Découverte | Tweed Valley : le paradis serait-il en Ecosse ?

Par Léo Kervran -

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Découverte | Tweed Valley : le paradis serait-il en Ecosse ?

Ah, l’Ecosse, ses Highlands, ses lacs, ses châteaux… et ses chemins VTT ! Destination touristique désormais bien établie, l’Ecosse est aussi un petit paradis pour le vélo. Le Nord et l’Ouest sont les destinations les plus connues, avec l’inévitable Fort William, mais les autres régions ne sont pas en reste. Ainsi, à deux pas de la frontière anglaise, une petite vallée s’est entièrement reconstruite autour du VTT. Bienvenue à Tweed Valley, celle que nos confrères britanniques surnomment « la Mecque du VTT ».

Après notre arrivée à Edimbourg, nous prenons la route en direction de Tweed Valley, située à une demi-heure au sud de la capitale écossaise. Dans cette région frontière avec l’Angleterre, les paysages sont constitués de collines boisées ou tourbeuses qui n’excèdent pas 800 m d’altitude. Depuis la route, difficile d’imaginer que plus de 250 km de sentiers VTT nous entourent…

La vallée, qui s’étend de Peebles à Selkirk, tire son nom de la rivière Tweed, qui a aussi donné son nom à la célèbre étoffe. Après s’être développée et enrichie sur l’industrie de la laine entre le XIXe siècle et le début du XXe, la vallée a dû faire face à son déclin. C’est la Forestry Commission, l’équivalent écossais de l’ONF (ou du DNF en Belgique), qui a misé la première sur le VTT pour relancer l’activité dans la vallée.

Il faut dire que l’Ecosse a un avantage de taille vis-à-vis de son voisin anglais ou d’autres pays qui ont des législations plus restrictives. Ici, comme en France, on peut rouler sur tous les chemins et les sentiers (sauf interdiction particulière) avec une grande liberté alors que de l’autre côté de la frontière, on ne peut rouler nulle part sauf autorisation. Une différence importante qui crée un terreau très favorable à la pratique du VTT. Alors qu’en Grande-Bretagne, les nombreuses restrictions cantonnent la pratique aux trails centers, des endroits réservés à la pratique du VTT et parfois payants, cette organisation n’est pas nécessaire en Ecosse. Les locaux ont tout de même décidé d’adopter ce système pour les nombreux avantages qu’il offre, tout en gardant la possibilité d’aller rouler un peu plus loin si on le souhaite.

C’est la Forestry Commission, l’équivalent écossais de l’ONF, qui a misé la première sur le VTT.

C’est donc la Forestry Commission qui a construit les premiers trails dans la forêt de Glentress et c’est elle encore qui a imaginé le circuit des 7Stanes pour promouvoir les forêts et leur écosystème. En Ecosse et particulièrement à Tweed Valley, le VTT est vu comme un véritable outil pour relancer l’économie, améliorer la santé publique et développer un tourisme sain, plutôt que comme une pratique qui s’est imposée et avec laquelle il faut composer. Aujourd’hui, Tweed Valley c’est plusieurs dizaines de millions de livres d’investissements (nouveau bâtiment à Innerleithen, nouveaux trails…), mais aussi et surtout d’énormes retombées, puisque la région accueille plus de 330 000 visiteurs chaque année uniquement pour le VTT !

Dans ces conditions exceptionnelles, l’offre de services dédiés au vélo se développe un peu plus chaque jour et la dernière addition en date n’est autre que Tweed Valley Guides, à l’initiative de cette découverte. Comme son nom l’indique, c’est un service de guide pour découvrir les meilleurs chemins de la région, comme on en voit de plus en plus dans toutes les zones propices au VTT.

Lancé à l’automne 2019 par Dirt School, la plus grosse école de vélo de la vallée et de ce fait fortement impliquée dans le développement du VTT dans la région, Tweed Valley Guides est une équipe de 7 personnes dont 6 guides. Pour cette fois, ce seront Janey et Tom qui nous emmèneront sur les chemins et nous ferons découvrir leur terrain de jeu.

Le tourisme est désormais la principale source de revenus de la vallée et le VTT y joue donc un rôle important. Ce n’est cependant pas la seule activité dans la région et l’économie du bois, industrie historique et séculaire, occupe toujours une belle place. En plus de sculpter les paysages, elle a tracé tout un réseau de pistes forestières qui permettent de s’évader et de parcourir des dizaines de kilomètres loin des routes et de toute habitation. Un paradis pour le gravel…

Le gravel, c’est justement un des aspects que Tweed Valley Guides souhaite développer dans la région, en complément du VTT. Notre première sortie en terre écossaise se fera donc en vélo à pneus fins et cintre recourbé, pour avoir un premier aperçu de la vallée avant de monter sur les VTT. C’est aussi l’occasion de découvrir les charmes de la météo locale, qui change (très) fréquemment. Les locaux ont d’ailleurs un dicton à ce propos, « si tu n’aimes pas le temps qu’il fait, attends 5 minutes » !

Point de départ : le bikepark de Glentress, qui forme avec le village d’Innerleithen situé à quelques kilomètres le trail center de Glentress-Innerleithen. Le site appartient aux 7Stanes (les sept pierres, en gaélique écossais), un circuit de sept trail centers dans le sud de l’Ecosse. De renommée mondiale, celui de Glentress-Innerleithen attire à lui seul plus de monde que les 6 autres !

Pour autant, le site reste à taille humaine. Au départ de Glentress, on retrouve ainsi un parking de taille raisonnable, un bâtiment d’accueil, un magasin, un petit hôtel-restaurant-café et… c’est tout. On est loin de l’ambiance « usine à touriste » de certaines stations alpines.

Côté bikepark, pas de remontées mécaniques mais un vrai chemin dédié à la montée, très facile et ludique avec des options pour corser un peu l’exercice. Evidemment, avec une équipe de 8 guides ou journalistes tous vététistes, de petits défis techniques apparaissent rapidement et ce ne sont pas les vélos de gravel qui vont réduire la motivation du groupe, bien au contraire… On découvre ou redécouvre une nouvelle façon de faire du vélo, sans suspensions ou gros pneus pour filtrer le terrain et on se surprend à prendre beaucoup de plaisir sur de simples pistes vertes !

Après cette mise en bouche alléchante, nous quittons rapidement l’environnement du trail center pour s’aventurer sur les pistes qui serpentent au milieu des collines. On retrouve alors les paysages typiques du sud de l’Ecosse, avec une alternance de forêts de résineux et de sommets tourbeux exposés au vent.

Après une quarantaine de kilomètres à passer de vallons en vallons, nous rejoignons Innerleithen qui sera notre point de départ du lendemain. Centre géographique de la vallée, ce village de 2 500 âmes est aussi la capitale locale pour les amateurs de vélo engagé avec son célèbre versant du Golfie et son service de navettes.

Après une bonne nuit de sommeil, retour sur les gros vélos pour explorer les sentiers autour d’Innerleithen, la plupart tracés spécialement pour le VTT. Ici, il y a très peu de chemins partagés avec les autres pratiques et quand cela arrive, ce ne sont que des liaisons et elles sont suffisamment larges pour éviter tout conflit d’usage.

En plus d’être un paradis pour les photographes, ces forêts de mélèzes ont l’avantage de boire très rapidement l’humidité. Sauf cas exceptionnel comme une tempête, les chemins sont donc praticables toute l’année et souvent dans d’excellentes conditions.

Très vite, nous sommes impressionnés par la qualité des chemins. Malgré l’affluence et la météo écossaise, nous n’avons pas à nous plaindre de trous de freinage ou autres ornières et tout s’enchaîne parfaitement. C’est le compromis parfait entre une piste de bikepark et un chemin de randonneur, il faut lever la tête pour rester sur le chemin et les difficultés techniques sont bien présentes mais il n’y a pas de pièges dangereux. Même chose à la montée, où les traces sont d’abord faciles pour accéder aux descentes les plus accessibles puis deviennent de plus en plus technique à mesure qu’on se rapproche des pistes les plus engagées.

Ces sentiers sont artificiels au sens premier du terme, c’est-à-dire qu’ils ont été entièrement imaginés et construits par des vététistes pour des vététistes, mais on ne s’ennuie jamais et on est loin des autoroutes qu’on peut trouver dans certains bikeparks alpins. On voit et on sent qu’il y a un véritable savoir-faire local dans le domaine. Ici, lorsqu’il faut ouvrir un nouveau chemin, tout le monde est mis à contribution : Forestry Commission, associations de trail builders, pratiquants motivés… Il existe bien sûr de très nombreux trails officieux, mais au lieu d’être fermés ou détruits lorsqu’ils sont découverts, la communauté travaille pour les sécuriser et les valider afin de pouvoir les officialiser.

L’après-midi, nos guides nous font troquer nos VTT pour des e-bikes et nous emmènent sur des chemins plus naturels et beaucoup moins pratiqués. C’est l’occasion pour Janey et Tom de nous démontrer toute leur maîtrise en terme de planification d’itinéraire puisqu’ici, l’assistance n’est pas une aide facultative mais bien un soutien nécessaire pour gravir certaines pentes raides et glissantes dans l’herbe ou sur les feuilles mortes.

Après de beaux passages tout en dévers sur les sommets tourbeux, la sortie se termine par une descente mémorable sur New York, New York, un sentier étroit, boueux, tournicotant et nerveux, idéal pour jouer avec le poids de l’e-bike et rebondir de virage en virage. Le tout dans une forêt particulièrement sombre qui aura compliqué la tâche du photographe mais offert une belle ambiance dramatique pour les pilotes.

Puisqu’une découverte n’est jamais complète sans goûter aux spécialités locales, la journée se terminera au Glentress Hotel, un petit établissement chaleureux au pied du trail center. Hasard du calendrier, la RedBull Rampage avait lieu exactement ce soir là et le propriétaire des lieux, lui aussi vététiste, avait organisé une soirée spéciale en l’honneur de l’évènement. C’est peut-être là, dans cette petite salle remplie, qu’on a le mieux compris ce que représente le VTT dans la vallée. Jeunes ou vieux, hommes ou femmes, crosseurs ou enduristes, tous étaient réunis au même endroit pour passer un bon moment devant un évènement de VTT, comme on va au cinéma ailleurs.

Vous comprendrez donc que le lendemain matin, nous n’avions pas trop envie de quitter la vallée. Nos hôtes l’avaient bien senti et Andy Barlow, directeur de Tweed Valley Guides et head coach de Dirt School, nous a offert l’opportunité de rouler une dernière fois sur ces chemins avant de rentrer en nous proposant une séance de coaching, pour nous faire découvrir son activité principale. Dans ces conditions, difficile de dire non… C’était aussi l’occasion de profiter un peu plus du trail center de Glentress que nous avions traversé rapidement en gravel deux jours plus tôt et de mesurer l’affluence du site le week-end, encore impressionnante en octobre.

Tweed Valley est un bel exemple de ce qui peut se passer lorsque des moyens sérieux sont consacrés au développement du VTT. Plus que la qualité des sentiers ou des services, déjà exceptionnelle, c’est surtout la façon dont le vélo est pensé qui nous a marqués. Au lieu d’envisager le VTT comme une simple activité parmi d’autres pour les locaux et les touristes, la vallée a décidé de l’aborder comme un véritable levier de développement, comme le ski dans les Alpes. Le résultat ? Des itinéraires sécurisés en fond de vallée pour passer d’un village à l’autre loin des voitures, des hébergements adaptés et des pouvoirs publics qui travaillent intelligemment et de concert avec la communauté locale pour pérenniser le VTT et satisfaire tous les pratiquants. Le VTT a lancé le mouvement et reste l’un des attraits principaux de la vallée mais de nombreux aménagements servent à toute la population, comme les voies douces ou les cafés, les restaurants…

Aujourd’hui, le modèle s’exporte même à l’étranger puisque le domaine skiable de Paganella, dans le nord-est de l’Italie, a travaillé avec Tweed Valley pour développer son offre vélo et réalise désormais les 2/3 de son chiffre d’affaire annuel en été. Alors, à quand la même chose en France et en Belgique ?


Rouler à Tweed Valley, infos pratiques :

Où : Peebles, Innerleithen et Selkirk sont les 3 principaux villages de la vallée. Comptez 30 à 45 minutes de route ou de bus depuis Edimbourg et 1h30 depuis Glasgow.
Quand : Le printemps et surtout l’automne, pour profiter des splendides couleurs, sont les saisons à privilégier. L’été, il faudra composer avec les fameux midges tandis que l’hiver, les conditions sont un peu plus capricieuses.
Comment : La plupart des traces apparaissent sur l’application Trailforks mais si vous en avez la possibilité, faire appel à un guide est la meilleure option pour profiter de traces adaptées à votre niveau et découvrir les pépites que recèlent ces collines.
Office de tourisme : https://www.gotweedvalley.co.uk/biking
Nos guides :Tweed Valley Guides

 

Photos : Duncan Philpott / Dirt School

ParLéo Kervran