Crocodile Trophy : Vojo dans l’aventure australienne

Par Vincent Arnaud -

  • Sport

Crocodile Trophy : Vojo dans l’aventure australienne

Viens, approche toi cher lecteur. Je me permets de te tutoyer car j’ai envie de partager ce récit comme je le ferais avec un ami. Ce n’est pas une course dont je vais te parler aujourd’hui mais d’une aventure. Le genre d’aventure qui rapproche les hommes. Le genre d’aventure qui te donne des souvenirs impérissables. Le genre d’aventure qui te fait oublier ton quotidien. Bref tu l’auras compris, même si on se laisse prendre au jeu de la course, avoir un dossard est anecdotique et c’est bien avec une bande de potes que j’ai vécu une aventure longue de 9 jours. Cette aventure, elle se nomme le Crocodile Trophy. Prêt ? En route pour l’Australie !

Lorsque nos pays d’Europe voient l’automne rougir la végétation, ici, le printemps vient réchauffer le climat. Eh oui, ami lecteur, oublie tous tes repères, tu rouleras à gauche, tu enverras un « bonne nuit » à ta famille lorsque que tu prendras ton café matinal, la végétation et la faune ne te seront plus familières.

vojo croc (16)Il te faudra relier la baie de Cairns à la fameuse « Four Mille Beach » à Port Douglas, et ne pense pas cette tâche aisée, entre plantations de café, RainForest et grandes étendues désertiques, tu auras à parcourir quelque 770 kilomètres et à avaler pas moins de 17 000m dénivelé. Rassure-toi, tu as 9 jours, mais ce ne sera pas de trop.

Le lieu de départ est idyllique : le lagon de Cairns, véritable pèlerinage pour les touristes. Tu réfléchiras peut être à deux fois avant de récupérer ta plaque. Va savoir si une semaine de baignade accolée à la barrière de corail vaudra 9 jours de vtt. Ceci dit, si tu es en train de lire ces lignes, on sait tous quel bronzage a ta préférence.

vojo croc (14)Voilà cher lecteur, le décor est planté, et il ne ressemble pas vraiment à ce que tu as déjà vu en Europe. Pour t’y habituer, la première étape sera plutôt classique. Une sorte de mise en bouche pour te remettre du jetlag, avec 5 tours d’un circuit tracé à Smithfield, à quelques kilomètres au nord de Cairns. Au menu, une sorte d’archétype des circuits de XCO actuels avec des sauts, des virages relevés et des bosses courtes qui demandent de l’explosivité.

vojo croc (13)Les amoureux de grands espaces resteront forcément sur leur faim. Nous roulons sur un pan de montagne et la végétation luxuriante empêche toute possibilité de voir la mer. Mais éveille tes sens, ami lecteur, aucunement tu ne te sentiras en Europe au milieu de cette forêt. La chaleur et la végétation te le rappelleront. Le départ est à 11h, il est 3h du matin en France, j’ai atterri il y a 24h après 30h de vol. Le soleil agresse carrément mon corps et la transpiration que je dégage n’a rien d’ordinaire. Le coup de sifflet me décroche une petite exaspération…La meute se lance groupée sur le sinueux tracé. Plus la course avance et plus la fatigue devient pesante, j’appuie sur les pédales avec l’entrain d’un octogénaire mais j’ai le sourire aux lèvres. Mes deux portes bidon suffisent à peine à emporter de quoi étancher ma soif de 20 minutes d’effort.

vojo croc (7)-1Au quatrième tour, les gestes sont quasi mécaniques, épingles à droite, trajectoire entre les deux palmiers, pas trop à l’intérieur…. Le parcours défile dans ma tête. Je franchis la ligne quasi deux heures plus tard, lorsque ton sommeil paradoxal te procure quelques rêves, ici il est 13h et ma sieste sous la tente d’arrivée est fort agréable. Peu après, nous sommes un groupe d’une cinquantaine à rentrer à Cairns, 15 kilomètres au sud de l’étape du jour, où je retrouve même un autre concurrent pour un petit repas sur l’esplanade.

vojo croc (15)Tu vois cher lecteur, entre aventurier on se serre les coudes. Dès le lendemain, nous aurons l’occasion de tous nous serrer la main à Cairns, pour le départ de la deuxième étape. Une étape à travers la Rainforest pour rejoindre le lac Tinaroo. A peine sorti de la ville, nous rentrons dans une épaisse forêt, la pluie est aussi de la partie. D’ailleurs, les 62 kilomètres et 1300m de dénivelé de l’étape se feront dans une alternance incessante de pluie et de soleil. Mais il est là le charme de cette Rainforest : elle s’anime lorsque la pluie vient à tomber. Le chant des oiseaux couvre nos respirations et le bruit de la gomme sur le goudron. La douleur de l’effort physique est à peine perceptible, nos sens sont en éveil. Des sonorités inhabituelles se dégagent du tunnel de verdure que nous traversons. Seule trace de civilisation, des cris électroniques jaillissent de la luxuriante verdure lors de notre passage des balises. Ils accompagnent l’odeur caractéristique qu’exhale une forêt après une ondée.

vojo croc (23)La route goudronnée que nous empruntons pour les 25 premiers kilomètres est globalement montante et jonchée de petites descentes. Bientôt le goudron laisse place aux chemins, l’humidité est pesante, elle gorge jusqu’à mes chaussettes de son effluve. Tu râleras peut être un moment de ce sort plutôt humide, mais une fois que tu quitteras la Rainforest, arrivant dans cette étendue désertique, la fraicheur d’une pluie te paraitra presque salvatrice. Et oui, les changements de décor sont brusques. La végétation devient éparse, c’est à se demander si la pluie arrive jusqu’à ces terres. Alors qu’il y a quelques minutes nous pataugions dans des terres gorgées d’eau, à présent, la végétation se raréfie et le climat devient soudain d’une rare aridité. Quelques élevages bovins nous regardent rouler à grande vitesse sur les pistes forestières. Elles sont d’une largeur peu commune pour nous, et nous croisons d’ailleurs quelques semi-remorques.

vojo croc (10)L’arrivée se fait au bord du lac Tinaroo, où des hordes d’oiseaux sauvages guettent l’arrivée des aventuriers. Le regard vide, le teint blafard, nous nous écroulons un à un à l’ombre des quelques arbres à proximité du lac ; le final se voulant fort sélectif avec une abondance de côte parfois fortement pentues, mais heureusement jamais très longues.

vojo croc (21)Le soir venu, chacun se loge dans sa tente. La nuit sera douce. Puis vient la troisième étape, 60 kilomètres et 1300m de dénivelé. Un petit crachin accompagne notre départ sur les pentes du Bike Park d’Atherton pour 2 tours d’un circuit entièrement constitué de single track. Quelle course peut se targuer de proposer 30 kilomètres de single tracks ? Nous ne sommes qu’une centaine de privilégiés à participer à cette course, ce nombre préserve la possibilité d’une telle étape. La pluie s’arrête et les rayons du soleil percent enfin l’arrête sommitale du pan de montagne qui occupera notre matinée.

vojo croc (8)Nous serpentons sur le terrain tantôt meuble, tantôt sablonneux du Queensland. Le single nous fait tournoyer autour des arbres, déraper entre les rocailles et sauter par-dessus les pierriers. Le sourire aux lèvres, nous grimpons lentement au gré des épingles disséminées pour vaincre la pente. Une légère brise fait vibrer la végétation et refroidit la température qui commence à monter. Mais ce sont les mouvements de la pente qui érodent le plus notre puissance car le terrain ondule sans cesse. Chaque coup de pédale se fait à une puissance différente du précédent, la faute à des raidillons de 2 ou 3 mètres qui viennent durcir notre tâche. N’espère pas te reposer dans les descentes non plus, elles sont aussi à base d’épingles, de sauts et autres joyeusetés, mais il faudra aussi compter quelques passages forts techniques.

vojo croc (17)Le temps passe sacrément vite à flâner sous le soleil Australien, nous sommes déjà à quelques minutes de la quatrième étape. L’une des plus dures de ce crocodile trophy avec 2700m de dénivelé et près de 90 kilomètres.

vojo croc (12)Le départ se fait une fois de plus sur une piste forestière… en direction de la Rainforest. Encore elle qui se dresse sur notre passage. Les oiseaux reprennent leurs chants à la vision de notre cortège, mais ils ont plus de mal à couvrir l’essoufflement que provoque la première montée de 500m de dénivelé. Les paysages sont encore ternis par quelques nuages récalcitrants. La descente sur une piste avant d’aller au cœur de la Rainforest précède un single track au plus près de la végétation, c’est à se demander comment la lumière transperce ce tunnel végétal. Elle cache le ciel à notre vision. La sensation de vitesse est grisante tellement elle est décuplée, tu n’auras qu’à suivre le point blanc qui te donne la destination ; la verdure se chargeant de catalyser ta vision.

vojo croc (13)Nous reprendrons une piste forestière pour rejoindre l’arrivée, 500m de dénivelé qui nous attendent à nouveau. Un chemin qu’a façonné l’homme, mais dont la nature a fixé ses règles : biscornu, irrégulier, bien loin de la symétrie de certaines routes australiennes. Tortueux, voilà aussi un mot qui peut qualifier le dernier long tronçon descendant, un autre chemin que la main de l’homme a tracé de toutes pièces pour le vtt. Il retourne dans la vallée après quelques virages relevés et sauts savamment placés.

vojo croc (5)L’étape 5 nous fait quelque peu voyager dans le passé au sein d’une petite bourgade digne des meilleurs westerns. Le temps semble s’être arrêté il y a quelques années. Une route, un musée à l’abandon, un pub dont le crocodile trophy vient animer la journée des quelques habitués. Le soleil se couche dans une rougeoyante teinte pendant que l’autochtone tente de maintenir un dialogue avec un accent incompréhensible. Avant d’arriver dans la désertique ville d’Irvinebank, nous avons encore posé nos roues dans la Rainforest pour quelques montées avant d’entamer une portion plate de 40 kilomètres. Pour la première fois de la course, la chaleur devient très compliquée à gérer. La transpiration colle sur notre peau la poussière qui émane de notre passage. Il devait y avoir un ruisseau en contrebas de la piste que nous empruntons, mais son lit n’est plus qu’un amas de cailloux. Seules quelques flaques, ici ou là, témoignent de son lointain passé plus torrentiel.

vojo croc (1)L’ascension du Mont Misery marque la fin des difficultés, il ne reste ensuite que quelques kilomètres descendants pour rejoindre notre tente à Irvinebank. Les quelques passages très raides que comportent son ascension ne posent apparemment pas de problèmes pour emprunter quotidiennement ces routes pour les habitants du coin. Il y a des panneaux de signalisation, des bas-côtés, des bornes kilométriques… il manque seulement le goudron.

vojo croc (11)Une fois au sommet, la vue est magnifique, aussi loin que ce que nos yeux peuvent voir…..C’est une multitude de collines boisées, coiffées de leur manteau nuageux. La brume diaphane atténuant leur silhouette. Il ne nous reste qu’à traverser ce manteau fumant pour rejoindre Irvinebank quelques mètres en contrebas. 

Crocodile_Trophy_2015_VojoMagAu départ de l’étape 6, le stress est palpable, chacun sait que l’étape la plus difficile est aujourd’hui.  2400m de dénivelé pour 115 kilomètres nous attendent. Dès le départ, le petit déjeuner encore dans l’estomac, nous attaquons le Mont Misery dans le sens inverse par rapport à la dernière descente de l’étape 5.

Aujourd’hui, la chaleur est oppressante, il n’y a pas un brin de vent pour atténuer cette fournaise. Tout le monde s’engage quand même avec le sourire dans l’étape. La sécheresse a rendu la piste glissante, la pente est d’autant plus compliquée à vaincre qu’il est impossible de se mettre en danseuse sous peine de perdre l’adhérence. La faune est quasi inexistante, seules quelques termitières hautes comme un homme viennent jalonner le circuit. Ce décor désertique nous accompagnera les deux tiers du circuit. La principale difficulté consistant à éviter l’ondulation du chemin qui secoue nos jarrets.

vojo croc (9)L’érosion physique est inévitable et la dernière montée va faire de terribles dégâts. Une vingtaine de kilomètres et 600 mètres de dénivelé séparent le dernier ravitaillement de l’arrivée. Mais qu’ils vont être longs ! La pente frise parfois avec les 25%. Bref chacun se penche sur sa machine, espérant que la douleur soit brève. Les australiens ne s’embêtent pas avec des cols, nous grimpons au point culminant directement. Si le point de vue n’est que plus beau, l’effort physique nous fait vraiment regretter ce choix.

vojo croc (22)L’étape la plus longue de ce crocodile trophy est à mettre au crédit de la 7ème journée de course ! 127 kilomètres pour rejoindre Skybury Coffee. Une grande partie sur le goudron ou sur des pistes droites et plates. Cela peut paraitre ennuyeux mais l’exotisme des paysages est là pour permettre à votre esprit de rester en ébullition. Un kangourou, des termitières, rouler à gauche, etc. : cette visite touristique ne manque pas d’originalité.

vojo croc (4)Les passages hors des routes sont stressants. La végétation est rare, le terrain est vraiment abrupt et sec. Le désert a tout asséché sur son passage, même jusqu’à nos organismes. Les arrêts ravitos sont salvateurs. Ils sont composés de fruits exotiques, eau, boisson énergétiques, coca, Red Bull, barres énergétiques,… D’ailleurs, l’arrivée à Skybury coffee comme son nom ne l’indique pas, est aussi un endroit très connu pour ses fruits exotiques.

Sans_TitreMais c’est bien un café que nous prendrons avant d’attaquer l’étape 8 entre Skybury coffee et Wetherby. 105 kilomètres et 1400m de dénivelé qui nous permettront de nous rapprocher de l’Océan Pacifique. La journée est encore composée de nombreux chemins caillouteux très larges. Notre compteur descend rarement en dessous des 30 km/h. Il faudra attendre le retour dans la rainforest pour revoir quelques talus faire exploser les groupes. Quelques passages de ruisseaux rafraichissent un peu les organismes.

vojo croc (6)Parfois ils sont très profonds et procurent des baignades plus ou moins voulues. Nous reprenons un chemin bien large pour achever l’étape dans l’un des plus gros ranch du Queensland.

Dans mon texte comme lors de la course, j’attendais avec impatience l’étape 9 qui clôture ce Crocodile Trophy à Port Douglas. Essentiellement descendante, elle a l’originalité de se courir en contre la montre individuel. Il nous manquait ces 30 kilomètres pour avoir notre trophée de finisher. C’est surement pour cela que la joie se lisait sur quelques visages avant le départ. Une promenade de santé pour terminer cette course ? Pas si sûr: la descente se veut plutôt technique et les quelques talus fort physiques. De plus il faudra se faire à la solitude d’un contre la montre individuel.

vojo croc (18)Enfin, nous arrivons sur la mythique plage de Four Mille Beach, l’arrivée se dessine au loin. Nous roulons près de l’ocean, où l’eau a durci le sol. Tu vois lecteur, à partir de ce moment, j’ai des frissons quand je tapote mon clavier, j’avais les mêmes à quelques encablures de l’arrivée. Je suis en train de finir le Crocodile Trophy, je me remémore les 8 jours qui ont précédé, les mauvais comme les meilleurs moments me donnent le sourire. Je serre les mains, une fois la ligne franchie, de mes compagnons d’aventure. Je contemple la mer avec le bonheur du travail fini.

vojo croc (3)Bien sûr vous pourriez penser que les nombreuses parties roulantes m’ont ennuyé, mais l’exotisme des paysages, du circuit, des animaux et de la végétation m’ont dépaysé. J’ai vécu une expérience hors normes : visiter l’Australie d’une manière différente, bien loin des sentiers battus. En ce qui concerne l’organisation, les repas sont bons et copieux, et les rouages sont bien huilés à tous les étages. On pourra regretter le confort de vie parfois rudimentaire pour les plus douillets, mais c’est aussi le principe d’un raid, non ?

Envie d’en savoir plus ? www.crocodile-trophy.com

ParVincent Arnaud