Interview | Samara Maxwell : la (re)naissance d’une grande championne
Par Olivier Béart -

Quatre ans après sa création, le team Decathlon-Ford a fait mieux que se faire une place dans le peloton XC pro, puisque grâce à Samara Maxwell, il a ramené le trophée du classement général de la coupe du monde 2025 ! Pour fêter cela, Rockrider avait organisé une petite fête avec le team et le personnel de la marque au B’Twin Village de Lille. Vojo y était et nous en avons profité pour nous entretenir avec Samara Maxwell. Interview :
C’était un rêve, il est désormais devenu réalité : après seulement quatre ans d’existence, le team Decathlon-Ford a ramené dans son escarcelle le trophée du classement général de la coupe du monde XCO avec la jeune Néo-Zélandaise Samara Maxwell. Qui a aussi, en guise de très belle cerise sur le gâteau, remporté la médaille d’argent au championnat du monde.
A cette occasion, Rockrider avait organisé une journée de fête au B’Twin Village de Lille avec, au programme, la visite des lieux, des rencontres avec les partenaires du team et toutes les personnes impliquées dans la conception des vélos Rockrider, dont le fameux 940S roulé par le team. Sans oublier une petite soirée festive !
Vojo s’est glissé parmi les invités et a pu rencontrer Samara Maxwell après sa magnifique saison. Mais avant de s’entretenir avec elle, revenons quelques instants sur son parcours, car il est atypique.
Sam Roces, le team manager, Stéphane Tempier, manager, et Fred Machabert, le responsable communication, se souviennent de la première fois où ils l’ont vue : « Elle était là, tout seule sur les course, en mode « privateer », sans vraie structure autour d’elle ni même une quelconque assistance. Cette jeune femme de 20 ans à peine qui quitte sa Nouvelle-Zélande natale et toute sa famille pour venir rouler au plus haut niveau en Europe, voilà qui montre qu’on a en face de soi quelqu’un de déterminé. »
« On en a parlé avec Sam Roces, le team manager, qui l’avait aussi repérée comme nous par ses résultats, même avant qu’elle devienne championne du monde Espoir. Nous lui avons donc proposé de rejoindre l’équipe directement, afin de lui permettre de terminer la saison 2023 dans de bonnes conditions en étant avec nous pour les deux dernières manches américaines. »
Par contre, 2024 n’a pas été une saison facile. Pas en forme, ni mentalement, ni physiquement, en début d’année, elle manque les premières manches de la coupe du monde. Mais le team respecte son besoin de coupure et elle revient doucement pendant l’été avec quelques résultats encourageants en coupe du monde puis une 8e place aux JO de Paris.
2025 fut, au contraire, vraiment l’année de la révélation avec pas moins de 9 podiums sur 10 manches, le général de la coupe du monde et une 2e place au championnat du monde. Elle nous en parle :
Vojo : Samara, est-ce que cette coupure début 2024 a été salvatrice et a en quelque sorte permis de préparer le terrain pour cette saison 2025 assez extraordinaire, en forme de renaissance ?
Samara Maxwell : « Oui, clairement, j’ai bien fait. Je pense que je ne serais pas au niveau que j’ai maintenant, ni physiquement, ni mentalement, si je m’étais forcée à reprendre trop tôt l’an dernier. Je remercie le team de m’avoir écoutée, respectée et même encouragée dans cette voie. Parce que, au plus on reste avec un problème latent, en essayant de le dissimuler, au plus il prend une ampleur insidieuse et au plus c’est difficile de s’en défaire. C’est comme un sparadrap : autant le retirer vite et fort, ce n’est pas agréable sur le moment mais après c’est fini. »
Et tu t’attendais à être si forte en 2025 ?
Non ! Je savais que j’étais en forme et prête pour les premières manches. Mais je ne m’attendais pas à gagner d’emblée au Brésil, vraiment pas ! Je pensais réalistement viser le top 10 sur la plupart des courses et faire quelques top 5, mais pas gagner. Au début, je me suis dit que c’était parce que j’avais eu l’occasion de courir en Nouvelle-Zélande (NDLR : les saisons étant inversées, les courses continuent pendant notre hiver/leur été en Océanie) et que j’étais plus en forme sur le début de saison que mes concurrentes Européennes et Américaines qui avaient coupé plus longtemps. Mais jamais je n’ai imaginé que cela allait tenir.
C’est de là qu’est venue ta citation « du calme, c’est juste une course », qui est devenue culte dans le team au point d’en faire un t-shirt spécial ?
Oui (rires), lors de l’interview après ma première victoire, je n’y croyais tellement pas, et je pensais si fort que c’était juste une sorte de coup de chance, que j’ai dit cela. La suite de la saison m’a bien donné tort, et c’est génial.
Quand as-tu vraiment commencé à sentir que tu pouvais viser le classement général ?
Les deux courses au Brésil se suivaient et se ressemblaient. Donc, être 2e sur la 2e manche m’a procuré beaucoup de joie, mais je n’ai absolument pas pensé que j’allais garder le maillot de leader après les manches européennes. J’ai quand même l’impression que ce maillot rouge distinctif et ce numéro 1 m’ont fait quelque chose de spécial, et quand j’ai vu que j’avais réussi non seulement à le défendre mais aussi à le conforter après les manches de Nove Mesto, Leogang, Andorre et surtout Les Gets, j’ai vraiment commencé à me dire que je pouvais essayer de le garder jusqu’au bout.
Est-ce que cela a changé ta manière de rouler, peut-être en visant davantage la régularité que le coup d’éclat ?
Non, pas vraiment. Quand on se bat pour le général, on se bat pour chaque place, pour chaque point. A Lenzerheide par exemple, c’était très dur, je n’étais pas au mieux, mais je me suis battue pour aller chercher le plus possible de concurrentes. En XCC aussi, même si ce n’est pas ma discipline de prédilection à la base, j’ai tout fait pour performer. Donc je n’ai pas été plus prudente ou sur la réserve, que du contraire, cela m’a donné un esprit encore plus combatif.
Malgré ta grande régularité et tes résultats assez incroyables, Jenny Rissveds a réalisé une deuxième partie de saison incroyable et tu es restée sous sa menace jusqu’au bout…
Oui, et c’est vraiment à Lenzerheide que j’ai compris qu’elle était sur une autre planète. J’ai essayé de la suivre et je me suis brûlé les ailes. Avec pour conséquence une 6e place qui a été mon moins bon résultat de la saison. Donc là c’est vrai que sur la fin d’année j’ai un peu « géré » dans le sens où je n’ai plus essayé d’accompagner Jenny pour aller décrocher la victoire. J’ai fait ma course et pensé à faire le meilleur résultat possible. Et je tiens à dire que je suis heureuse pour elle, c’est un modèle pour moi et aussi une motivation pour m’entraîner dur car j’espère bien la battre en 2026 !
Justement, comment vas-tu aborder cette saison 2026 ?
Pas vraiment différemment je pense pour ce qui est de la préparation, car elle a porté ses fruits et, au-delà des résultats, je me sens bien et je sens que j’ai trouvé un bel équilibre. Par contre, on va déjà commencer à penser aux Jeux olympiques de 2028 et à préparer doucement cette échéance majeure. Cette année, j’ai appris beaucoup sur la gestion de course et la tactique. L’inter-saison est un bon moment pour capitaliser là-dessus, repenser à tout ce qui a bien été et moins bien été. C’est surtout au niveau de la préparation mentale qu’il faut commencer très tôt pour faire un travail de fond.
Pour terminer, tu m’as dit que tu voulais adresser un petit mot à l’équipe…
Oui, je veux leur dire que je les adore. C’est vraiment devenu ma famille européenne, c’est plus qu’une équipe et je ne serais pas là sans eux. Ce sont mes frères, mes sœurs, mes cousins/cousines. Ils m’ont toujours soutenue, pas juste le staff mais aussi mes coéquipiers et mes coéquipières. Je veux leur dire un immense merci car je ne serais pas là sans eux. Je veux aussi remercier les partenaires et tout particulièrement les gens qui bossent chez Rockrider. Au cours de cette journée, je me suis rendue compte combien ils suivaient mes performances et combien ils croyaient en moi. Et je veux leur dire que, moi aussi, je crois en eux. Je crois en leur travail et dans le matériel qu’ils me fournissent. Eux aussi, ils m’ont emmenée à la victoire.