Flashback | 1998 – 2023 : la RockShox SID a 25 ans !

Par Olivier Béart -

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Flashback | 1998 – 2023 : la RockShox SID a 25 ans !

Quand on parle de fourche de cross-country, impossible de ne pas penser à la RockShox SID, devenue une véritable icône de la discipline. Alors que la dernière génération vient de sortir, nous nous sommes aperçus que le modèle fêtait cette année ses… 25 ans ! L’occasion de retracer l’évolution impressionnante de ce modèle mythique en compagnie de quelques témoins de choix.

1998, la première SID

Le saviez-vous ? les trois lettres SID sont en réalité les initiales de Superlight Integrated Design. Le poids étant la grande obsession de la fin des années 90, l’objectif premier de RockShox était en effet de concevoir une fourche de cross-country hyper légère. Mission accomplie avec cette fourche qui ne pesait que 1225g, un record pour l’époque, à comparer avec les 1400g d’une Judy SL qu’elle remplaçait. Signe de reconnaissance : sa couleur bleue, devenue elle aussi iconique.

Mais la différence ne se fait pas tellement à l’extérieur, avec des fourreaux identiques à ceux de la Judy SL et un ensemble té/pivot qui n’avait a rien de révolutionnaire. Là où la SID se démarque réellement, c’est à l’intérieur, avec un ressort à air à la place des élastomères qu’on retrouvait alors sur la plupart des fourches de XC. Des élastomères qui, s’ils étaient plus rigides que des ressorts hélicoïdaux en acier, étaient loin d’être parfaits et très durables…

Quelques années plus tôt, nous roulions encore en fourche rigide et potence suspendue FlexStem. Dans ce contexte, la SID a été une véritable révolution !
Thomas Frischknecht

Aujourd’hui team manager du team Scott-Sram, « Frischi » a connu les premiers pas du haut niveau en compétition VTT au début des années 90 et il a couru en coupe du monde jusqu’au milieu des années 2000. Il est donc bien placé pour mesurer l’évolution technique et nous aider à comprendre ce que l’arrivée de la SID a représenté à l’époque.

Thomas Frischknecht se souvient : « au début de ma carrière, je roulais avec des fourches rigides en acier sur mes vélos Ritchey. Ensuite, nous avons eu des potences suspendues FlexStem, et enfin les premières fourches suspendues (Judy SL dans mon cas). C’était déjà un grand progrès, mais l’amortissement restait très rudimentaire. Avec la SID, nous avions pour la première fois une fourche au fonctionnement réellement souple et surtout avec de vraies possibilités d’ajustement. Nous pouvions choisir entre plusieurs cartouches et surtout ajuster la pression d’air en quelques secondes. A cette époque, c’était une vraie révolution. »

1999 : Dual Air et… double té !

Très rapidement, la SID connaît déjà ses premières évolutions avec l’arrivée du Dual Air. Désormais, le ressort négatif en acier est remplacé par une deuxième chambre d’air. Outre le (petit) gain de poids, la SID gagne encore une possibilité d’ajustement supplémentaire au niveau de la sensibilité, ce qui lui permet de garder un avantage sur la concurrence. Elle offre également désormais une option de 80mm de débattement.

Mais ce qu’on retiendra surtout de cette époque, c’est l’arrivée d’une RockShox SID… double té ! Oui, vous avez bien vu et vous avez bien lu : la SID XL a pris la succession de la Judy XL pour offrir une plateforme légère (1800g) avec 100mm de débattement pour des vélos tout-suspendus à la fois légers et très capables, qui ont ouvert la voie à ce qui deviendra plus tard l’enduro et le downcountry. Les plus attentifs auront aussi remarqué que cette SID est la première à recevoir une patte pour freins à disques.

Notons tout de même que cette fourche atypique n’a pas eu de lendemain ; RockShox privilégiant (comme d’autres) l’augmentation du diamètre des plongeurs et le renforcement du châssis au niveau des fourreaux et de l’arceau pour offrir des fourches simple té encore plus rigides et performantes que cette SID XL particulièrement atypique.

2000 : Un blocage pour les JO

Quatre ans après l’arrivée du VTT aux Jeux Olympiques (voir notre rétrospective sur le vélo de Paola Pezzo, première médaillée d’or en 1996 à Atlanta), RockShox veut marquer le coup à l’occasion des JO de Sydney en lançant la… SIDney. Le jeu de mot est évident, mais il marque surtout le début d’une tradition qui ne s’est éteinte que récemment (à notre grand regret) : celle des séries limitées à l’occasion de grands événements.

Première du genre, la SIDney n’a été produite qu’à 500 exemplaires numérotés. Ceux-ci étaient destinés aux pilotes sélectionnés pour les JO et pour le reste vendus sur les plus gros marchés pour RockShox. Cette fourche est aujourd’hui une des fourches les plus recherchées par les collectionneurs et son tarif peut rivaliser avec celui des fourches de dernière génération pour un exemplaire en parfait état avec sa boîte d’origine. Elle a aussi inauguré la couleur blanche qui, si elle n’atteint pas le niveau de reconnaissance du fameux « bleu SID », reste tout de même une des teintes les plus souvent associées à cette fourche.

La SIDney de 2000 était aussi une préfiguration du modèle de l’année suivante, avec une évolution importante : l’arrivée du système d’amortissement Pure, doté d’un réglage de la compression lente via une molette externe. Autrement dit, pour la première fois, le pilote disposait d’une possibilité de durcir la compression de sa fourche jusqu’au blocage, avec en plus une fonction « blow-off » qui permettait tout de même à l’huile de passer en cas de gros impact et à la fourche de fonctionner dans ces circonstances. Bien sûr, il y a eu de l’évolution, mais c’est toujours le même principe qu’on retrouve sur les fourches actuelles.

 

Thomas Frischknecht était sélectionné aux JO de Sydney, où il a terminé 6e. Il se souvient de cette fourche avec laquelle il roulait sur son Ritchey Plexus

Frischi tient à souligner que cette SIDney n’était pas juste une série spéciale avec une déco spécifique : « C’est la première fois que nous avions un blocage au guidon. C’était une demande des coureurs pour éviter le pompage dans les côtes, qui étaient plus longues et roulantes à l’époque, ainsi que dans les sprints. Avant cela, on roulait avec le matériel qu’on nous donnait et les fourches VTT étaient souvent conçues par des gars venant du motocross, qui déclinaient des concepts éprouvés au vélo. Mais là, pour la première fois, les ingénieurs de RockShox sont venus nous demander notre avis pour améliorer leurs produits. Aujourd’hui, cela semble normal et, avec le team Scott-Sram, nous travaillons activement au développement des nouveaux composants. Spécialement les suspensions. Mais en 2000, c’était quelque chose de tout nouveau. »

2002 : du titane pour mieux coulisser

En 2002, pas de révolution, mais l’apparition pour une année seulement d’un traitement « Titanium Nitride » pour les plongeurs. Le but de cette finition dorée assez bling-bling ? Réduire les frictions et améliorer encore le fonctionnement de la fourche.

Malheureusement, si ce traitement rendait effectivement la fourche plus sensible et améliorait légèrement le fonctionnement, il s’est avéré très sensible aux griffes et peu durable. Une seule petite saison au catalogue et puis s’en va… ce qui fait aujourd’hui le bonheur des collectionneurs qui s’arrachent ce modèle, à condition qu’il s’agisse d’exemplaires en bon état.

2003 : l’arrivée du té carbone BlackBox

Depuis plusieurs années, RockShox travaillait en coulisses au développement d’un gros projet, dans le cadre d’un programme appelé « BlackBox » : l’arrivée d’un ensemble té/pivot en carbone d’une seule pièce. Une prouesse technique pour l’époque, qui permettait à la fois de gagner un peu de poids, mais surtout de gagner en rigidité. Par contre, si l’ensemble té-pivot a très vite été au point, l’assemblage par collage sur les plongeurs était par contre un énorme défi.

En 2003, la version de production de la SID Race Carbon est enfin prête. Seulement 5 ans après la naissance de la SID, le modèle passe un cap majeur avec cette version. Elle va marquer toute une génération de vttistes, en étant présente sur les vélos de quelques-uns des meilleurs pilotes mondiaux et sur plusieurs montages « dream build » qui ont marqué leur époque.

2004 : rendez-vous à Athènes

2004, nouvelle année olympique. RockShox remet le couvert avec une nouvelle version spéciale de la SID, baptisée Athena. Cette fois, il y a un peu plus d’exemplaires prévus que pour la SIDney (700 contre 500) mais le principe reste le même : les premiers numéros de la série limitée sont destinés aux athlètes Sram sélectionnés pour les JO, et le reste est commercialisé.

Outre son design mêlant lettrage en alphabet grec et couleur dorée, cette SID Athena se caractérise pour son nouvel ensemble fourreau/arceau revu pour plus de rigidité (il était temps : rappelons que le précédent design de cette partie remontait à quasiment 10 ans avec la Judy) et aussi par l’apparition d’une commande de blocage au guidon.

Lorsque nous l’avons vu lors des derniers championnat de France à Jeumont, Julien Absalon a évoqué avec nous quelques souvenirs de cette période : « C’était vraiment un honneur pour moi d’être dans le fameux programme BlackBox de RockShox/Sram. C’était une sorte de cerise sur le gâteau pour un coureur en plus des résultats sportifs. A l’époque, j’avais seulement 23 ans et c’était quelque chose de très spécial pour moi. On avait droit aux nouveautés en avant-première, aux séries spéciales et la marque nous associait au développement. Puis, cette fameuse SID Athena est associée à mon premier titre olympique. Chaque fois que j’en vois une, c’est donc très spécial pour moi ! Pour l’anecdote, je me souviens avoir reçu la fourche seulement quelques jours avant la course. Sram avait garé son camion dans un coin un peu à l’écart de la ville d’Athènes et j’ai été invité à venir faire monter la nouvelle fourche sur mon vélo. Cela avait son charme et je m’en souviens comme si c’était hier. Mais c’est quelque chose qui serait impensable aujourd’hui : j’amais plus on ne roulerait sur une course aussi importante avec du matériel découvert seulement quelques jours avant. »

2007 : la révolution du 32mm

A l’aube de ses 10 printemps, la SID s’offre une évolution majeure avec le passage sur des plongeurs de 32mm contre 28 auparavant (encore un héritage de la Judy). Il faut dire que depuis quelques années, la Reba World Cup (en plongeurs de 32mm justement) avait de plus en plus les faveurs de certains pilotes en raison de sa rigidité plus importante, qui compensait le surplus de poids. Face à cette concurrence interne, RockShox a fait le nécessaire pour faire revenir la SID au premier plan.

Votre serviteur a d’ailleurs un souvenir très précis de l’arrivée de ce modèle, puisque c’était mon tout premier voyage aux USA. Et pas n’importe où : dans le Grand Canyon, pour participer aux 24h de Moab ! Pour l’occasion, RockShox avait eu l’excellente idée de permettre à quelques journalistes d’éprouver cette nouvelle SID en course, dans des équipes mélangeant des coureurs pro du team Subaru-Gary Fisher, des membres du staff Sram/RockShox et des journalistes. A ce jour, il s’agit toujours d’un de mes meilleurs souvenirs sur le vélo !

Petite surprise quelques mois plus tard : je me suis également retrouvé avec ma tête en pleine page dans les magazines VTT du monde entier dans la campagne de lancement de la SID ! Cette photo me rappelle également un ride mémorable sur le Porcupine Rim Trail, au lendemain des 24h de Moab.

C'est vraiment à cette époque qu'il y a eu une prise de conscience par rapport au poids et au fait qu'il ne faisait pas tout. On est passé d'une sorte de dictature du light à l'ère de l'efficience
Julien Absalon

Sur le plan technique, impossible de ne pas se rendre compte que le nouveau châssis apportait plus de rigidité. Julien Absalon se souvient : « Jusque très tard, alors que la nouvelle SID était déjà sortie, je suis resté fidèle au modèle précédent en plongeurs de 28mm. L’Orbea Alma que je roulais à l’époque reste le vélo le plus léger de toute ma carrière avec 8,4kg. On était tous obnubilés par la légèreté. Puis, les mentalités ont évolué, et les circuits aussi. C’est à ce moment-là qu’il y a eu une prise de conscience par rapport au poids et au fait qu’il ne faisait pas tout. On est passés d’une sorte de dictature du light à l’ère de l’efficience, en prenant en compte d’autres paramètres comme la rigidité de la fourche, le travail de la suspension, etc. »

C’est ainsi qu’en 2008, année de son deuxième titre olympique, Julien Absalon a roulé la nouvelle SID 32mm à Pékin. ici encore, RockShox avait prévu une version spéciale avec non seulement une déco « Beijing » au niveau des marquages, mais aussi un tout nouvel ensemble té/pivot en carbone qui permettait de gratter les quelques grammes nécessaires pour convaincre même les plus récalcitrants à sauter le pas des plongeurs de plus gros diamètre.

La version que vous voyez sur ces photos est un très rare exemplaire de série de cette édition spéciale Beijing. Impossible de connaître le nombre d’exemplaires produits, mais il y en aurait eu moins d’une centaine, réservés à quelques proches de la marque et à certains médias. A noter que sur cette version « publique », l’ensemble té/pivot reste en aluminium.

2009 : SID XX, intégration et hydraulique

Un an plus tard, en 2009 Sram présente le Groupe XX. Outre le fait qu’il s’agissait de la première transmission 2×10 (et d’un premier pas vers la réduction du nombre de plateaux), il s’agissait surtout du tout premier groupe Sram absolument complet, intégrant les freins et même la fourche sous la même bannière.Au-delà du simple nom, c’est à cette époque qu’on a vu apparaître les Matchmakers au niveau du poste de pilotage, permettant le montage des commandes de freins, de vitesses et de suspension sur un seul et même collier. Un système qu’on retrouve encore aujourd’hui ! Plus spécifiquement au niveau de la SID, le modèle XX se distingue par son ensemble té/pivot en carbone et par son blocage hydraulique. Un système qu’on retrouvera ensuite sur la Reverb, première tige de selle télescopique de la marque.

2012 : passage au 29 pouces

En 2012, c’est le passage au 29 pouces qu’on retiendra pour la SID. Apparu en série en 2002 avec le Gary Fisher Supercal 29 (voir notre article complet sur l’histoire de ce modèle important de l’histoire du VTT), ce format de roue a tout de même mis du temps à s’imposer et à vaincre les stéréotypes. En 2012, la partie n’était pas encore gagnée, mais la demande était suffisante que pour justifier le développement de plusieurs modèles destinés aux grandes roues. RockShox a été pionnier en déclinant rapidement la Reba en 29, mais il a fallu attendre 2012 pour voir la SID déclinée en version grandes roues.

2016 : le retour aux affaires

Jusque 2016, la SID va vivre des heures difficiles. Un peu comme Porsche qui a essayé de se passer de sa mythique 911 en privilégiant d’autres modèles, RockShox a mis l’accent pendant plusieurs années sur la RS-1, spectaculaire modèle inversé dont toute la partie supérieure était en carbone. Mais, comme pour Porsche, cela n’a pas fonctionné et mamy a fait de la résistance ! C’est en 2016 que la SID est réellement revenue, plus forte que jamais ! Et l’année suivante, Nino Schurter lui offrira… toutes les victoires en coupe du monde à l’occasion de sa fameuse « perfect season ».

2020 : débattement à 120, plongeurs à 35

On se rapproche de la période contemporaine et beaucoup d’entre vous roulent encore très probablement avec ce modèle ! En 2020, la SID subit une nouvelle évolution majeure qui la replace en tête de peloton des fourches XC. Le modèle se dédouble entre une version SL hyper légère (1300g, plongeurs de 32mm et 100mm de débattement), et la nouvelle SID Ultimate 35, dotée de plongeurs plus imposants en diamètre (35mm) et d’un débattement de 120mm. Imaginez : c’est presque le double de la première SID apparue 20 ans plus tôt !

Pour autant, même sans avoir recours au carbone comme ce fut le cas par le passé, le poids reste incroyablement contenu avec moins de 1500g pour une fourche hyper efficace et très rigide, destinée à affronter les parcours de coupe du monde devenus très techniques… mais aussi à donner plus de confiance aux pilotes comme vous et moi.

2023 : beauté intérieure

En 2023, il y a quelques mois, RockShox a présenté la dernière génération de sa mythique SID. L’extérieur change peu, si ce n’est un té encore plus usiné et travaillé, mais l’intérieur a encore été amélioré pour plus de confort et d’efficacité. La SID SL est toujours là pour les amateurs de poids plume (tout en restant assez rigide et tout à fait roulable) et la SID 35mm continue de combler les amateurs de rigidité et de débattement plus important (120mm, devenu quasi la norme en XC au plus haut niveau).

Comme le montre Thomas Frischknecht sur cette image, c’est en mettant côte à côte la SIDney de 2000 et la dernière génération sur le vélo de Nino Schurter, qu’on se rend compte de l’évolution de notre sport. Le plus fort, c’est que le nouveau modèle est à peine plus lourd que l’ancien alors qu’il est à la fois plus rigide, plus efficace au niveau de l’amortissement et bien plus facile à piloter. Car oui, rouler aujourd’hui avec une des premières SID sur un vélo d’époque montre combien il était délicat de rouler dans des zones techniques avec ce type de matériel. L’amortissement de la première SID est plutôt plaisant, mais la très faible rigidité du châssis devient très vite problématique. Bref, on peut apprécier l’objet et sa valeur historique, mais quand on a l’occasion de re-rouler l’ancien modèle, toute nostalgie ou tentation de dire « c’était mieux avant » disparaît bien vite !

202… : l’avenir sera électronique

Quid de l’avenir ? RockShox nous en a déjà donné un aperçu avec le Flight Attendant apparu sur les fourches d’enduro depuis peu et qui devrait aussi se décliner en XC très rapidement. Les meilleurs coureurs sponsorisés Sram, tels Loana Lecomte, Victor Koretzky ou Nino Schurter ont déjà droit à une fourche SID Flight Attendant, combinée à l’amortisseur également géré électroniquement.

Réelle avancée ou complexification inutile ? L’avenir nous le dira et nous sommes impatients de pouvoir tester le système en XC, mais en tout cas, il a déjà conquis ses premières victoires au plus haut niveau  !

Plus d’infos : https://www.sram.com/en/rockshox/rockshox-technology/sid-legacy
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ParOlivier Béart