Le ghetto sort de l’ombre : découverte des pistes de Crozet

Par Paul Humbert -

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Le ghetto sort de l’ombre : découverte des pistes de Crozet

Imaginez un spot de vélo d’enduro sur les pentes ensoleillées du Jura, à quelques minutes de Genève et à moins d’une heure de l’agglomération d’Annecy et de Lausanne. Imaginez un spot sur lequel il serait possible de rouler presque toute l’année quand il n’y a pas de neige, et au sommet accessible en remontée mécanique. Ce spot, c’est à Crozet (01) qu’il se trouve, et c’est sur les pistes tracées par l’Enduro du Ghetto qu’on découvre en avant-goût des tracés qui accueilleront, entre autres, la Jura Sick Race. 

Imaginez qu’on vous propose de passer « une journée au ghetto ». Quand on manque de contexte, ça peut surprendre, mais nous n’avons pas hésité à bloquer cette date dans notre agenda. L’enduro du ghetto, c’est une association de riders active dans le Jura. Un pied au paradis du Comté, l’autre au bord du lac Léman. 

À leur actif, ils ont l’organisation d’une course d’enduro, devenu challenge sans chrono, de nombreuses créations de pistes et pas mal de soirées qui ont, d’après les propos qu’on nous a rapportés, le même attrait que les pistes qu’ils ont tracées. 

Ce n’est pas le sujet du jour, mais de l’autre côté de la montagne, on retrouve une autre partie de la communauté des vététistes jurassiens : les organisateurs de l’enduro de la pipe, anciennement enduro Jura, et tous les sentiers qui vont avec. 

Et devinez qui fait le lien entre tout ce beau monde ? François Bailly-Maître. Le jurassien a le bon goût d’être présent dans les deux associations, en plus d’avoir ouvert un beau magasin/café vélo à Lajoux, point de départ des journées guidées qu’il organise également. 

Mais revenons à notre Ghetto. Ce qui rend notre reportage intéressant, c’est qu’on a rendez-vous au pied des remontées mécaniques des Monts Jura, sur la commune de Crozet. À 9h, quelques skieurs se présentent sans conviction en direction du sommet, mais pas une trace de neige à l’horizon. Exceptionnellement, nous avons la permission d’embarquer pour une journée à destination des sentiers. 

À quoi bon nous donner accès à ces télécabines si elles ne sont accessibles au public que pendant l’été ? Tout simplement parce que l’exploitation prévoit d’augmenter la plage d’ouverture de ses télécabines aux VTT et d’investir plus largement dans le développement et l’entretien des sentiers. Rien n’est fixé pour le moment, mais on parle d’ouvertures au printemps, quand tous les bike parks « traditionnels » sont encore sous la neige. C’est un avenir 4 saisons qui se dessine à Crozet et on est les premiers à encourager cette démarche à l’heure où le « tout ski » a de moins en moins de sens à basse altitude. 

À Crozet, la première remontée mécanique, celle qui nous concerne, ne dessert pas directement les pistes, mais donne accès à un second télésiège, qui lui vous lance ski aux pieds sur la montagne. La partie basse ne présente ainsi pas de « conflit d’usage » avec les skieurs ou le matériel d’exploitation des pistes. Il faut toutefois prendre en compte qu’on est en bord de réserve naturelle et qu’il n’est pas possible de déborder des sentiers dans cette dernière. 

Avec une vingtaine d’adhérents et des journées « shape » organisées rassemblant un bon troupeau, la bande de potes du Ghetto fédère et a donné naissance à un peu moins d’une dizaine de pistes sur un dénivelé de 600 à 700 mètres. La portion basse du dénivelé, qui compte le plus de traces, est également accessible facilement « à la pédale » sur les 350 premiers mètres de dénivelé positif.

Avec la carte « hors saison » que la station s’apprête à jouer, l’entretien et la sécurisation des pistes devraient monter d’un cran, et il se murmure même qu’une piste de slopestyle « made in Guetto » serait en préparation pour la fin d’année 2024. Les ouvertures en « aile de saison » comme on dit dans le tourisme, offrent la possibilité d’accéder facilement aux pistes côté Crozet, mais en plein été, on peut descendre jusqu’à Lélex, de l’autre côté de la montagne, et découvrir une nouvelle série de pistes au terrain bien différent. 

On nous met au parfum :  « Tu verras, ici ça roule parfaitement en hiver, et en été c’est presque trop sec, on va rouler côté Lélex. » 

Les évènements enduro du Jura 

Preuve que la communauté jurassienne est dynamique, on retrouvera début aout 2024 le « Challenge du Ghetto », visant à parcourir, sans chrono, les 13 pistes tracées, des deux côtés de la montagne. Et au printemps, sur les pistes de Crozet, s’organisera la « Jura Sick Race ». Le nom vous dit quelque chose ? La première édition a eu lieu l’année dernière et Thomas Lapeyrie s’est jeté dans la boue pour Vojo. Cette année, le rendez-vous est donné les 6 et 7 avril. 

Le format prévoit un chronométrage sur 3 spéciales le samedi permettant de vous mettre « en grille » le dimanche matin pour une mass-start au départ sur neige. La seconde remontée mécanique qu’on évoquait plus haut est exceptionnellement ouverte pour l’occasion pour plus de 1000m de dénivelé. Une fois le chrono arrêté, tout le monde peut ensuite profiter des pistes de Crozet pour le reste de la journée. 

Les pistes d’enduro de Crozet  : La Tralala, la Sensible, la Pôle, la Vino Rosso, la Jointure, DH, Paco, Pichte

Pour découvrir les pistes de Crozet, on est en présence de Jonathan, également appelé « Monsieur le président du Ghetto », de François Bailly-Maître et de son associé au magasin Anthony. La pilote d’enduro Morgane Charre rejoint la troupe pour un combiné découverte/entraînement en vue de la saison 2024 qui approche. 

On doit vous avouer quelque chose : le Jura, ça nous fait peur quand c’est gras. Le jour de notre passage, nous devons toutefois avouer que le grip était parfait. On garde à l’oeil ces petits cailloux blanc qui savent nous surprendre quand c’est mouillé, mais cette fois-ci, ils nous ont épargnés. Les pistes ont été tracées avec soin et nous en tiennent partiellement à distance. On prendra nos précautions si des nuages sont annoncés lors de notre prochaine visite, mais c’est déjà une bonne surprise. 

Avec un nom comme « l’enduro du ghetto », un slopestyle annoncé pour 2024, on doit dire qu’on était un peu anxieux à l’idée de nous lancer : allions-nous réussir à faire face ? C’est encore une fois le miracle jurassien qui fait son oeuvre, et le ghetto a su se faire doux comme un agneau en proposant des pistes offrant beaucoup de mouvements de terrain, sans plonger excessivement dans la pente, et faisant la part belle au pilotage. 

On ne dira pas que les pistes sont adaptées aux grands débutants, mais il est loin de falloir un niveau de pro pour s’amuser quand c’est sec. La partie haute, commune au départ de toutes les pistes, va même être retravaillé pour être rendu encore plus accessible.

Avant d’entamer un petit repas léger, version ghetto, nos regards croisent ceux des quelques skieurs qui glissent péniblement sur une langue de neige qui fond à vue d’oeil. Les deux camps sont amusés de la présence de l’autre et on se retrouve tous autour d’une fondue avec une vue imprenable sur les alpes, le massif du mont Blanc et le lac Léman. 

Dans la roue de nos guides, on découvre plein de combinaisons entre les différentes pistes, ce qui a le double effet de nous perdre complètement et de nous donner l’impression d’avoir des dizaines de tracés à découvrir. 

Au fil de nos découvertes on passe à côté de gros sauts, doubles et step-up qu’on observe à distance, mais on se retrouve ensuite au départ d’une piste qui enchaîne des sauts à taille beaucoup plus contenue et vraiment accessibles. Pas d’élitisme, ici tout le monde peut s’amuser.

Sur les pistes, pas une flaque de boue, et les locaux connaissent les premiers gestes de sauvetage pour ramener à la vie un dérailleur ayant croisé des rayons de trop près.

Cela fait près de 7 ans que l’association du Ghetto travaille et façonne les sentiers à coups de pelle et de pioche. Quand on pose les roues dessus, on le ressent à chaque virage. Rien ne tourne « carré » et le rythme à basse comme à haute vitesse est le témoin du travail d’un groupe de shapers expérimenté. On ne retrouve pas ça partout, et c’est suffisamment rare pour être remarqué.

Le sourire au visage, on boucle notre découverte d’un spot qui était sur notre radar depuis un bon moment. C’est Morgane qui aura le dernier mot en prenant rendez-vous au printemps pour la Jura Sick Race ou une journée de vélo sans chrono. Promis, on ira voir ce qui se passe du côté de Lélex, mais toujours sur les pistes du Ghetto ! 

Les réseaux de l’enduro de Ghetto / La Jurasick Race 2024 /Le récapitulatif 2023 de la Jurasick / La station des Monts-Jura . 

ParPaul Humbert