Découverte | Sur les traces de l’Ultra raid de la Meije, le marathon des cimes

Par Pierre Pauquay -

  • Nature

Découverte | Sur les traces de l’Ultra raid de la Meije, le marathon des cimes

L’Ultra Raid de la Meije est assurément une épreuve mythique du calendrier. Vojo est allé reconnaître les traces de ce marathon qui se déroule dans un des plus beaux décors des Alpes françaises.

 

Le pays de la Meije était difficile d’accès et il le fut encore à ses dépens quand un pan de montagne s’est écrasé sur la route, à hauteur du tunnel du Chambon, en 2015. Il isola le pays durant de longs mois. A la sortie de La Grave, la route ne cesse de grimper : je rejoins un de ces hameaux accrochés à la montagne, Hières où m’accueille Jean-Paul Routens et son épouse, tous les deux heureux de vivre ici, chambre avec vue sur la plus belle des montagnes, la Meije…

Jean-Paul est un passionné quand il parle de son Ultra Raid. Pour les plus anciens d’entre nous, la marque Routens n’est pas inconnue. Elle s’est exportée dans le monde entier avec les premières ventes par correspondance dans les années 1990 et 2000. A 69 ans, il a rangé son calepin mais Jean-Paul n’a jamais quitté son vélo, sa raison d’être. Une passion que l’on retrouve dans ses granges qui cachent des trésors vintage… Et sur son BMC, force est de constater son étonnante agilité et sa force qui pourraient étonner plus d’un jeune…

Le lendemain, j’ai hâte de retrouver ces paysages du Haut-Dauphiné qui ont bercé mes vacances de gamin à la montagne, avec sac à dos et tente de bivouac. Plus qu’ailleurs, la montagne est ici d’une verticalité lacérée. Dans ce décor minéral, l’Ultra Raid est une épreuve de pur VTT, un point d’honneur que Jean-Paul ne dérogera jamais. Pour cela, venir à La Grave, c’est se frotter à un parcours exigeant et emprunter uniquement les sentiers qu’offrent la montagne et la nature.

L’ascension du Galibier, face obscure

Pour ce premier jour de reconnaissance, Jean-Paul m’emmène vers les rampes des cols du Lautaret et du Galibier. J’emprunte son ancienne route, une piste militaire qui nous hisse vers le col mythique.

Le Galibier est un col mais aussi une montagne. Et impossible pour Jean-Paul de passer par la route : l’URM ne peut s’en contenter. Alors on gravit le sommet de front, situé à 2679 m, dans un éboulis de pierres et de poussière calcaire. « Lors de l’épreuve, on voit les coureurs, comme une colonne de fourmis gravir le Galibier… », me lance avec un sourire malicieux Jean-Paul.

Au col, à 2649 m, c’est la rencontre avec Charley, guide et accompagnateur VTT à Villar-d’Arêne : il sera notre compagnon de route pour la journée. Et avec son Intense, il est dans son jardin. Il va me mener la vie dure…

Du col, un single track aérien se faufile entre les rocs lacérés. Sur mon tout nouveau Canyon Lux, je la joue mollo et me fais très rapidement distancer par les deux as. Et la descente ne fait que débuter : elle sera rapide et technique. Je roule sur de vrais sentiers, mettant en exergue l’attention et les bons réflexes que tout biker doit avoir en montagne. Contournant la Roche Olvéra, nous traversons les gués, enchaînons le single à flanc du torrent. C’est magnifique et grisant. A 1758 m d’altitude, la chaleur se manifeste : nous avons dégringolé en quelques minutes près de 900 m de dénivelé. Et là-haut, le col de la Ponsonnière me nargue, juché à 2682 m d’altitude…

Au sommet du Galibier, une ancienne borne, délimitant le Royaume de France, balise le début de la descente vers la Savoie où l’on va traverser la Lauzette.

De la piste menant au camp des Rochilles, sur la droite, s’échappe un sentier à flanc de la combe. Je joue aux équilibristes mais ne crains pas de toucher les pédales sur un rocher grâce à cette trace dépourvue de pièges. Le sentier, lisse et beau, m’autorise à regarder le paysage : en face, le massif des Cerces est pétri dans du calcaire dolomitique.

Loin de tout…

Plus je roule, plus je m’enfonce dans une montagne sans retour. « Lors de l’épreuve, après le Plan Lachat, tu es parti pour de bon vers la haute montagne. Pas de pistes, de chemins carrossables pour aller te chercher en cas de problème. Et l’hélicoptère est notre seul salut pour aider un concurrent… », me raconte Jean-Paul. Il est d’ailleurs impératif d’emporter avec soi un équipement obligatoire de survie. Et il est question de barrières horaires à ne pas dépasser : on ne rigole pas avec la sécurité, surtout en haute montagne. En septembre, l’été sera sans doute déjà passé. Les conditions météo pourraient être… imprévisibles. « L’an dernier, on a balisé sous la neige… Au col, on ne voyait plus la trace », me lance Charley. Mais en cette période, il se peut que vous rencontriez aussi cette lumière dorée d’automne qui enveloppe la montagne.

La montagne est silence. Les maigres pâturages se terminent là où commence la grande combe, couverte de pierraille qu’il faudra traverser. L’ascension vers les Rochilles se monte au tempo et le Canyon est impérial : quel grimpeur ! Le choix du VTT est important pour une épreuve de ce type. Pour Jean-Paul, il privilégiera plutôt un vélo léger de XC marathon où le rendement est important. Et quelle chance d’avoir ce Lux, impérial sur ce type de parcours. Les 100 mm de débattement pourraient apparaître dérisoires, mais il parvient à gommer les obstacles. Au final, il a surtout ménagé mon dos, malgré les 10 heures de selle : confort et performance s’allient sur ce vélo.

Le tout nouveau Canyon Lux CF SLX a trouvé, sur les traces de l’Ultra Raid de la Meije, son terrain de jeu de prédilection.

Plus loin, à l’approche du dernier ressaut, la pente devient sévère. Au sommet du col, les randonneurs à pied sont tout étonnés de nous voir là-haut, avec nos bikes… Une vision qui n’aurait pas été possible il y a quelques années seulement. Les machines sont ainsi faites maintenant pour côtoyer la haute montagne : désormais nous avons notre place dans ce monde minéral.

Pour aboutir au col de la Ponsonnière, Charley roule sur un magnifique sentier en encorbellement le long de la Combe des Chardonnets.

En basculant sur l’autre versant, j’aperçois que les descentes sont cassantes et très longues, difficiles à négocier. Je suis heureux d’avoir laissé mon semi-rigide à la maison et de profiter de ce XC marathon que la rédaction m’a prêté pour cette échappée en terre des Cerces.

La descente vers l’Alpe du Lauzet augure des paysages magnifiques, la marque de l’URM…

Je suis entraîné par la pente, le poids me pousse vers le bas mais l’équilibre, la stabilité du VTT m’étonnent : je lâche les freins vers l’Alpe du Lauzet mais me méfie des pneus Maxxis Ikon qui offrent peu de prises latérales…

Bienvenue dans le Sud

Je bascule dans l’air du Midi, le Briançonnais ! La lumière devient plus vive, le vent sec balaie la poussière blanche des pierres. Et le sentier devient par endroit champ de caillasse. A la fin, les épingles s’enchaînent sans difficulté : la géométrie du Lux, et son angle de 70° de direction me font oublier que je roule sur un 29’’.

De Savoie on repasse vite dans le Briançonnais, l’air du Sud. Et la montagne change du tout au tout…

Retour vers le Lautaret puis le magnifique panorama au Pontet. Les 2500 m de dénivelé de la journée sont bouclés. Peu de choses finalement, comparé au raid que les concurrents devront franchir le 15 septembre. Et Jean-Paul me montre la suite du parcours, dessiné dans le paysage. « Nous, on en a terminé pour aujourd’hui, mais regarde là, la montagne au sud-est. Les concurrents devront passer dans un tunnel privé, long de 2 km, pour passer sous la montagne et rejoindre le Plan de l’Alpe, à la porte du Parc National des Ecrins. De là, ils longeront la vallée pour remonter jusqu’ici, au lac du Pontet… ». Je pense à leur baroud de champion en profitant une dernière fois d’une superbe descente vers Vallfroide, blotti dans sa vallée secrète. J’observe le terrain. Par des efforts obstinés, l’homme a conquis ce versant, le découpant en terrasse pour tenter de cultiver sur ces flancs abrupts une terre ingrate.

Fourbus, nous nous retrouvons le soir à l’Edelweiss, un super restaurant tenu par un Anglais, tombé amoureux de la région. Une belle ambiance que les concurrents peuvent également connaître car le raid peut s’effectuer sur deux jours. « Les costauds bouclent les 112 km et 5000 m de dénivelé en une journée, mais la formule sur deux jours permet de profiter pleinement de ce parcours. » On ne pourrait donner tort à Jean-Paul quand on voit la belle convivialité qui règne à La Grave…

Le plateau du paradis

Le matin du deuxième jour, depuis le village des Hières, nous commençons à grimper vers le plateau du paradis, via un long et interminable chemin. Dès que l’on s’élève de la Romanche, c’est la découverte d’un monde de lumière où se mêlent les glaciers et les lacs bleus. Le plateau s’ouvre vers l’Oisans, cette montagne cristalline où trône la Meije, face à nous, à presque la toucher.

Nous entrons profondément dans le vallon du Gâ. Le long du ruisseau, des hameaux perdus et leurs bergeries témoignent de l’estive de milliers d’ovins et de bovins. La seule richesse du plateau était âprement convoitée. Elle fut source de querelle entre les éleveurs de La Grave, de Besse et Mizoën, chacun revendiquant la propriété de l’alpage. Une guéguerre qui laisse encore des traces de nos jours…

L’exposition très ensoleillée du plateau accueille également un grand nombre de génisses qui y vont grandir durant trois ans avant de rejoindre le Beaufortain en Savoie, où elles produiront un lait de qualité qui servira de base au fameux formage, le Beaufort.

Au bout du vallon, un tout nouveau refuge prêterait bien à la flânerie. Mais Il faut bien poursuivre : la route est encore longue pour rejoindre le plateau.

Contrairement à la veille, ici le terrain est plus accueillant : nous évoluons en alpage, sur des sentiers moins cassants, plus roulants mais tout aussi magnifiques. Tout s’oppose sur ces deux journées : l’ombre et la lumière, la roche et les gras pâturages, l’abrupt du massif des Cerces et la douceur du plateau d’Emparis. Néanmoins, le portage est nécessaire pour nous hisser vers le col des Trente Combes.

Un virage à gauche et nous glissons à toute allure sur un single à travers l’alpage du plateau d’Emparis. Un plaisir des yeux et des sens. Mais cette euphorie ne peut trahir la moindre erreur de pilotage. Jean-Paul me conseille à la prudence. « C’est pourtant ici que l’on constate les chutes les plus sévères. Sur cette trace, on se relâche et on va vraiment vite… »

La plus belle de toutes ?

Au col Saint-Georges, j’ai de la chance… Nous n’irons pas vers Besse, quelque 700 m en contrebas, là où va le raid. Et la remontée, quand je vois les lacets du chemin, n’est pas une sinécure.

On se contentera d’un autre col, celui du Souchet, vraiment agréable à gravir. De la passe, le détour vers les lacs Lérié et Noir vaut la peine : sur le miroir se reflètent, comme des rubis étincelants, la Meije, le Râteau, le glacier du Mont-de-Lans. Du lac, l’herbe bien grasse tranche avec l’univers minéral de la masse de la Meije.

A midi, le soleil effleure la cime : les Gravarots ont nommé ainsi la montagne, « le milieu du jour », la Meije. Belle comme une femme, avec ses draperies de glace qui la ceinturent comme un corsage blanc en dentelle, elle attire le regard de tous les amoureux de la montagne depuis des millénaires. Voluptueuse versant nord, plus rugueuse versant sud et son pan de rocher vertical, côté Vénéon. Elle ne fut vaincue qu’en 1877 par Pierre Gaspard, en suivant l’itinéraire de l’arrête du Promontoire. Une victoire qui clôtura une âpre lutte entre les guides de La Grave et leurs clients anglais et Gaspard de Saint-Christophe en Oisans, accompagné du Comte Boileau de Castelnau.

Les dernières descentes pour rejoindre La Grave sont parmi les plus difficiles à négocier, surtout avec plus de 2500 m de dénivelé dans les jambes…

La descente vers le village en terrasse du Chazelet est assez technique avec son lot d’épingles et la caillasse la recouvrant. Car sans chemin, il n’est pas de villages. Ils ont le même visage que la montagne à laquelle ils s’accrochent. Rudes et austères à qui les regarde de loin, accueillants à ceux qui les traversent et qui prennent le temps de s’arrêter pour discuter ou prendre un verre comme ici au Chazelet.

Gaston Rébuffat, grand alpiniste français se plaisait à noter que « dans toutes les Alpes, aucun massif n’est sauvage, pur, rugueux comme le massif des Ecrins ». Je ne pourrais lui donner tort quand j’ai pu aborder avec Jean-Paul une grande partie de l’itinéraire de l’Ultra Raid de la Meije.

L’engagement physique lors de ce raid sera terrible. La montagne, belle et rebelle, ne se laissera pas apprivoiser facilement. Mais si on l’aborde avec humilité et respect, elle montrera sans nul doute son plus beau visage.

Carnet pratique

  • L’Ultra Raid de la Meije se déroulera du 15 au 16 septembre
  • En formule chronométrée ou non

Le samedi

  • 3 possibilités
  • 72 km : 3000 m de dénivelé positif
  • 57 km : 1800 m de dénivelé positif
  • 47 km : 1600 m de dénivelé positif

Le dimanche

  • 4 possibilités
  • 50 km : 2500 m de dénivelé positif
  • 45 km : 2000 m de dénivelé positif
  • 35 km : 1700 m de dénivelé positif
  • 30 km : 1200 m de dénivelé positif
  • Pour les plus costauds, le raid peut s’effectuer en une journée avec un classement pour ces 3 distances.
  • 112 km et 5000 m de dénivelé positif
  • 105 km et 4600 m de dénivelé positif
  • 72 km et 3000 m de dénivelé positif

Plus d’infos : www.ultraraidlameije.fr

Petit focus sur le Canyon Lux

  • L’arrivée de parcours des plus techniques pousse certainement les ingénieurs à concevoir des VTT de XC Marathon, aptes à encaisser les traces les plus sévères. Moins exclusif en rendement pur (terminé les VTT raides, effet bout de bois), il offre une motricité sans faille et un sentiment de sécurité étonnant dans les descentes techniques. Jamais il ne m’a désarçonné dans la plongée vers le Pont de l’Alpe ou du Chazelet. Le Lux représente peut-être cette nouvelle génération de vélos XC qui ménagent avant tout son pilote, de longues heures durant. Et on ne vous parlera plus du bienfondé de la tige de selle télescopique sur un tel tracé. Lors des ces 5500 m de dénivelé, la possibilité de porter deux bidons n’est pas non plus un luxe…
    Rendez-vous très vite pour un essai complet !

ParPierre Pauquay