Coupe du monde XC 2023 #4 | Huit leçons de Val di Sole

Par Léo Kervran -

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Coupe du monde XC 2023 #4 | Huit leçons de Val di Sole

Dernière course de ce marathon du mois de juin (certains pilotes ont enchaîné quatre épreuves en autant de week-ends), la coupe du monde de Val di Sole marquait aussi le milieu de la saison et le dernier gros rendez-vous avant la pseudo coupure estivale. Récupération, préparation et championnats nationaux sont désormais au programme des pilotes avant les championnats du monde à Glentress en Ecosse début août, ce qui nous laisse le temps de faire le point sur les évènements de ces dernières semaines. Entre grands moments et résultats passés sous les radars, voici ce que nous avons vu et retenu en Italie :

Femmes

Victorieuse sur le XCC vendredi soir, Laura Stigger vire en tête au bout de ligne droite de départ avec Jolanda Neff à ses côtés. Direction la start-loop, qui reprend la boucle la plus roulante du circuit ! L’atmosphère est lourde et le soleil joue à cache-cache avec les nuages mais aucune pluie n’est annoncée pour la course. Sur les prochains tours elles continueront tout droit mais pour ce départ, elle n’ont fait que la moitié du virage et vont repartir le long du filet rouge : à Val di Sole, la start-loop fait demi-tour à peine plus d’une centaine de mètres après le départ. Plus que jamais, le placement et réussir son envol sont essentiels !

Cinq minutes plus tard, elles reviennent déjà pour se jeter dans le spectaculaire pierrier, la dernière petite difficulté technique avant l’arrivée. Petite ? Oui, il y a bien pire dans le bois !

Le circuit de Val di Sole est beau, joueur et très plaisant à rouler… en reconnaissance. En course, c’est une autre histoire tant les montées sont raides et les espaces pour récupérer rares !

Les remontées invisibles

Le jour où Mona Mitterwallner réussira à prendre un bon départ, ses adversaires auront du souci à se faire. 30e à la fin de la start-loop à déjà 30 secondes de la tête, l’Autrichienne termine sur le podium en 5e position avec, en prime le meilleur temps dans le dernier tour. Il fallait bien cela pour se mettre à l’abri du retour de Jolanda Neff, qui y signe le… deuxième meilleur temps, après avoir crevé dans le premier tour.

Si Mona Mitterwallner les met un peu en valeur en réussissant à se hisser sur le podium, les remontées spectaculaires passent le plus souvent inaperçues. En témoigne celle de l’Écossaise Isla Short, 5e des championnats du monde en 2020. Après un début de coupe du monde compliqué (46e à Nove Mesto, 58e à Lenzerheide) qui l’a envoyée dans le fond de la grille de départ, celle qui a rejoint le Ghost Factory Racing cet hiver semble avoir retrouvé ses jambes : de la 50e à la 20e place à Leogang, puis de la 52e à la 25e position en Italie ce week-end. Avec, comme Mitterwallner, une fin de course très solide : 13e temps dans le dernier tour.

Fortunes et infortunes

Line Burquier continue son apprentissage de la catégorie Elites. Après les hauts (11e à Lenzerheide), la jeune pilote du Canyon Cllctv XCO vient de connaître deux week-ends plus difficiles : 51e à Leogang et abandon à Val di Sole, suite à une chute lors des reconnaissances du samedi qui l’a laissée avec de sérieuses contusions à la cuisse. Heureusement rien de cassé et on lui souhaite de bien se remettre pour prochaines échéances dans quelques semaines !

Pour Puck Pieterse en revanche, la vie sur un nuage continue. 4e victoire en 5 course majeures (les quatres coupes du monde et les championnats d’Europe) pour la Néerlandaise, qui réussit toujours aussi facilement à s’isoler dès le début de course. Pourra-t-elle continuer sur ce rythme jusqu’à la finale de la coupe du monde, fin octobre au Canada ?

Double peine pour Pauline Ferrand-Prévot ce week-end : alors qu’elle était à la bataille avec Martina Berta pour la deuxième place, elle chute et perd le contact puis crève peu de temps après. 8e place au final. Toutefois, elle a montré ces dernières années qu’il fallait plus que des débuts de saison « moyens » (deux podiums tout de même) pour l’ébranler lorsqu’elle se prépare pour un objectif. A Glentress, sur un parcours tout neuf donc inconnu de toutes, elle fera sans hésitation partie des favorites à sa propre succession.

7e à la fin de la start-loop et… 7e à l’arrivée. Jolie leçon de régularité par Jenny Rissveds ce week-end, mais ça n’a pas suffi pour accrocher le podium.

Une 19e place synonyme de premier top 20 et meilleur résultat en coupe du monde pour Emeline Detilleux. « C’est bien mais il ne faut pas s’arrêter, il ne faut pas avoir peur de viser le top 15 maintenant » nous glissait Stéphane Tempier à l’arrivée.

39e place pour Lucie Urruty, qui retrouve de bonnes sensations : « À chaque fois je pars très loin donc c’est un peu le gros deal du départ, je sais que qu’il faut que j’arrive à me placer correctement et pas me retrouver 70-80 comme les courses d’avant. Là j’ai réussi à bien me faufiler, je me suis mise tout à l’inter’ et y’a une grosse porte qui s’est ouverte. […] Après l’idée c’était de gérer le plus possible la course sans forcément se mettre dans le mal et c’est ce que j’ai réussi à faire donc je suis contente. J’ai réussi à en remettre un peu les deux derniers tours même si j’étais un peu limite et l’objectif c’était le top 40, je suis pile dedans. […] Je suis contente parce que le début de saison ça été très dur mentalement, je me prenais des grosses roustes à chaque fois et à l’entraînement ça devient compliqué, je me demandais si c’était encore ce que j’avais envie de faire. »

Pas très loin derrière, Isaure Medde se classe 42e pour sa première saison en Elite : « j’ai pris un bon départ mais on s’est accroché dans le premier virage et j’ai vraiment tapé mon dérailleur du coup je déraillais souvent mais bon, c’est les aléas de la course. J’ai pris un départ prudent parce que je savais que la course allait être longue mais bon, on a toujours envie de suivre tout le monde et évidemment j’ai un peu encaissé au deuxième grand tour. L’objectif c’était top 50, je fais 42e donc je suis rentrée dans les quotas. Il fait chaud, il fait humide et le circuit est vraiment physique et technique, il faut rester lucide et c’est ça qui est dur. On mangeait toutes, on buvait toutes dans la grande ligne droite et après ça descendait une dent et ça repartait et en fait on se reposait pas du tout dans la deuxième partie et je pense que c’est là où j’ai un peu peiné, dans la partie plate. Je pense que je suis restée assez régulière, je ne suis pas tombée du tout, j’ai essayé de rester très concentrée. J’ai fait le championnat du monde en 2021 et j’ai pris une grosse chute où j’ai vu que j’avais fini très loin et je me suis dit je ne fais pas deux fois la même erreur. »

Le show Berta

Il y a deux semaines on se demandait si Martina Berta réussirait à passer un cap cette année, après avoir décroché son premier podium au Mont-Sainte-Anne l’année dernière (4e). L’Italienne semblait avoir du mal à trouver les derniers morceaux qui lui permettraient de s’installer régulièrement dans le top 5, un objectif plus difficile que jamais avec le niveau particulièrement élevé cette année aux dires des principales concernées (« Normalement quand je finis à 10 minutes je suis 25e, là je fais 39e ! C’est un truc de malade comment ça roule, c’est vraiment cool » réalisait Lucie Urruty à l’arrivée).

Il n’a pas fallu attendre longtemps pour avoir la réponse ! A domicile, sur l’un des circuits les plus difficiles de la saison tant il est complet, la championne d’Italie a réalisé la course parfaite. Ce n’était pas surprenant de la voir à l’avant en début de course mais elle en a sûrement surpris plus d’un (voire elle-même) en tenant ce rythme jusqu’à l’arrivée, seulement devancée par l’intouchable Puck Pieterse. De quoi laisser échapper quelques émotions dans la raquette d’arrivée puis sur le podium !

Avec ce deuxième week-end « presque parfait » (2e sur le XCC, victoire en XCO), Puck Pieterse s’envole au classement général. Elle compte désormais près de 300 points d’avance sur Pauline Ferrand-Prévot, solide deuxième. Derrière, c’est bien plus serré puisque les sept suivantes se tiennent en moins de 100 points. On notera que malgré son impasse, Loana Lecomte reste au contact grâce à ses bonnes performances sur les trois premières manches.

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Ambiance

Louer la ferveur des supporters italiens, les fameux tifosi, est un véritable cliché du reportage sportif. Néanmoins, quand on l’a vécu, difficile de faire autrement. On les trouvait un peu sages le samedi sur la descente mais contrairement aux Français aux Gets l’année dernière, c’est sur le XC que les Italiens se révèlent. Un passage en particulier concentre toute cette énergie, un véritable couloir dans les bois au milieu d’une des trois longues montées du circuit.

En sortant du singletrack, les athlètes peuvent déjà entendre la clameur qui commence à monter et qui ne fait que gonfler, gonfler jusqu’à qu’il ou elle ait entièrement traversé l’allée. Cette année, le nouveau balisage à base de grand filets violets tenait la foule un peu plus à distance : qu’à cela ne tienne, elle fera encore plus de bruit pour compenser ! Femmes, hommes, premier, dernier, il n’y a pas de distinction et tout le monde a droit à ce déchaînement, et à voir les réactions de certains pilotes, l’énergie qu’ils et elles en tirent est bien réelle.

Et que dire alors quand une Martina Berta avec leTricolore sur les épaules, à la lutte pour la deuxième place, ou un Nino Schurter superstar en pleine démonstration s’engagent dans ce passage… Vous n’êtes jamais venu sur une coupe du monde ? Alors montez le son et écoutez l’enregistrement ci-dessous (attention, si vous avez des écouteurs ou un casque on vous conseille de gardez le niveau assez bas).

Casses et chutes

Sa réputation, Val di Sole la doit beaucoup à son parcours. D’abord parce qu’il est atypique : en forme de 8, avec une boucle qui dispute au Mont-Sainte-Anne le titre de zone la plus technique de la saison, parsemée d’horribles relances qui finissent de vous achever, et l’autre extrêmement roulante, sans la moindre difficulté technique mais avec une interminable montée pour rejoindre le pierrier final qui vous ramène sur l’arrivée. « On ne s’en rend pas forcément compte à la télé mais il y a des portions qui sont vraiment très, très, très raides, ça te casse les jambes » explique Maxime Marotte. On confirme !

S’imposer à Val di Sole, c’est donc être un pilote complet… et avoir un matériel au diapason. Par chance, l’épreuve ne s’est pas courue sous la pluie depuis quelques temps mais quand le circuit est sec et poussiéreux comme cette année, il est peut-être encore plus exigeant pour les machines. Les pilotes roulent vite, les trajectoires se creusent et chaque mètre de la boucle technique devient un piège. On a ainsi vu Evie Richards dérailler juste devant nos yeux sur un passage en apparence anodin, un virage en montée en début de parcours. Adieu Jenny Rissveds et la 7e place…

Et comme si ça ne suffisait pas, il y a les chutes. Y aurait-il plus de tensions qu’ailleurs avec ce virage en épingle 100 m après le départ ? Toujours est-il que plusieurs courses ont été marquées par des chutes en peloton dès les premiers mètres, en ligne droite et loin de ce fameux virage. Ci-dessus celle du XCO hommes avec un triste tir groupé pour les Français puisqu’on y voit Titouan Carod au sol, Victor Koretzky guère mieux et Loan Cheneval qui les évite de justesse.

Vous avez échappé à la chute du départ, vous n’avez pas eu de soucis avec votre matériel, tout va bien ? Encore faut-il rester sur le vélo jusqu’à l’arrivée. Avec une couche de poussière un peu plus épaisse à chaque passage le grip était aussi traitre et fuyant que si le circuit était mouillé et on a assisté à un nombre inhabituellement élevé de chutes pour une course disputée en conditions sèches. Ici, c’est Marcel Guerrini qui a eu la malchance de tomber devant notre objectif (ainsi que quelques autres) mais le Suisse est très loin d’être le seul à avoir goutté la terre italienne…

Hommes

La Belgique mieux représentée que jamais

Deux Belges côte à côte au départ sur la première ligne d’une coupe du monde XCO Elite Hommes, qui l’aurait cru il y a cinq ans ? On fera les comptes pour les Jeux Olympiques à l’issue du processus de qualification des pays (qui se déroule du 7 mai 2022 au 6 mai 2024) mais si les deux continuent sur cette lancée, il est fort probable qu’il iront ensemble à Paris…

A Val di Sole, le bilan est mi-figue mi-raisin. D’un côté, une bonne 15e place pour Jens Schuermans à l’issue d’une course régulière, et ce malgré une chute dans les dernières minutes, sans gravité heureusement. De l’autre, des soucis de dos pour Pierre de Froidmont qui l’ont « étouffé » jusqu’à deux tours de la fin, jusqu’à une crevaison qui l’a débloqué. Forcément, le résultat (34e) est difficile à avaler mais les temps au tour parlent d’eux-mêmes et tout n’est pas à jeter, même si c’est bien la déception qui prédominait une fois la ligne passée.

Du côté des « autres » Belges, ceux de BH-Wallonie, Arne Janssens se classe 59e et Clément Horny 74e.

L’envers du décor ! La start-loop de Val di Sole est rapide et les bons spots photos rapidement accessibles depuis la ligne de départ ne sont pas légion. Avant que les coureurs n’entament les grandes boucles et que les photographes aillent se disperser dans les bois, les spectateurs présents sur place assistent à chaque départ à ce genre de situation un peu surréaliste.

Déjà la course aux JO pour les Français

On aura le temps de revenir plus en détail sur le sujet d’ici l’année prochaine mais sachez que les règles de participation aux Jeux Olympiques ont changé et que même les nations les mieux classées ne peuvent envoyer que deux athlètes, contre trois auparavant. Pour la Suisse et la France, actuels n°1 et n°2 au classement UCI des nations, cela risque de poser de sérieux problèmes. Côté bleu-blanc-rouge, Val di Sole comptait justement comme l’une des principales épreuves pour établir la sélection et on a vu Yvan Clolus, le sélectionneur, particulièrement présent sur le bord du circuit ou à l’arrivée.

Chez Rockrider Ford, on a longtemps cru au double podium ! Qui aurait imaginé que l’équipe serait la structure française la plus en vue à son lancement il y a deux ans ? A Val di Sole, on a eu la quatrième place de Joshua Dubau, son deuxième podium de l’année et d’autant plus encourageant qu’il manque de peu la troisième place. Mais on retient aussi (et surtout) la sixième position de Maxime Marotte, qui laisse seulement échapper le podium dans le dernier tour face à Vlad Dascalu revenu en trombe ! De quoi casser la mauvaise dynamique qui semblait s’être installée (48e/16e/35e avant cela) et finir cette première moitié de saison sur une très bonne note, encourageante pour la suite. Avec, en prime, une jolie course d’équipe dont les deux pilotes se félicitaient mutuellement à l’arrivée.

Tout le monde n’a pas connu la même fortune, à l’image de Thomas Griot : « Journée compliquée, j’ai fait un départ assez correct et puis dans le premier tour complet une chute assez bête, sur un virage assez fuyant, rapide, je tombe. Ça aurait pu aller très vite, j’aurais pu juste tomber et me relever mais malheureusement y’a eu des petits détails qui ne m’ont pas aidé : la chaussure complètement ouverte, ma manette de tige de selle qui a bien bougé… Il m’a fallu un petit moment pour tout remettre en place. C’est une course super dure et mine de rien, une petite chute comme ça c’est pas sans conséquence. Il m’a fallu un, deux tours pour retrouver un semblant de rythme mais devant ça n’attend pas, j’ai fait du mieux que je pouvais mais je n’ai jamais été dans le rythme finalement. Mais bon, je suis quand même content d’avoir fini et puis maintenant on va se concentrer sur la suite. »

On parlait de remontées un peu plus haut, impossible de ne pas évoquer celle de Victor Koretzky. Parti en fond de grille à cause de son manque de points UCI, gêné par la chute, il repart dans les toutes dernières positions avec Titouan Carod : « Je n’ai pas trop compris, au départ j’ai fait 30 m et c’est tombé devant moi, j’ai essayé d’éviter mais on m’est rentré dedans et ça m’a fait tomber dedans. Après c’était dur, j’étais dernier avec Titouan, on a essayé de le faire un peu tactique dans le sens où quand t’es dernier ici c’est pas la peine de tout mettre parce que dans tous les cas à la première montée tu fais tout à pied. Du coup on a roulé tranquillou les deux-trois premières minutes, ça ne servait à rien de faire autrement et après j’ai essayé de tout mettre. J’ai essayé de ne pas baisser les bras et finalement je fais quand même une belle course, je suis forcément déçu parce que j’avais de bonnes sensations mais depuis le début de l’année, je n’ai pas eu de chance au niveau santé et là je n’ai pas de chance par rapport à la course. […] J’ai envie de vraiment marcher fort sur la fin de saison, je pense que c’est en bonne voie. Je me sens mieux et je pense qu’aujourd’hui je me suis montré à moi-même que j’étais bien donc c’est essentiel. »

Et au final, cela donne une 25e place sur la ligne ! Impossible de savoir ce que cela aurait pu donner s’il avait bénéficié d’une meilleure position de départ mais la forme semble être bien revenue avant les échéances de cet été. Le tout sans porte-bidon, une stratégie osée au vu des températures et de la poussière.

Derrière, Antoine Philipp se classe 23e malgré un saut de chaîne et remonte bien dans le classement après s’être blessé à Nove Mesto et avoir manqué les deux premières manches. Bonne progression aussi pour Maxime Loret, qui s’était cassé plusieurs côtes en chutant à Lenzerheide. Il est 42e. Plus loin, Loan Cheneval est 79e et Thibault Daniel 86e.

Il y a deux semaines, on vous parlait de l’équipe Pump for Peace à travers l’Iranienne Faranak Partoazar. L’idée de départ est aussi simple que belle : il s’agit, pour reprendre la description que la structure donne d’elle-même, de « donner à des communautés accès aux sports d’action par des pumptracks ». Cela a commencé par construire des pumptracks un peu partout dans le monde, les choses ont (très) bien pris… et se sont un peu emballées, au point qu’une équipe de coupe du monde a vu le jour ! L’objectif n’a pas changé, le but est avant tout de donner à des pilotes qui n’en auraient pas l’occasion autrement l’opportunité d’aller se frotter aux meilleurs afin de progresser. Ci-dessus le coéquipier de Partoazar, le champion du Lesotho Tumelo Makae.

Schurter, où s’arrêtera-t-il ?

Une 34e victoire record à Lenzerheide et puis c’est tout ? C’est ce qu’on avait pensé un peu trop vite à l’issue de l’étape de Leogang, où il avait terminé à une anonyme 21e place. Il faut dire que ces dernières années, Nino Schurter au sommet d’un podium de coupe du monde n’est plus une image aussi familière qu’en 2017 par exemple : zéro victoire en 2021 et une seule en 2022 (Petrópolis). Bien mal nous en a pris. Le Suisse a vraisemblablement retrouvé la recette et le voilà qui remporte deux des quatre premières manches de cette coupe du monde édition 2023.

Il faut dire qu’avec deux titres de champions du monde et désormais sept victoires en coupe du monde, Nino Schurter est chez lui à Val di Sole. Même le circuit de Lenzerheide, sa course à domicile, ne l’a pas vu franchir la ligne d’arrivée en tête aussi souvent. Archétype du tracé de XC moderne, Val di Sole convient parfaitement aux qualités du champion du monde et y battre Schurter donne une sérieuse idée des capacités de celui qui y parvient. Rendez-vous l’année prochaine pour la dixième ?

Cette année, c’est face à un adversaire inédit qu’il a dû batailler : Alan Hatherly, de 10 ans son cadet. Celui qui roule depuis deux saisons pour Cannondale, après avoir grandi sous la bannière Specialized, fut le dernier à accompagner le champion du monde, retardant l’inévitable jusqu’à la mi-course. Il l’a payé dans les dernières minutes et finit de justesse sur le podium mais il fallait tenter ! On l’a bien vu chez les U23 avec la double crevaison de Luca Martin à un demi-tour de l’arrivée…

Encore battu aujourd’hui, le Sud-Africain se rapproche toutefois de plus en plus d’une première victoire en catégorie Elite. Nous ne sommes qu’à la mi-saison et il compte déjà un podium de plus que l’année dernière. Régulier, à l’aise sur tous les terrains, et si c’était lui la surprise de Glentress ?

Pour le plaisir, une petite étude comparée des trajectoires des deux hommes sur le fameux drop de Val di Sole. Un passage technique, très piégeux et qui laisse si peu de place à l’erreur que dans toutes les courses, hommes et femmes confondus, les pilotes qui prennent cette ligne principale sont minoritaires face à celles et ceux qui s’engagent sur l’échappatoire.

Au-delà d’une piste qui lui convient, Nino Schurter peut aussi compter sur les fans pour se sentir chez lui à Val di Sole. La Suisse et le canton des Grisons sont à moins de deux heures et si ce n’est pas la vallée la plus germanophone d’Italie, l’allemand est bien la deuxième langue officielle ici, comme dans toute la province autonome du Trentin. Ajoutez à cela le prestige que confère le maillot arc-en-ciel ainsi que la légende qu’il a lui-même écrite au fil des années et qui l’accompagne partout et vous aurez une idée de ce qui rend cette étape plus spéciale qu’en apparence.

Il ne l’a pas vu de la course et n’a pas du tout vécu la même chose mais il finit encore une fois juste derrière lui sur le podium : la relation entre Mathias Flückiger et Nino Schurter ne serait pas aussi difficile, ça en serait presque comique tant ils sont inséparables. Après sa crevaison à Leogang alors qu’il paraissait largement le plus fort, Flückiger a manqué le bon wagon ce dimanche (23e à la fin de la start-loop) mais ensuite, il est celui qui s’en est le mieux sorti. Remonté vers les avant-postes plus vite que Vlad Dascalu, il a eu le temps de s’installer en troisième position pour suivre à distance le duel Schurter – Hatherly avant de profiter de la petite défaillance de ce dernier en fin de course.

Visiblement en forme physiquement, le Suisse ne semble plus du tout gêné par son pouce et la lésion ligamentaire contractée début juin. Sur un circuit comme celui de Val di Sole, cela n’aurait pas pardonné… Si Nino Schurter est le maître incontestable lorsqu’il s’agit de se préparer pour un évènement spécifique, on serait tout de même bien tenté de mettre une petite pièce sur Flückiger pour les championnats du monde. Peut-être un peu revanchard, il paraît plus polyvalent que son compatriote à la régulière et sur un circuit inconnu comme celui de Glentress, cela peut jouer.

Nous ne sommes qu’à la moitié de la saison mais les organismes sont déjà bien entamés. Bien gérer son été sera primordial pour tenir jusqu’au Mont-Sainte-Anne fin octobre mais avec les championnats du monde en plein milieu, ce ne sera pas facile. Peut-on s’attendre à des surprises à l’automne ?

Etre régulier c’est bien mais marquer des gros points, c’est mieux. Voilà comment on pourrait résumer la partie de chaises musicales qui se joue actuellement au sommet du classement général chez les hommes : 4 courses, 4 leaders différents ! Grâce à sa victoire, Nino Schurter prend le maillot à Jordan Sarrou et se construit même une petite avance sur le trio Sarrou – Hatherly – Schwarzbauer. Plus loin, belle opération de Vlad Dascalu qui remonte de la 21e à la 14e place. Ceci dit nous ne sommes qu’à la moitié de la saison, tout reste à faire !

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Pour les résultats et classements complets, on vous invite à (re)lire nos articles publiés juste après les courses :

World Cup XC 2023 #4 – Val di Sole | XCO : Pieterse et Schurter, haut la main !

World Cup XC 2023 #4 – Val di Sole | XCO U23 : Woods et Pedersen, sans faute !

ParLéo Kervran