Découverte | Le challenge Tourmagne : en l’honneur de deux pionniers du voyage à vélo
Par Pierre Pauquay -

C’est un beau voyage dans le temps que vous propose ce récit au long cours. Neuf jours durant, Vojo a découvert l’épopée de deux jeunes gens du XIXe siècle partis relier Melun à Nîmes avec leur bécane, sans nul doute l’ancêtre de nos gravel actuels. Un retour aux sources d’une France qui a certes bien changé, mais grâce à la trace du challenge Tourmagne, elle nous a permis d’en découvrir son charme et son intimité.
En dix jours, Léon Giran-Max et Marie-Antoine Barret auront traversé la France du nord au sud en 1897, sans doute un des premiers voyages effectués à vélo qu’ils ont retranscrits en lettres et en croquis. Leur aventure fabuleuse serait tombée dans l’oubli de l’Histoire sans cette chance de Patrice Brunet, ancien PD-G de Zéfal qui a découvert, 125 ans plus tard, dans une bouquinerie de Paris le carnet de voyage intact de ces deux pionniers.
Emu par le récit des deux jeunes qui ont bravé les chemins de France au XIXe siècle, Patrice décida en 2022 de faire revivre cette aventure en élaborant un bel itinéraire long de 950 km, de Melun à Nîmes à travers une France rurale, à effectuer à bécane ou selon la terminologie actuelle, le gravel...
Il aura pour nom le challenge Tourmagne, du nom de la tour romaine édifiée à Nîmes, but du périple. Si Zéfal soutient le challenge, l’inscription y est gratuite, respectant ainsi l’esprit de ce voyage libre. Tout attrait de performance et de notion mercantile n’aurait sans doute pas plus à Léon et Marie-Antoine. Et celui qui parvient à boucler la trace recevra la réédition du carnet de voyage : un cadeau qui se gagne à la pédale.
La seine en préambule
Melun, le 6 août en fin d’après-midi. 500 mètres : il me faudra 500 mètres pour quitter cette ville frénétique jouxtant Paris. Une traversée du Boulevard Leclercq et je rejoins de suite le premier chemin de la forêt de Fontainebleau.
Elle est un domaine royal où de longs chemins blancs rectilignes sont tracés sur un sol sablonneux. En quelques centaines de mètres, le brouhaha de la ville s’estompe : il s’agit d’une fuite en avant, vers l’inconnu.
A Samoreau, un joli camping le long de la Seine pousse à m’arrêter pour y passer une première nuit. Je me remémore vite de cet art du camping. Les odeurs du matelas pneumatique et du bruit caractéristique des tirettes de la tente ne trompent guère : l’aventure a bel et bien débuté…
La Seine, fleuve sublime, dispose ici et là encore de quelques fragments sauvages. Le cours d’eau nourrit d’anciens bras où virevoltent des libellules et où flottent paisiblement les nénuphars.
Près de Champagne-sur-Seine, je longe les roseaux qui bruissent ; un vent chaud annonce les futures journées caniculaires. Léchant un tapis vert d’algues, le cours de la Seine n’est jamais rapide. Il m’invite au sien.
La vitesse ne m’importe plus et m’emporte à mon rythme, lent. Je deviens cyclo-voyageur ou selon les termes anglais dans l’air du temps, un « bikepacker ». La trace honore et rejoint la richesse qui fait la beauté d’un pays.
Les écluses et les canaux sont encore plus beaux quand les bateaux de plaisance naviguent langoureusement sur la voie d’eau. La trace ne sert pas à engranger les kilomètres sur un compteur ou révéler les exploits sur Strava. Elle est là, magnifique à vous faire aimer cette France des campagnes.
La trace honore et rejoint la richesse qui fait la beauté d’un pays
Dans les années 1880, le passage du grand bi au vélocipède changea la face du monde. Désormais, les hommes pouvaient aller au gré de leurs envies, quitter leur village afin d’explorer un territoire dont ils ne connaissaient guère l’existence.
Sans le savoir, avec leur vélo tout neuf, Léon et Marie-Antoine allaient voyager dans un monde en pleine mutation. Dans les campagnes, les chevaux galopaient pour leur dernier baroud tandis que la voiture, réservée à l’élite, ne s’aventurait pas très loin des villes.
Lorsque Léon et Marie-Antoine partirent sur les chemins de France, tout était encore à inventer. Ils faisaient face à des chemins empierrés et à des rues pavées dans les villes. En 1820, un Ecossais, Macadam, conçut un nouveau revêtement de route en pierres concassées qui sera recouvert bien plus tard par du goudron. Pour se repérer, Il n’y avait ni panneaux routiers, ni bornes kilométriques. Ni de bouquins à consulter comme le très bel ouvrage, unabécédaire du voyage à vélo de Timothé Girard…
De Loing en Loing
Une passerelle et je quitte le fleuve. Je ne resterai pas longtemps sous l’appel de l’eau. A Montigny-sur-Loing, je rejoins la rivière éponyme et son canal. La lumière se diffuse à travers les feuilles des peupliers : rien d’étonnant à ce que l’Impressionniste Alfred Sisley posa à Nemours son chevalet pour capter cette ambiance caractéristique.
Avant Montargis, je traverse une autre forêt, moins connue, substrat de celle de Fontainebleau et à jamais isolée par les friches et les champs. A Châtillon-Coligny, la trace effectue une petite virée dans la campagne du Loiret pour rejoindre au sud le canal de Briare et l’EuroVélo 3. Au XVIe siècle, le roi Henri IV songea à agrandir le réseau fluvial de son royaume afin de développer le commerce dans les provinces pour approvisionner Paris, notamment en barils de vins. Ainsi naquit le projet d’un canal pour relier le bassin de la Loire à la Seine.
A Roigny, on fit construire les sept écluses afin de rattraper 24 mètres de dénivellation. Et les nombreux étangs que longe l’itinéraire servaient de réserves d’eau pour alimenter les différents bassins des écluses. En fin de journée, à Ouzouer-sur-Trézée, un tout petit camping municipal m’offre le gîte à 7,50 € la nuit. Voyager à vélo ne coûte pas cher et vous rapporte beaucoup d’émotions.
Le fleuve royal
Du Massif central à l’Atlantique, la Loire effectue sur plus de 1000 km une ligne de vie où se déroule l’histoire de France et où se dévoile une nature intègre. Cette partie du fleuve, entre Châtillon-sur-Loire et Nevers, ne présente pas un plan cinéma sur les plus beaux châteaux mais elle me permet de passer par la région des coteaux du Sancerre, étonnamment vallonée.
La courbe harmonieuse des collines apporte au département du Cher un air de Toscane. La traversée des villages viticoles respire une certaines gaieté comme si le vin produit avait son effet sur la beauté de ces ruelles et le sourire de ses habitants qui me saluent.
Avant d’atteindre la Loire, le challenge aborde les collines vers Santranges. Là se mêlent routes secrètes et chemins blancs. Les cailloux roulent sur ces voies calcaires et mènent à Chavignol et Sancerre.
Si la route est un patrimoine gustatif, du fromage de chèvre chavignol au vin blanc pouilly-fumé, quelques kilomètres en aval, elle devient patrimoine ferroviaire quand je passe sur d’anciens viaducs dominant le fleuve et Ménétréol-sous-Sancerre.
Cette ligne, maintenant déferrée, fut en 1914-1918 une artère importante pour amener vers le front de l’est les armes construites dans les arsenaux à Bourges.
La Loire s’étire sur les bancs de sable, entre cordons végétaux. Sans relief pour la retenir, elle devient paysage...
La Loire à Vélo est une voie verte hétéroclite de pratiquants et cette EuroVélo 6 est l’une des plus empruntées. En e-bike, sur leur vélo de voyage ou sur leur vélo aéro, les cyclistes du monde entier se retrouvent. Je slalome entre des groupes de retraités et me fait doubler par deux triathlètes, tous unis dans le même effort pour remonter le fleuve. Je suis heureux et fais preuve de paresse comme l’est cette Loire qui s’étire sur les bancs de sable, entre cordons végétaux. Sans relief pour la retenir, elle devient paysage.
Enfin apparaît la flèche de la basilique de la Charité-sur-Loire, but de cette troisième étape. Comme toute cité fluviale, elle s’est développée grâce à son pont médiéval. Elle se trouvait également sur la route du pèlerinage vers Saint-Jacques, la via lemovicensis. Devenue une place marchande importante, des greniers à sel, des hôtelleries et des nombreux marchés firent la richesse de la ville. Tandis que le prieuré, situé sur les hauteurs, apportait aux pèlerins la charité. Fleuron de l’art roman du XIe siècle, il est classé de ne nos jours au rang de patrimoine mondial de l’UNESCO.
De la Loire à l’Allier
Le lendemain, la Loire me sert une dernière fois de fil conducteur vers Nevers. Le long du canal latéral du fleuve, les peupliers se courbent pour m’ombrager. Peu après, à Avril-sur-Loire, il me faudra quitter la vallée pour entrer dans une région désertée. Au XIXe siècle, Léon et Marie-Antoine avaient rencontré une campagne ruisselante de vie. Les paysans cultivaient leur lopin de terre et tout un petit peuple y vivait aux alentours. En un peu plus d’un demi-siècle, les prodiges de la chimie et la force des tracteurs venus outre-Atlantique ont modifié à jamais le métier. Les nobles paysans devinrent des agriculteurs et des entrepreneurs gérant une production au rendement sans précédent. Dans ce paysage de Far-West et ces champs infinis roussis par le soleil, que sont devenus les bosquets et les haies ? Le visage d’une France paysanne s’est évanoui.
A Villeneuve-sur-Allier, la vie s’est arrêtée depuis la construction de la N7 en voie à quatre bandes. Auparavant, sur la route emblématique des vacances, on s’arrêtait dans le village pour manger dans les restaurants, faire ses courses ou se reposer dans les hôtels. Aujourd’hui tout est vide, seules les vielles peintures sur les façades en berne témoignent d’un âge d’or révolu. Je me remémore les images d’une France que j’ai connue quand j’étais petit. En 1970, en Renault 12, avec mes parents, nous partions sur les routes non entravées de ronds-points qui relient de nos jours les centres commerciaux. A l’époque, on traversait une campagne vivante et des villages prospères. On s’y arrêtait pour prendre un jambon beurre et dans le bureau de tabac, j’admirais les miniatures Norev…
Loin des grands axes routiers, il demeure une France discrète et protégée du vacarme. Je roule dans cette campagne du silence...
A Moulins, préfecture de l’Allier, je retrouve la couleur de la vie avec son joli centre-ville et sa cathédrale. Les rives de l’Allier me portent le soir vers Châtel-de-Neuvre, l’étape pour la nuit.
Retour à l’essentiel
Le réveil ne se fait pas sans appréhension car le challenge se rapproche du Massif central et de ses montagnes… Du camping, les 10 km vers Saint-Pourcain-sur-Sioule sont vite effectués car là m’attend la pause petit déjeuner. Par la suite, l’itinéraire va entrer dans la vallée de la Sioule. Loin des grands axes routiers, il demeure une France discrète et protégée du vacarme. Je roule dans cette campagne du silence ; qu’il est doux de n’entendre que la musique lancinante de ma roue libre. Grâce au challenge Tourmagne, je fuis les turpitudes de notre monde. L’exploration du pays s’effectue en coups de pédales, à échelle humaine. En ce mois d’août, j’aime être dans son paysage, dans sa chaleur.
En 1930, les Français découvraient les congés payés. Mais peu d’entre eux pouvaient s’offrir une voiture. Alors, on partait en famille à vélo, une remorque à l’arrière bardée de matériel de camping vers la mer ou la campagne. Ce que je fais en 2025 n’a rien d’exceptionnel… A Charroux, je découvre un des plus Beaux Village de France.
Pour nos deux copains de 1897, rien n’indique que leur vélo était équipé d’une roue libre, une invention qui coïncide avec la date de leur périple. Quoi qu’il en soit, leur voyage prit seulement dix jours. Un fameux exploit quand on connaît le poids de ces vélos en acier sans vitesses et l’état des routes. Et comment se sont-ils repérés ? Nul ne le sait. Avec l’avènement de l’automobile, les éditions Michelin lancèrent les premières cartes routières, dix ans seulement après leur périple.
A Ebreuil, il est temps de s’alimenter. Je dévore une pizza, à l’abri de l’ancien lavoir. Le paysage varie, s’ondule et il est jauni par les tournesols et les herbes roussies. Sur le chemin, les pneus tubeless sont un vrai confort pour mon vélo, chargé comme un mulet. En 1890, John Dunlop inventa le pneumatique gonflé d’air. Trois ans plus tard, Michelin améliora le procédé en créant le pneu radial. Les tringles pouvaient enserrer une chambre à air en latex, gage d’aisance et de solidité. Cette texture naturelle provenait du Congo belge, alors propriété du roi des Belges Léopold II qui ne se fit pas prier d’en exploiter les ressources pour son compte personnel. Il est certain que nos deux jeunes parisiens roulaient sur ces pneus révolutionnaires.
La route sinue de plus en plus et atteint la Morge. Parfois, le cyclo-voyageur est un forçat de la route quand elle est noire de bitume et qu’elle se reflète comme un miroir. Elle m’engloutit et boire jusqu’à plus soif permet de m’en sortir. Enfin, à Loubeyrat, se présente le camping du Colombier. Pour une fois, il y a une piscine. Un petit extra que je m’octroie, telle une récompense bien méritée après ces 100 km dans la fournaise.
L’appel aux Puys
Les kilomètres qui me rapprochent de Clermont-Ferrand sont, cette fois, peu difficiles. Les chemins en basalte longent la chaîne des Puys, avec bien sûr son étendard, le Puy de Dôme, culminant à 1464 m d’altitude. A Clermont-Ferrand, l’aménagement pour les cyclistes est admirable. Je traverse la ville sans coup férir, passant par des pistes cyclables et une nouvelle voie verte.
Depuis quatre jours, la contrainte du GPX m’impose la route à suivre : je préfère aujourd’hui crayonner la trace sur la carte IGN. Elle est une merveille et révèle l’existence ici d’une petite plage au bord de l’Allier, là d’une chapelle et d’un petit cimetière où je pourrai prendre de l’eau… Cette nonchalance du voyage m’a fait perdre cette quête physique qui m’a fait pédaler durant des années.
J’avance sans me ménager mais sans exploit non plus. Tout me sépare du coureur et de l’athlète. Qu’importe le kilométrage par jour : Strava ne connaîtra jamais mes données et c’est tant mieux. Quelle chance aussi d’avoir oublié le câble de recharge de ma montre connectée Polar. J’ai l’impression d’être plus libre et de bien connaître au final mes sensations comme celles ressenties dans la côte de Chadeleuf qui laisse des traces. Rarement je n’ai connu une ascension aussi dure. Rectiligne, elle m’impose de tenir un rythme soutenu. Au sommet, le plateau désolé de Pardines offre une vue plongeante sur Issoire, l’étape pour la nuit.
Captivante Auvergne
Au matin, les gorges de l’Alognon seront ma porte d’entrée vers le Cantal. Direction Massiac et cette Auvergne qui captive les voyageurs. Là-bas vers Meillargues, le paysage s’étend sans contrainte : l’horizon de ses plateaux n’est pas entravé par les barrières rocheuses et les vallées encaissées.
Je roule dans la patrie des pentes adoucies, du galop gai des rivières et des lacs glaciaires comme celui de Pêcher.
Sur ces espaces, tout est admirable, mystère et poésie de ces horizons. Les chemins épousent la montagne dodue, patinée par la dernière glaciation. Le chemin est doux, je ne peux l’agresser. Sans le savoir, je pédale à près de 1300 m d’altitude ; l’Auvergne est avant tout une montagne. Cette partie de France est calme : les couloirs aériens ne zèbrent pas l’azur, les lumières des villes ne polluent pas le ciel. Quand on y roule, il se dégage un vrai sentiment de plénitude.
Il est temps de poser ma tente, en bivouac cette fois. Il est plus aisé de trouver son espace en montagne qu’à la campagne où un ruisseau, un petit lac vous accueille et les alpages n’appartiennent à personne.
Sur ces espaces, tout est admirable, mystère et poésie de ces horizons.
Le matin, je rejoins ces îlots humains au milieu des landes désertes que sont ces hameaux de pierre de lave.
Plus loin, à Farges, une fontaine permet de m’abreuver. L’itinéraire fuit entre les clôtures délimitant l’infini : je voudrais les rompre et ouvrir ces horizons. Au fond du cirque chantent les ruisseaux.
La forêt résonne du gazouillis des pinsons et des sitelles : l’endroit est apaisant mais c’est sur la crête que l’on a la plus belle vue vers Saint-Flour.
Dans la ville, il est agréable de se poser pour le temps d’un Orangina. Par après, je longe l’Ander avant de m’en extirper via une côte ardue, dominant le viaduc de Garabit. Il fut une prouesse de son temps. Construit en 1888, il n’a que dix ans d’âge quand Léon et Marie-Antoine passèrent à vélo sous l’énorme arche. 128 ans plus tard, je suis tout aussi impressionné de cet ouvrage d’art en fer, dessiné par le génie de Léon Boyer, l’ingénieur de Gustave Eiffel.
L’axe du loup
Dans les gorges de la Truyère résonne dans mon esprit le hurlement de la Bête du Gévaudan. Le pays ne m’est pas indifférent. Je retourne en Margeride et dans l’ancienne province du Gévaudan où cette terrible histoire été racontée sur Vojo, en automne 2024.
Tôt le matin, je suis en résonance avec ce paysage qui s’éveille : les tournesols saluent le soleil naissant. Les ronces recouvrent les murs érigés à la force de bras des paysans.
En Margeride, ces murets sont encore un obstacle pour les monstres agricoles. Ainsi la région a pu garder un paysage intègre, intemporel.
Les forêts et le mont Mouchet barrent l’horizon tandis que les rochers de granite balisent les prés. Selon Sylvain Tesson, dans son livre, Sur les chemins noirs, je roule sur cet axe qu’a emprunté le loup pour recoloniser le pays, du Mercantour au Massif central.
Au col du Cheval Mort, le chemin traverse un plateau clairsemé d’habitat. La descente, magnifique, atteint Mende.
Sur le Causse
Pour sortir de la ville, la côte de Jalabert est un fameux pétard ! Sous la canicule, il devient chemin de croix et rejoint le Causse. J’hume son vent et découvre un paysage sans âge. Sur ces plateformes calcaires déferlent les perturbations méditerranéennes.
Les brebis ont forgé le paysage, déboisant le plateau tandis que les hommes ont vidé de pierres les champs et les ont jetées aux abords en clapas. S’il n’existe pas de villages là-haut, d’autres se sont accrochés à ses flancs comme Saint-Etienne-du-Valbonnez. Au sommet, j’observe un monde que je ne connais pas.
Des couleurs inconnues et de curieux dômes naissent de cet état de grâce. Je surmonte une à une les bosses de la terre et entame l’une des plus belles descentes de France, vers Florac. Une petite crevaison lente est réparée grâce à la sympathie d’Adrien du magasin de location vélo, le Km 0.
Les brebis ont forgé le paysage, déboisant le plateau tandis que les hommes ont vidé de pierres les champs et les ont jetées aux abords en clapas.
Des Causses, je n’aperçois pas la frontière qui me fait entrer dans les Cévennes, ce massif du sud où naissent les tempêtes redoutables du mont Aigoual. Il se donne des airs de bout du monde.
Sur les traces de Stevenson
L’écrivain anglais et son âne ont traversé les Cévennes en 1878, avant l’invention du vélo. 20 ans plus tard, Léon et Marie-Antoine embrayèrent sur son récit : s’en seraient-ils inspirés pour traverser les Cévennes ? Je suis leur cheminement sur ces routes qui n’en finissent pas de tournicoter et de se perdre dans les forêts de châtaigniers. Le climat est étrange, âpre comme le sont les Camisards. Je goûte au Pompidou à l’un de ces orages cévenols, violent et bref.
Découvrir les Cévennes à vélo permet de toucher son âme. Les routes sont infinies, tournoient sans trop savoir où elles peuvent me mener...
Le massif attire peu les touristes : il n’a ni château, ni plage, juste une série de crêtes bleutées, rêve éveillé pour les randonneurs. Découvrir les Cévennes à vélo permet de toucher son âme.
Les routes sont infinies, tournoient sans trop savoir où elles peuvent me mener, vers des villages vidés de leur population. Des hameaux qui avaient pourtant connu la fortune par l’exploitation de la châtaigne, au XIXe siècle.
Des lacets, encore des lacets le long du Gardon : j’en profite jusqu’au dernier pour aboutir à Saint-Jean-du-Gard, dernier village des contreforts cévenols : les reliefs ont toujours une fin… A la sortie des Cévennes, la plaine du Gard apparaît où chantent les cigales dans la garrigue. Le voyage se termine à l’instant quand tout n’est que platitude. Nîmes et sa tour romane sont enfin à portée de rayons.
Le challenge Tourmagne m’a donné une bouffée d’évasion. On ne sort pas indifférent de cette traversée de la France, avec toute la beauté et la richesse qu’elle apporte au voyageur itinérant. Et impossible de ne pas penser à Léon et Marie-Antoine qui ont, avant nous tous, roulé dans un pays où tout était encore à découvrir. Ils sont les vrais héros de cette aventure. Ce voyage magnifique, de Melun à Nîmes, a honoré l’aventure de ces deux jeunes pionniers. Grâce à eux, sur cette terre de France, ils ont ouvert mes yeux à des enchantements sans fin. Qu’ils en soient remerciés, pour l’éternité.
Carnet pratique
- Le challenge Tourmagne
Vous trouverez toutes les infos sur le challenge et son itinéraire ici : https://tourmagne.bike/
- Le vélo idéal
Le vélo que la rédaction m’a prêté est le tout nouveau Théorème GR Ultra M4. Ce vélo hybride est peut-être la quintessence du voyage à vélo. Il bénéficie des trains roulants confortables des VTT (pneus de 2,25 de section), d’un cadre et d’une fourche en carbone ultra légers comme peuvent être certains gravel. La fourche, d’ailleurs, paraît démesurément longue mais elle permet de garder la géométrie classique d’un VTT semi-rigide. L’angle de direction de 68° m’a offert une stabilité royale sur les chemins du challenge. Doté d’un cintre gravel et de manettes GRX mécaniques, le vélo a une position idéale.
- La bagagerie idéale
Pour ce long périple, j’ai emporté toute une bagagerie que m’a fournie gentiment Zéfal. Posée sur le vélo, leur solidité a rassuré tout au long du voyage. Et leur système classique de scratchs et d’attaches est bien conçu. Le Z Adventure F10 est un sac de cintre bien attachant. Il m’a semblé parfait pour le transport du matériel de bivouac. Le sac de 10 litres se retire aisément grâce aux sangles. Pour le montage du harnais, on a le choix d’opter pour un écartement de 45 à 210 mm, selon la largeur du cintre.
La sacoche de selle Adventure R11 est apparue tout aussi indestructible avec un renfort et elle est dotée d’une doublure du tissu. Sa fermeture par enroulement en thermosoudure m’a procuré une étanchéité totale. Le volume de 11 litres est important mais nécessaire pour ces longues journées. J’y ai placé tous mes vêtements.
La Z adventure T3 fixée sur le tube horizontal s’intègre bien au cadre du vélo. On peut y placer ces petites accessoires personnels, comme la trousse de toilette.
La Z Adventure C2, à fixer sous le tube horizontal, était réservée aux kits d’entretien du vélo : pompe, burette d’huile, chambre à air, multi-outil et mèches pour les pneus tubeless.
Zéfal m’avait fourni les belles sacoches de fourche Z Adventure Dry Bag de 4 l où je pensais les remplir de vêtements plus chauds. Au vu des conditions météo annoncées caniculaires, je ne les ai pas utilisées.