Découverte : le Cavalerie Anatrail et sa boîte de vitesses Effigear, l’originalité à la française

Par Olivier Béart -

  • Tech

Découverte : le Cavalerie Anatrail et sa boîte de vitesses Effigear, l’originalité à la française

Cavalerie a commencé à se faire un petit nom dans le milieu du vtt en proposant des vélos originaux misant avant tout sur la fiabilité et la facilité d’utilisation, en s’adressant à des bikers exigeants, souvent lassés des contraintes des vélos classiques et désireux de se démarquer. Nous avons voulu nous pencher sur une des dernières réalisations en date de la marque le Cavalerie Anatrail, qui est développé autour de la boîte de vitesses Effigear, elle aussi une réalisation 100% française, et sans doute la transmission la plus aboutie de sa catégorie. Découverte :

 

Cavalerie, Effigear et David Roumeas sont trois noms indissociables de cette aventure. Cavalerie, ce sont les vélos, avec une gamme orientée all-mountain/enduro/DH ; Effigear c’est la boîte de vitesses qui se trouve au cœur de toutes les réalisations de la marque ; et David Rouméas, c’est le chef d’orchestre qui veille aux destinées de l’ensemble (et qu’on retrouve en photo ci-dessus avec un autre de ses projets, Opn’Bar, des embouts de cintre servant aussi d’ouvre-bouteille).

L’idée, c’est de proposer des vélos différents, qui misent sur la fiabilité avec leur transmission par boîte de vitesses et courroie, et que le client peut personnaliser dans le cadre d’une relation directe avec David qui va se charger de construire et de monter le vélo dont rêve chaque client.

Attention, on ne parle pas ici de cadre sur-mesure, David préférant mettre au point des tailles « standard » et travailler sur leur adaptation avec le client, sur base du bon choix des composants. Ainsi, on retrouve 4 tailles (S, M, L et XL) pour le Cavalerie Anatrail dont il est question ici.

L’Anatrail, c’est le 29 pouces orienté, comme son nom l’indique, vers un usage AM/Trail avec un débattement avant/arrière de 140mm. Pourtant, en jetant un coup d’œil à la géométrie et en voyant les bases très courtes (ajustables de 427 à 437mm), cela ne saute pas aux yeux qu’il est équipé de grandes roues ! A l’avant, on part sur des valeurs moins extrêmes, avec un reach de 442mm en taille M (dans la moyenne, voire même presque court à l’heure actuelle) et un angle de direction de 66,5°. On n’est pas ici sur un vélo comme les Allemands de Nicolaï en font, avec des géométries extrêmes, mais plus sur un vélo accessible qui se destine à un public averti mais pas forcément à la recherche de vélos aux cotes très particulières et, il faut le dire, parfois difficiles à exploiter pour le commun des mortels.

Orfèvrerie aluminée

Pour son Anatrail comme pour toutes ses autres réalisations, Cavalerie travaille l’aluminium. David Roumeas n’a rien contre le carbone, puisqu’il nous a avoué travailler sur un nouveau cadre en fibres pour le moment. Mais jusqu’ici, tout est fait entièrement dans les ateliers de la marque, ce qui permet de cultiver encore un peu plus le culte de l’originalité de ce vélo, notamment au niveau de la forme des tubes.

Le plus visible, c’est le tube diagonal, ou plutôt la « poutre » de section rectangulaire qui agit comme une véritable signature visuelle de ce vélo, dont le look atypique est aussi renforcé par son traitement de surface en aluminium brut et poli absolument magnifique.

A part le tube supérieur qui est (presque) rond, le reste du cadre fait lui aussi beaucoup appel à des tubes carrés et anguleux, ainsi qu’à des pièces usinées qui viennent également apporter leur pierre à l’édifice et qui font qu’on ne se lasse pas de regarder cet assemblage aux soudures épaisses mais régulières qui portent la trace de la main de l’artisan.

Dans l’ensemble, la forme et les choix techniques suivent la fonction, et cela se voit notamment au niveau de la câblerie externe, qui court sur le sommet du tube diagonal, où on remarque aussi la présence d’un drôle de tube qui va nous amener à nous pencher sur l’originale boîte de vitesses Effigear qui se trouve au centre de la machine.

La boîte de vitesses Effigear

Tout le monde le dit, la transmission à dérailleur est un des éléments les plus archaïques sur nos vélos contemporains. Et pourtant, elle a la peau dure ! C’est sans aucun doute qu’elle conserve des avantages indéniables (poids, rapidité d’action,…) qui sont fondamentaux aux yeux de beaucoup de bikers, mais c’est aussi à cause des concepteurs de boîtes de vitesses qui ne parviennent pas toujours à proposer des solutions convaincantes.

On ne va pas vous le cacher, ni le moyeu Rohloff, ni la boîte Pinion n’ont jamais réussi à nous séduire, principalement à cause d’une habitude qu’il faut avoir de relâcher un peu la pression pour changer les rapports, et aussi à cause de commandes à l’ergonomie désuète (essentiellement des poignées tournantes). Et nous n’avons jamais vraiment réussi à la prendre, cette habitude. Même sur des boîtes bien rodées, la sensation de perte de rendement nous a toujours aussi un peu dérangés, même si on s’en accommode bien plus vite, surtout que ce genre de transmission n’est que rarement (pour ne pas dire jamais) montée sur des vélos orientés compétition.

Ici, Effigear propose deux grandes originalités qui nous semblent vraiment intéressantes. La première, c’est que cette boîte de vitesses française est compatible avec une commande à gâchette tout à fait classique. Notre vélo d’essai était par exemple équipé d’un Trigger Sram. Et c’est vraiment un plus par rapport aux poignées tournantes qu’on rencontre dans la plupart des cas ailleurs (même s’il existe des kits de conversion, mais ils sont peu fréquents).

Ensuite, les pignons supérieurs sont fixes et ceux du bas sont montés sur des cliquets permettant de passer les vitesse en rafale à la descente, même en sprint. Pour la montée des rapports, Effigear a trouvé un stratagème pour contourner le problème du passage des vitesses en charge. Pas plus que les autres boîtes, l’Effigear n’accepte de passer les vitesses quand on appuie fort sur les pédales, du moins à la montée (vers les rapports plus « faciles ») car à la descente il n’y a aucun souci. Mais elle est par contre dotée d’un ingénieux système de « mémorisation » qui permet de commander un changement de rapport quand on le souhaite.

C’est alors qu’entre en action le long et fin tube qui se trouve sur le haut du tube diagonal : il abrite un ressort qui va enregistrer la demande de passage de rapport en se contractant… avant de se détendre et de passer effectivement la vitesse souhaitée dès que le pilote relâche un peu son effort, même pendant une fraction de seconde. Nous verrons plus loin que c’est un vrai plus sur le terrain.

Pour ce qui est des chiffres, la boîte Effigear compte 9 vitesses, mais le plus important, c’est la plage de rapports qu’elle offre : avec 444%, elle dépasse de peu les 420% d’une transmission 1×10 (10/42) classique et elle n’est pas non plus ridicule face aux dernières cassettes 12 vitesses. Au niveau du poids, Effigear annonce 2812g pour un ensemble complet, soit environ 300g de plus que du 2×10 ou 500g de plus que du 1×11 milieu de gamme. Ce qui reste assez raisonnable. Et la boîte Effigear seule est quasiment 650g plus légère que la Pinion. Autre info intéressante : le cadre Cavalerie Anatrail avec amortisseur mais sans boîte est annoncé à 3,2kg.

A noter aussi que Cavalerie utilise systématiquement la boîte Effigear avec une courroie Gates, pour jouer à fond la carte du vélo « sans entretien » et surtout sans prise de tête. Cela a un impact sur la construction du cadre, puisque contrairement à une chaîne qui va être mise en tension par le simple ressort du dérailleur, une courroie a besoin de forces nettement supérieures pour être bandée, ce qui impose de renforcer le cadre et les points de pivot, ainsi que de mettre des pattes ajustables pour régler la tension. Une complexité qui explique que les tout-suspendus à courroie sont plus rares que les semi-rigides…

Cela explique également que le Cavalerie Anatrail utilise une cinématique de suspension de type mono-pivot à biellette, avec un point de pivot arrière placé sur les haubans, afin de disposer de bases très rigides en une seule pièce, capables de digérer la tension nécessaire au bon fonctionnement de la courroie. Autre spécificité qui découle de la présence de cette boîte, l’utilisation d’un moyeu à pignon fixe sur la roue arrière ; la roue-libre étant intégrée dans la boîte.

Equipements et prix

Du côté des équipements, Cavalerie propose du montage à la carte avec toute une série de partenaires. Formula, Fox, Cane Creek, Bos, DVO sont au menu niveau suspensions, Formula ou Hope pour les freins, Asterion ou JP Racing pour les roues, Renthal ou Production Privée pour le poste de pilotage, manivelles Effigear ou RaceFace (y compris carbone) : la liste des possibilités est très longue !

Au niveau finition, l’éventail des possibilités est aussi très vaste, avec toutes les couleurs RAL en peinture (classique ou avec effets) ainsi que de l’anodisation. Enfin, côté tarifs, c’est évidemment fortement dépendant des options choisies, mais il faut compter autour de 6000€ pour un exemplaire comme celui qui illustre cet article et qui est une édition limitée de lancement équipée assez haut de gamme avec aussi une finition alu poli qui lui est réservée. Un prix élevé, certes, mais pas du tout hors des standards de la concurrence, et c’est surtout un prix qui permet de rétribuer justement un artisan pour son travail réalisé en France.

Cavalerie Anatrail : sur le terrain

Quand on roule en automne et en hiver, les branches sur le sol ne cessent de nous attaquer et dans les coins où nous roulons habituellement, les branches coincées dans la transmission sont monnaie courante. Cette fois, elles vont voir de quel bois on se chauffe (sans mauvais jeu de mots… enfin si) ! Un des gros avantages de ce vélo, et une de ses principales promesses qu’on voit de suite qu’il tient, c’est qu’on le roule sans aucune arrière-pensée et le sentiment d’avoir entre les mains quelque chose de robuste, presque indestructible, aide vraiment à se lâcher et à se concentrer sur le ride uniquement.

Nous qui sommes assez réfractaires à la base à ce type de transmission (même si nous pensons que c’est certainement l’avenir à long terme), nous avons cette fois été assez séduits par l’Effigear. A la descente, les rapports passent sans effort et en toutes circonstances et, à la montée, le système de mémorisation est une astuce convaincante. Rarement perturbant à cause d’un changement qui arriverait vraiment trop tard ou à contretemps, il se révèle le plus souvent pertinent dans son action.

Au moment de se lancer dans une côte, quand le pourcentage devient trop faible, on peut actionner la commande du shifter machinalement et, même s’il n’y a pas d’action immédiate si on appuie trop fort sur les pédales à ce moment-là, en usage VTT, il y aura toujours bien un petit moment, quelques secondes, voire même quelques dixièmes de secondes plus tard, où le terrain va nous obliger à relâcher un peu la pression (pour un franchissement, etc) ou bien où nous allons être plus disposé à le faire. Et là, le changement de rapport se fait de manière quasi imperceptible.

Malgré ses 9 vitesses seulement, les trous entre chaque rapport de la boîte Effigear ne sont pas dérangeants. L’étagement est agréable et sa plage de 444% nous a semblé suffisante pour faire face à toutes les situations auxquelles nous avons été confrontés. Il n’y a que sur route ou dans des portions plus roulante où nous avons plusieurs fois eu l’impression d’être « le c… entre deux chaises » à cause d’écarts un peu grands sur les rapports plus longs. Bon point aussi pour la présence d’une commande de type Trigger, vraiment plus performante que les poignées tournantes basiques et dures qu’on trouve sur les Rohloff et Pinion que nous avons pu tester jusqu’ici. Par contre, gaffe si vous roulez en pantalon ou avec des chaussures à lacets : comme la courroie tourne en permanence du fait de l’absence de roue-libre dans le moyen, il ne faut rien laisser trainer qui puisse se coincer dans la roue crantée près du pédalier, au risque de s’occasionner de belles frayeurs.

Au final, même s’il faut toujours un petit temps d’adaptation et s’il reste des points à améliorer pour vraiment faire oublier les transmissions classiques (réactivité, sensation de frottements, etc), c’est sans aucun doute la meilleure boîte de vitesses que nous avons testé à ce jour. La courroie, hyper solide et sans entretien, est aussi un vrai atout sur un vélo qui se veut baroudeur et bon à tout faire. La garde au sol augmentée et l’absence de pièces qui trainent au ras du sol sont aussi des atouts intéressants, tout comme le silence absolu de fonctionnement.

Par contre, malgré son poids raisonnable de 13,5kg, le Cavalerie Anatrail reste un vélo qui n’incite pas à pédaler vite et nerveusement. Il invite à prendre son temps sur le roulant et dans les côtes, de sorte qu’on attend avec grande impatience les descentes. Et, peut-être est-ce dû à notre exigence en la matière pour compenser son comportement assez pataud ailleurs, mais on s’attendait à être plus éblouis dans les dégringolades.

Malgré ses 66,5° d’angle avant et sa géométrie intéressante sur le papier, en pratique, le Cavalerie Anatrail nous est apparu comme un vélo assez sage, alors que nous aurions aimé trouver une brute épaisse capable de se prêter à toutes les excentricités en descente. Des vibrations dans la direction (probablement dues à un souci au niveau du jeu de direction) ont aussi occasionné des vibrations désagréables sur notre vélo de test, qui ne nous ont hélas pas non plus aidés dans notre perception. Il reste néanmoins un agréable vélo pour randonner partout et par tous les temps.

Verdict

Convaincant au niveau de sa boîte de vitesses et séduisant dans sa philosophie, le Cavalerie Anatrail nous a laissés un peu sur notre faim au niveau de son comportement en descente, que nous aurions aimé plus radical et plus enjoué. Quitte à devoir faire quelques concessions sur le rendement et la nervosité quand ça roule ou que ça grimpe, autant avoir un jouet qui permet de rattraper vraiment le coup en descente. Ce qui n’est pas pleinement le cas ici. D’autres vélos dans la gamme Cavalerie (en 27,5) couvrent les segments plus typés gros enduro et DH, mais on se prend à rêver que le futur carbone sur lequel la marque travaille réponde plus à ce cahier des charges de « redoutable petit descendeur à qui rien ne fait peur », ou même que sorte un 29″ plus radical que l’actuel Anatrail, qui reste malgré tout un agréable compagnon pour de belles sorties sans prise de tête.

Plus d’infos : www.cavalerie-bikes.com – www.effigear.com

ParOlivier Béart