Comment va l’équipe de France XC ? Interview d’Yvan Clolus, sélectionneur national

Par Paul Humbert -

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Comment va l’équipe de France XC ? Interview d’Yvan Clolus, sélectionneur national

À quelques semaines de la coupe du Monde des Gets, et des championnats du Monde 2025, Yvan Clolus, le sélectionneur national de VTT XC fait le point sur l’équipe de France. Qui sont les athlètes en forme, qui est au repos, quelle dynamique attendre ? On fait le point pour les femmes, les hommes et les espoirs.

La coupe du Monde des Gets se déroulera le dernier week-end d’août 2025, après une pause dans la saison pour les compétiteurs XC. Comment gérer des mois au plus haut niveau, et comment aborder les championnats du Monde en cette année post-olympique ?

Yvan Clolus est le sélectionneur national de l’équipe de France de cross-country. Il repère les futurs athlètes de haut niveau et les accompagne, en parallèle de leurs équipes, pour maximiser leurs performances sous les couleurs du maillot tricolore. Il nous le rappelle d’entrée de jeu : 2025 est une année particulière : « Paris 2024 représentait un objectif très fort, qu’on a globalement atteint. Derrière, on savait qu’on entrait dans une année de transition. »

Equipe de France hommes

« On a voulu laisser un peu d’air à nos athlètes et aux staffs, pour qu’ils puissent se reconstruire, se régénérer. Ça coïncide aussi avec une transition générationnelle qui s’amorce, surtout chez les hommes. Cela dit, nos « grands frères » comme Victor Koretzky, Jordan Sarrou ou Joshua Dubau sont encore bien là, même s’ils ont ciblé leurs objectifs — notamment les mondiaux.

Mais ce qui est excitant, c’est la dynamique des jeunes. Luca Martin, Mathis Azzaro, Adrien Boichis… ils confirment qu’ils incarnent clairement la nouvelle génération. C’est eux qu’on regarde pour les JO 2028, voire 2032.

En VTT, les vraies surprises sont rares : quand tu performes en cadets et en juniors à l’international, tu suis généralement la même trajectoire en U23, puis en élite. C’est le cas de Luca, Mathis et Adrien… Tous ont déjà été médaillés. Mais chacun émerge à son rythme. Luca Martin, par exemple, on ne s’attendait pas forcément à le voir déjà sur les podiums élite de Coupe du monde cette année, à jouer avec Pidcock… et pourtant, il y est.

Ils ont toutes les qualités pour succéder à ceux qui partiront peu à peu. Luca est sur une grosse vague, qu’il a lui-même créée, et il surfe dessus.

Matis suit une dynamique similaire. Adrien Boichis se cherche encore un peu entre les disciplines, mais il est très proche aussi. C’est extrêmement positif d’avoir cette relève.

Et Victor Koretzky, Jordan Sarrou et Joshua Dubau, comment vont-ils ?

Victor Koretzky est fidèle à lui-même. Son début de saison a été excellent. Il n’avait peut-être pas le maillot de leader, mais dans l’esprit, c’était lui le patron, notamment au Brésil avec ses coéquipiers comme Blevins, Vidaurre ou Adrien Boichis. Malheureusement, une grosse chute à l’entraînement juste avant Leogang a freiné sa dynamique. Il a dû abandonner là-bas, et depuis, il sent que c’est plus dur. Et à ce niveau, tu passes vite du top 3 au top 20. Mais Victor est dans ses meilleures années. Il se connaît. Ce creux passager ne remet rien en question. Il sera dans la course à la médaille aux mondiaux, que ce soit en XCO ou en XCC.

Jordan Sarrou a connu un bon début de saison, puis une clavicule cassée à Nove Mesto. C’est toujours frustrant. Et il y a eu beaucoup de changements personnels : il est devenu papa, il a déménagé, sa compagne a lancé son commerce… C’est beaucoup en même temps. Il a repris pour les championnats de France après 5-6 semaines d’arrêt. Il était déjà proche de la médaille. À Vallnord, il fait 4e en XCC, et sur le XCO, il était dans le top 5 avant une petite chute. Il a préféré lever le pied.  Ce type de blessure peut devenir une opportunité : à Vallnord, on sentait que le peloton était fatigué, alors que lui avait encore de l’énergie. Il a faim. Il va faire une très belle fin de saison.

Joshua Dubau est un athlète « double projet » : cyclo-cross et VTT. Ce n’est pas anodin. Il a terminé tard avec les Mondiaux de CX à Liévin. Forcément, ça a alourdi son printemps. Sur les premières manches VTT, il était plutôt entre la 40e et la 45e place. Mais là, la tendance s’inverse clairement. Il a fait un super championnat de France, au contact direct de Luca et Mathis. Et à Vallnord, il signe une 11e place en XCC, puis une 8e en XCO en remontant. Il revient fort. Il sera un vrai client pour la fin de saison, et même pour l’Olympiade de 2028. Il a très envie, il a les qualités. Il ne faut pas oublier qu’il revient d’une blessure sérieuse au printemps 2024. Il reconstruit son engagement technique, petit à petit.En VTT, ça va très vite et la chute est toujours proche. Retrouver le bon niveau d’engagement demande du temps. Mais Joshua est sur la bonne voie.

Un mélange d’athlètes jeunes ou expérimentés, c’est ce que vous visez pour l’équipe de France ? 

Oui, clairement. On a une génération montante très prometteuse, et des leaders encore très solides. D’ici à 2028, on a une base extrêmement saine, avec des profils différents, complémentaires, et surtout motivés. C’est difficile de prédire ce que sera l’équipe dans trois ans, mais on sait qu’on a les outils pour rester au plus haut niveau. Et ça, c’est très excitant.

Équipe de France femme

On avait en France deux grandes leaders, Pauline Ferrand-Prévot et Loana Lecomte. Et derrière, c’est vrai qu’on a eu beaucoup plus de mal à créer une densité comparable. Quand on regarde la Suisse, elles sont quasiment huit dans le top 20 mondial. Nous, on n’a pas cette profondeur. On a eu la chance d’avoir Pauline avec la carrière qu’on connaît, et Loana qui a pris un peu d’avance en espoir. Aujourd’hui, les choses s’équilibrent pour elle.

Loana, justement, a eu le courage de changer beaucoup de choses après les Jeux. Elle aurait pu continuer sur sa lancée, rester dans le confort. Mais non : elle a changé d’équipe, de matériel, de coach — elle travaille désormais avec un coach anglo-saxon, avec de nouvelles méthodes.
Yvan Clolus, sélectionneur de l'équipe de France VTT

Elle a aussi perdu une référence : Pauline. Même si elle était souvent absente, Pauline prenait la lumière, l’attention médiatique, une partie de la pression. D’un coup, Loana s’est retrouvée seule. Et elle a dit : laissez-moi me préparer pour le Mondial 2025, et au-delà, pour les Jeux de 2028. C’est ce qu’elle construit. Et nous, on l’accompagne dans ce projet, validé ensemble, pour viser une médaille à Los Angeles. C’est une trajectoire qui prend du temps.

Pourtant, elle reste présente dans le top 10.

Oui, bien sûr. Sur le début de saison, elle n’était pas du tout larguée. En XCO, elle fait quatre fois 9e ou 6e sur les premières manches, avant sa chute à Val di Sole. Ce jour-là, elle était limite à ne pas prendre le départ du dimanche après une commotion le vendredi en XCC. Malgré tout ça, elle est dans sa vitesse de croisière : top 10 mondial. Et elle va chercher des coups sur les courses qu’elle aime — comme Mont-Sainte-Anne ou Les Gets.

On construit avec elle pour qu’elle soit encore plus forte en 2026, viser le titre mondial en 2027 en France, et aller chercher une médaille aux Jeux en 2028. Il faut être humble : le top 10 féminin mondial, c’est d’un niveau fou. La patronne actuelle, c’est Puck Pieterse. Elle est sur une grosse vague, mais elle aura elle aussi ses moments plus durs. Nous, avec Loana, on a un plan solide, fondé sur du long terme.

Et derrière Loana ?

On a Olivia Onesti, qui est dans une bonne dynamique. Elle a toujours eu les qualités : podiums en juniors, très active ensuite… parfois trop. Elle faisait du cyclo-cross l’hiver, de la route, du VTT… Et en parallèle, elle a passé, et obtenu, le concours de professeure des écoles, juste après le bac.

Elle enseignait encore en région parisienne l’an dernier ! Aujourd’hui, elle a obtenu un détachement de l’Éducation nationale pour se concentrer sur le VTT. Et ça se voit. Aux championnats de France, elle met deux minutes à Loana. Elle fait le doublé XCC/XCO, elle enchaîne les podiums en U23. Elle est vice-championne du monde espoir. Elle a un profil plus physique, un peu moins technique que Loana, mais on mise clairement sur elle.

Les espoirs : U23, junior…

Chez les jeunes femmes, on travaille avec un bon groupe junior : Lise Révol, Lizon Desprez, Jeanne Duterne… Ce sont des athlètes prometteuses. En VTT, il n’y a pas de place pour les équipiers ou les seconds rôles. On ne sort pas une Pauline ou une Loana chaque génération. Aucun pays ne le fait.

Derrière Olivia, s’il n’y a personne tout de suite, on ne panique pas. On sait que dans un an, deux ou trois ans, ces jeunes vont arriver. Il faut accepter ce rythme. Après Laurence Leboucher, on a attendu Pauline, puis Julie, puis Loana. C’est comme ça. Et n’oublions pas que d’autres disciplines comme la route ou le cyclo-cross attirent aussi des profils très forts. On a formé des athlètes comme Clément Berthet, Axel Zingle, Paul Magnier… mais on les a perdus au fil du temps, pour des raisons diverses, parfois économiques. Le VTT garde les meilleurs, mais ce n’est pas toujours simple.

En VTT, chaque dimanche, on met un dossard et on voit exactement où on en est. C’est parfois brutal.
Yvan Clolus, sélectionneur de l'équipe de France VTT

Et chez les jeunes hommes, où en êtes-vous ?

Pour le très haut niveau, on est sur la génération des 22-23 ans : Luca Martin, Adrien Boichis, Mathis Azzaro… Et derrière, quelques espoirs comme Alix André-Gallis, Naël Rouffiac…

Et en junior, ça pousse fort aussi : Noah Philippi, Ghibaudo, Tessier… Notre méthode reste la même : pyramide resserrée. Dès les juniors, on en garde 5 à 7 maximum, qu’on accompagne au mieux. Mais il y a les aléas de la vie, les études, les plafonds physiques, techniques ou mentaux. On essaye de leur donner toutes les chances, avec toute l’expérience accumulée ces dernières années avec nos meilleurs. Mais on reste sur un sport exigeant, sans abri possible.

Rendez-vous le dernier week-end d’août pour retrouver nos athlètes français en piste lors de la coupe du monde des Gets !

Par  Paul Humbert