Interview I Kilian Bron nous raconte son documentaire au Népal, Mandala
Par Candice Tupin -

À 33 ans, Kilian Bron est une figure majeure de la scène VTT internationale. Sur une crête, au sommet d’une falaise, d’un volcan ou d’une dune, Kilian mêle pilotage et créativité. Après « Dolomites », le premier volet de sa nouvelle série de documentaires, il présente « Mandala », tourné au Népal.
Depuis plusieurs années, Kilian Bron évolue loin des schémas des athlètes vélo classiques, des fédérations et des compétitions. Il se concentre principalement sur un travail d’image qui tend à s’élargir. Pour le tournage de ce nouveau documentaire, il est parti en direction du Népal, à la recherche d’un sentiment d’isolement, en quête de rencontres humaines, avec toujours une petite dose d’aventure. Il revient chargé de tout cela, conscient d’avoir confronté sa réalité à celle d’un pays où vivre simplement, selon nos critères occidentaux, est parfois complexe.
Nous avons assisté à l’avant-première de Mandala, son dernier film. Pendant 1h15, Mandala nous plonge dans les coulisses d’une aventure en terre méconnue avec Kilian Bron et une fidèle équipe de vidéastes et photographes (Valentin Birant, Pierre Henni et Pierre Vieira). Nous nous sommes assis avec Kilian Bron, quelques heures avant sa première diffusion en salle de ce nouveau docu. ll se replonge dans ses souvenirs de voyage :
« Mandala » est le deuxième volet d’une série de documentaires, qu’est-ce qui diffère de « Dolomites » ?
Dans Dolomites, on abordait ma pratique sportive et ma vision de la montagne; avec Mandala, on s’est concentré sur l’aspect humain, les rencontres et l’authenticité. L’objectif n’était pas de faire un doublon mais de s’inscrire dans une continuité avec des thématiques différentes.
Pourquoi avoir choisi le Népal ?
C’était le graal de ma vision alpine du vélo, un objectif “ultime”, autant pour les sommets, les paysages et la culture. Pour ce faire, on s’est éloigné au maximum des endroits sur fréquentés, en s’installant dans une vallée isolée du Dolpo.
C'est une chance énorme
Tu expliques que la rencontre avec les populations locales représentait un objectif au même titre que la performance sportive. Est-ce que tu as trouvé ce que tu cherchais ?
Dans un milieu comme le nôtre, on a tendance à évoluer avec des œillères et à ne pas s’ouvrir à d’autres sujets. Rencontrer les népalais m’a permis d’élargir ma vision, de grandir et d’évoluer. C’est une chance énorme. La plupart d’entre eux sont pauvres. Mais pauvres de quoi ? Ils vivent en famille, répondent à leurs besoins avec le strict nécessaire et ce bonheur leur suffit. Cette prise de conscience a redéfini notre notion de la richesse.
Mon vélo et nos caméras, c'est le lien social qui naît par la curiosité
Quelle a été la réaction de ces populations à la vue de ton équipe, de ton vélo et de tout ce matériel ?
C’est un moyen de nous rapprocher d’eux parce que ça les surprend. Mon vélo, nos caméras, c’est le lien social qui naît par la curiosité et qui crée le contact entre eux et nous.
Est-ce que tu as retrouvé cette culture de la montagne et de l’alpinisme chez les népalais ?
Beaucoup moins que ce que j’imaginais. Ce qui m’a marqué avec la culture népalaise, c’est la spiritualité, les croyances religieuses. Tout est rattaché à la terre et aux éléments qui t’entourent. Les chemins, eux, sont faits pour se déplacer de vallée en vallée, pas pour les loisirs ou pour la pratique de l’alpinisme.
Quels ont été les moments forts du périple ?
L’engagement en vélo a été difficile à gérer car si je chutais, il n’y avait personne pour me secourir avant des heures. Les chemins au bord des falaises étaient plus techniques et plus poussiéreux que d’habitude. Par conséquent, je me suis mis une forte pression qui a poussé mon conditionnement à l’extrême. Pour ce qui est de la dernière ascension, on est montés sur un sommet qui n’avait jamais été fait : l’Oreille Coupée. C’était très dur physiquement. Finalement, le spot ne roulait pas, il a fallu s’adapter et monter encore plus haut. À la fin, on s’est rapprochés d’un glacier, on était à 5000m d’altitude.
Pourquoi le nom Mandala ?
Le titre fait référence à une œuvre d’art en pleine création le long du film. Notre œuvre d’art à nous, notre mandala, c’est un edit d’action à la fin du documentaire.
L’ambassadeur français du Népal a rencontré le maire d’Annecy, à la suite de la diffusion en avant-première. Comment cette connexion s’est-elle faite ?
J’ai rencontré le ministre des Affaires étrangères au Népal lors de la première Mass Start organisée en Asie. On a ensuite eu un rendez-vous avec le ministre des sports népalais. De là, on a évoqué la possibilité d’organiser des ciné-conférences au Népal. Ce qui les intéresse c’est de renforcer les relations entre la France et le Népal grâce au tourisme. Ils ont conscience que la vallée de l’Everest est saturée et souhaitent sortir le pays de ce phénomène touristique localisé. Avec nos projets, on a un impact sur le tourisme, c’est pourquoi l’ambassadeur français du Népal a rencontré le maire d’Annecy.
Pourquoi as-tu fait le choix de diffuser Mandala au cinéma ?
Organiser des séances, ça me permet de partager mon expérience avec ceux qui me suivent. C’est la continuité de ma logique : le partage. Je ne parle pas d’impact en termes de vues ou de likes : avec 400 personnes, c’est un contact brut que je recherche.
Tu mesures comment le succès d’un projet comme celui-ci ?
Je le mesure à la profondeur des retours que j’ai. Je fais la différence entre un simple commentaire et un paragraphe rédigé. Ma volonté reste quand même de le partager au plus grand nombre.
Est-ce que tes sponsors interviennent dans la ligne directrice de ce type de projet ?
J’ai deux discours. Ça m’arrange qu’ils ne le soient pas totalement car je garde une liberté absolue dans mes projets. Par cette occasion, je tiens à les remercier pour leur soutien, surtout dans le contexte actuel défavorable à l’industrie du vélo. En revanche, j’aimerais sentir plus d’implication, de pro-activité de leur part, me sentir moins seul sur le bateau. Particulièrement avec ce contexte, il faut tenter plus. Si on fait moins, il faut faire mieux.
Aujourd’hui, ce sont les rencontres humaines qui m'animent
Quel est le message de Mandala ?
Se recentrer sur l’essentiel. Il n’y a rien de simple dans cet exercice mais c’est ce qu’on a vécu. Avoir été déconnecté n’a fait que renforcer les liens avec mon équipe, c’est même devenu un confort. Les images de vélo restent importantes mais elles ne sont plus une priorité. L’essentiel c’est l’aventure humaine, les moments de partage. C’est ce qu’on veut raconter à travers nos longs formats. Aujourd’hui, ce sont les rencontres humaines qui m’animent.
Dans la continuité de l’année, Kilian sortira le 3ème volet de sa série, tourné entre la Bolivie et l’Argentine. Il travaille également sur l’écriture d’un livre retraçant son parcours personnel et professionnel, qu’il place en tête d’affiche de ses projets.
Pour patienter, retrouvez le précédent documentaire Dolomites et notre article sur celui-ci.
Photos Népal: Pierre Vieira