La TransMadeira 2021 avec Jérôme Clementz

Par Léo Kervran -

  • Nature

La TransMadeira 2021 avec Jérôme Clementz

5 jours d’enduro sur une île au milieu (ou presque) de l’océan Atlantique, ça vous tente ? C’est l’idée à l’origine de la TransMadeira, une course d’enduro par étapes. L’édition du printemps 2021 s’est tenue il y a quelques semaines et Jérôme Clémentz était de l’aventure. Il nous raconte sa semaine :

Avant de laisser la parole à Jérôme, une petite présentation de la TransMadeira s’impose. Comme son nom l’indique, la course se tient à Madère, plus précisément sur l’île principale de l’archipel éponyme situé dans l’océan Atlantique, au large du Maroc.

L’île de Madère s’étend sur 57 km de long d’est en ouest et culmine à 1 862 m, au sommet du Pico Ruivo. L’archipel dépend depuis le XVe siècle du Portugal, et dispose du statut de région autonome (au même titre que les Açores) depuis 1974.

L’île est de plus en plus connue pour le VTT (de préférence le gros vélo) et elle accueille régulièrement une manche des EWS. Lors de la dernière édition, en 2019, Isabeau Courdurier et Martin Maes s’étaient imposés. Cette fois, on parle de la TransMadeira et le format est tout autre puisque l’épreuve compte 5 jours de course, chacun long de 30 à 50 km pour 2800 m de dénivelé négatif et 900 m de positif en moyenne.

Comme d’autres aventures du genre (la regrettée TransProvence par exemple), l’organisation a fait le choix d’un nombre limité d’inscriptions pour garder un évènement à taille « humaine » et créer un véritable effet de communauté pendant la semaine. Ainsi, il n’y a que 140 places et tout le monde dort sous tente au même endroit. Il est maintenant temps de laisser la place à Jérôme. Bon voyage !

Jour 0

Tout d’abord, quelle sensation agréable que de faire à nouveau ses bagages, d’emballer son vélo et de se préparer pour une nouvelle aventure ! J’ai vraiment apprécié le temps passé à rouler autour de mes sentiers natals, mais découvrir de nouvelles traces et des courses sur un sol différent commençait à me manquer.

A ce sujet, chapeau à l’équipe de la Transmadeira et au gouvernement pour avoir travaillé ensemble afin d’organiser un événement sûr à ce stade de la pandémie. Grâce à eux, 115 coureurs de 24 pays ont pu se retrouver autour de Funchal pour le premier événement européen d’enduro par étapes de 2021. L’ambiance était au beau fixe sur la plage de Funchal où nous nous sommes tous rassemblés avant le départ de la course.

Pas de câlins ou de grandes embrassades de retrouvailles en raison du protocole sanitaire, mais ça se voyait bien que tout le monde était heureux de se rencontrer sur cette belle île et d’échanger dans la vraie vie plutôt que sur les réseaux sociaux.

Ensuite, il est temps de récupérer le paquetage de course, de trouver la tente et de préparer le vélo (et le pilote) pour le premier jour d’exploration de l’île. 5 grosses journées sur le vélo nous attendent, on a besoin du plein d’énergie donc tout le monde va se coucher après le briefing. La fête attendra !

Jour 1

Sur la TransMadeira, chaque jour commence par une navette vers le sommet. 2 bus et quelques camions amènent les riders et les vélos au sommet de l’île pour passer plus de temps sur les sentiers pendant la journée, et quand on voit la pente de la route, on est bien content de la faire en navette !

La première spéciale, Parque Ecologico, est présentée comme un échauffement pour la semaine. Dans l’herbe avec des fleurs tout autour, c’est une piste de style bikepark avec des virages relevés, de la poussière et une pente douce.

De quoi mettre tout le monde à l’aise sans trop de pression, mais en mode course, ça brûle vite les jambes comme les poumons et cela permet de voir qui seront les pilotes en forme cette semaine.

La descente de la spéciale 2 permet de comprendre pleinement ce qu’est l’île : la diversité. En descendant sur le côté nord, on peut sentir l’humidité et la boue remplacer la poussière, c’est un peu plus raide et glissant mais rien de trop agressif pour le jour 1.

Habituellement, quand on descend plus bas, ça devient plus sec, mais malheureusement il pleut un peu aujourd’hui et les pistes restent glissantes, mais toujours amusantes. La pluie reste modérée mais ce n’est pas forcément mieux, la boue n’est pas très liquide et a tendance à rester coincée dans les pneus, ce qui engendre quelques glissades et figures de style pas toujours très contrôlées !

Ça fait quelque chose à raconter à la fin de la spéciale et très vite, on entend des rires derrière chaque ligne d’arrivée, comme chacun se raconte ses moments chauds et autres sauvetages invraisemblables.

Après un nouveau passage en navette et une belle traversée, nous sommes de retour au soleil, prêts pour l’une des spéciale les plus célèbres de l’île : Boca do Risco. Même si vous n’êtes jamais allé à Madère, vous avez probablement déjà vu la photo d’un pilote le long de cette crête surplombant la mer. On a vu pire pour terminer la journée !

Jour 2

En regardant le ciel et les nuages coincés dans la montagne depuis la tente installée sur la plage, on se dit qu’on a encore une toute petite chance de rester au sec aujourd’hui, mais la route vers le départ va ruiner tout espoir. Aujourd’hui, ce sera pluie battante toute la journée !

Parmi les riders, bien peu sont confiants avant d’affronter la tristement célèbre « glace noire » de Madère. Finalement, la pluie est si forte que nous ne l’affronterons pas vraiment aujourd’hui. La boue est tellement liquide que les pneus restent propres et c’est en fait assez fun à rouler ! La seule chose vraiment traître, c’est le « Serpent brun », autrement dit les racines !

La météo ne s’améliore pas, il fait froid et nous sommes vite trempés. Après 2 spéciales, les organisateurs décident donc de sauter quelques étapes pour garder tout le monde en vie et nous filons directement vers la descente finale sur Funchal.

Le temps est nuageux, pluvieux, tout le monde a froid mais à part quelques problèmes mécaniques, tous les coureurs finiront la journée sur la plage au centre de la capitale. Lorsqu’on s’inscrit à ce genre d’événement, on est conscient que ce sera parfois difficile, mais il en faut plus pour nous faire abandonner.

En plus de cela, les organisateurs savent comment prendre soin des pilotes avec un bon ravitaillement, une douche chaude, une assistance mécanique, un massage et une excellente nourriture au camp de base lorsque nous revenons de la montagne. C’est aussi pour cela qu’on vient à la TransMadeira !

Jour 3

Cette fois on passe aux choses sérieuses et une longue journée nous attend : la traversée de l’île du sud au nord !

Départ pour le Pico de Arieiro, le 3ème plus haut sommet de l’île à 1818m. En haut, on découvre avec surprise que le sol n’est pas boueux grâce au vent. Pas complètement sec non plus mais juste ce qu’il faut pour profiter d’une adhérence incroyable. C’est le moment d’ouvrir en grand !

La première spéciale est assez brute, il y a même un peu de navigation. La deuxième est en revanche beaucoup plus flow et rapide, entre prairies ouvertes et forêts d’Eucalyptus. La différence avec le jour 2 en termes de conditions est impressionnante et ce n’est que le début.

En effet, la véritable aventure commence seulement. Devant nous, une « balade » de 40 km en montagnes russes à travers une partie de l’île où il n’y a pas de route et que peu de gens connaissent. Ici, on a tous entendu des histoires sur cette partie épique de la TransMadeira et même si elle ne compte pas pour le classement, c’est certainement l’un des meilleurs moments de la semaine et l’une des raisons pour lesquelles on s’inscrit à cet événement.

Cela commence par un portage / poussage de 1000 m de dénivelé, puis 10 km de montées et descentes qui s’enchaînent le long des nevadas, des canaux qui amènent l’eau depuis la montagne jusqu’aux villages . On mesure le travail réalisé par les habitants pour améliorer leur mode de vie et c’est impressionnant.

Une rapide pause pique-nique lorsque nous traversons la route, quelques encouragements de l’organisation et nous repartons pour la suite de l’aventure. Encore plus de nevadas mais aussi quelques tunnels !

On nous avait en effet demandé d’apporter une lampe frontale afin de pouvoir marcher dans des tunnels pendant 10-15 minutes et accéder aux 2 dernières spéciales. Le moment est unique, il n’y a plus de course dans notre tête, juste des amis heureux de partager une expérience exceptionnelle dans une région magnifique !

La spéciale 3 est la plus éloignée, la plus récente et probablement la meilleure spéciale que j’ai jamais faite, il suffit de regarder les photos et certaines vidéos pour s’en faire une idée.

Une fois en bas, il nous reste encore une montée puis une autre longue spéciale avant d’en finir avec ce jour 3. Comme une récompense, le staff nous attend à l’arrivée de la dernière spéciale avec une bière pour célébrer cette grande journée. On savoure, puis nous retournons au camp pour nous reposer, manger et boire d’autres bières !

Jour 4

En fait, deux jours en un car le matin est très différent de l’après-midi. Nous commençons dans la partie nord-ouest de l’île, célèbre pour son ambiance magiques, ses arbres sur les côtés des sentiers et ses descentes lentes et sinueuses.

La terre est rouge, glissante mais les sentiers sont super fun à rouler, en prenant moins de vitesse, peu de risque et en slalomant dans la forêt. En mode course en revanche, on dépense beaucoup d’énergie à pomper et à sprinter en sortie de chaque virage ! A ce rythme, une erreur voire un problème mécanique peut vite arriver mais une course comme la Trans Madeira, c’est aussi de la gestion du risque.

Pour l’après-midi, direction le côté sud-ouest, avec des spéciales plus rapides et plus ouvertes. Pas vraiment de forêt mais de l’herbe haute et des chemins de vaches (et des pâtés de bouses !). Ça change du matin mais c’est toujours très amusant à rouler, il faut vraiment ouvrir les yeux et regarder loin car l’herbe haute bloque la vision. On a l’impression d’être toujours à la limite mais il n’y a pas de grand danger.

Les pistes sont très « flow », la terre est douce et les pistes fraîchement construites par les équipes de Freeride Madeira plaisent à tous. A la fin de la journée, on constate qu’on vient une fois de plus de faire plus de 3000 m de dénivelé négatif et que pas un seul morceau n’était à jeter. Madère offre vraiment une grande variété et un niveau constant de plaisir de n’importe quel côté de l’île, c’est un régal !

Jour 5

La bataille finale, du moins pour celles et ceux à la lutte pour le podium. Pour les autres, cette dernière journée sur les hauteurs de Calheta est probablement moins stressante.

C’est censé être les étapes les plus amusantes à rouler et au lieu de voir des riders partir en solitaire toutes les 15 secondes, la plupart d’entre nous font des petits trains de 4-5 coureurs pour rouler ensemble, capturer des images cool et s’amuser encore plus.

7 spéciales sont au programme et chacune est meilleure et différente de la précédente. La course fait toujours rage chez les hommes, Christian Textor (Allemagne) a un peu d’avance après avoir gagné les jours 2 et 4 mais Emmanuel Pombo (Portugal) est très rapide sur ses pistes locales. Juste derrière, Joe Connell (Royaume-Uni) est en embuscade après avoir gagné le jour 1.

Emmanuel Pombo gagnera la journée mais Christian Textor a su rester constant et remporte la victoire finale devant Pombo, Connell, Lachlan Blair (Royaume-Uni) et le Tchèque Vojtech Blaha. Chez les femmes, Anita Gehrig (Suisse) a dominé la course devant sa sœur Caroline et sa compatriote Monika Buchli.

Après 5 jours et pas moins de 31 spéciales, la course touche à sa fin, mais la TransMadeira n’est pas encore finie et ce qui est probablement un des meilleurs moment de l’événement reste encore à venir. Sur le chemin vers l’arrivée, l’équipe de la TransMadeira nous attend en effet dans un bar avec des sandwichs, des chips et des bières fraîches.

Personne ne veut vraiment partir, tout le monde discute, des gens que vous ne connaissiez pas avant de venir sont maintenant vos meilleurs amis et on échange des conseils sur les endroits où rouler sur la planète, les adresses où venir rouler et les souvenirs de la semaine !

Une dernière balade sur la plage et la surprise finale avec une baignade rafraîchissante dans une piscine sur le toit d’un hôtel, un dîner, une fête et une nuit plus que confortable dans l’un des hôtels les plus luxueux de l’île. Après 5 jours sous la tente et à vélo, on l’apprécie à sa juste valeur !

Au moment de faire les bagages pour rentrer à la maison et de commencer à penser à la prochaine destination, on revient une dernière fois sur cette semaine unique. Le temps n’était pas au beau fixe, il a parfois fallu serrer les dents, mais la TransMadeira fait partie de cette catégorie d’événements à faire au moins une fois dans sa vie, ne serait-ce que pour les émotions uniques et les moments inoubliables qu’elle procure.

Petite note de la rédaction

Il s’est bien gardé de nous le signaler, mais nous avons remarqué sur les photos que Jérôme semble rouler sur un vélo qui ne figure pas au catalogue Cannondale, avec une architecture qui paraît dérivée de leur prototype de DH vu en 2019… Un nouveau Jekyll ? De ce qu’on peut voir, le vélo a l’air assez abouti, cela pourrait être le signe d’une annonce dans l’été !

Plus d’informations sur la TransMadeira : trans-madeira.com

Photo Kike Abelleira, John Fernandes & Jacob Gibbins

ParLéo Kervran