Découverte | Glacier Cycles : de la petite rencontre à la grande aventure

Par Léo Kervran -

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Découverte | Glacier Cycles : de la petite rencontre à la grande aventure

Si certaines histoires doivent être travaillées pour révéler leur potentiel, d’autres n’attendent qu’une plume pour être racontées. Celle de Glacier Cycles n’est encore qu’à ses débuts mais elle tombe déjà dans cette deuxième catégorie. Née d’un rêve et du hasard d’une rencontre dans la file d’attente d’un télésiège de bikepark, la petite marque fête aujourd’hui sa première année d’existence. Visite et petite prise en main :

Marque, projet, aventure, concrétisation d’un idéal, école aussi. Pour Bastien et Alexandre, Glacier est tout cela à la fois. Les deux hommes n’ont même pas fini leurs études, d’informatique pour le premier et d’ingénierie des activités physiques pour le second, lorsqu’ils se croisent pour la première fois à l’automne 2018.

Les deux hommes sont alors dans la queue d’une remontée mécanique des 2 Alpes et discutent pour patienter. Le courant passe bien et d’une façon ou une autre, tous deux en arrivent à évoquer le même rêve : celui de créer leur propre marque de vélo, pour concevoir des machines qui correspondent exactement à leurs attentes.

Ellipse de quelques mois, ils se perdent de vue le temps de terminer leurs études et Alexandre est maintenant en Nouvelle-Zélande où il travaille en tant que mécanicien vélo quand tombe un message de Bastien : « J’ai l’idée de faire un vélo, t’es chaud ? » Après des années à rêver, il est temps de sauter le pas !

Au retour d’Alexandre, ils investissent ensemble dans un poste à souder et empruntent quelques tôles au père de Bastien (« un vrai MacGyver », selon Alexandre) pour concevoir les gabarits de leur premier vélo. Ce sera un dirt, afin d’apprendre les bases sur une forme simple.

Car oui, les deux ont tout à apprendre dans la conception et la fabrication d’un vélo. Contrairement à bon nombre d’artisans, Glacier n’a pas été fondé par des ingénieurs déjà expérimentés et lassés de leur métier mais par deux jeunes tout juste sortis de l’université, bien décidés à combler leur déficit d’expérience par leur motivation et leur ambition.

Et partir de rien n’a pas que des inconvénients, à les entendre : « C’est sûr qu’on a fait plein d’erreurs au début, mais d’un autre côté on n’a pas d’idées toutes faites, on n’est pas scolaire. » Néanmoins, la volonté de bien faire n’a pas réponse à tout et en parallèle du cadre de dirt pour prendre confiance, Alexandre et Bastien rejoignent l’Incubateur Savoie Technolac, entre Chambéry et Aix-les-Bains, pour mûrir le projet et apprendre à se structurer.

Anticiper les problèmes, définir le business model, évoquer les questions de stocks, d’éventuels sous-traitants… Créer une marque de vélo, c’est bien plus que fabriquer un cadre si on veut faire durer l’aventure. Ce passage par l’incubateur va donc permettre de définir précisément les contours de Glacier et va apporter plusieurs éléments essentiels à l’entreprise aujourd’hui, à commencer par l’atelier vélo.

En effet, Alexandre et Bastien découvrent vite – et à leurs dépends – que beaucoup de choses prennent plus de temps que prévu : le développement du VTT, le travail sur la finition, les « à-côtés » comme l’emballage des vélos… Mais pour avancer, il faut de l’argent et la recherche de financement est également un peu trop lente à leur goût.

A l’incubateur naît alors une idée : aménager un local à Yenne, dans l’avant-pays savoyard, pour y développer leur production mais aussi installer un atelier de réparation de vélo, afin d’avoir une source de revenus relativement fiable et régulière. Excellent plan : il n’y a pas d’autre atelier vélo autour de Yenne et cela rend réellement service aux habitants, donc la solution fonctionne. Elle fonctionne même si bien que les deux hommes ont dû embaucher une troisième personne pour les aider dans cette activité et leur libérer un peu plus de temps pour le développement des vélos de la marque !

Aujourd’hui, Bastien s’occupe donc de l’essentiel du développement et de la production, s’étant formé au maniement des machines et du poste à souder avec l’aide de la « communauté » des artisans vélos tandis qu’Alexandre gère la 3D des vélos, l’administratif et l’atelier de réparation.

Ces vélos, venons-y. La gamme Glacier compte aujourd’hui trois modèles, tous en acier : le dirt originel, baptisé Croissant, un gravel né ensuite pour essayer d’autres choses, le Macaron, et surtout le VTT, le modèle phare et la concrétisation des rêves de Bastien et Alexandre : le Baguette.

La Baguette Glacier

Le Baguette, c’est un gros enduro de 150 mm (en 29“) ou 160 mm (en MX) de débattement à l’arrière pour 170 mm à l’avant, avec une suspension à point de pivot haut. Fidèles à leur idéal de départ, les deux hommes ont d’abord cherché à faire un vélo « pour eux » quitte à chercher des clients par la suite plutôt que quelque chose qui pourrait facilement toucher un large public.

Parmi les objectifs importants, on nous donne une trajectoire de roue arrière qui recule, une solidité à toute épreuve, et ce jusque sur la finition, ainsi qu’un ADN freeride plus qu’enduro, c’est-à-dire un vélo qui permet d’envoyer gros sans arrière-pensée. Pour le contexte, Bastien évoque notamment les Commencal Supreme et YT Capra parmi ses références.

Les tubes d’acier sont choisis dans le catalogue de Reynolds, l’un des quelques spécialistes reconnus en la matière. Au passage, le tube diagonal est unique à Glacier, il s’agit d’une commande spéciale faite par Bastien pour obtenir les caractéristiques qu’il souhaitait. Tout est ensuite mis en forme et assemblé à Yenne.

Les pièces qui ne naissent pas dans l’atelier restent conçues dans les environs : boîtier de pédalier et douille de direction sont réalisés par Jolie Rouge, un autre artisan installé à une trentaine de kilomètres de là sur les hauteurs de Chambéry tandis que les biellettes (en acier elles aussi) sont usinées à proximité d’Annecy. Et pour la peinture, ça se passe aussi sur Chambéry. Alors certes, la matière première n’est pas française mais pour le reste, difficile de faire plus local comme production pour un petit artisan qui commence !

Côté prix, il faut compter à partir de 3490 € pour un cadre nu et de 5990 € (RockShox Zeb RC / Super Deluxe Ultimate, Sram NX Eagle, Magura MT5) à 7540 € (Öhlins RXF 36M.2 / TTX22M, Sram GX Eagle, Magura MT7) pour un vélo complet. Des prix forcément élevés par rapport aux grosses marques mais la marque est lucide sur le sujet : « Le marché en tension comme en ce moment ça donne de gros rabais, donc c’est sûr qu’on est moins compétitifs dans la situation actuelle », reconnaît Alexandre.

A son échelle, Glacier ne peut pas faire grand-chose pour faire évoluer la tendance et mise donc sur d’autres leviers pour convaincre de nouveaux clients : la production en France bien sûr, fièrement mise en avant et qui va jusqu’à inspirer le nom des modèles (Baguette, Macaron et Croissant, vous voyez le point commun ?) mais aussi la communication, un point sur lequel l’équipe a particulièrement travaillé ces derniers mois avec l’arrivée d’un nouveau membre, et bien sûr le caractère de ses vélos. 

D’ailleurs, en parlant de caractère, il serait peut-être temps d’aller voir à quoi cela ressemble sur le terrain ! L’équipe nous a invités à les accompagner pour une petite sortie sur les hauteurs de Yenne, directement au départ de l’atelier. Vous nous connaissez, on ne prétendra vous livrer un test complet avec tous les secrets du vélo sur cette base mais cela permet au moins de se faire une première impression.

Avec un bon 16 kg sans pédales dans la version essayée (équipement similaire à celui ci-dessus mais format MX, avec une roue arrière en 27,5“), le Glacier Baguette n’est certainement pas un poids plume mais pour un gros enduro en acier, cela reste honorable. Surtout, il nous surprend par ses capacités en montée.

Avec son architecture de suspension impressionnante, le point de pivot haut qui fait perdre en efficacité et la suspension qui apparaît très ferme en début de course, on s’attendait un peu à se battre contre la machine et à mettre pied à terre rapidement dans le raide ou le technique mais cela s’est mieux passé que prévu. La roue arrière trouve du grip d’une façon ou d’une autre et avec un peu de volonté, on s’en sort finalement assez bien pour un gros vélo.

En descente, on comprend vite que la machine veut deux choses : de la pente, et qu’on lui « rentre » dedans. La suspension est ferme sur les petits impacts et notre modèle est équipé d’une fourche à offset long de 51 mm, contre 44 ou 42 mm sur la plupart des vélos modernes. 7 ou 9 mm de plus ça ne paraît pas grand-chose sur le papier mais on vous assure que sur les sentiers, c’est très sensible.

Sur les virages à plat, la direction du Baguette « tombe » à l’intérieur du virage et il faut charger l’avant plus que d’habitude pour contrôler correctement les choses. Quand la pente s’accentue en revanche, le poids se retrouve naturellement projeté sur la roue avant et cette sensation disparaît complètement. Message reçu, ce n’est pas un vélo pour se promener !

Côté suspension, c’est un petit peu la même chose. Sur les petits chocs, on a l’impression qu’il ne se passe rien mais plus on prend de vitesse et qu’on ose rentrer vite dans les pierriers, mieux elle réagit. Même avec ça, on s’aperçoit qu’il nous reste encore une réserve généreuse de débattement. « C’est normal, tu talonneras peut-être sur une réception à plat de 3 m de haut mais avant ça… » rigole Alexandre. Clairement, les deux hommes ne plaisantaient pas en parlant d’ADN freeride. Ce vélo ce n’est pas une baguette, c’est un pain bûcheron !

Le projet de Glacier est ambitieux : construire une véritable marque de vélo, sur la base d’une fabrication française (pour l’instant) en acier, le tout sans passé dans l’industrie ou ingénierie. Néanmoins, malgré les embûches et les leçons apprises sur la route, Bastien et Alexandre ont pour l’instant réussi leur pari : le Baguette roule, les commandes sont ouvertes et mieux encore, il n’est pas seul dans la gamme. Après seulement un an d’existence, il est impossible de prédire à quoi ressemblera l’avenir pour Glacier mais une chose est sûre, les deux hommes n’ont pas prévu de s’arrêter en si bon chemin…

Plus d’informations : glacier-cycles.com

ParLéo Kervran