La Forestière 2023 : entre plaisir et difficulté au cœur des géants du Jura

Par Adrien Protano -

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La Forestière 2023 : entre plaisir et difficulté au cœur des géants du Jura

Avec 32 années d’existence, la Forestière n’a plus à prouver son statut d’épreuve mythique du calendrier des marathons français. Grande première pour votre humble serviteur, nous avons vécu de l’intérieur cet événement majeur du VTT français avec l’appareil photo dans le sac à dos. Récit d’une longue journée à l’assaut de ces 100 kilomètres au coeur des géants du haut-Jura : 

8h pile, le top départ est donné pour l’épreuve reine, le marathon de 100 km des hommes Élites. Des têtes connues sont au départ, dont notamment Hugo Drechou (vainqueur sortant de la course), Axel Roudil-Cortinat (champion de France en titre de marathon), mais également le pilote estonien Peeter Pruus ou encore Urs Huber. Il faut également préciser que plusieurs de ces pilotes étaient au départ de la coupe du monde marathon aux Gets le jour précédent… Sacré week-end ! On vous racontera cela de l’intérieur avec le récit du pilote français Rémi Groslambert.

Le parcours démarre par une ascension irrégulière d’environ 4 kilomètres, de quoi bien s’échauffer ! Chez les femmes Élites, un groupe de cinq pilotes se détache dès le départ, avec notamment Estelle Morel, Margot Moschetti ou encore l’Espagnole Meritxell Figueras.

L’ascension se poursuit sur un chemin forestier où les pilotes Élites maintiennent un rythme effréné, comme s’ils abordaient une épreuve olympique de cross-country… or 100 kilomètres sont au programme de la course hommes, tandis que les femmes s’élancent pour 70 kilomètres.

Une épreuve de 70 kilomètres est également disputée chez les hommes, dont les premiers se présentent à nous dans les premier tape-cul de cette ascension du Crêt du Verbier. Surprise : ce sont deux jeunes Belges en tête, Diego Behennen et Simon Bemeiers (CBM Racing Team), qui ne lâcheront plus les commandes jusqu’à l’arrivée !

L’ascension est technique et il est nécessaire de naviguer entre les différentes racines qui jonchent le sol !

Un dernier coup de pédale et nous voilà en haut de cette bosse, à 1371 m d’altitude !

Une photo souvenir, une petite pause bien méritée et c’est reparti !

Pour certains, la pause est malheureusement forcée par un souci mécanique…

Au passage dans le village des Moussières, précédent village de départ de l’épreuve, c’est Peeter Pruss qui est aux commandes du groupe de tête, suivi de près par Martin Fanger et les autres favoris parmi lesquels Hugo Drechou.

Impossible de suivre les meilleurs dans la descente vers St-Claude, et c’est donc au niveau du magnifique panorama de la Croix des Bouchoux que nous retrouvons la tête de course. Au terme d’une ascension longue et cassante, Hugo Drechou a réussi à se détacher en compagnie de l’Allemand Martin Frey.

Même s’il n’a pas réussi à creuser un écart conséquent, on sent que le pilote Megamo à la fois très en forme et déterminé à confirmer sa victoire de 2022 !

Un groupe de chasse n’est pas loin des deux leaders. Il est mené par le Suisse Hansueli Stauffer, suivi par le Portugais José Dias. Ce dernier étant un coéquipier de Drechou, il joue plutôt la carte du contrôle que de la poursuite.

Ici au second plan, dans la roue de l’Allemand Sascha Weber (qui finira par abandonner), le champion de France de la discipline, Axel Roudil-Cortinat, reste également bien placé. Il a pourtant roulé plus de 5 heures la veille sur la coupe du Monde de marathon.

Urs Huber n’est pas au mieux et il ne peut rivaliser avec les hommes de tête. Son but : rallier l’arrivée en sauvant les meubles et remporter le classement général de l’Alpine Cup dont il porte le maillot de leader (pour rappel, il s’agit d’une série de courses de renom dans le massif des Alpes, avec notamment le Grand Raid et d’autres marathons reconnus).

Au niveau de leur second passage sur le crêt du Nerbier, nous retrouvons les pilotes Élite masculins. L’Allemand Martin Frey est passé en tête, poursuivi par le vainqueur sortant Hugo Drechou.

Le Français est suivi par un pilote à l’accoutrement curieux : il s’agit de Thomas Dietsch, jeune retraité et spécialiste du suivi de course en vidéo. Il embarque tout le matériel nécessaire pour réaliser un direct de qualité, à base de caméras embarquées, pour la chaîne TV8 Mont-Blanc afin de suivre la course de l’intérieur.

Maillot tricolore sur les épaules, Axel Roudil-Cortinat, bascule dans la descente en 4e position, juste derrière le Suisse Stauffer Hansueli. Il est marqué par l’effort, mais on sait que le champion de France est capable de puiser loin dans ses réserves pour signer une bonne place malgré la fatigue.

Après cette difficile ascension, place à la descente ! A quelques exceptions près, les descentes ne sont pas hyper techniques sur la Forestière, mais elles sont vraiment ludiques et aussi très souvent bien cassantes.

Chez les femmes, c’est Meritxell Figueras du team Buff Megamo qui se présente en tête à l’entrée de cette descente. Avec quelques minutes de retard, Stefanie Zahno et Estelle Morel (ici en photo, avec son maillot de leader de l’Alpine Cup) sont à la poursuite de la leader du jour !

Après cette amusante descente depuis le Crêt du Verbier, c’est sur un sentier large plus roulant que nous mettons le cap, avec pour décor le Crêt de Chalam et ses 1540 m d’altitude.

Tout au long du parcours, les habitants de la région – petits et grands – ne manquent pas de donner de la voix pour encourager les différents pilotes à l’assaut de cette longue journée sur le vélo.

C’est sur le tracé de la grande traversée du Jura VTT que le parcours nous emmène afin de rejoindre le village de Giron et son ravitaillement. Si le comté local et un bon verre de coca frais nous trottent déjà dans le coin de la tête, il nous reste pourtant plus d’une dizaine de kilomètres avant de pouvoir en apercevoir la couleur !

On prend rapidement de la vitesse, les gravillons volent sous nos roues et les pans de rochers recouverts de mousse défilent devant nos yeux.

Malgré la vitesse, nous tentons de profiter des paysages typiquement jurassiens qui s’offrent à nous, notamment au niveau du cirque de la roche fauconnière et de sa vue plus dégagée.

Bip, Bip ! Notre GPS nous annonce que nous en sommes à 70 kilomètres de parcourus depuis ce matin, et donc à moins de 5 kilomètres du ravitaillement.

Une dernière montée suivie d’une agréable descente en singletrack et nous voilà…

Au ravitaillement ! Le buffet est généreux et les associations de saveurs, à ce stade de la journée, ne sont pas toujours les plus communes… Qu’importe, tant que ça nous plaît ! C’est également le moment pour pointer la gentillesse et la bienveillance des bénévoles, tout en les remerciant chaleureusement.

Attention à ne toutefois pas se refroidir au ravitaillement, car c’est la bien connue descente du Nant du Mort qui attend les pilotes juste après !

De la pente, des petits rochers à sauter, de la vitesse et des virages (parfois piégeux) sont au rendez-vous.

Un peu plus bas, le paysage s’ouvre et l’on poursuit sur un étroit sentier longeant une déclivité sur la droite et des pans de rochers sur la gauche.

Après la fraîcheur des bois, place à la chaleur de la plaine !

En tête de course : coup de théâtre ! Maryin Frey, alors toujours en tête avec Hugo Drechou, fait signe à son équipe d’assistance qu’il a une crevaison lente à l’arrière. Il change de roue avec une vitesse surprenante, mais le Français en profite pour prendre la poudre d’escampette !

Axel Roudil-Cortinat, José Dias et Hansueli Stauffer en profitent aussi pour revenir !

Au passage des piscines de Prapont quelques kilomètres plus loin, une envie de baignade se laisse doucement ressentir au vu des 30°C qu’affiche le thermomètre.

D’autant plus que c’est une longue ascension qui se profile à l’horizon. Avec plus de 11 kilomètres et 463 m de dénivelé positif à avaler, mieux vaut ne pas traîner à rêvasser de baignade…

Si le chemin est large et plutôt roulant, il est également très exposé au soleil, avec peu de moments d’ombre… Encore heureux que le paysage soit là pour nous donner un peu de baume au coeur.

Dernière ligne droite avant de rejoindre l’entrée des bois !

L’ascension se poursuit en serpentant entre les arbres, et à ce stade, les coups de cul se passent davantage à côté du vélo plutôt que dessus.

Nous voilà arrivés au dernier ravitaillement du parcours, qui fait également office de zone technique dans laquelle il est possible de recevoir l’assistance de ses proches en cas de soucis mécanique, ou uniquement pour partager un en-cas bien mérité !

Les bénévoles de la zone technique nous confirment les informations du GPS : « Encore 13 kilomètres, dont 3 de montée… Mais après ça descend presque tout le temps jusque l’arrivée, courage ! »

La dernière portion de cette ascension se clôture dans une magnifique forêt mêlant le vert vif de la végétation au tendre coloris brun du sol et des feuilles mortes qui le jonchent.

Et puis d’un coup, sans crier gare, la pente s’inverse et nous nous surprenons à prendre de la vitesse sans plus pédaler sur ce singletrack joueur, ça fait du bien au mental !

Nous quittons cet amusant singletrack pour rejoindre une large plaine étendue, où nous croisons quelques rares randonneurs…

Ainsi que ce monument, appelé Monument du Maquis, et symbolisant l’aide des alliés durant la Seconde Guerre mondiale, sous forme de parachutage de vivres et d’armes.

Moment attendu pour certains, redouté par d’autres, le passage technique dit de “la Roche Taillée » ne laisse aucun des participants indifférent. Avec un sol jonché de roche et une pente importante, cette portion technique a de quoi en refroidir quelques-uns au moment de s’engager…

Certains préfèrent alors opter pour le passage à pied, plus sécurisant, d’autant plus avec plus de 90 kilomètres dans les jambes… Une erreur de lucidité étant vite arrivée dans ces conditions !

Comme si nos pensées avaient été un oiseau de mauvais augure, voilà qu’un des participants perd le contrôle et nous offre une impressionnante cascade.

Plus de peur que de mal, il se relèvera directement et repartira avec le sourire tout en nous demandant si sa roulade était dans la boîte.

Un dernier tape-cul avant d’entamer la dernière descente de la journée, les jambes piquent !

On ne nous a pas menti et cette descente finale a tenu toutes ses promesses. Nous avons pris un malin plaisir à enchaîner les multiples virages serrés, malgré la fatigue grandissante de cette longue journée. Au-delà de cette dernière partie descendante, c’est tout le parcours de la forestière qui a été à la hauteur de sa réputation. Avec une alternance de portions roulantes et rapides ainsi que de parties raides et techniques tant en montée qu’en descente, c’est un sans-faute ! Une première pour votre humble serviteur, mais sûrement pas une dernière…

Côté course, après une bataille épique, Hugo Drechou a réussi à s’imposer pour la deuxième fois en deux participations ! Mais cela s’est joué à très peu de chose car, malgré sa crevaison, Martin Frey a réussi à revenir avec José Dias dans sa roue.

Le Français nous explique : « C’était vraiment très difficile ! J’ai essayé de me détacher, mais chaque fois c’est revenu derrière. J’ai cru plusieurs fois que la victoire s’envolait. Martin Frey était très fort, mais il a crevé. Il a réussi à revenir assez vite avec mon coéquipier José Dias et Hansueli Stauffer, cela m’a surpris. Après, José m’a bien aidé, il a mis le tempo devant et j’ai pu récupérer un peu. A 5km de l’arrivée, je savais qu’il y avait un petit portage sur un chemin très raide. Comme je suis à l’aise en course à pied, j’ai mis mon attaque à cet endroit et j’ai réussi à me détacher. Mais ça a été un sprint jusqu’à l’arrivée ! J’espère que ça va me permettre d’entamer la même série qu’en 2022, puisqu’après La Forestière, j’avais enchaîné sur 4 autres victoires, dont le Roc Marathon. »

Plusieurs pilotes, dont le vainqueur Hugo Drechou (ici aux côtés de Philippe Gindre, président de la Forestière) et Axel Roudil-Cortinat, ont tenu aussi à rendre hommage à l’organisation. « Oui, il y avait une coupe du monde marathon à Morzine hier, mais pour ma part, je voulais absolument défendre mon titre de 2022 et soutenir la Forestière par ma présence. J’en ai parlé à mes équipiers du team Megamo et tous ont décidé de me suivre et de faire l’impasse sur Morzine. C’est dommage de devoir faire ce genre de choix à cause d’un calendrier qui prévoit deux épreuves de haut niveau sur un week-end, mais je ne suis pas déçu d’être venu ici. » 

De son côté, le champion de France, qui était présent à Morzine la veille et qui termine 5e sur la Forestière, ajoute : « C’était vraiment très dur d’enchaîner, je ne le cache pas. Cela me fait quasiment 10h de vélo sur le week-end. Mais je suis content d’être venu. L’organisation est toujours au top ici, et tellement chaleureuse. Et puis, faire un marathon où il y a plus de descente que de montée, ça ne se refuse pas ! »

Du côté des Dames, la course a également été très serrée et c’est la Suissesse Stéfanie Zahno qui est allée chercher la victoire, une des plus prestigieuses de sa carrière, grâce à une très belle fin de course. Elle est parvenue à devancer la grande favorite Estelle Morel, fatiguée par la manche de coupe du monde disputée à Morzine la veille. Elle remporte néanmoins le général de l’Alpine Cup. L’Espagnole Meritxell Figueras décroche la 3e place.

Une dernière photo de podium, et on se dit à l’année prochaine pour cette référence du calendrier français !

Rendez-vous aussi d’ici quelques jours pour le récit de Rémi Groslambert, qui a enchaîné les deux grands marathons de Morzine et de la Forestière, ainsi que pour un grand portfolio de l’expo VTT vintage 2023 organisée par Génération Mountainbike dans le cadre de La Forestière.

Plus d’infos : https://www.la-forestiere.com/

ParAdrien Protano