Découverte | L’Ardèche gravel : des vignobles à la montagne

Par Pierre Pauquay -

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Découverte | L’Ardèche gravel : des vignobles à la montagne

Cette année, l’Ardèche mise sur le gravel avec un premier événement qui fera date : l’Ardèche Gravel. L’épreuve privilégiera l’autonomie et la découverte d’un territoire en itinérance. Chez Vojo, on aime ! A ce titre, nous sommes allés rouler sur les chemins de cette nouvelle épreuve qui se déroulera du 26 au 28 avril prochain. Retour sur cette itinérance de deux jours où nos gravel vont traverser deux mondes que tout oppose.

L’Ardèche est un pays de contraste. Au sud comme à l’est, les senteurs du Midi embaument l’air et la vigne illumine les coteaux tandis qu’au nord, les hauts plateaux de landes et les forêts caractérisent une montagne rude et sauvage.

L’arrivée au soir à Tournon-sur-Rhône, au pied du grand fleuve, nous promet une belle soirée, agrémentée par le bruit de fond de l’effervescence d’une cité qui goûte au printemps. Au restaurant, avec Cécile de l’Agence de développement touristique de l’Ardèche et Vincent, nous retrouvons cette ambiance d’une belle soirée printanière que nous avions oubliée, là-haut, dans le nord…

Les vignobles du Rhône

Le lendemain, les vignobles de Tournon-sur-Rhône servent de gradins que l’on doit gravir pour quitter la vallée. Par chance, nous retrouvons ces chers chemins blancs, si caractéristiques des régions viticoles.

Au détour d’un virage, les vignes disparaissent et font place à une végétation rabougrie, ressemblant à un maquis inextricable. Nous ne sommes qu’au mois de mars et la chaleur se ressent déjà. La trace que nous suivons est merveilleuse pour la pratique du gravel.

Les organisateurs sont parvenus à mixer un parcours où se mêlent des petites routes secrètes qui mènent vers des hameaux cachés et des chemins accessibles qui nous portent dans des vallons préservés. La richesse du paysage nous ravit les yeux. Vincent se plaît à descendre dans les gorges du Duzon ou de l’Ormèze. Là, les ponts de pierre s’imbriquent aux villages s’accrochant aux flancs de la montagne. Ce matin, nous roulons dans un décor rêvé.

A Lamastre, la place nous invite à nous arrêter et à prendre un plat du jour où la châtaigne et la charcuterie ardéchoise sont bien sûr mises en valeur, nous aurions tort de ne pas les déguster !

 

La Dolce Via

Dans le village, une gare sert de terminus à un petit train provenant de la vallée du Rhône. A l’autre bout, une autre voie, maintenant déferrée, va nous emmener vers la Haute Ardèche.

Cette ancienne ligne de chemin de fer est devenue une voie verte remontant vers le nord-ouest, la Dolce Via. Et son revêtement en gravier en fait une voie royale pour le gravel !

 

Le XIXe siècle est celui des paris fous où l’on veut porter le chemin de fer aux quatre coins de la France, en des lieux inaccessibles. En 1886 débute le projet pharaonique de relier par voie de fer la Voulte, au bord du Rhône, aux hauts plateaux de l’Ardèche. Les viaducs se lancent élégamment à travers les gorges et les tunnels sont creusés dans la montagne.

En 1901, les premiers trains arrivent à Saint-Agrève ; on imagine l’émoi de la population qui voyait en cette arrivée du convoi la fin de leur isolement. Avec la construction de l’autre ligne ralliant Lamastre, l’Ardèche s’ouvrait au monde.

Un siècle plus tard, la voie abandonnée revit grâce à son aménagement en voie douce. En 2006, un premier tronçon est inauguré. En 2020, toute la Dolce Via est terminée ; elle remportera d’ailleurs le titre de Véloroute de l’année. Et avec Vincent, on se délecte à la parcourir : quelle merveilleuse entrée dans le massif ardéchois que cette voie ! Et elle n’a rien de monotone. A chaque courbe, le paysage d’une vallée encaissée, d’un village perché ou d’une rivière se dévoile.

Les tunnels, ponts et viaducs nous permettent de traverser la forêt dense. Si elle apparaît aisée, nous sommes pourtant tout le temps en prise avec la pente. Depuis le Cheylard, nous roulons sur une déclivité, certes modeste, mais elle est constante et sans répit. Sur les 24 km de voie, nous allons tout de même gravir 618 m de dénivelé.

Terre inculte et isolement

A Saint-Agrève, terminus de la voie et de notre journée, un autre paysage se découvre. Au loin, les montagnes, ces sucs se détachent de l’horizon brumeux. Nous sommes sur le plateau infini du Massif Central. L’hôtel 1050 est celui qui jouxte l’ancienne gare et qui lia sa destinée avec les voyageurs qui en descendaient à l’époque. Le ventre vide, nous dégustons les mets régionaux. En Ardèche, gravel et gastronomie se marient parfaitement. Au petit déjeuner, il vaut mieux bien s’alimenter car la journée va être longue. Le parcours va passer d’une région à une autre, d’un climat de montagne à un climat méditerranéen. La tempête bleue du matin a asséché le ciel ; les fils d’ange annoncent une belle journée. Tôt le matin, à l’ombre, les dernières gelées couvrent les champs de myrtilliers et de genêts. Nous démarrons sous zéro degré et sortons du sac notre seule veste Gore-Tex. En itinérance, pas de futilité à emporter, juste le nécessaire. L’ascension vers Devesset nous permet de nous réchauffer. Alors que nous passons à travers d’anciens murs délimitant les parcelles ancestrales, nous nous approchons du lac éponyme, situé à 1170 m d’altitude

Au fil des kilomètres, nous découvrons cette Ardèche qui est un paradoxe de la nature. La région possède une grande variété de paysages. Sur les versants nord austères s’étire le plateau ligérien où s’égrènent d’agrestes prairies de fauche et de pâture, tandis que de robustes fermes se calfeutrent tant bien que mal. Lors de l’Inquisition, beaucoup de protestants venaient se cacher et se réfugier dans ce coin reculé, tout comme les Juifs fuyant les crimes nazis. Un plateau qui a toujours pu garder son esprit de tolérance et de bienveillance.

Peu de villages, peu de routes : nous roulons des kilomètres sur un espace d’infinies solitudes… Sur la carte, la forêt prédomine et semble manger la multitude de prés et de champs éparpillés ; une réalité sur le terrain puisque les cultures abandonnées ne peuvent lutter face à cette forêt qui grignote peu à peu les anciennes parcelles cultivées. Une terre ingrate qui fit fuir les hommes du plateau.

Ceux qui restaient survivaient grâce à l’arbre à pain, le châtaignier qui fournissait le fruit nécessaire pour fabriquer de la farine. Les fermes, dans leur isolement absolu, ne pouvaient que vivre en autarcie. Des béates, des jeunes filles, apportaient un peu d’instruction aux enfants des paysans : jusqu’au début du XXe siècle, leur rôle social fut indéniable.

Là où hurle le vent

De plateaux en plateaux, nous évoluons dans une forêt sauvage et le Mont Mézenc n’est jamais très loin quand nous distinguons ce sommet recouvert de neige. L’altitude est conséquente : 1753 m pour la plus haute montagne d’Ardèche. Ces hauts plateaux du Mézenc, entre Ardèche et Haute Loire, connaissent un hiver dans toute sa splendeur. Il y a la burle, ce vent qui soulève la neige, forme des congères et sculpte le paysage dans une ambiance de Sibérie. Et ce givre qui décore les pierres, les herbes et les arbres. Aux alentours de la trace, les murs de granit des hameaux perdus tentent de faire front face aux éléments : leurs tailles imposent le respect et témoignent d’une vie rude.

Au village de Saint-André de Vivarais, les habitants se sont toujours accrochés à cette terre brute, sauvage. Nous sommes au printemps, mais on ressent encore les frimas de la saison froide. L’hiver imprègne pour toujours cette terre de confins.

En descente vers le Rhône

Depuis le sommet du Rouvey, le pays change et se casse en vallées que l’on va devoir gravir et descendre. Au sommet, toute la chaine de la Lozère barre l’horizon. Un peu comme si nous étions sur le balcon du massif central. Une magnifique descente rejoint le village de Lalouvesc : Ici on hésite entre l’Auvergne et le Midi.

Nous avons déjà gagné quelques degrés : au fil des heures, le thermomètre ne va que grimper. Peu après le village, la forêt a repris ses droits. Au sol il reste néanmoins quelques traces ici et là de cultures en terrasse. Sa traversée est épuisante, il faut toujours faire preuve de prudence quand les feuilles recouvrent les cailloux et les gros blocs de basalte.

La succession des collines ardéchoises est là : de terrasse en terrasse, nous allons profiter d’une descente interminable de plus de 20 km ! Elle va user les freins, les flancs des pneus comme les bras.

La terre change de couleur comme changent les cultures. D’un sol de granit, nous roulons cette fois sur une terre rouge et schisteuse. Les terres, pauvres en pâtures, deviennent luxuriantes. Les forêts de chênes et de châtaigniers forment un tunnel végétal dans lequel nous nous engouffrons. Dans la descente, les images de l’Ardèche se révèlent, avec des villages accrochés sur le versant. Les oliveraies et les vignes apparaissent : nous voilà de retour dans la vallée du Rhône.

Ces deux jours d’itinérance nous auront porté vers deux pays, l’un austère et grandiose, l’autre accueillant et riant. Du 26 au 28 avril, l’Ardèche Gravel va révéler cette dimension paysagère.

Infos pratiques

  • Quoi ? Pour sa première édition, L’Ardèche gravel vous invite à une itinérance ou vous pourrez, en fonction de la formule choisie, découvrir l’Ardèche et ses nombreux ouvrages d’arts réalisés à la fin du XIXe siècle.
  • Quand ? Du 26 au 28 avril
  • Où ? A Tournon-sur-Rhône
  • Formules ?
  • Suivant la formule choisie, l’expérience peut se combiner avec le train à vapeur de l’Ardèche ou la compagnie Les canotiers naviguant sur le Rhône.
  • 194 km (3800 m de D+) sur un ou deux jours, en autonomie totale
  • 173 km (3200 m de D+) avec logement à Devesset et embarquement sur le bateau vers la Voulte-sur-Rhône. Dégustation de produits locaux et nuitée dans un corps de ferme au bord du lac de Devesset (en formule rustique) ou en bungalow (formule confort). Un petit déjeuner sera proposé chez le chef étoilé Regis Marcon à St-Bonnet-Le-Froid.
  • 145 km (2550 m de D+) avec embarquement dans le train vers Lamastre

www.ardechegravel.ardeche.fr

ParPierre Pauquay