagne accueillante, riche en découvertes savoureuses !

  • Carnet pratique
  • Le Panorama bike est un itinéraire en ligne reliant le lac de Constance au lac Léman, long de 450 km. Lors de cette journée, nous avons parcouru les étapes 12 et 13, passant dans le pays de la Gruyère.
  • https://www.myswitzerland.com/fr-be/decouvrir/route/panorama-bike-9/
  • Les étapes
  • Etape 12 : Schwarzsee – Charmey : 15 km, 500 m D+
  • Etape 13 : Charmey – Les Paccots : 25 km, 1400 m D+
  • Retour en transport en commun
  • Le retour vers Schwarzsee peut s’effectuer en train et en bus à partir de Châtel Saint-Denis, le village situé en contrebas des Paccots.
  • De Châtel-St-Denis Gare à Bulle Gare: train (trajet 26 minutes)
    De Bulle à Fribourg: train (trajet 35 minutes)
    De Fribourg à Schwarzsee: bus (trajet 50 minutes). Départ Fribourg, gare routière. Arrivée Schwarzsee Gypsera
    Durée totale du trajet, 2h08
  • Gravel ou VTT ?
  • En l’état actuel, ces deux étapes sont praticables en gravel, exceptés quelques passages techniques. La difficulté en gravel pourrait provenir des pourcentages élevés des ascensions : les développements ne sont guère appropriés.

 

ParPierre Pauquay