Découverte | Les mille facettes du Val d’Anniviers

Par Léo Kervran -

  • Nature

Découverte | Les mille facettes du Val d’Anniviers

Quand on associe les mots Suisse et VTT, on pense bien souvent aux marques phares du pays (Scott, Bold, BMC) ou au côté sportif, avec Nino Schurter, Jolanda Neff et consorts. Cependant, ce n’est ni pour les unes, ni pour les autres que nous nous sommes rendus chez nos voisins à la fin du mois d’août. Cette fois, nous avons été invités à nous joindre à un voyage un peu différent, à la découverte du Val d’Anniviers. On ne vous en dit pas plus, suivez le guide :

Et… plouf. Y’a pas à dire, je suis meilleur sur deux roues que sur une planche. Pourtant, ce ne sont pas les montagnes qui manquent autour de nous. Normal, nous sommes en Suisse, en plein milieu du canton du Valais.Vous vous demandez peut-être ce que je fais sur une planche de surf à 230 km à vol d’oiseau de la mer la plus proche et pourquoi un article de Vojo s’ouvre là-dessus ? Quelques explications s’imposent.

A la faveur d’un récent partenariat avec la Fédération Royale Belge de Ski, le groupe de résidences touristiques Swisspeak Resorts a invité une demi-dizaine de médias belges à découvrir la région. Au programme, tourisme, randonnée mais aussi VTT et suivi du mythique Grand Raid, ainsi que « quelques activités annexes »… Dont le surf. En Suisse ?

Oui ! Depuis le printemps 2021, la ville de Sion accueille en effet Alaïa Bay, un bassin gigantesque de plus de 8 000 m² dédié à la pratique du surf à deux pas des plus hauts sommets du pays. Écologiquement le concept est sujet à polémique mais pour les dizaines de milliers de surfeurs et surfeuses suisses, c’est une aubaine. Car oui, malgré sa géographie pas forcément avantageuse dans le domaine, la Suisse est bien un pays de surf comme le démontrent l’article et la série de vidéos Landlocked, produits par nos confrères de Neuf Dixième.

Au-delà du bassin, Alaïa Bay abrite aussi un magasin, un restaurant et surtout un atelier de fabrication/personnalisation/réparation de planche, que nous avons eu l’occasion de visiter. Situé sous le bâtiment, il faut emprunter un petit escalier étroit pour y accéder et lorsqu’on passe la dernière porte, on croirait entrer dans une salle aux trésors. Murs noirs qui contrastent avec les planches blanches, plan de travail en bois, éclairage rasant pour traquer les moindres imperfections… c’est aussi beau que fonctionnel.

Évidemment, le programme ne s’arrêtait pas à la visite : il incluait aussi une séance d’initiation, avec pour ma part le succès que l’on sait. Voilà comment je me suis retrouvé à boire la tasse en ouverture d’un article sur Vojo.

Après une fin de journée sur la terrasse (bondée) du restaurant à regarder le soleil se coucher et les sessions de nuit commencer, nous prenons finalement la direction du petit village de Zinal, tout au fond du Val d’Anniviers, notre point de chute pour la nuit et le reste de la semaine.

Vu depuis Sierre et la vallée du Rhône, le Val d’Anniviers n’est rien d’autre qu’une de ces innombrables petites vallées escarpées que compte le canton du Valais de part et d’autre du Rhône. Il faut s’enfoncer dedans et surtout prendre de l’altitude pour découvrir réellement ce qui s’y cache et ce qui rend chacune d’elle différente des autres.

Pour le Val d’Anniviers, c’est d’abord sa géographie et les montagnes qui l’entourent. Regroupant une quinzaine de localité dont Chandolin, l’un des plus hauts villages des Alpes, la vallée est fermée par la couronne impériale, une « ceinture » de 5 sommets au-dessus de 4 000 m d’altitude : Dent Blanche (4 358 m), Cervin (4 478 m), Obergabelhorn (4 064 m), Zinalrothorn (4 222 m) et Weisshorn (4 506 m).

Autant de noms bien connus des montagnards et pour certains des lieux mythiques de l’alpinisme, tous gravis pour la première fois lors de l’âge d’or de la discipline dans les années 1860-1880.

Autre marqueur de la vallée, lié cette fois aux activités humaines : les vaches. Des vaches en montagne, quoi de plus normal me direz-vous ? Ici, elles sont un peu différentes de celles qu’on a l’habitude de voir. Le Val d’Anniviers est en effet l’un des rares endroits où l’on trouve encore en nombre des vaches d’Hérens, une race montagnarde issue du Val d’Hérens voisin.

Trapues, musclées, parées d’une robe très foncée quand ce n’est pas complètement noire, les Hérens sont des vaches particulièrement imposantes. A la fois laitières et à viande, elles sont connues dans le folklore pour leurs combats de reines qui animaient chaque année (et animent encore, même s’ils ont perdu de leur importance) les montées à l’alpage. Un tempérament belliqueux qui a de quoi impressionner, mais il n’y a pas de craintes à avoir car une fois la « matriarche » du troupeau désignée, elles se montrent généralement bien plus calmes et dociles, notamment avec les humains.

Côté humain justement, le Val d’Anniviers compte environ 2 700 habitants et près de 10 fois plus de lits touristiques. Naturellement portée sur la randonnée pédestre et le ski (4 stations regroupées en 2 domaines) par la configuration des lieux, la vallée n’a cependant pas oublié le vélo : aux 500 km de sentiers partagés, il faut ajouter 200 km de sentiers tracés et balisés spécialement pour le VTT.

Vu la pente et l’altitude, à l’effet sensible pour qui n’est pas acclimaté (on est très vite au-dessus de 2 000 m), la vallée mise beaucoup sur l’e-bike pour démocratiser la pratique du vélo, autrement réservée aux pratiquants (très) entraînés et pas effrayés par les portages. On peut aussi profiter des remontées mécaniques, souvent des téléphériques ou des télécabines, pour rejoindre les hauteurs et il est bon de noter qu’elles acceptent sans aucun problème les VTTAE.

Si les premières habitations temporaires ont vu le jour pour les éleveurs, comme une étape avant de rejoindre les alpages, c’est surtout le tourisme qui a permis de développer la vallée dès la deuxième moitié du XIXe siècle. Au-delà du partenariat qui nous a amenés ici, on nous fait d’ailleurs remarquer que le Val d’Anniviers a une certaine histoire commune avec la Belgique. En effet Intersoc, l’organisme de vacances de la Mutualité Chrétienne, dispose depuis 2001 d’un complexe de 500 lits à Zinal.

500 lits, c’est également ce qu’offre notre hôte, la résidence Swisspeak de Zinal, sur un concept un peu différent. Dans un pays où l’hôtellerie est très développée, le groupe mise depuis 2017 sur le format des résidences pour offrir quelque chose de nouveau et attirer notamment les familles en leur proposant une « expérience sur mesure ».

Chaque résidence Swisspeak est ainsi divisée en plusieurs bâtiments, l’un d’eux dévolu à l’accueil et aux différentes pièces communes (salles de jeu, casiers à skis ou vélos suivant la saison, bar…) et les autres aux appartements (90 à 100 en tout).

A côté de ces deux mastodontes, le village de Zinal paraît bien petit avec ses 200 habitants à l’année. Toutefois, l’un comme l’autre sont relativement bien intégrés au reste des habitations, même si le bois encore tout neuf des bâtiments Swisspeak se repère facilement. A l’instar de beaucoup de stations valaisannes, Zinal a conservé une organisation de village et ne s’est pas transformé en agglomérat d’immeubles comme on le voit souvent en France.

Le tourisme, c’est bien joli, mais si je suis là, c’est tout de même pour le vélo. Après un vendredi dédiée à la découverte des villages de Zinal et Grimentz ainsi qu’à l’histoire de la vallée, la journée du samedi est celle du Grand Raid, ou Grand Raid BCVs (Banque Cantonale du Valais) depuis 2016.

Née en 1990, la course est devenue au fil des ans un monument du XC marathon, comptant autour de 3 000 participants tous parcours confondus. Le tracé historique du grand parcours relie Verbier à Grimentz, soit 125 km et un tout petit peu plus de 5000 m de dénivelé. Contrairement à nos vélos, il n’a guère évolué en 30 ans d’existence donc autant vous dire qu’avec les machines actuelles, c’est (très) rapide et roulant, à tel point que certains prennent le départ en vélo de gravel.

Toutefois, on ne le soupçonnerait presque pas si on s’en tient à l’itinéraire que nous avait concocté l’organisation. Après un passage au-dessus de Verbier à la Croix de Coeur, que le soleil matinal commence tout juste à réchauffer, et un crochet par le ravitaillement de Nendaz, nous sommes emmenés à l’alpage de Mandelon.

Passage redouté des pilotes, qui l’abordent parfois bien entamés après avoir dépassé le cap de la mi-course, ce joli petit sentier à flanc de montagne fait en revanche le bonheur des photographes. La faute en incombe aux cailloux et rochers omniprésents sur cette traversée, à l’origine de beaux passages techniques sur fond de sommets alpins.

Rien de bien difficile lorsqu’on est frais mais après 70 km et environ 3000 m de dénivelé c’est autre histoire, a fortiori en semi-rigide…

Notre dernier arrêt avant l’arrivée se situe juste en face, de l’autre côté de la vallée : c’est le fameux pas de Lona et son terrible portage ou poussage, selon la technique et les forces qu’il reste à chacun. Vue de loin, la montée offre une ambiance lunaire avec son tracé qui monte droit dans un immense pierrier.

Vu de près, on mesure encore mieux la difficulté du passage. A la pente, il faut ajouter un sol instable, mi-caillouteux mi-sablonneux, dans lequel les pieds glissent parfois et s’enfoncent avant de trouver un bon appui. Enfin, l’environnement n’offre aucun répit : on évolue à plus de 2600 m d’altitude (le col est à 2 787 m précisément), c’est exigeant pour le corps et le couvert forestier est bien loin en cas de mauvaise météo.

Heureusement, le pas de Lona est aussi une fête et chaque année, de nombreux suiveurs et spectateurs s’y donnent rendez-vous pour encourager les coureurs dans leurs derniers efforts de la journée. Cors traditionnels, cloches, applaudissements, encouragements… Une joyeuse cacophonie accompagne chaque pilote et le niveau sonore monte encore d’un cran lorsque la tête de course du grand parcours fait son apparition.

Cette année, c’est Andreas Seewald, alors « simple » champion d’Europe (il décrochera le titre mondial quelques semaines plus tard) qui l’a emporté, signant au passage le nouveau record de l’épreuve en 5h54’56. Il devance le Tchèque Martin Stozek et le champion de Suisse Martin Fanger.

On notera au passage que pour la première fois, les trois pilotes du podium sont passés sous la barre des 6 heures, signe que les conditions étaient exceptionnelles pour cette édition 2021. Chez les femmes, la victoire est revenue à la Française Estelle Boudot-Morel en 7h50’11, devant l’Allemande Janine Schneider et l’Autrichienne Sosna Ktazina.

Le lendemain, c’est (enfin !) à notre tour de monter sur les vélos. On l’a dit, le Val d’Anniviers espère beaucoup de choses de l’e-bike et c’est donc sur des machines à assistance que nous passerons la journée. Toutefois, et sans divulgâcher la suite, il y a aussi de quoi s’amuser en vélo classique…

Au départ de Grimentz, notre guide Emmanuel nous emmène d’abord sur les hauteurs du villages pour aller chercher une première longue descente, dans les alpages puis en sous-bois. La première partie, sur un sentier partagé avec les randonneurs, est typiquement alpine (comprenez étroit, parfois tortueux et souvent caillouteux). Un bon échauffement avant la suite !

La suite, c’est un tapis magique. Un enchaînement d’épingles au rayon parfait, tellement ouvertes qu’on ne sait pas si on doit parler de virages ou d’épingles, sur une couche épaisse d’épines de pins et de mélèzes qui donne la sensation de flotter et de surfer quand on prend un peu de vitesse. Et croyez-le ou non mais surfer sur deux roues, c’est bien plus facile que sur une planche !

On revient sur Grimentz et on prend cette fois la direction de la Corne de Sorebois, en face du village. Une télécabine nous permet de gagner beaucoup de temps et d’avaler en quelques minutes un peu plus de 1000 mètres de dénivelé avant de terminer sur le vélo pour les 200 derniers mètres (de dénivelé).

Et lorsqu’on débouche sur la crête… on en prend plein les yeux. 600 m en dessous de nous, le barrage de Moiry et son lac turquoise aux reflets indigo lorsqu’un nuage passe ou que les eaux s’agitent un peu.

Pour le rejoindre, un sentier dévale la montagne. D’abord raide en bordure de pierrier, il se fait ensuite bien plus accessible et flow en rejoignant les pentes de l’alpage, avant de terminer par des sections un peu plus étroites et techniques juste au-dessus du barrage. C’est déjà sympa en e-bike mais qu’est-ce que ça doit être avec un petit vélo léger et joueur !

Sous le barrage, on rejoint les derniers kilomètres du parcours du Grand Raid pour retourner sur Grimentz. Le chemin, tantôt singletrack parfois technique à flanc de montagne tantôt plus ouvert sur ce qui ressemble à une ancienne voie romaine, est encore très rapide. Si on s’amuse dessus avec nos gros vélos, on imagine sans peine que ça doit être un peu plus difficile pour les concurrents du Grand Raid, souvent en semi-rigide et qui arrivent sur cette section après 6 heures d’effort ininterrompu… pour les meilleurs.

Bilan de ces 4 jours de découverte ? Si vous aimez le vélo en montagne, le Val d’Anniviers et le Valais en général sont une valeur sûre. Cependant, la région a bien plus que cela à offrir et se restreindre au vélo serait fort dommage. Contrairement à d’autres vallées ou stations, ici tout ne tourne pas autour du VTT en été. Entre les villes de la vallée du Rhône et les villages ou hameaux des montagnes, les activités proposées sont nombreuses et variées et tout le monde peut y trouver son bonheur. Le séjour n’avait pas vocation à être exhaustif sur les activités vélo et nous n’avons vu qu’un petit morceau du terrain de jeu, mais ce petit morceau nous a donné envie de revenir pour en découvrir bien plus !

Nos guides pour le vélo : derupa-bike.ch

Le Grand Raid : grand-raid-bcvs.ch

Nos hôtes : swisspeakresorts.com

Photos Jérôme Degiovanni / Maxime Asselberghs / Léo Kervran

ParLéo Kervran