Interview | Thomas Griot : tourné vers l’avenir

Par Léo Kervran -

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Interview | Thomas Griot : tourné vers l’avenir

Après être monté pour la première fois de sa carrière sur un podium de coupe du monde l’année dernière à Leogang, Thomas Griot a été stoppé en pleine progression cette saison par une fracture de la clavicule en mars, à la veille de l’ouverture du circuit international. Alors qu’il revient tout juste à la compétition, nous avons pu lui poser quelques questions à l’occasion d’une journée d’entraînement sur le tracé des Gets, qui accueillera les championnats du monde fin août. Changement d’environnement cet hiver, gestion de la blessure, nouveau matériel… Il se confie :

Vojo : Salut Thomas ! Tu es passé de Massi à Canyon cet hiver mais en gardant les mêmes personnes autour de toi. En dehors du matériel, concrètement ça change quoi d’être avec Canyon ?

Thomas : Oui, j’ai envie de dire à la fois gros changement et à la fois pas de changement. Pas de changement au niveau du staff, ce sont les mêmes personnes, on a aussi la même leader avec Loana. Ce fonctionnement, je le connaissais, j’avais travaillé avec ces personnes et c’est ce qui me plaisait dans cette équipe. A côté, c’est sûr que le support d’une grande marque, si ce n’est la plus grande, ça fait beaucoup de changements dans une équipe. Notamment au niveau du matériel mais aussi du soutien humain qu’on peut avoir, il y a vraiment des personnes chez Canyon qui sont dédiées à la compétition via le département sport.

Il y a une façon de manager qui est assez moderne je dirais, on n’est pas orientés vers la pression mais vers le bien-être. C’était déjà plutôt le cas pour nous avant mais voilà, on est dans un cadre très agréable où on est assez détendus et on est concentrés uniquement sur ce qu’on a à faire et ce qu’on aime faire.

Vojo : Ça te fait quand même beaucoup de changements en peu de temps, tu as fait une très bonne saison l’année dernière puis tu changes de team, ce qui vous fait changer presque de dimension, et tu te blesses presque dans la foulée. Comment tu as géré ces derniers mois, qu’est-ce-que tu retires de cette période ?

Thomas : C’est clair que d’un côté après avoir fait une aussi bonne saison, la meilleure pour ma part l’année dernière, faut se poser une question. Est-ce qu’on arrive à la fin d’un cycle et c’est le moment de mettre de nouvelles choses en place pour aller plus loin ? Changer un petit peu d’univers pour se bousculer et aller chercher d’autres choses ou alors rester peut-être dans cette zone de confort en disant ça marche comme ça et je reste où je suis ?

Vojo : C’est le fait d’avoir de bons résultats qui te fait te remettre en question ?

Thomas : Pas forcément, je pense que dans le sport de haut niveau c’est important de savoir se remettre en question. Ça ne veut pas dire qu’il faut tout changer, mais il faut savoir se poser les bonnes questions au bon moment et moi j’avais identifié certaines choses que je voulais faire évoluer.

Vojo : Est-ce que tu peux expliquer plus concrètement ce que c’était ?

Thomas : Des points matériels, il y avait des possibilités là où j’étais mais tout n’arrivait pas dans les temps escomptés on va dire. Je suis très orienté sur le matériel, tout ce qui est cadre, géométrie, les composants, les pneumatiques… Ce sont des choses pour lesquelles j’essayais d’être attentif en fonction des équipes, j’ai essayé de discuter là où j estimais que le matériel pouvait être un avantage et sans jamais oublier le côté humain bien sûr, parce que c’est toujours ce qui est au centre de la performance à mon sens.

C’est dans ce sens-là que j’ai eu une réflexion de cet hiver et quand on a concrétisé avec Canyon, on a tout de suite enchaîné les tests de matériel. Faire tout ce qui est à faire quand on lance une équipe tout simplement, c’est-à-dire prendre des produits un par un puis les tester, débriefer, changer les réglages, recommencer…

Vojo : Tu as passé beaucoup de temps sur ce vélo ?

Thomas : En fait il a fallu se dire « j’oublie tout ce que je connais » parce qu’on changeait de vélo et prendre une feuille blanche le premier jour. Quand j’ai reçu le vélo on a fait un réglage de position quand même assez précis et après pour, tout ce qui est réglages de suspensions par exemple, on est parti de zéro, d’autant plus que c’était une marque différente pour ma part (RockShox avec Canyon, contre Fox avec Massi). Les pneumatiques, largeur de jante, même chose, tous ces paramètres changent. On part sur des valeurs neutres au début, on fait des circuits test et puis on teste, on teste, on teste.

Il m’a bien fallu un mois et demi voire deux mois pour bien ressentir les choses sur le vélo et là, dans un second temps, on a pu être beaucoup plus précis sur les réglages. Ça a été une phase importante cet hiver et on l’a bien réussie, en début de saison j’étais performant, efficace sur mon vélo et en forme en même temps, jusqu’au Brésil où j’ai eu cet incident. Sinon effectivement, on a su faire du bon travail dans un contexte qui était pas toujours évident, on connaît les fameuses pénurie de matériel depuis quelques temps…

Vojo : Même vous, vous avez été touchés par ça ?

Thomas : Bien sûr, bien sûr. On arrive toujours à se débrouiller parce qu’on a quand même un support très important de nos partenaires mais il faut savoir que ça a été une une période compliquée. On sent que petit à petit on retourne dans la bonne direction, ça commence à être plus facile mais ce n’est pas encore comme il y a deux ans.

Vojo :  Tu sens des changements par rapport à ton ancien vélo ?

Thomas : Oui, on est sur un vélo plus moderne. De toute façon y’a pas de secret, si on compare les deux géométries c’est vraiment différent notamment sur les bases. 2 cm plus court sur le Canyon, forcément ça a un impact assez important sur un vélo. On a aussi un boîtier de pédalier beaucoup plus rigide sur le Canyon et ça fait une différence. Là où je l’ai senti c’est sur les XCC, je bataillais moins dans les relances.

« Ce n’est pas parce que ce n’était pas prévu et que ça bouscule les plans que c’est forcément négatif »

Vojo : L’année dernière, on a vu des pilotes comme Tom Pidcock ou Jolanda Neff qui se sont blessés puis sont devenus champions olympiques quelques semaines plus tard, en revenant peut-être un peu plus frais que les autres. Est-ce que tu crois que ça peut jouer en ta faveur pour toi justement, d’avoir fait une pause malgré toi ?

Thomas : Oui, ce n’est pas parce que ce n’était pas prévu et que ça bouscule les plans que c’est forcément négatif, il y a toujours du bon à tirer de toutes les situations. Là j’en ai déjà tiré des choses positives, ça va me servir pour la suite.

Vojo : Par exemple ?

Thomas : En fait je me suis cassé la clavicule il y a 4 ans et là on s’est rendu compte avec les examens que j’ai faits suite au Brésil que pendant 4 ans elle n’avait jamais consolidé, j’avais une inflammation de l’os. J’ai eu une opération un peu plus conséquente que d’ordinaire pour une fracture de la clavicule, avec une greffe osseuse, mais je sais que maintenant j’ai une épaule qui est d’aplomb. Ça a répondu à pas mal de questions que je me suis posé pendant ces 4 ans sur mon pilotage et des sensations un peu étranges que j’avais.

Je sais que ça a été un peu plus lourd, un peu plus long comme convalescence par rapport à une opération normale mais sur le long terme par contre ça va me servir donc là j’accepte une période où je suis un peu plus dans le dur, de toute façon c’est normal. Je ne m’inquiète pas pour la suite en tout cas, on travaille pour revenir au haut niveau auquel je me faisais plaisir l’année dernière.

Vojo : On termine avec une question sur les championnat du monde aux Gets, tu seras à la maison. Est-ce que ça te plaît, est-ce que c’est une pression supplémentaire, comment tu l’abordes ? Je me souviens d’avoir vu ton fan club.

Thomas : Oui mon fan club c’est le côté super sympa ! Je pense que je commence à prendre un petit peu d’expérience, j’ai 27 ans et je commence à avoir quelques coupes du monde au compteur donc une meilleure gestion de la pression. Avec cette expérience justement, voir tous ses proches sur un tel événement c’est un super moment quoi qu’on fasse, ça me fait vraiment envie.

Il n’y a pas de pression, à l’arrivée si je fais une perf ils seront super heureux pour moi et si je ne fais pas de perf ils sont quand même super heureux ! Au final c’est réconfortant et je sais qu’après la ligne je pourrai partager des moments avec eux, ce qui n’arrive pas sur les autres courses, donc c’est toujours un moment particulier. J’espère qu’on va vivre ça ensemble cet été.

ParLéo Kervran