Découverte | L’Oise, le pays harmonieux
Par Pierre Pauquay -

Des régions proches peuvent vous porter loin… Les chemins de l’Oise, si près de Paris, vous emmènent vers des itinéraires peu connus où l’on découvre une région vallonnée, peu peuplée et par endroits très sauvage. Vous y trouverez une belle harmonie de paysages en abordant notamment la forêt de Compiègne, l’une des plus grandes de France.
Pour cette découverte du département de l’Oise, deux traces ont retenu notre attention, celles créées par Claude Droussent, ancien rédacteur en chef de Vélo Magazine et originaire de la région. En route vers ces chemins et ces petites routes qui offrent un vrai dépaysement dans une campagne préservée.
A peine avons-nous quitté Beauvais que la campagne nous enveloppe. Parfois nous roulons sur une terre damée, parfois sur du sable argileux. Durant ces premiers kilomètres, les difficultés techniques sont inexistantes : rouler dans la vallée du Thérain c’est avant tout l’occasion de se ressourcer et de profiter d’une campagne préservée, comme ces étangs jalonnés par des villages croquignolets.
Nous suivons d’ailleurs un chemin tracé sur le chaume qui se dirige vers un bois. Par le vallon et les crêtes, nous nous rapprochons de Gerberoy. Peu après une jolie route qui descend en pente douce, nous voilà face à une rampe redoutable. Elle va nous porter vers l’un des plus beaux villages de France.
Village de poupée
Sur la crête, la vue qui s’étend n’est qu’une succession de collines et de vallons : à Gerberoy, nous sommes sur un plateau et cela se lit dans la topographie. Il est le parfait exemple d’un paysage modelé par la main de l’homme depuis des générations paysannes.
Au Moyen-Âge, le village était situé à la frontière du Royaume de France et de la Normandie, alors anglaise. En abordant les ruelles garnies de fleurs, il est difficile d’imaginer les nombreuses batailles qui s’y sont déroulées. Au début du XXe siècle, Gerboeroy connut une tout autre destinée. Le peintre post-impressionniste Henri Le Sidaner s’installa dans village et devint sa principale source d’inspiration. Les habitants embellirent les façades, une tradition qui s’est pérennisée jusqu’à nous.
Nous passons de l’autre côté de la crête et traversons un paysage tout en douceur constitué de haies vives. A Saint-Germer-de-Fly, l’abbaye domine les champs environnants.
Le retour vers Beauvais va s’effectuer sur la voie verte. Dans la cité, la cathédrale est un des chefs-d’oeuvre gothiques. Elle est surtout connue comme étant la cathédrale disposant du plus haut chœur du monde et aussi de la démesure des bâtisseurs. Au XVIe siècle, sa tour culminait à 153 mètres et dépassait tout ce que l’homme avait pu construire. Les vents violents eurent raison de la flèche qui s’écroula en 1572.
La forêt des Rois
Le département de l’Oise est recouvert en grande partie par la forêt de Compiègne. Avec ses 32.000 hectares, il s’agit de la troisième forêt domaniale de France, après celles de Fontainebleu et d’Orléans. Elle est riche en zones humides, en tourbières et en étangs.
Les landes et les prairies aux alentours constituent des habitats pour toute une faune.
Le lendemain, il nous tardait d’aller à la rencontre de cet ancien territoire de chasse des Rois de France où ils pouvaient exercer leur chasse à courre. François Ier y perça huit routes rectilignes disposées en étoiles, avec en son coeur, le Puits du Roy. Au XVIIe siècle, Louis XV fit dessiner le Grand Octogone et relia les huit routes existantes par 54 nouvelles autres voies. Tous ces chemins blancs sont encore de nos jours des voies royales pour… les gravel.
Le Roi Soleil imposa à l’architecte Jacques-Ange Gabriel les dessins du château de Compiègne afin que sa suite et sa famille puissent bénéficier de séjours lors des chasses royales. Cette débauche de travaux se poursuivit avec le tracé de 229 nouvelles routes forestières : la forêt était désormais quadrillée pour le bonheur des cavaliers et les chasseurs du Roi. De nos jours, elle s’offre à nos fièrs destriers à pédale.
« La forêt protège dans son écrin le patrimoine du village de Saint-Jean-aux-bois et du château de Pierrefonds. »
Les premiers balisages au monde
La forêt est sillonnée de pistes cavalières et de voies vertes. Chaque carrefour dispose d’un grand poteau en pierre érigé il y a 400 ans : ce patrimoine est parvenu intact jusqu’à nous. Ces grands poteaux indicateurs étaient des balisages bien avant la lettre. Leur taille ne doit rien au hasard. Les 12 pieds de haut et de 10 de large devaient être lisibles par un cavalier juché sur son cheval. Ces 364 poteaux balisent encore de nos jours la forêt infinie.
Un chêne multi-centenaire
Au fil des kilomètres, nous humons les senteurs et nous nous délectons des couleurs forestières. La majeure partie de la randonnée se déroule sous le couvert végétal : la forêt de Compiègne est immense et constitue à elle seule un patrimoine remarquable. Non des moindre est le chêne de Saint-Jean. S’il apparaît affaibli et fragilisé, cet aïeul nous domine du haut de ses 800 ans. Il aurait été planté par les moines de l’abbaye éponyme sous le règne de Saint Louis. Sa circonférence de 248 cm mérite le respect.
Au fil des kilomètres, la forêt change de physionomie. Le quadrillage géométrique disparaît face un profil d’une forêt plus originelle. A l’approche de Saint-Jean-des-Bois, il devient plus sauvage.
Nous roulons maintenant dans un relief plus tourmenté. Le village, l’un des plus beaux de France, est connu aussi par la chanson de Lucienne Deyle qu’a reprise Patrick Bruel
« Je ne sais pourquoi j'allais danser À saint jean, aux musettes Mais il m'a suffi d'un seul baiser Pour que mon cœur soit prisonnier Comment ne pas perdre la tête Serrée par des bras audacieux… »
Cet esprit de musette se retrouve à Pierrefonds, le long de l’étang et de ses estaminets dominés par l’imposante silhouette formidable du château.
Il a été construit à la fin du XIVe siècle par Louis d’Orléans, frère du roi Charles VI qui voulut asseoir son prestige artistique et militaire. Démantelé sur ordre de Louis XIII en 1617, il fut reconstruit par l’architecte Viollet-le-Duc sous Napoléon III qui voulait incarner cette vision idéalisée du Moyen-Âge.
Défriché par amour
Au retour de notre périple, nous découvrons la clairière de Compiègne où furent signés deux armistices, en 1918 et en juin 1940.
La percée des Beaux Monts est une étonnante perspective vers le château de Compiègne, situé face à nous, à 4 km. Un geste d’amour de Napoléon Ier vis à vis de Marie-Louise d’Autriche qui voyait là une reproduction de l’allée de son château natal de Schönbrunn, près de Vienne.
En fin de journée, le soleil déclinant dessine de belles couleurs sur la canopée. Dans la forêt de Compiègne, nous aurons vécu les premiers jours de printemps sur ces magnifiques chemins dédiés au gravel au cœur du département de l’Oise, ce pays proche.
Infos pratiques
- Nous vous convions à consulter le site : www.oisetourisme.com/bouger/a-velo/micro-aventures-en-gravel-dans-loise/
- Vous pourrez télécharger les belles traces de gravel roulées ici et bien d’autres
- Pour ce reportage, nous nous sommes basés deux tracés, la « boucle entre Beauvais à Gerberoy à travers l’Oise normande », longue de 66 km et « les pépites de la magnifique forêt de Compiègne », longue de 74 km.