Découverte | Luberon : au-delà de l’ocre

Par Léo Kervran -

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Découverte | Luberon : au-delà de l’ocre

Le Vaucluse, terre de VTT ? Profitant d’une situation géographique avantageuse, la région présente une grande variété de terrains et ne manque assurément ni de sites de pratiques ni de beaux sentiers. Après notre escapade autour du Ventoux l’année dernière (lire Découverte | Vaucluse : les secrets du Mont Ventoux), La Provence à Vélo nous a cette fois proposé de descendre un peu plus au sud pour découvrir un territoire dont le nom ne vous est certainement pas inconnu : le Luberon. Suivez le guide !

Le VTT dans le Luberon, c’est une longue histoire. Très longue même, puisqu’elle commence  au milieu des années 80, alors que l’activité n’en est qu’à ses premiers balbutiements en France et pas beaucoup plus vieille de manière générale. Aujourd’hui, la communauté VTT y est donc très développée et c’est à sa rencontre que nous sommes partis.

Des pionniers à ceux qui préparent l’avenir du VTT dans la région en passant par celles et ceux qui écrivent son présent, nous avons roulé avec 6 figures locales. Entre diversité, contrastes, cohabitation et partage, elles nous racontent « leur » Luberon.

Les premiers pas

Notre voyage commence par une sortie en compagnie de Fabrice Taillefer autour de la vallée de l’Aiguebrun. Un petit vallon discret et tranquille en apparence, mais mondialement connu pour l’escalade car c’est ici que se cachent les célèbres falaises de Buoux.

Fabrice, c’est un peu la même chose. D’apparence tranquille, l’homme fait partie des pionniers du VTT en France, et avec son frère Christian, ils ont fait rêver toute une génération de vététistes en herbe. La pratique était alors bien plus confidentielle et bien différente de celle qu’on connaît aujourd’hui : « Il faut savoir qu’à Apt on a eu la chance d’avoir Guy Agnel, qui avait un magasin de vélo à Apt et qui a cru dès le début au VTT.  Ce marchand de vélo a créé un groupe, une association, le VTT Luberon qui est je crois la plus vieille association VTT de France. Eux ils ont commencé en ’84, moi j’ai commencé en ’87 et petit à petit ça a fait boule de neige. Après, le frangin a été sponsorisé, il m’a embarqué dans l’aventure et comme ça on a été parmi les premiers pratiquants de VTT en France. »

D’abord en compétition pendant une dizaine d’années, avec du XC puis de la DH et ensuite (surtout !) du freeride, une pratique qui a révolutionné le petit monde du VTT. Et si elle née entre autres dans le Luberon, ce n’est pas par hasard : « Le freeride c’était aussi attendu par la presse, parce qu’il y a eu beaucoup de photos en compétitions, mais ces nouvelles photos dans la nature, un petit peu extrêmes… Au niveau de l’image, nous en plus on a la chance d’avoir le Colorado Provençal avec des couleurs assez magnifiques, ça a fait des couvertures de magazine vraiment incroyables. »

Très vite, le Luberon gagne en renommée et les pilotes les plus célèbres viennent découvrir le secteur : « Beaucoup de champions sont passés par ici, on a eu Thomas Frischknecht, Missy Giove aussi qui avait un pied-à-terre à Apt quand elle venait s’entraîner en France, puis Miles Rockwell, Nicolas Vouilloz, Cyril Lagneau… »

Selon lui, ce qui fait l’intérêt de la région, c’est sa diversité : « Ce que j’aime ici, c’est qu’on a beaucoup de spécificités de terrain : du rocher, de l’ocre, du lisse avec des racines comme ici dans la vallée de l’Aiguebrun… Tout ça en peu de distance, comparé aux USA où il faut faire 3h de voiture pour passer du caillou à la terre. »

Dans cette communauté naissante apparaissent les premières entreprises, qui vont elle aussi contribuer au développement du vélo dans la région. Le plus bel exemple est celui de Race Company, aujourd’hui l’un des plus grands distributeurs français dans le VTT (100 %, Transition, Ibis, KS, Rotwild, Ride Concepts, Formula, Muc Off mais aussi ses propres marques comme SB3 ou Trick’X…). Née en 1999, la société emploie aujourd’hui 20 personnes et occupe les bâtiments d’une ancienne usine de soufre en bordure d’Apt.

Derrière Race Company, on retrouve Christophe Morera, dit Momo. Dans la fin des années 90 puis le début des années 2000, l’homme fut une figure de la scène freeride et a beaucoup participé à faire connaître le Luberon avec ses lignes incroyables tracées dans l’ocre.

L’ocre, c’est bien sûr la marque de fabrique du Luberon. Rustrel et son célèbre Colorado Provençal sont à deux pas, mais aujourd’hui il n’est plus vraiment possible d’y poser ses roues. A la place, Momo nous emmène à Gargas, un autre site un peu moins spectaculaire mais tout aussi coloré.

La chance est de notre côté puisqu’il a plu il y a peu et le terrain n’a pas encore complètement séché.

Le sol est incroyablement doux mais pas piégeux et c’est très agréable à rouler. Après quelques passages sur les crêtes, nous prenons la direction des anciennes mines d’ocres, de superbes tunnels qui s’étirent tout en longueur sous les sentiers.

Mélange des générations

Cela n’était pas planifié mais en arrivant devant ces tunnels, nous tombons sur un groupe du club VTT local, VTT Luberon. Transition parfaite entre ceux qui ont lancé le VTT ici et ceux qui en écriront l’avenir ! D’ailleurs, Momo nous explique que « RaceCo n’a pas ramené de gens dans le passé, ça en ramène dans le présent. On a des guides comme Gaétan Dupin [l’entraîneur du groupe] par exemple, qui ont grandi ici et sont nés dans cette culture freeride. »

La culture locale et l’effet de communauté, c’est un autre pilier important du VTT en Luberon. Cela, c’est Jade Chauvin qui nous le fera comprendre un peu plus tard, en nous guidant sur un joli sentier caillouteux en balcon à proximité de Gordes.

Kinésithérapeute à Gargas, Jade compte de nombreux vététistes parmi ses patients et voit donc passer tout le spectre de pratiquants : « Ici le VTT c’est une famille, et de tout âge. C’est aussi ce qu’on apprécie, des petits jeunes qui roulent avec nous et de 15 ans à 70 ans on est tous ensemble sur le vélo ».

De tous âges… et de tous niveaux ! Terre de champion par le passé, le Luberon l’est encore aujourd’hui puisque c’est de cette région que vient par exemple Kevin Miquel, l’un des meilleurs français en enduro en ce moment. Quand on le retrouve pour quelques tours de roue après une matinée d’entraînement, il rend hommage à cette génération de pionniers que nous avons rencontré un peu plus tôt : « C’est clair qu’ils font partie intégrante des gens qui donnent envie de faire du vélo, notamment les frères Taillefer. Quand on aime la compétition, on a aimé les suivre en étant petit, ça fait partie de notre jeunesse et on ne l’oublie pas. »

Gaëtan Dupin, l’entraîneur des jeunes mais également guide VTT, illustre :« On a deux clubs majeurs qui sont le Veloroc et le VTT Luberon, l’un d’où est issu Kevin et qui est plutôt orienté XC et l’autre qui est plutôt orienté AM, enduro, freeride, dans l’inspiration des pionniers comme Fabrice Taillefer, donc on a quand même un pool de jeunes qui sont super bons, poussés par l’image de pas mal de pro riders qui viennent dans la région pour ouvrir des spots. On en entendra parler je pense ! »

Un territoire aux multiples facettes

Des pilotes comme Nicolas Filippi ou Hugo Pigeon ont également fait leurs premières armes dans le Luberon, au sein du Veloroc Cavaillon. Une telle concentration de talents sur un si petit territoire, cela doit bien avoir un lien avec le terrain ?

« C’est vrai qu’on découvre beaucoup d’endroits avec les compétitions des Worlds Series, et quand on revient ici on s’aperçoit qu’on a beaucoup de chance, rien qu’en terme de météo on arrive à s’entraîner 365 jours avec essentiellement du beau temps, on a beaucoup de variété dans les trails donc c’est un endroit parfait » nous détaille Kevin, avant d’ajouter que « ce qui est vraiment rigolo, c’est que même si on connaît beaucoup beaucoup d’endroits, on arrive encore à en découvrir. On ne shape pas forcément, il y a beaucoup de chemins naturels. Chaque année on découvre de nouvelles choses et c’est ça qui est vraiment enrichissant. »

Jade Chauvin abonde : « Le vélo ici, c’est fantastique, on ne roule pas deux fois au même endroit dans l’année et sur le même parcours si on veut, il y a une multiplicité de chemins, de singles, de petits sentiers… C’est fantastique, on se perd assez souvent d’ailleurs mais c’est maintenant très bien balisé. »

Ce balisage, c’est celui du tout récent Espace VTT Luberon Lure, inauguré en fin d’été dernier. Tout neuf mais déjà très fourni, puisqu’il compte pas moins de 63 parcours balisés, auxquels il faut encore ajouter 6 tours sur guidage GPS uniquement et les deux itinérances qui traversent la région (Grande Traversée du Vaucluse à l’ouest et des Alpes Provence à l’Est) ! Et ces parcours sont loin d’être exhaustifs car le Parc Naturel Régional du Luberon, à l’origine du projet, a fait attention à laisser de la place pour les guides

Eric Garnier est l’un des hommes clés de l’Espace VTT Luberon Lure. En charge de tout ce qui est « sports natures » pour le compte du Parc, il occupe un rôle essentiel dans l’écosystème VTT de la région. Pour lui, « intégrer le VTT dans un parc naturel c’est assez simple, c’est presque une logique. Le VTT c’est aussi un moyen de découverte de l’ensemble du patrimoine naturel et culturel de notre territoire. Ça amène aussi un public plus jeune, peut-être plus actif sur notre territoire, ça fait partie du développement économique durable et responsable. »

On en profite pour lui demander comment se passe la gestion d’une offre aussi importante de sentiers. Qui les entretient, qui s’assure qu’ils restent praticables pour tous, toute l’année ? « Les chemins c’est un millefeuille de gestionnaires, la règle c’est celui qui fait entretien. Cela peut être associatif, comme les collectivités, les syndicats mixtes… C’est varié. Pour le VTT, c’est souvent le département ou les communautés de communes ».

Il faut dire que les différents acteurs ont tout intérêt à chouchouter les pratiquants, car sur le périmètre du PNR du Luberon – qui, avec ses 77 communes et 1847 km², va bien au-delà du cœur historique du Luberon – le vélo en général « représente 200 emplois directs et indirects et plus de 15 millions d’euros de retombées par an. »

Gaëtan Dupin complète : « L’espace VTT Luberon Lure ça a été un gros travail du département en relation avec le parc du Luberon et les clubs alentours pour baliser des parcours qui soient référencés au niveau de la difficulté déjà, au niveau du kilométrage, au niveau du dénivelé et surtout, surtout pour se trouver sur des chemins autorisés pour ne pas avoir de conflits d’usage avec des propriétaires, donc c’est une super base pour préparer son séjour. Après c’est vrai que si on veut des choses un peu plus insolites ou personnalisées, c’est toujours plus simple de travailler avec un guide. »

« La chance qu’on a dans le Luberon c’est qu’on a un assez vaste réseau de sentiers et qui peuvent correspondre à vraiment tous les publics. En fond de vallée on arrive à faire des boucles XC proches des vignes et assez faciles pour découvrir, aller de cave en cave par exemple ou découvrir du patrimoine avec les villages. Après, quand on va un petit peu plus sur les massifs ,que ce soit côté sud sur le Luberon ou côté nord sur les Monts du Vaucluse, on va avoir des terrains plus adaptés pour des pratiques all-mountain / enduro, avec des niveaux vraiment variables. De la personne « débutante » jusqu’à la personne expert, il y a pas mal de champions qui viennent s’entraîner dans le coin. »

La preuve par l’exemple puisque c’est lui qui nous guidait lors de notre après-midi avec Kevin Miquel et il nous a emmenés dans des endroits très différents, d’abord de la terre et même un peu de boue entre Buoux et Apt puis du cailloux et du fuyant sur les collines juste en face, au-dessus de Saint-Saturnin-lès-Apt. Deux terrains bien différents, largement accessibles pour qui est habitué à rouler en VTT, mais avec de nombreuses variantes pour corser les choses si l’envie se fait sentir.

On ne peut même pas reprocher aux locaux leur manque d’objectivité, car ce qu’ils nous ont fait découvrir pendant ces quelques jours ne vient qu’appuyer leurs dires. Dans un cercle de moins de 10 kilomètres de rayon, on a ainsi roulé dans de l’ocre, dans des cailloux typiques du sud, sur de la terre bien plus commune, en balcon au-dessus de falaises, au bord d’une rivière ou encore le long de bories, d’anciennes cabanes de bergers parfois composées de plusieurs centaines de milliers de pierres.

Quand on passe très vite de l’un à l’autre au cours d’une même journée voire d’une même sortie, ça peut surprendre. Dans l’imaginaire général, le Luberon est surtout connu pour ses ocres, mais en réalité c’est bien la diversité qui caractérise la région.

Et la suite ?

Une communauté bien développée, un terrain de jeu extraordinaire, des institutions bienveillantes… Ça commence à s’approcher de l’idée qu’on se fait d’un petit paradis pour le vélo ! Et dans le futur, à quoi ressemblera le VTT en Luberon ? Pour Gaëtan, « dans un futur idéal, on peut rêver d’une belle cohabitation entre tous les acteurs locaux, que ce soit les restaurants, les caves qui adaptent vraiment tous leur offre aux cyclistes par exemple mais aussi, chose qu’on arrive plutôt bien à faire, une bonne cohabitation avec les chasseurs, avec tous les autres usagers des sentiers ».

« C’est en train de se mettre en place, forcément on a parfois quelques difficultés avec des débalisages de nos sentiers et tout ça, mais on essaye d’aller dans le bon sens et de respecter les valeurs de tout le monde, de faire en sorte que ce ne soit pas qu’une destination VTT mais que ce soit une destination dans sa globalité, par le partage et tout ça. »

« Je pense qu’on est sur le chemin d’une acceptation sociale, d’un développement économique posé, voulu et maîtrisé localement, c’est ça l’ambition » , appuie Eric. « Le territoire s’y prête, le capital sentier est énorme. La difficulté c’est de faire que tous ceux qui viennent ou qui y habitent ne perdent pas ce pour quoi ils sont venus : la qualité de vie, la tranquillité, le partage de l’espace, car il ne faut pas oublier que c’est une terre avec des agriculteurs, des chasseurs… Je pense qu’il y a la place pour tout le monde. »

Ce que l’on retiendra de cette échappée en Luberon, c’est d’abord la diversité du secteur. Sur les contreforts du Ventoux, la variété des environnements nous avait déjà marqués, mais ici, c’est d’un tout autre niveau tant le sol et la façon de piloter changent suivant les sites. Et encore, nous sommes loin d’avoir tout vu ! Au-delà de ça, le territoire se distingue par sa communauté très présente et bien acceptée : ici, on a l’impression que le VTT joue un rôle à part entière dans la vie locale et malgré l’importance de l’activité, le partage reste le mot d’ordre.

Des débuts très exclusifs autour du freeride il y a près de 40 ans jusqu’au développement de la pratique pour tous à l’heure actuelle, le chemin parcouru est conséquent et le Luberon peut aujourd’hui faire figure d’exemple. La région est multi-facettes et tout le monde peut y trouver son compte. Si vous n’y avez encore jamais mis vos roues, on vous invite à aller le découvrir par vous-même !


Rouler dans le Luberon, infos pratiques :

Où : Apt est le centre névralgique du Luberon, c’est là qu’on trouve la principale Maison du Parc et la base de départ pour l’Espace VTT Luberon Lure. Il y a déjà beaucoup à faire autour de la ville entre le massif du Luberon (le chaînon montagneux) au sud et les Monts du Vaucluse au Nord, mais le Parc et les parcours balisés s’étendent bien plus loin, de Cavaillon côté ouest jusqu’à Manosque et Forcalquier côté est.

Quand : On peut rouler presque toute l’année dans la région, mais le début du printemps et la fin de l’automne sont certainement les deux meilleures saisons pour profiter de la région, compte tenu de la fréquentation et des températures importantes en été, voire des risques d’incendie par moments.

Comment : Les itinéraires balisés constituent une bonne base pour découvrir la région, mais si vous en avez la possibilité, faire appel à un guide est une bonne idée pour découvrir les meilleures traces et les merveilles que recèle le parc.

Niveau requis : De par la variété des terrains et sentiers qu’elle propose, la région du Luberon est bien plus accessible que les pentes du Ventoux que nous avions explorées l’année dernière. Dans le Luberon, il n’y a pas réellement de niveau requis pour se faire plaisir, tout le monde du débutant jusqu’à l’expert trouvera de quoi s’amuser.

Matériel : C’est un peu la même remarque que pour le niveau requis. Grâce à la diversité des chemins, on peut aussi bien rouler en XC semi-rigide qu’en enduro. Si vous voulez tester un peu tous les environnements, on vous recommande tout de même un tout-suspendu de 120 à 160 mm de débattement équipé de pneus renforcés. Comme autour du Ventoux, l’offre de location est très bien développée dans la région.

Office de tourisme (cartes des parcours, hébergements…) : La Provence à vélo regroupe un collectif d’acteurs du vélo en Vaucluse, coordonné par Vaucluse Provence Attractivité, l’agence de promotion touristique et d’accompagnement au développement économique du territoire.provence-a-velo.fr  et Vélo Loisir Provence 

L’Espace VTT FFC Luberon : provence-a-velo.fr/v/circuits-velos/VTT/luberon/vtt-luberon-lure/offres-100-1.html

Évènements :All Ride VTT à Buoux, le 1er week-end des vacances de Toussaint (le 23 ou 24 octobre cette année)

ParLéo Kervran