Good for the soul | Une thérapie sauvage au coeur des Pyrénées

Par Paul Humbert -

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Good for the soul | Une thérapie sauvage au coeur des Pyrénées

Printemps 2020, on se glisse derrière l’ordinateur de Paul de la rédaction de Vojo. Dehors, il fait beau, une série de vélos n’attendent que de sortir du garage, et pourtant, tout le monde s’est mis en pause. Pire encore, on se met à pédaler sur des rouleaux. Chez nos voisins européens, la situation est identique, et le vélo n’est plus que fantasmé. On se replonge alors dans nos archives mentales et numériques. Le salut viendra finalement de Doug, le fondateur de Basque MTB qui remettra la main sur notre « Escapade en Pyrénées » d’il y à quelques années et qui fait naître un tout nouveau projet. Son mail providentiel tombera dès l’ouverture des frontières et il n’en fallait pas plus pour que Paul boucle sa valise.

 

 

Quand le mail de Doug arrive dans ma boite mail, nous sommes tous en liberté conditionnelle dans notre région du monde. On pourrait se plaindre de nos situations respectives, mais nous sommes tous en bonne santé et quand c’est au vélo que l’on pense en se levant le matin, c’est qu’on fait assurément partie d’une portion privilégiée de la population.

 

 

Toutefois, nous n’avons jamais connu cette période étrange où nos corps sont reposés, mais nos esprits fatigués. Pour être tout à fait honnête avec vous, au moment où je reçois l’invitation de Doug, j’ai ouvert à côté de moi un bouquin qui m’apprend à construire une cabane, un silo à grain et un jacuzzi au feu de bois. Il était grand temps de sortir prendre l’air, mes compétences en bricolage n’en sont que soulagées.

 

 

L’idée de ce trip est assez simple : se ressourcer, partir aux racines de notre sport, de ce qu’on aime. Rattraper le temps perdu loin de la nature, et ne pas se priver de souffrir un peu pour en profiter. Le fameux mail est d’ailleurs assez laconique. Je sais qu’on va rouler pendant 3 ou 4 jours, dormir sous tente et que je roulerai sur un Orbea Occam. Il n’en faut pas plus pour me convaincre.

 

 

Sans trop le vouloir, on commence à avoir quelques kilomètres en commun avec Doug et toute l’équipe de Basque MTB. En lançant sa compagnie de guide, cet Ecossais a construit sa vie dans le Pays-Basque et y a développé un grand nombre de connexions avec différents acteurs locaux pour devenir le guide de référence pour découvrir ces terres. Petit à petit, Doug et son équipe de guide ont étendu leur influence et leur connaissance aux terres des Pyrénées et à ses réseaux de sentiers créés par des associations locales. On les retrouvera pendant notre voyage, mais chaque arrêt dans une vallée est l’occasion de rencontrer celles et ceux qui font le sport à ces endroits-là.

 

 

Arrivé sur place, avant de me plonger dans l’inconnu, on me présente le patron des lieux : l’Aneto. C’est le point culminant des Pyrénées, à 3404m, et il devrait nous en faire voir de toutes les couleurs puisqu’on s’apprête à lui tourner autour.

 

 

Arrivé à Ainsa, haut lieu du VTT en Espagne avec sa Zona Zero et ses EWS, je retrouve donc une petite équipe pour ce road trip dans les Pyrenees. 

Doug

Douglas, c’est le créateur et l’âme de Basque MTB. Depuis un bon paquet d’années, il défriche, déniche et débroussaille un bon paquet de chemins pour y guider des clients venus du monde entier. Il sait, comme personne, adapter le programme d’une sortie aux envies et aux capacités de ses clients, et il s’ancre profondément dans le territoire avec une équipe de guides on ne peut plus locale. En plus de tout cela, Doug a une véritablement appétence pour les belles images et les longs récits, et vous pourrez rêver facilement à des aventures en sa compagnie en vous promenant dans les médias (et en commençant par notre aventure « Escapade en Pyrénées » d’il y a quelques années, évidemment). 

Borja 

On a tous tendance à se mettre un peu dans une case, mais pas lui. Borja, on peut le retrouver sur un gros VTT comme sur un vélo de route ou simplement une paire de baskets au pied. Amoureux de la montagne, il la connaît, et il y voit un immense terrain de jeu. Pourtant, il la respecte et reste humble face aux défis qu’elle présente. Borja c’est ce gars de confiance qui pourra toujours vous apprendre un petit quelque chose sur l’endroit où vous vous trouvez, et qui fera tourner la logistique de votre expédition sans que vous vous en rendiez compte. 

Quiri 

Il y a des gens qu’il faudrait arrêter de présenter comme des « Youtubers », sous peine de véhiculer un bon paquet d’aprioris. En Espagne, Quiri a fait grandir une communauté autour de lui, qui suivent ses expérimentations dans la montagne et dans le nord du pays. Dans la « vraie » vie, Quiri c’est avant tout un musicien qui voyage dans le monde entier et qui se ressource sur un vélo une fois de retour chez lui. Il ne parle ni anglais, ni français, je ne parle pas espagnol, et pourtant Quiri est une des plus belles rencontres de ce voyage. Nos générations ne sont pas les mêmes, malgré tout, on sait qu’on aime les mêmes choses, on sait pourquoi on souffre en montée, et on sait pourquoi on partage un sourire au pied des montagnes. 

Kike 

Vous connaissez certainement son nom si vous êtes un lecteur ou une lectrice de Vojo. Kike est depuis quelques années notre photographe sur de nombreuses EWS partout dans le monde. Aussi talentueux et sympathique soit-il, nous n’avions jamais réussi à passer du temps ensemble sur un vélo. C’est désormais chose faite, et le rendez-vous est pris pour une prochaine aventure !

Martin

Loin des photos, Martin a pourtant fait l’âme de ce voyage. Derrière sa caméra, il a su mettre les mots, et les chanter, pour retranscrire notre état d’esprit. En plus d’être un vidéaste engagé et passionné, Martin est un des riders les plus talentueux des Pyrénées, et une personnalité on ne peut plus attachante. Un type qui fait du bien au sport, et aux personnes qui le rencontrent. 

Paul

Celui-là, vous le connaissez.

 

 

Une petite précision s’impose : j’ai fait Allemand et Anglais en LV1. Mes compétences linguistiques en espagnol sont ainsi assez limitées. Toutefois, fort de ma capacité à commander une cervesa et à trouver le chemin des baño, j’ai développé la confiance nécessaire pour annoncer à mes camarades que je les comprenais relativement bien ce qu’ils racontaient. Grossière erreur ! Mais il n’y a qu’une expérience en immersion qui vous permet de progresser en langue paraît-il…

 

 

Enfin sur place, je retrouve les Pyrénées un peu là où je les avais laissées il y a quelques années, dans un endroit grandiose qu’est le lac d’Ibón de Plan, dans la province d’Huesca. Après quelques premiers kilomètres de vélo à presque 2000m d’altitude, on s’installe pour une première nuit entre les mains de Trekking Mule. Spécialistes de ce genre de services, Alberto et son collègue acheminent et installent du matériel de bivouac en montagne et préparent le diner pour leurs hôtes. Avec Basque MTB, Doug et son équipe ont régulièrement affaire à leurs services et c’est systématiquement une expérience unique.

 

 

Une tablée à quelques millions d’étoiles nous attend, ainsi qu’une bouteille de whisky discrètement glissée par Doug dans le paquetage transporté par les fidèles mules d’Alberto et son équipe. Rassasié, abreuvé, je pars me coucher dans ma tente privative. Covid oblige, personne n’aura la chance de pouvoir faire profiter de ses ronflements à son voisin.

 

 

La suite de notre voyage donnera le ton, littéralement avec les premières paroles de la chanson que Martin, derrière la caméra, écrira pour nous et assortira de quelques accords de ukulélé : « Hard for the body, good for the soul ».

 

 

Autour de l’Aneto, on retrouve différents acteurs du VTT dans la région et notamment Christophe Gastan de Pyrénées Connexion. Ce français installé en Espagne propose des services de taxi 4×4, ce qui ne manque pas d’intéresser de nombreux VTTistes à la recherche de longues journées en montagne. C’est d’ailleurs notre cas, et si l’objectif de cette petite aventure est de quitter le monde qu’on connaît pour rester au contact de la nature le temps de quelques jours, on ne s’est pas privé de s’appuyer sur les bons acteurs locaux pour faciliter cette quête.

 

 

Au fil de ce flirt avec l’Aneto, je ne peux m’empêcher de retrouver ce coup de coeur qui me revient à chaque fois que j’ai la chance de traverser ces montagnes. L’industrie du cycle a une certaine tendance à être attirée par les Alpes, où on retrouve un des bureaux de la rédaction d’ailleurs, mais les Pyrénées ont ce petit côté sauvage, inexploré et véritablement isolé dont je raffole. Le terrain y est assez varié, et on retrouve parfois les pins caractéristiques des régions du Sud et le terrain archi-drainant qui va avec.

 

 

Impossible non plus de ne pas tomber sous le charme des grandes faces vierges, hautes en altitude où on vient planter ses roues pour de grandes courbes en plein air.

 

 

En changeant de vallée, on change de terrain, on passe au travers des nuages et on découvre au matin du troisième jour la voie d’accès direct à l’Aneto. Plutôt que d’aller lui chatouiller les pieds, on part l’observer depuis la montagne opposée. Il parait à portée de main. Quand on se retourne, on est au pied d’un lac de montagne, avec une vue sur toute la vallée. On avance doucement, il faut qu’on porte nos Occam. Un effort vite oublié quand on bascule pour une descente de plus d’une heure jusqu’au pied du trail center baptisé « bike park arran » dans la vallée du même nom.

 

 

Mais avant d’arriver au pied de ces traces, on passe sur une ligne imaginaire qui matérialise la frontière avec la France. En cette période estivale où l’ouverture des frontières était sujette à débat, on s’interroge, là-haut, sur la signification de tout ceci… Une roue en France, une autre en Espagne, on profite surtout de ces longs moments passés à regarder défiler les nuages.

 

 

Difficile de classer ces journées par ordre de préférence, mais en l’espace de quelques heures de soleil, nous avons changé de vallée, fait face aux plus grandes montagnes d’un massif, basculé dans un long chemin trialisant, traversé la frontière et terminé sur des sentiers aménagés pour le vélo. Que demander de plus ?

 

 

La vidéo de ce trip vous montrera les plus belles images, mais vous épargne nos cris de joie quand la terre se met à voler dans les sections tracées. On laisse enfin aller le vélo après avoir dû placer roue après roue sur la section montagneuse de la matinée.

 

 

C’est au sommet d’un lac de barrage qu’on glisse vers notre dernier jour.

Les notes de ukulélé de Martin ne font qu’amplifier ce que notre corps nous dit déjà : « It’s hard for the body, good for the soul »…

 

 

On a parfois tendance à nous dire que la vie nous réserve des surprises. Eh bien, au matin du dernier jour, pas du tout. De notre camp de base, on voit le sommet de notre montée, le col Liauset à 2865m qui nous attend. Pas de surprise, il faut grimper, et terminer les pieds dans la neige. Pourtant, personne ne se plaint parce qu’encore une fois, même si on ne le voit pas, on sait qu’il n’y aura pas de mauvaise découverte : la journée sera aussi magique que les précédentes.

 

 

En basculant en direction de la vallée de Benasque, on change de planète. Les nuages défilent, les rayons du soleil illuminent par intermittence les longues pentes rocheuses. Derrière nous, les traces des glaciers nous regardent filer sur les crêtes, loin de toute trace. Nous voilà « freerider » en 2020, il était temps !

 

 

On retrouve les lignes empruntées lors de la Trans-Nomad et je ne peux que vous inviter à aller y jeter vos roues.

 

 

On choisit nos trajectoires comme des skieurs dans la poudreuse. J’essaye d’ailleurs de freiner mon enthousiasme à cette altitude, une chute pourrait être désagréable.

 

 

Après un petit tour de chant pour la caméra où les plus observateurs et observatrices d’entre-vous remarqueront le malaise ambiant, je grimpe une ultime fois sur ma fusée rose, pour deux heures de descente.

 

 

J’ai presque l’impression de retrouver le relief volcanique que j’ai pu parcourir à la Palma au début de la descente. Ensuite, c’est plus rocailleux, plus vert aussi, et on retrouve un beau grip et les premières pistes des locaux. Terminer une telle journée par un petit bijou de flow, ça n’a pas de prix !

 

 

Je pourrais vous en causer longtemps de ces journées, de ces montagnes, de ces virages. Mais il y a aussi ceux qui ont fait ces journées, et si mon séjour linguistique m’aura permis de développer légèrement mon espagnol, j’ai aussi pu réaliser une nouvelle fois que le vélo a son propre langage universel. Inutile de maîtriser toute les subtilités d’une langue pour réussir à partager son plaisir d’être sur un VTT.

 

 

Le temps d’une petite pause loin des vallées, on a réalisé que les jauges de fatigue et de bonheur étaient communicantes. Après des semaines passées au repos, la tête embrumée derrière des écrans, on ne s’est pas privé d’ouvrir les vannes du plaisir en grand, quitte à nous faire un peu mal au passage. La recette n’est pas bien complexe : les ingrédients sont simples et la logistique légère. Embarquez de vieilles connaissances et quelques nouveaux amis, une poignée de barres de céréales, une tente et une mule plutôt volontaire, saupoudrez le tout d’un peu de vélo et vous ne devriez pas vous tromper.

 

 

Photos : Kike Abelleira     Video : Martin Campoy

Le récit de Doug : https://stories.orbea.com/fr/occam-trip-pyrenees/ 

Laissez-vous guider par Basque MTB  : https://www.basquemtb.com/ 

Retrouvez notre premières Escapade en Pyrénées :www.vojomag.com/decouverte-escapade-en-pyrenees/ 

ParPaul Humbert