Interview | Christian Taillefer : « ma vision du vélo électrique a changé »

Par Elodie Lantelme -

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Interview | Christian Taillefer : « ma vision du vélo électrique a changé »

Troisième des championnats du monde de DH en 1992, vainqueur de la coupe du monde de DH des Gets en 1998, recordman du monde de vitesse sur neige à Vars en 1994, 1995, 1996 et 1998, Christian Taillefer était à Val-d’Isère, pour la 3e édition du salon du véhicule électrique 2017. Il venait tout juste de descendre du Specialized Levo. Son deuxième « ride à piles » seulement. On l’a cueilli au vol pour lui poser quelques questions.

Tu n’avais roulé qu’une fois en e-bike avant ?

Oui, j’en profite d’être sur le salon pour ça. Specialized m’a prêté un de ses modèles et j’ai été très surpris de l’efficacité, de la puissance, du confort, de tout ce qu’on peut trouver et qui fait le bonheur du VTT à son guidon. Les montées raides, longues, pour quelqu’un qui n’est pas habitué, qui travaille toute l’année et qui vient essayer de trouver du plaisir en montagne, c’est vraiment fabuleux, pas besoin d’être un sportif aguerri pour prendre du plaisir.

Au niveau des sensations, par rapport à ce que tu connais par ailleurs, tu as trouvé l’e-bike comment ?

En montée, c’est fabuleux, tu as une aide non-négligeable et je suis bluffé par l’assistance. J’ai plus transpiré à la descente qu’à la montée (rires) ! Après, être tout le temps en mode Turbo n’est pas forcément le but du jeu et se mettre sur un mode intermédiaire, d’être assisté tout en fournissant quand même un effort, pour résumer, au lieu d’avoir le cardiaque à 180 pulsations et d’être à 2-3 km/h, tu es à 180 mais tu montes à 10 km/h. les sensations sont vraiment agréables !

« Depuis l’an dernier, on a des vélos électriques vraiment aboutis pour la montagne »

Et la descente, alors ?

On est passés dans des sentiers un peu scabreux, avec de gros portages. Donc j’ai vraiment testé l’électrique dans toutes les conditions ! L’électrique existe depuis pas mal d’années maintenant dans le monde du vélo, mais on a, depuis l’an dernier, des vélos vraiment aboutis pour l’utilisation du VTT en montagne, notamment avec des dimensions de pneus et de roues à grosses sections, ce qui est un avantage non négligeable. Avant, c’était trop fin, inadapté au poids du vélo électrique.

Au niveau sensations, le poids supplémentaire modifie ta perception en descente ?

En électrique, on a une dizaine de kilos en plus par rapport à un bon bike classique, donc on a été obligés d’augmenter les sections, d’adopter de nouveaux standards pour avoir de très gros pneus, ce qui donne du confort. Mais au niveau du freinage, ça donne une portée au sol plus importante, ce qui augmente l’adhérence quand les pistes sont nickel, mais dès que c’est gravillonneux, ça devient un peu une patinoire. Mais bon, on ne peut pas tout avoir et ce sont des ressentis de pilotes, qui représentent 4 à 5% du marché, c’est vraiment infime. Ce qui me plaît aussi, c’est que quand on soupèse le vélo, on se dit « Waouh, c’est énorme ! », mais quand on roule avec en utilisation normale, ne ressent pas du tout cette surcharge pondérale. Après, si on l’emmène sur des gros sauts, on sent quand même un peu d’inertie, mais le jeu en vaut la chandelle !

« Avec le VTT électrique, tout le monde se fait plaisir avec, qu’on soit super pilote ou néophyte. Mais je ne disais pas ça l’année dernière… »

Toi qui fais partie de l’histoire du VTT depuis ses débuts, comment juges-tu l’apport de l’e-bike ?

Le VTT est un des sports qui compte le plus de disciplines : le trial, le cross-country, le XCO, le dual, le boarder, la descente, l’enduro… ça part dans plein de directions. Avec le VTT électrique, tout le monde se fait plaisir avec, qu’on soit super pilote ou néophyte. Ces deux-là peuvent même rouler ensemble, celui qui roule bien, a la caisse se met en mode Éco ; et celui qui roule plus occasionnellement mais a quand même envie de rouler avec son pote se met en Turbo et ça, c’est le propre de l’e-bike. Mais je ne disais pas ça l’année dernière…

Ah bon ?

Je n’étais pas contre, mais je me souviens de ma première rando faite en e-bike il y a deux mois, j’étais un peu gêné au moment de doubler les autres VTTistes dans les montées. Eux poussaient le vélo et moi, je pédalais tranquillou, alors je m’excusais, je leur disais que c’était de la triche. Mais en fait, dans les années à venir, cette vision-là va s’estomper.

Toi non plus, tu ne le vis plus comme ça aujourd’hui ?

Non, parce que je me fais une raison, je ne fais plus le métier comme auparavant. Avant, je roulais tous les jours, pratiquement toute l’année. Là, je suis toujours dans le monde du vélo, mais je n’ai plus assez de temps pour me tenir une condition physique… Et puis je n’ai plus l’envie de me taper dedans à me faire trop trop mal tout le temps… je veux bien le faire de temps en temps, mais plus être obligé de s’entraîner régulièrement pour maintenir un niveau. Parce que pour se faire vraiment plaisir en VTT classique, il faut avoir un certain niveau, si on veut monter un peu, faire du dénivelé. Sinon, on est à l’asphyxie en montée, et en descente, on subit. C’est pour ça que dans mon garage, il va y avoir un vélo de descente et un enduro électrique… sachant qu’on peut aussi se taper dedans physiquement avec un électrique si on a envie.

Plus de 25 ans d’histoire et une belle brochette de pionniers du VTT réunis durant le salon du véhicule électrique façon Beatles avec (de g. à d.) Greg Noce, Christian Taillefer, Guillaume Koch, Laurent Meunier, Vincent Ranchoux et Yann Noce. Intenables!

« Aujourd’hui, ce sont les VAE qui redonnent de l’oxygène au commerce du cycle »

Et toi qui es dans le business, pour le marché, l’e-bike un atout aussi, non ?

Oui, avant, il y avait juste le vélo de route ; le VTT est venu donner un bol d’air pour les magasins ; et aujourd’hui, ce sont les VAE qui redonnent de l’oxygène au commerce du cycle.

… Dont tu fais en quelque sorte partie avec ta marque TRotRX, ce qui explique ta présence à Val d’Isère, sur ce salon du véhicule électrique ?

Oui, j’ai lancé TrotRX, ma marque de trottinettes électriques. C’est un VTT de descente, j’ai simplement enlevé la transmission et l’ai équipé d’un kit électrique, donc on a vraiment la sensation de rouler avec un enduro ou un DH mais dans une position plus confortable, moins physique, debout, droit, encore plus familial et large d’utilisation.

Lien utile : www.trotrx.com

ParElodie Lantelme