Interview | Nancy Akinyi : courir pour les autres

Par Léo Kervran -

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Interview | Nancy Akinyi : courir pour les autres

« On fait vraiment du vélo pour les autres, pas seulement pour nous. On représente tant de gens. » Voilà comment Nancy Akinyi, athlète du Team Amani, parle de son expérience sur certaines des plus belles courses du monde. Plus qu’une équipe rassemblant des coureurs d’Afrique de l’Est en gravel et en XC, le Team Amani est un véritable projet. Son but ? Le développement du cyclisme, au sens sportif, du Kenya au Burundi en passant par le Rwanda, l’Ouganda et la Tanzanie. A l’occasion du Roc d’Azur et grâce à leur sponsor Poc, nous avons pu discuter longuement avec Nancy, véritable avocate du cyclisme est-africain. La place du vélo au Kenya, son évolution en tant que cycliste, le rôle et l’impact de l’UCI face à celui des organisations locales…. Retranscription d’une demi-heure édifiante :

 

Vojo : Bonjour Nancy ! Tu nous disais à l’instant que c’est la première fois que tu viens sur le Roc d’Azur, tu roules tout le week-end ?

Nancy : Non, je devais faire la course à étapes [le Roc Trophy] mais j’ai seulement fait le marathon hier et aujourd’hui j’ai fait le Roc Light pour récupérer, pour le plaisir et pour m’entraîner…

Vojo : Tu cours pour récupérer ?

Nancy : (rires) Oui, hier j’étais à fond sur le marathon. Aujourd’hui, je gardais les jambes tranquilles.

Vojo : C’est la première fois que tu viens en France ?

Nancy : Non, non. J’étais en France une fois pour La Bresse, la coupe du monde en 2018. Il avait plu et c’était super boueux, mais l’ambiance était juste… Je n’ai jamais vu ça, même en Suisse à Lenzerheide aux championnats du monde, pour moi à La Bresse l’ambiance était meilleure.

Vojo : Comment as-tu commencé à faire du vélo ?

Nancy : Pour moi, avant, je ne savais même pas que le vélo était un sport, au Kenya ce n’est pas comme ici. Je suis montée sur le vélo de mon père, il est super grand, je suis partie avec mes frères et ils m’ont appris à rouler. Après une journée je savais faire du vélo… sauf que je ne savais pas comment utiliser les freins ! Mais je jouais juste avec le vélo de mon père. Dans ma famille, on ne nous achetait pas de vélos, c’était seulement pour les riches. Alors je prenais le vélo de mon père, tellement grand que je devais m’asseoir sur le tube supérieur pour atteindre les pédales. Mais c’était bien, c’est fun. Je ne faisais du vélo que pour le plaisir, je ne connaissais pas le cyclisme en tant que sport et j’aimais vraiment ça pour le plaisir.

« Je ne faisais du vélo que pour le plaisir, je ne connaissais pas le cyclisme en tant que sport. »

Plus tard, lorsque j’ai commencé l’université, je voulais arrêter le football ou le hockey parce que je voulais un sport où je pouvais m’entraîner seule. Je cherche, je vois du badminton, du tennis, mais il faut quelqu’un pour ça et je voulais quelque chose de plus indépendant. Je finis par penser « et le vélo ? » et je commence à chercher en ligne s’il y a du vélo au Kenya. Et je vois un groupe à Nairobi. J’étais super contente, je les contacte et je commence. Mais au début, c’était très dur pour moi, j’étais faible sur le vélo, très faible.

A ce moment, j’étais très en forme pour travailler mais quand je faisais du vélo j’avais l’impression d’être une vieille femme. C’est une forme physique différente, j’ai failli arrêter. J’ai fait six mois comme ça, tout le monde disait que j’étais trop faible pour faire du vélo, que je n’étais pas assez forte… Mais j’ai continué à travailler et c’est comme ça que je me suis mise au vélo.

Vojo : Par quelle discipline ?

Nancy : C’est drôle parce qu’au tout début, j’étais sur un VTT et à cette époque, au Kenya, la plupart des gens faisaient du VTT. Mais pas du vrai VTT, juste sur des routes de terre et dans les champs. Presque tout le monde était sur un VTT, très peu de gens étaient sur des vélos de route parce que la plupart des gens n’ont qu’un seul vélo, alors ils font du VTT. C’est plus du gravel en fait. Et puis, après un certain temps, je ne sais pas ce qui s’est passé, le sport a changé, ils ont commencé à organiser beaucoup de courses sur route. Alors presque tout le monde s’est débarrassé de son VTT, a arrêté de courir ou d’organiser des marathons et a acheté un vélo de route.

La tendance a changé très vite et la route a pris le dessus en deux ans. Mais j’ai toujours un VTT, j’ai de la chance, et un vélo de route. Donc le soir, si je n’ai pas vraiment le temps de m’entraîner, je vais faire un tour sur mon VTT. J’aime beaucoup ça, mais je fais encore beaucoup de route parce que… Les gens préfèrent ça, ce n’est pas trop technique. La plupart des gens, quand ils commencent, ils sortent juste pour rouler et aller vite, mais la technique n’est pas encore là. Le VTT c’est dur, c’est différent.

Il n’y a pas non plus de pistes ou sentiers adaptés. Si tu dois t’entraîner à sauter comme en XCO par exemple, il n’y a rien au Kenya. Si tu veux rouler sur des choses comme ça, tu dois les construire avant. Tu vois, aujourd’hui, il n’y a toujours pas de pumptrack au Kenya. Enfin, il y en a une, mais elle est privée. Maintenant ça commence à bouger, l’équipe va en construire une. Ce n’est pas comme ici [en France], tu n’as pas de piste de BMX sur laquelle tu peux t’entraîner ou autre. C’est encore très jeune, c’est différent.

Vojo : J’allais te poser une question sur la scène cycliste au Kenya mais tu viens plus ou moins d’y répondre.

Nancy : Tu sais, avant, quand je grandissais, je ne voyais aucun cycliste. Du genre avec un casque, la tenue lycra… Rien, zéro. C’était comme une communauté de niche, peu de gens savaient que ça existait. Maintenant à Nairobi, oui, ça grandit, on voit des gens à vélo mais ça reste plutôt à Nairobi. Ce n’est pas comme ça partout. Là d’où je viens, tout le monde sait que je fais du vélo parce qu’il n’y a personne d’autre qui passe. Là où je suis née, je suis celle qui fait du vélo. C’est toujours un sport jeune et beaucoup de gens n’ont jamais vu un vrai cycliste.

Vojo : D’où viens-tu au Kenya ?

Nancy : Je viens de Homa Bay, au bord du lac [le lac Victoria, deuxième plus grand lac du monde].

Vojo : Donc tu commences le vélo en tant que sport à l’université. A partir de là, comment es-tu entrée en contact avec le projet et l’équipe Amani ?

Nancy : Il y a beaucoup de femmes qui font du vélo et il y a eu beaucoup de bonnes coureuses mais pour une raison ou une autre, elles doivent toujours arrêter. Vous savez, dans le sport, il faut persévérer et ce n’est pas toujours facile. Parfois c’est pour de bonnes ou de mauvaises raisons… Mais beaucoup de femmes que je connais, pas seulement au Kenya ou en Afrique de l’Est, même celles qui sont fortes, vraiment bonnes, bien meilleures que moi, doivent parfois arrêter parce que c’est trop. Il n’y a pas assez d’argent, pas assez de soutien, rien. Mais moi, j’arrive à trouver des raisons de continuer à rouler sur mon vélo. J’aime vraiment ça et si, par exemple, demain tout s’arrête avec Amani, je continuerai à faire du vélo.

Donc même sans soutien j’ai commencé à faire quelques bons résultats ici et là et ils ont commencé à entendre parler de moi en Afrique de l’Est. Quand ils ont voulu former l’équipe, ils m’ont contactée, tout simplement. On a commencé à travailler avec Mikel [Delagrange, le fondateur de l’équipe], on apprend à se connaître « polepole« , lentement, lentement (rires). On a couru officieusement l’année dernière, on a voyagé mais l’équipe n’était pas aussi officielle que maintenant. Nous n’avions pas de contrat ou rien mais on aime ce sport et il y avait de bonnes opportunités de courir donc je me suis dit « pourquoi pas moi » ? Jusque-là ils travaillaient principalement avec des hommes et quand Mikel m’a invitée la première fois j’étais la seule femme de l’équipe. Je suis allée en Suisse, on a fait quelques courses et ils m’ont fait confiance pour être dans l’équipe cette année.

Vojo : Donc là en 2022, c’est ta première année dans l’équipe.

Nancy : Oui, oui, pour tout le monde en fait. L’année dernière, c’était simplement le projet Amani. Les garçons de l’équipe couraient déjà et travaillaient en étroite collaboration avec Michael, ils faisaient beaucoup de courses en ligne et travaillaient même avec Wahoo, de façon assez étroite mais moi, je n’ai pas fait ça. Mais quand ils ont fait la Migration Race et quelques autres évènements comme ça, ils ont pensé que je pouvais les rejoindre dans l’équipe et ils m’ont invitée. Ils m’aidaient pour le matériel, le voyage… On a vraiment commencé à travailler ensemble l’année dernière mais même avant que ce soit officiel, ils m’aidaient déjà.

Vojo : Qu’est-ce que cela a changé pour toi de faire partie du Team Amani ?

Nancy : Pour moi, je ne dirais pas que ça a changé mon statut mais ça m’a donné des buts, des objectifs plus difficiles. L’équipe m’a fait croire davantage en moi, en ce que je peux faire. C’est ma première fois dans une vraie équipe de cyclisme et c’est bien pour moi, j’ai beaucoup appris de l’équipe et j’apprends encore beaucoup avec eux.

Pour le projet aussi, ça va au-delà du Kenya, les gens m’ont envoyé des messages du Congo, du Rwanda… Beaucoup de femmes demandent comment elles peuvent rejoindre l’équipe parce que pour nous les Noirs, il n’y a pas grand chose. Regarde ici [au Roc d’Azur], il n’y a pas de Noirs qui font la course. Mais maintenant, elles peuvent y croire. Les enfants me disent qu’ils veulent être comme moi ou leurs parents me laissent des messages.

« Faire des résultats, ça compte aussi. On veut que les gens se disent « Ah, alors peut-être que cette femme du Kenya, ce garçon du Kenya va venir, la course va être difficile ».« 

Je ne suis pas la meilleure mais ils me voient et ils y croient, donc pour moi c’est plus important parce qu’ils croient qu’ils peuvent venir et vraiment courir et être au niveau. Pour moi, s’ils y croient et que le sport se développe, c’est plus important que… C’est plus grand que moi et j’aime ça.

Vojo : Pour la représentation ?

Nancy : Oui, mais pas seulement. C’est aussi bien de faire savoir, de montrer qu’on ne vient pas pour les quotas, quand quelqu’un demande s’il y a des Noirs et coche la case. Faire des résultats, être à l’avant, ça compte aussi. On veut que les gens se disent « Ah, alors peut-être que cette femme du Kenya, ce garçon du Kenya va venir, la course va être difficile ». Quand ils commencent à penser comme ça, c’est le gros changement. Quand ils ne se contentent pas de dire « est-ce qu’il y avait des noirs, oui/non ? »

Mais les quotas, ça ne dure qu’un temps. L’étape suivante, c’est d’être attendu en course par le public, par les athlètes, tout le monde. C’est quand vous les journalistes, dans vos reportages, vous dites que ce garçon du Kenya ou du Rwanda ou cette dame sera au départ et qu’il ou elle sont les favoris. Surtout pour moi en VTT parce qu’on est présent sur la route maintenant mais je veux que les gens comme les Africains noirs fassent du VTT. Pour moi c’est bien, c’est mieux que la route.

Vojo : Dans le court métrage sur l’équipe Amani et la Migration Gravel Race (à voir ici), Laurens Ten Dam (ex-pro sur route, retiré du circuit depuis 2019) dit « si tu emmènes deux personnes en Europe, tu n’apprends quelque chose qu’à ces deux personnes. Alors que si nous courons ici, avec peut-être quatre ou cinq bons Européens, tu enseignes quelque chose à 30 personnes à la fois. » Qu’est-ce que tu en penses ?

Nancy : Oui, je vois ça de la même façon que lui. Par exemple, en 2018, je suis allée au Centre Mondial du Cyclisme mais c’est moi, seule, la seule Kényane et peut-être que je ne suis pas très douée pour transmettre ce que j’apprends, donc au final, ce n’est pas si important. En Suisse, le cyclisme est déjà quelque chose d’important. Dans toute l’Europe, c’est déjà quelque chose important.

En plus pour nous, voyager est difficile. Pour les Européens, c’est facile de voyager. Pour nous, même si tu as l’argent, tu as toujours besoin du visa, tu vas toujours quelque part où les gens parlent des langues différentes, tu ne peux pas les comprendre, la nourriture, tout est si différent.

Si le centre de l’UCI venait s’installer quelque part, et ailleurs qu’en Afrique du Sud, dans un endroit où le cyclisme est vraiment petit, ils réaliseraient beaucoup plus de choses dans ce qu’ils disent faire. Ils inspireraient plus de gens, ils enseigneraient à plus de gens… Je comprends pourquoi le QG est en Suisse, mais je ne comprends pas pourquoi l’entraînement des athlètes est là-bas. Si leur but principal est d’aider les pays qui sont jeunes, pauvres ou petits dans le cyclisme, alors ils sont au mauvais endroit.

Donc pour moi, l’idée de l’équipe avec la Migration Race est bonne, pour amener les autres à courir avec nous. De cette façon, les gens qui ne sont pas à Amani, ceux qui veulent être à Amani dans le futur, voient déjà les pros. Parce que maintenant nous sommes ici (au Roc d’Azur), mais c’est seulement les gens de l’équipe. Mais il y a des gens qui ne sont pas dans l’équipe, qui veulent être dans l’équipe dans le futur. Et puis il y a les jeunes. Donc si vous leur présentez le cyclisme, si vous leur montrez, beaucoup plus de gens apprennent. Lorsque Ten Dam est venu, des personnes qui ne font pas partie de l’équipe ont pu interagir avec lui. Certains ont pu voir, d’autres ont pu écouter, d’autres encore ont pu parler avec lui, ce qui est bien mieux. Et c’est l’une des choses que l’équipe fait, pour amener le cyclisme aux gens, pour aider plus de gens.

Vous m’avez amené en Europe, peut-être que je vais rentrer chez moi et utiliser mes connaissances pour moi-même et les garder. Ou peut-être que je ne suis pas très bonne, vous savez, les gens sont différents, peut-être que je ne suis pas très bonne pour transmettre l’information aux autres. Mais si tu l’apportes ici, plus de gens apprennent et ça germe, ça se répand et pour moi c’est mieux.

Vojo : En 2025, les championnats du monde de cyclisme (sur route) auront lieu au Rwanda. Tu y places beaucoup d’espoirs ou pas tant que ça ?

Nancy : Pour être honnête, ça ne me fait rien parce que ça rejoint ce que je te disais. Les gars vont rester au maximum trois semaines. Ils vont arriver, courir et partir. Cela va-t-il changer le cyclisme rwandais ou le cyclisme africain ? Non, ça va s’arrêter là.

Vojo : Je ne sais pas comment c’est au Kenya et en Afrique de l’Est, mais en France, avec le Tour de France, on a un certain effet d’inspiration. Même si, comme tu le disais, nous avons une plus grande culture du cyclisme, ça inspire beaucoup d’enfants. Ils ne font pas forcément de vélo mais ils voient une course et il y a beaucoup de couleurs, beaucoup de bruit, une bonne ambiance… Et à partir de là, ils disent « je veux faire du vélo ». Les championnats du monde ne pourraient pas avoir cet effet en Afrique de l’Est ?

Nancy : Oui, je comprends et c’est une bonne chose de ce point de vue, car beaucoup de gens pourront voir la course. C’est plus grand que le Tour du Rwanda qu’ils ont déjà, ils pourront voir les pros, ils pourront voir les gens faire du vélo, c’est une bonne inspiration pour eux. C’est bien, c’est bien pour le Rwanda et je ne dis pas que c’est mal, mais de mon point de vue, ça ne m’excite pas beaucoup parce que je sais… C’est comme s’ils ne faisaient que cocher une case. En fait, l’UCI ne fait que cocher une case.

Ils auraient pu faire tellement plus. Est-ce qu’ils s’assurent que ce qu’ils font fonctionne ? Est-ce qu’ils font quelque chose pour aider les coureurs africains, comme les aider vraiment à être compétitifs chez les jeunes, dès les Juniors ou autre ? Je ne pense pas. C’est bien d’amener la course et d’inspirer les gens avec les pros, mais de mon point de vue, ils ne font que cocher une case. Ils disent juste « oh mais on a fait ça ». Ça ramène du monde, c’est bon pour le tourisme et tout le reste et puis plus rien, « c’est tout, nous en avons fait assez pour l’Afrique ».

« Avec les championnats du monde au Rwanda, l’UCI ne fait que cocher une case. »

Vojo : Comme, « c’est bon, on a déjà fait quelque chose » ?

Nancy : Oui, « on a déjà fait quelque chose, attendons, dans les 15 prochaines années on fera peut-être autre chose ». Ce n’est pas ce qui va aider ce sport. Vraiment, s’ils étaient réellement concernés et investis, ils pourraient faire beaucoup plus.

Vojo : Donc aujourd’hui, pour développer le cyclisme en Afrique de l’Est, tout repose sur les épaules de l’équipe Amani et des autres structures en Ouganda, au Rwanda

Nancy : Oui, je pense qu’il y a beaucoup plus de potentiel dans l’équipe que ce que nous pensions au départ. Il y a tellement de gens qui nous regardent, il y a tellement de gens qui nous observent. Et comme je l’ai dit, même aujourd’hui avec beaucoup d’intérêt de la part de gens comme vous, à un moment donné, ça s’arrête, à un moment donné, ce ne sont que des résultats. C’est déjà bien d’avoir de bons résultats, on n’est plus dans les discours maintenant mais dans l’action, mais à un moment donné ça s’arrête.

Avec l’équipe, tu vois le groupe, tout le monde a le même matériel et on a ce qui se fait de mieux. Ça donne de l’espoir aux autres. Beaucoup de gens sont intéressés maintenant, et pas seulement dans les pays où Amani est important, ça va beaucoup plus loin. Il y a tant de fans, tant de gens qui encouragent… Après il y a aussi une pression supplémentaire, il y a tellement de gens qui nous regardent !

« On fait vraiment du vélo pour les autres, pas seulement pour nous, on représente tant de gens. »

Vojo : Tu as aussi découvert le Cape Epic cette année, tu as terminé 4ème dans la catégorie mixte avec Jordan Schleck. Tu peux nous raconter ?

Nancy : Le Cape Epic, c’était vraiment bien. Le début était difficile, Jordan n’était jamais monté sur un VTT, son vélo était en retard… On ne savait pas non plus comment rouler ensemble. Donc au début on s’accrochait et dans les dernières étapes on a commencé à vraiment bien travailler ensemble. On est montés sur le podium de trois étapes et à chaque fois on a eu la plus grande ovation, plus grande encore que les vainqueurs UCI. Forcément, il y a très peu de Noirs dans la course. Donc quand on roule et qu’on monte sur le podium, même les bénévoles quand on va manger, ils nous disent « aujourd’hui, encore sur le podium ! ». Nos résultats, ça rend les gens heureux. Ce sont des Sud-Africains mais ils sont noirs et ils nous disent « aujourd’hui tu dois monter sur le podium à nouveau ». On fait vraiment du vélo pour les autres, pas seulement pour nous, on représente tant de gens.

Vojo : Tu y retournes l’année prochaine ?

Nancy : J’espère ! Pour l’instant on est en train de voir qui roule avec qui. Les autres femmes de l’équipe n’iront pas mais moi si, c’est sûr. On est encore en train de travailler là-dessus et c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles je suis venue ici, pour que Sram règle bien le vélo et ils ont fait du bon travail. Et donc pour l’instant, j’attends de voir. Les hommes doivent décider de leur saison puis de qui roule avec qui et ensuite je ferai équipe avec l’un d’entre eux. Ils veulent aussi former une équipe très forte pour aller chercher la victoire, alors que je suis là pour faire une équipe mixte.

Vojo : Et peut-être un jour dans la catégorie des femmes ?

Nancy : Oui, ce serait vraiment bien. Je pourrais rouler chez les femmes, il y a tellement de gens qui m’ont demandé si je pouvais rouler avec eux, mais… Je veux la faire une fois avec quelqu’un du Kenya, du Rwanda ou de l’Ouganda. Pour moi, ce serait une grande victoire d’aider quelqu’un qui est capable de faire le Cape Epic. Il y a déjà beaucoup d’intérêt de la part des gens, d’autres femmes pour rouler avec moi mais mon objectif est de le faire avec quelqu’un de la région. Je pense que ce serait vraiment bien parce que comme je te le disais, peu de gens font du VTT aujourd’hui. C’est l’un de mes objectifs, peut-être avec Mary [Aleper] de l’équipe, si elle se met au VTT dans le futur. Tu sais, le VTT c’est une de ces choses où tu ne peux pas forcer les gens, ça doit venir d’eux. En tout cas c’est mon objectif, de retourner au Cape Epic pour courir chez les femmes.

Vojo : Tous les coureurs de l’équipe viennent d’Afrique de l’Est mais l’équipe est basée aux Pays-Bas et vous faites beaucoup de courses en Europe. Comment vous gérez l’année, est-ce que tu retournes souvent au Kenya ?

Nancy : La plupart du temps, tout le monde est à la maison. Mais si nous devons faire une course, nous pouvons venir deux semaines en fonction de la course, ou parce qu’il y a autre chose, par exemple lorsqu’un pro comme Lachlan [Morton, de EF-Rapha] vient travailler avec l’équipe pour aider. Une partie de l’équipe est allée à Gérone, ils ont fait un camp d’entraînement avec Lachlan, en restant ensemble et en roulant ensemble avant la course. Mais la plupart du temps, tout le monde est à la maison, sauf si on doit faire une course. Après, je pense que pour moi l’année prochaine sera plus en Europe parce que j’essaie de faire beaucoup de VTT, pour peut-être aller aux Jeux Olympiques, à Paris en 2024.

Vojo : Peut-être qu’on se reverra là-bas !

Nancy : Je l’espère ! Pour moi, dans le sport il n’y a pas de plus grand événement que les JO. Pas la finale de la Ligue des Champions, rien. Rien. Juste les Jeux Olympiques.

Pour suivre le Team Amani : instagram.com/teamamani/

Photos hors Vojo : Poc / Alex Dufill, Finley Newmark & Saltlake Lian

ParLéo Kervran