Dépucelage électrique : leur première sortie motorisée

Par Olivier Béart -

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Dépucelage électrique : leur première sortie motorisée

Le VTT électrique est sur toutes les lèvres. Il suscite des débats passionnés, avec des arguments tantôt très pertinents… et tantôt nettement moins, principalement par méconnaissance de ce que sont réellement ces machines et de leur comportement sur le terrain. Cet été, nous avons eu l’occasion de mettre pour le première fois une petite brochette de bikers au contact d’un vélo électrique. Tous pratiquants expérimentés, ils viennent d’un peu tous les horizons (marathon, enduro, multi-sport), mais ils n’avaient jamais eu l’occasion de prendre les commandes d’un e-bike, même si cela éveillait leur curiosité. C’est désormais chose faite, et nous leur avons demandé de s’exprimer !

En partenariat avec BMC, nous avons justement eu l’occasion de proposer cet été à un petit groupe de bikers d’entrer pour la première fois au contact d’un vélo électrique et de l’essayer lors d’un test grandeur nature. Sans clore aucunement le débat, voici quelques avis éclairants qui viennent l’alimenter de façon constructive.

L’e-bike en mode sportif avec le BMC Trailfox AMP

C’est à Bouillon, à l’occasion du Grand Raid Godefroy, que nous avons eu l’occasion d’inviter 4 de nos lecteurs à une prise en main du BMC Trailfox AMP. Pourquoi là ? Tout simplement car le GRG a été pionnier dans l’organisation d’épreuves dédiées au vélo électrique, avec le GRG e-bike qui en était cette année déjà à sa 3e édition. Ce n’était pas une condition sine qua non, mais les 4 vainqueurs de notre concours étaient justement des novices complets au niveau vtt à assistance électrique.

Côté machine, ils ont été gâtés pour une première, puisqu’ils se sont retrouvés directement au guidon d’un des vélos électriques les plus pointus et luxueux du moment, avec le fameux BMC Trailfox AMP en version LTD. Il est équipé du moteur Shimano Steps e-8000, dont Denis Jacquemin, le mécano de chez BMC, leur a expliqué toutes les petites subtilités avant le départ.

La « course » du GRG se fait à la bonne franquette. L’ambiance y est très détendue et même s’il y a un classement à la fin (sans autre enjeu qu’une bonne bouteille de bière), l’idée pour la plupart est simplement de se faire plaisir sur un parcours de 47km et un peu plus de 1000m de d+ spécialement pensé pour le VTT électrique. Dernière épreuve à s’élancer afin d’éviter de gêner d’autres participants, le GRG e-bike emmène les bikers électrifiés sur le tracé marathon des 90km (réputé le plus dur) avec une série de raccourcis qui prennent le plus souvent la forme de portions très raides et techniques qu’il serait presque impossible de franchir avec un VTT classique. Vu le kilométrage et le dénivelé, la gestion de la batterie est aussi un beau défi. Bref, il y a de quoi avoir un bon aperçu et, comme vous allez le voir, cela n’a pas été de tout repos. Voyons ce qu’ils en disent :

Grégory Burtombois, enduriste éclectique

Grégory Burtombois n’est pas un parfait inconnu, puisqu’il est l’organisateur et traceur de l’enduro de la Lesse à Daverdisse. Mais la pratique de Greg ne se limite pas à l’enduro et vous le verrez aussi sur des raids multi-sports ou des triathlons où il excelle bien souvent. Autant dire que, physiquement, le gaillard a des ressources. Et pourtant, une des premières choses qui l’ont marqué, c’est la difficulté physique quand on décide d’ouvrir en grand : « Je me suis pris au jeu et j’ai voulu faire la course en tête… mais c’est vraiment extrême niveau intensité ! Comme le moteur ne pousse que jusque 25km/h, si on veut aller au-delà, il faut pousser fort car le vélo est très lourd. C’est comme faire une course avec le vélo de 16kg que j’avais reçu à Noël quand j’avais 12 ans ! » 

En tout cas, quand j’entends des c… qui parlent de triche ou qui disent que ce n’est pas du sport, je pense vraiment que c’est juste parce qu’ils n’ont jamais essayé

« Il faut aussi apprendre à gérer la batterie. Il faut vraiment savoir interpréter les infos données par l’écran de contrôle pour ne pas se retrouver en rade… ce qui m’est d’ailleurs arrivé. Il y a une partie réflexion qui est très présente dans ce genre d’épreuve et qui joue un rôle majeur quand on veut gagner. En tout cas, quand j’entends des c… qui parlent de triche ou qui disent que ce n’est pas du sport, je pense vraiment que c’est juste parce qu’ils n’ont jamais essayé, sinon ils changeraient d’avis directement. »

Et pour lui, dans le cadre de sa pratique de tous les jours, se verrait-il en e-bike ? « Oui, clairement, mais pas en remplacement de mes vélos classiques. Je l’imagine plus dans un usage endurando, pour aller repérer de nouvelles traces dans mon coin, entretenir des sentiers et rentabiliser au maximum des sorties où je n’ai que 2 ou 3h en faisant un max de spéciales malgré le peu de temps dont je dispose certains jours. En descente, c’est presque comme un vélo normal. Il y a le poids, mais avec les pneus en 27,5+ on a tout de même un super grip. Le BMC a vraiment de super suspensions et il est assez imperturbable en descente. »

Son bémol ? « Si les courses avec ce genre d’engin se développent, il faudra être très attentif au contrôle des batteries et des moteurs pour éviter la triche. Ou alors faire d’autres choses, inventer de nouveaux formats. Même si je me suis perdu et si j’ai fini sans batterie, je me suis bien amusé, mais même si je suis sûr que les VTT électriques ont de l’avenir, je pense que c’est plus pour un usage plaisir que course. »

David Cardone, enduriste hédoniste

David pratique le VTT depuis plus de 15 ans. La course, ce n’est pas son truc. On le voit parfois au départ d’un enduro, mais c’est plus pour profiter des traces que pour viser un résultat. En participant à cette journée, David voulait se faire un avis sur l’utilisation d’un vélo électrique dans un contexte sportif : « Je pense que personne ne remet en doute l’utilité de ce genre de vélo pour se déplacer ou pour faire du VTT malgré certaines limitations médicales. Mais quand on est en forme, j’étais curieux de voir ce que cela peut apporter. Le résultat ? J’ai carrément découvert une autre façon de rouler. Je me suis énormément amusé et surtout je me suis rendu compte que l’assistance n’enlève absolument pas tout le côté effort physique comme certains pourraient le penser. Et pourtant, je n’ai pas du tout cherché à faire la course. J’ai juste roulé à mon rythme sans me soucier des autres. »

C’est surtout le comportement en descente que David a cherché à sonder. « C’est un tank, tout passe ! Mais après, il faut adapter son pilotage, surtout au freinage. On doit attaquer les obstacles autrement aussi, moins en cherchant à les éviter en jouant sur la maniabilité de la machine, mais plus en les affrontant, en allant au contact. Le poids est bien présent et, même si le BMC pardonne beaucoup et si on a beaucoup de grip avec les pneus, quand on va trop loin, on le paie cash. En montée, même si on peut compter sur le moteur, j’aimais bien durcir la suspension pour retrouver une meilleure position au pédalage. Et là, une commande au guidon aurait été bienvenue. Au final, j’ai changé d’avis sur cette catégorie de vélo, et pas dit que je ne craquerai pas ! »

Quentin Lanoo, un autre enduriste hédoniste

Quentin et David ont un profil similaire, et ils se connaissent d’ailleurs car même s’ils ne viennent pas de la même région, ils se retrouvent régulièrement sur les mêmes traces et avec les mêmes groupes. Comme Greg, Quentin n’est pas non plus un parfait inconnu, puisqu’il fait partie de la bande à l’origine de l’endurando des Salamandres. « Quand je suis arrivé, j’ai été impressionné. La tente BMC comme les pros, et le Trailfox qui en impose par son look massif. Pourtant, quand l’épreuve a démarré, j’ai choisi de la jouer très humble avec David. »

J’ai fait le choix de rouler beaucoup en mode Eco, et j’ai vu sur la fin que c’était un bon choix vu le nombre de gars qui ont fini sans assistance…

« Je m’attendais à ce que la gestion de la batterie soit un challenge et cela l’a été, surtout quand on ne connaît pas le vélo. J’ai fait le choix de rouler beaucoup en mode Eco, et j’ai vu sur la fin que c’était un bon choix vu le nombre de gars qui ont fini sans assistance. Vu leur tête, cela ne devait pas être très drôle. Alors qu’avec l’assistance, même au minimum, c’est assez relax si on ne cherche pas à rouler vite. Il faut pédaler, et il est faux de croire qu’on peut laisser le vélo faire tout, mais cela permet de discuter avec les autres. Et quand on sort du mode Eco, ça pousse fort. C’est utile surtout dans les côtes très raides. Au final, j’ai terminé tout juste les 48km avec la batterie à zéro… et c’est en descendant du vélo que je me suis rendu compte que j’avais aussi bien mal aux cuisses et qu’en fait, j’avais vraiment dû faire pas mal d’efforts aussi, même en roulant cool. »

Pour Quentin, le comportement en descente est aussi un élément clé. « Il avait plu, c’était glissant par endroits et cela incite à la prudence quand on ne connaît pas le vélo. » Ici aussi, le poids est l’élément qui vient en tête des préoccupations : « C’est un peu le vélo qui dicte son rythme si on n’y prend pas garde. Mais finalement j’ai été assez surpris. Au bout d’un petit moment, on se rend compte qu’il y a moyen de jouer avec et il est assez facile à placer. Les suspensions fonctionnent aussi à merveille, elles sont bien plaquées au sol et ça absorbe tout. Petit bémol tout de même : il y avait de petits bruits de cliquetis qui provenaient du cadre ; je pense du logement de la batterie. On dirait qu’elle bouge dans le cadre légèrement. A long terme, il faudra voir car pas mal d’éléments ont l’air d’être soumis à rude épreuve. En tout cas c’était vraiment sympa. J’ai fini avec le sourire aux lèvres. Malgré l’assistance, il faut se démener ! On roule simplement un peu plus vite et de façon constante en donnant ce qu’on est capable de donner à la force des muscles. Mais le vélo ne fait pas tout le boulot et c’est tant mieux. »

Jean-Marie Alofs, le marathonien

Jean-Marie a rejoint l’aventure sur le tard : un des gagnants ne pouvant nous rejoindre le jour J, nous lui avons proposé de prendre sa place. Pourquoi ? Car en plus d’être un testeur assez régulier pour Vojo, Jean-Marie, bientôt 50 ans, a été victime d’un accident cardiaque en début de saison malgré une hygiène de vie exemplaire, de longues années de pratique sportive et un bon suivi médical. Comme quoi…

Après un long repos forcé, Jean-Marie a obtenu le feu vert des médecins pour recommencer d’abord le VTT en mode balade puis, peu avant le GRG, avec l’autorisation de s’aligner sur un événement. Pas question de s’élancer sur une longue distance d’emblée pour autant, ce serait de la folie. Mais l’idée de faire au moins un des grands rendez-vous belges, même sur une petite distance et au guidon d’un vélo électrique, a rempli l’homme de joie. Même si, au départ, le vélo électrique, ce n’est vraiment pas pour lui. « Pour moi, le vélo, c’est vraiment le plaisir de l’effort physique. Et je ne voyais pas vraiment l’utilité d’un moteur. Mais là, j’ai vite compris que cela restait du sport ! Dès la première côte, quand j’ai essayé d’accrocher le rythme des premiers, je me suis rendu compte que cela demandait énormément de force pour rouler vite et garder une bonne vitesse en côte. Les écarts mettent aussi beaucoup de temps à se creuser et au final, ça se joue beaucoup sur la gestion de la batterie ou encore sur le fait de bien regarder les flèches même en côte… car on va vite et on doit revoir ses repères. »

Dans certaines circonstances, je me suis fait un peu peur. La limite à 25km/h est une bonne chose.

Même si Jean-Marie est désormais convaincu comme les autres que c’est bien un sport et que l’effort physique est bel et bien là, son expérience l’a amené à se poser pas mal d’autres questions : « Dans certaines circonstances, je me suis fait un peu peur. La limite à 25km/h est une bonne chose, car sinon ce serait vraiment dangereux et la cohabitation avec d’autres VTTistes sur les sentiers serait impossible. Mais déjà comme cela, à certains moments, je trouvais qu’on passait vite dans des zones où on va normalement assez lentement. Il faut savoir gérer cela. »

« Il y a le poids du vélo aussi, et le fait qu’il pousse toujours fort même quand on est fatigué alors qu’avec un vélo classique, la vitesse diminue naturellement quand on n’a plus de jus. Bref, il ne faut pas croire que parce qu’il y a une assistance, c’est facile et qu’on peut mettre ce genre de jouets entre toutes les mains. Il y a aussi la question du respect des autres pratiquants. On peut rouler comme un imbécile sur un vélo classique, mais avec un électrique les conséquences peuvent-être plus grandes, surtout si on n’a pas l’expérience pour bien manier l’engin. S’ils veulent se faire accepter, les bikers en électrique doivent être encore plus exemplaires dans leur comportement. Je pense que c’est bien que cela existe, c’est très amusant et j’ai pris du plaisir, mais après ce test, je me dis quand même qu’il faudra être attentif à l’évolution des vélos et de la discipline pour que cela reste vraiment du VTT, tant au niveau technique que de l’esprit. »

Epilogue

A l’issue de cette journée, on le voit, pas mal de clichés sont tombés. Au premier rang desquels le fait que le VTT électrique tue tout effort et que ce n’est pas du sport. Il semble donc bien que ce soit avant tout une posture propre aux bikers n’ayant en fait jamais essayé ce type de machine. Autre point positif, même s’il faut réapprendre certains repères, le plaisir de pilotage en descente reste intact et proche de celui ressenti au guidon d’un vtt classique. En montée technique, c’est parfois une autre paire de manches, mais la machine permet de s’attaquer à des zones où, auparavant, on passait à pied. Même si on n’arrive pas toujours au bout sur le vélo non plus, même avec le moteur.

Quand on se mélange à d’autres bikers, la cohabitation se passe en général bien, mais il convient de redoubler d’attention lors des dépassements, notamment pour ne pas créer de tensions inutiles. Un vélo électrique, plus encore qu’un vélo, est un engin qu’il faut apprivoiser et apprendre à manier. Et il en va de la responsabilité de chacun pour que cela se passe bien… y compris du côté des bikers en monture classique qui ont tout à gagner à regarder ces vélos à petit moteur avec curiosité plutôt que jalousie et rancoeur. Restent d’autres questions qui méritent d’être posées et nous y reviendrons très prochainement, promis !

Retrouvez notre premier essai du BMC Trailfox AMP dans les Alpes Suisses ici : www.vojomag.com/prise-en-main-grimentz-verbier-90km-et-3300m-de-d-au-guidon-du-bmc-trailfox-amp

ParOlivier Béart